On a bien osé critiquer la Bible !

Si je pense aujourd’hui nécessaire de replonger, l’espace d’un simple article, dans le passé de l’action féministe, c’est pour rappeler à travers un épisode de la vie d’une suffragette américaine, que des femmes au risque d’être mises à l’index de toute une société, ici et ailleurs, ont eu le courage de s’attaquer à des textes dits « sacrés »pour en dénoncer les travers.
Serons-nous moins courageuses que ces femmes-là, nous qui ne sommes plus ces mineures à vie grâce à leur combat ? N’y a-t-il plus d’autre texte « sacré » qui mérite une exégèse féministe ?
– il est toujours un moment où il faut dire l’essentiel
L’histoire se déroule à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis alors que l’une des plus grandes figures du féminisme américain, Elizabeth Cady Stanton, vient de recevoir pour ses 80 ans un hommage unanime de milliers de femmes au Métropolitain Opéra de New York.

Au soir de sa vie, faisant fi des réactions qu’elle allait produire, lasse d’avoir dû passer trop de temps de son existence de militante à porter le fer sur la question du suffrage des femmes, dont elle ne verrait d’ailleurs pas l’aboutissement de son vivant, Elizabeth Stanton, à peine deux semaines après la cérémonie, publiait un livre qui la ferait détester par celles-là même qui hier l’encensaient : « La Bible des Femmes ». Elle avait pris suffisamment de distance avec la société de son époque avec les compromissions d’ordre tactique ou personnelles pour oser dire le fond de sa pensée et s’attaquer aux racines du mal : l’idéologie du mépris des femmes véhiculée par un texte fondateur de la société américaine, la Bible.
Elizabeth Stanton, commentant son ouvrage, n’hésite pas à affirmer qu’il est conçu comme un défi direct à la doctrine religieuse selon laquelle la femme est ‘un être inférieur, sujet de l’homme’. Son introduction annonce le ton caustique et ferme : [La Bible] enseigne que la femme a apporté le pêché et la mort, qu’elle a précipité la chute de l’humanité, qu’elle fut traitée en coupable et condamnée. Le mariage pour elle devait être une condition de servitude, la maternité une période de souffrance et d’angoisse et, qu’en silence et dans la soumission, elle devait accepter de dépendre de la générosité de l’homme pour tous ses besoins matériels, et que, pour toute information qu’elle pourrait désirer sur les questions quotidiennes vitales à la maison, elle devait en référer à son mari. Voici en résumé la position de la Bible sur la femme ». Stanton, à travers une exégèse féministe rigoureuse, rejettait tout ce qui peut-être prétexte à la domination masculine dans le texte « sacré ». Deux ans plus tard, elle publiait un deuxième livre sur ce sujet.
Son amie et alliée, Susan Anthony, qui lui avait succédé à la présidence de l’association pour le suffrage des femmes, tente de retenir cette ardeur à pourfendre les religieux persuadée que cela allait diviser inutilement la coalition de femmes qu’elles avaient eu tant de mal à construire, déclarant :« Cesse de frapper pauvre vieux Saint Paul Tu dis que ‘les femmes doivent être libérées de leurs superstitions avant qu’une émancipation puisse être d’une utilité quelconque’ et je dis exactement l’inverse ; ‘que les femmes doivent être émancipées avant de pouvoir être libérées de leurs superstitions’… »

Les réactions

Comme il fallait s’y attendre, La Bible des Femmes déclencha la fureur des membres du clergé qui l’ont dénoncée comme blasphématoire, immorale, obscène. Pour ces Américains pour qui considéraient la Bible come étant la parole directe de Dieu, Stanton semblait maintenant la servante de Satan lui-même.
Naturellement, les femmes ne furent pas de reste. Dans une société qui ne leur faisait pas de cadeau, elles s’accrochaient comme des moules à au rocher de leurs certitudes quant à la protection que leur offrait la la religion en décalage.Témoin ce dialogue avec une délégation de femmes juives venue rendre visite à Stanton espérant lui faire comprendre que la religion juive exaltait la valeur des femmes en tant qu’épouses et mères. :
-« Si cela était vrai, répliqua Stanton, pourquoi les services religieux orthodoxes commencent-ils chaque semaine avec les paroles : Je te remercie, oh Seigneur, de me pas m’avoir fait naître femme » ?
– « Il s’agit d’une extrapolation relativement récente, ont rétorqué ses visiteuses ; en tout cas, le but de la prière n’est pas d’insulter ou d’humilier qui que ce soit.
– « Mais c’est le cas !, a souligné Stanton, ajoutant, supposons que le service dise : ‘je te remercie, oh Seigneur, de ne pas m’avoir fait naître âne’, aurait-on pu en triturer le sens de cette phrase de telle sorte qu’on l’interprète comprenne comme un compliment vis-à-vis de l’âne ? Eh, non, mesdames, les Juifs ne nous accordent pas plus d’honneur que les autres».

