Après la repentance, Hollande va-t-il faire payer à la France la non rentabilité du gaz algérien ?

I – UN PRECEDENT : MITTERRAND A ALGER EN 1981

En novembre 1981 le président Mitterrand se rendait en visite officielle à Alger, quelques mois après son élection. On apprit bien plus tard que l’Elysée avait consenti de faire payer par la France le prix du mètre-cube de gaz qui lui était vendu par l’Algérie, 27% plus cher que le cours normal du marché. Pourquoi un tel « cadeau » de la part du gouvernement français à l’Algérie ? D’aucuns dirent que ce contrat « était une étape majeure de la consolidation de ce que l’on appellera plus tard la Françalgérie, cette puissante intrication des réseaux de corruption algériens et d’une partie de l’establishment politique et économique français. » (Hocine Malti, Histoire secrète du pétrole algérien, nov 2010, page 276).

Apprendra-t-on un jour que Hollande, dans les coulisses de son numéro de repentance à Alger, nous aura fait à son tour un bon plan ?

II – LE GAZ,  CONTEXTE MONDIAL AUJOURD’HUI :

Le contexte est marqué par une forte chute des prix du GNL (Gaz Naturel Liquéfié) sur le marché international, en raison de l’excèdent de l’offre part rapport à la demande. Cette situation est due :

1. A la baisse de consommation de gaz dans les pays de l’OCDE ;

2. A  la production de gaz de schiste qui a permis aux pays comme les USA d’importer de moins en moins de gaz.

En 2008, l’exploitation des gaz non conventionnels – comme le gaz de schiste – aux Etats-Unis devient massive et provoque la quasi-fermeture du marché américain au GNL du Proche-Orient. Conséquence : chute des cours sur les marchés outre atlantique à court terme du GNL : – 50 % entre 2008 et 2010. La crise des prix bas du GNL risque de s’aggraver dans la mesure ou plusieurs pays peuvent emprunter le même chemin que les USA. 

3. A l’augmentation des capacités de production, notamment au Qatar.

Dans la seconde moitié de la dernière décennie, de gigantesques trains de liquéfaction de gaz sont construits au Qatar, à côté desquels les trains existant semblent être des nains (témoignage oculaire).  D’où spectaculaire augmentation de la production à partir de 2008. Néanmoins, cette énorme capacité de liquéfaction est sous-employée, et des installations construites spécialement pour approvisionner le marché américain sont inaugurées alors que celui-ci se ferme aux importations.

L’Australie prévoit de dépasser le niveau de production du Qatar vers 2017-2018.

III – LE GAZ  ALGERIEN  SE VEND MAL ?

Alors que l’Algérie tablait sur des exportations de l’ordre de 85 milliards de m3 pour 2011/2012, elle peine à maintenir le niveau à 60 milliards de m3.

L’Algérie a perdu récemment ses parts de marché aux USA au profit de pays plus compétitifs (Qatar, Nigeria).

Du fait de la non rentabilité et de la non compétitivité du GNL algérien sur le marché asiatique, et sauf pour des opérations spot, l’Algérie sera surpassée par les pays du Golfe, l’Australie et l’Indonésie.

En 2010, l’Europe a importé 759 Gm3 de gaz dont 54 Gm3 d’Algérie. L’Algérie voit ses parts relatives de marché passer au Qatar (36 Gm3 en 2009 puis 54 Gm3 en 2010) et aussi au Nigeria.

En Europe, toujours, l’Algérie doit affronter la concurrence de la Russie qui « casse les prix ». Lu dans la presse algérienne : « Le russe Gazprom vend une partie de son gaz aux prix du marché spot en Europe, barrant ainsi la route à l’Algérie qui le cède aux prix indexés sur ceux du pétrole. Gazprom fait ainsi concession devant ses clients européens, alors que l’Algérie facture son gaz à travers des contrats à long terme aux prix basés sur les cours du brut. Cette formule est adoptée par l’Algérie depuis plus de trente ans dans les grands contrats d’approvisionnement en gaz.

Donc, l’éventualité que les Russes poursuivent la vente de leur gaz sur le marché spot n’est pas à écarter. Un risque pèse sur les recettes algériennes attendues. »

Pour ce qui du pétrole, des spécialistes Algériens annoncent lors d’une conférence en novembre 2012, que « … L’Algérie risque de devenir importatrice de pétrole d’ici 15 ans » ; l’auteur cité ci-dessous est moins optimiste car il fait commencer l’après-pétrole dès 2008.

