Assassinat d’Agnès Marin : des dysfonctionnements inacceptables de notre justice

Comme chacun d’entre vous, j’ai été bouleversé par cette affaire, et je partage tous les hommages rendus à Agnès, qui allait fêter ses 14 ans, et tous les soutiens à sa famille.

Il est difficile de prendre du recul devant cette tragédie. J’ai lu sur Facebook et Twitter de sincères condoléances, mais aussi des appels à la peine de mort, et même pire. Certains souhaitent une loi du talion qui consisterait à infliger au coupable présumé les mêmes sévices que ceux qu’il a commis envers sa victime. Et les jeunes adolescents ne sont pas les derniers à exiger de telles tortures, alors que souvent leurs aînés sont plus prudents.

A mon avis, là n’est pas le débat principal. L’information la plus importante, c’est que le présumé coupable, Matthieu, est tout simplement un récidiviste extrêmement dangereux, très froid et sans émotion d’après les enquêteurs.

En 2010, il avait déjà menacé et violé une autre victime, une camarade de classe, dans des conditions analogues à l’assassinat d’Agnès. Victime braquée par une arme et attachée à un arbre, qui a eu la chance d’avoir la vie sauve.

Cela a valu à Matthieu quatre mois de détention préventive, avant d’être relâché par des magistrats et des « psys » qui ont décidé qu’il ne serait plus dangereux. Contraint de résider hors de son département, il a alors été inscrit dans ce pensionnat privé collège-lycée en Haute-Loire par ses parents.

Cet établissement, fondé par des idéalistes protestants en 1938, accueille moins de 200 élèves. C’est un mélange un peu hétéroclite, entre enfants en grande difficulté, fils et filles de bonne famille, et enfants de notables africains ou expatriés. Mais son idéal international et humaniste reste intact malgré quelques ratés.

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C’est pourquoi les parents d’Agnès, suite à une crise d’adolescence, ont inscrit leur enfant dans cette école moyennant des frais d’internat de 12000 euros par an, ce qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Agnès semblait reprendre une vie normale, et partageait d’ailleurs des activités sociales comme le scoutisme avec ses amies.

Et puis le drame survint. Atroce, indicible. Un mercredi après-midi, Agnès accompagne Matthieu pour une sortie en forêt. Mais le bougre avait prémédité le pire. Il a violé son « amie », puis l’a tuée et l’a brûlée.

Rien que ce dernier détail doit nous interroger : on ne met pas facilement le feu à un corps humain, à moins d’utiliser un bûcher, de l’essence ou autres ingrédients. Or le procureur a dit que le prévenu avait préparé des « objets » aux fins de ses intentions, ce qui laisse supposer qu’il a préparé cet incendie de sa victime. La préméditation est évidente.

Et on apprend le pire, c’est-à-dire les antécédents du coupable présumé, soigneusement cachés à l’établissement et donc encore plus à ses camarades.

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Cette affaire est donc totalement surréaliste. Pourquoi la justice est-elle aussi lente ? Comment pouvait-on laisser ce jeune psychopathe fréquenter des jeunes filles collégiennes ? Comment se fait-il que les « experts » (un psychiatre et un psychologue) chargés de sa surveillance l’aient déclaré sans danger et « réinsérable » (dixit le procureur) ? Comment des magistrats n’ont-ils pas ordonné des mesures plus sévères comme par exemple, et au minimum, un internement psychiatrique ? Pourquoi la direction de l’établissement n’a-t-elle pas été prévenue de la dangerosité de l’individu ?

Dans cette affaire, les dysfonctionnements de notre justice et de ses « experts » sont patents. C’est un véritable « Outreau » à l’envers, qui doit interpeller notre conscience de citoyens.

Roger Heurtebise

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