IV – QUAND L’ALGERIE EXPLOITE SON GAZ

Quelques extraits d’une étude algérienne de février 2012, publiée à nouveau ces jours-ci, fin décembre 2012, sous le titre « Le scandale du gaz » :

http://www.lanation.info/Le-scandale-du-gaz_a729.html

« L’absence de politique gazière : ce sont seulement des objectifs d’exportation (85 milliards de mètres par an ou 100 milliards de mètres par an ou autre message de marketing) en guise de stratégie gazière.

A côté de ce « programme d’épicier » rien n’avait été dit sur les coûts …, les profits, les parts destinées à l’industrie nationale et l’emploi de notre jeunesse qui ne demande qu’à travailler, créer une famille, être heureuse dans ce merveilleux pays au climat californien !

« Exporter le gaz, Exporter le gaz, Exporter le gaz, l’emploi, les jeunes, ce n’est pas notre problème, après tout ces jeunes ont une solution, l’exportation comme HARAGA » Ainsi naîtra un nouveau créneau, un nouveau marché après-pétrole (après 2018), l’exportation des HARAGAS !! NDR : « Haraga » : « émigré clandestin».

Pour l’exploration pétrolière, rien n’est assis sur les objectifs de coûts, de profits, de rentabilité, de maitrise technologique, rien de tout cela, mais des objectifs de 10, 20, 50, 100 puits au km2. En fait, en guise de politique pétrolière, que des objectifs de trous à forer, de trous, de trous. 
En 2020, le nouveau tableau des exportations algériennes vers l’UE pourrait être Pétrole (zéro baril), GN (gaz naturel) (40 Mds m3), Haraga (1 million), Dattes BIO séchées à l’électricité solaire SUBVENTIONNEE. »
NDR : « Haraga (1 million) » veut dire : « 1 million d’émigrés clandestins (par an) ».

Cette étude pointe du doigt certaines singularités de l’exploitation du gaz en Algérie (mais quand on connaît ce pays, cela n’a rien d’étonnant) :

Les surcoûts des usines de GNL (gaz naturel liquéfié) en construction à Skikda et Arzew :

Après l’explosion de l’usine GNL de Skikda (trains 10, 20,40) <NDR : !!!>, en 2004, le remplacement par une usine neuve était estimé entre 1 et 1,5 Mds $. Selon l’étude « Natural Gas Market Review 2008 IEA » de l’Agence Internationale de l’Energie (EIA /IAE). En juillet 2007, pour ce projet, Sonatrach a signé … un contrat d’un montant de 2,88 Mds $  pour le remplacement avec extension de l’usine qui a explosé. Les sociétés d’ingénierie avaient pu observer avec dépit les nombreuses irrégularités dans l’attribution de ce contrat (idem à Arzew). Avec l’estimation actuelle de 2,88 Mds $, le coût unitaire de l’investissement équivaut à 640 $/T, comparé à 274 $/T pour l’usine récemment achevée en Guinée Equatoriale ». « L’investissement gazier de la Guinée Equatoriale est raisonnable avec 274 $/T de capacité ».

C’était en 2008. Le coût final du projet dépassera 3 ou 4 Mds $,… sans commentaires. Que doivent penser aujourd’hui, ces experts de l’IEA/OCDE, avec des montants actuels qui dépassent l’Everest ! 
La même chose peut être dite pour l’usine de GNL d’Arzew. La même chose peut être dite pour l’usine ammoniac d’Arzew. La même chose peut être dite pour……….Etc. etc. 
PAUVRE ALGERIE !!!

Ceci est extrêmement grave, mais ce n’est rien à côté des conséquences pour les citoyens durant les 40 prochaines années. En effet, compte tenu des prix du gaz insuffisamment rémunérateurs < NDR : ???>, et compte tenu de la part de l’amortissement dans le coût du GNL, nous serons déficitaires à jamais

Bien sûr, les artifices de comptabilité permettront de sauver la face. Encore un SSA (Syndrome Spécifique Algérien).» 

 

Et encore :

« Les usines de GNL <algériennes> auto-consomment jusqu’à 20 % du GN alors que la moyenne mondiale est de 10 %, soit une perte qui correspond à la consommation de tous les ménages algériens !!

…/…

Les quantités réinjectées sont phénoménales et représentent presque la moitié du GN brut produit.

…/…

Notre dignité nous impose de ne pas songer à ce que pensent de nous (??) les ingénieurs qui avaient découvert Hassi Messaoud, (dont un Prix Nobel d’économie obtenu consécutivement aux travaux sur Hassi Messaoud après 1956). »

En cette période de repentance hollandienne, la France ne mettra-t-elle pas un peu plus la main à la poche pour compenser les aléas de l’exploitation de gaz algérien ?

Philippe Jallade