Le lynchage

Lors de la Conférence annuelle de l’Association Nationale pour le Vote des Américaines à Washington, une résolution fut proposée qui avait pour objet de signifier que l’association prenait ses distances avec les positions de Stanton.
Susan Anthony, l’alliée de toujours de Stanton juste avant le vote, voulu défendre sa vieille amie une dernière fois : « Cette résolution…sera un vote de censure contre une femme qui est sans égale pour sa capacité intellectuelle et sa capacité de dirigeante politique, une femme qui a été pendant un demi-siècle « la » dirigeante reconnue de la pensée progressiste… Je serais peinée au-delà de toute expression si les déléguées… étaient assez étroites et antilibérales pour adopter cette résolution ».
Le vote claqua comme une condamnation. Les déléguées votèrent 53 contre 41 officiellement pour se séparer de la femme qui avait lancé leur mouvement.
Stanton était blessée et en colère. « Pour autant que je désire le suffrage, » a-t-elle écrit, « je préférerais ne jamais voter plutôt que de voir la politique de notre gouvernement à la merci de la bigoterie religieuse de telles femmes ».
Annie Sugier
Avec l’aide de la traduction faite par Bernice Dubois du livre « Not for ourselves alone, the story of Elizabeth Cady Stanton and Susan B. Antony » par Geoffrey C.Ward and Ken Burns paru en 1999 , Ed. Alfred A.Knopf, New York




Chère Caroline Fourest, Prochoix n'a-t-il pas mieux à faire que de mépriser "des anciennes du MLF" ?

Chère Caroline Fourest,
Nous sommes étonnées et blessées que tu aies laissé publier l’article de C. Brancher sur Riposte laique, dans Prochoix de juin. Il est plein d’inexactitudes sur notre revue, violent et de mauvaise foi. Que tu aies été exaspérée par les attaques dont tu es l’objet dans la revue, nous pouvons le comprendre. Nous ne partageons pas cette approche polémique.
Mais sache que RL est un ensemble de personnes libres, venues d’horizon divers, parfois en désaccord, mais soucieuses de mettre en commun ce qui les réunit. A savoir le refus catégorique de voir se répandre en France des coutumes et des pratiques qui bafouent les principes de notre république. Oui, nous pensons que l’islam est resté figé sur des dogmes remontant au VIIIe siècle, qu’il n’a pas fait son aggiornamiento, et que faute de savoir progresser, il tente d’imposer ses credos urbi et orbi. Et que l’islamisme n’en est qu’une dérive prévisible. Nous pensons que tout un secteur de la gauche s’est, elle aussi, figée dans une bien pensance dangereuse qui fait le lit de ce terrorisme vert. Cette « gauche » mondaine et frileuse refuse de réajuster ses dogmes à la lumière de la réalité présente.

Nous sommes consternées de lire que « des anciennes du MLF sont instrumentalisées par RL ». Quel mépris ! Nous crois tu assez influençables pour nous laisser dicter nos opinions ? Penses tu un seul instant que cette poignée de féministes qui a eu le courage de secouer le cocotier patriarcal, il y a quarante ans , puisse céder à une quelconque manipulation ?
Nous en avons vraiment assez de voir colporter des ragots sur cette revue à laquelle nous collaborons avec conviction. Nous n’avons rien à voir avec l’extrême droite et tu le sais bien. Sache le , RL est pour nous un des seuls lieux où la pensée, la vraie, celle qui prend des risques et délaisse le politiquement correct, peut se donner libre cours. Quel bonheur d’avoir toute latitude de penser, oui, d’oser penser. Avec le risque de déranger et déplaire.
Nous aimerions que cette réponse à l’article cité, qui a profondèment choqué les membres de RL, soit publiée dans le prochain Prochoix, en vertu d’un élémentaire droit de réponse.
N’y a-t-il pas de cible plus appropriée que de s’acharner sur un media, dont tu partages la plupart des analyses ?
Avec nos sentiments amicaux,
Alice Braitberg, Annie Sugier, Anne Zelensky




Le sport a-t-il un sexe ?

Face aux prouesses de « Lightning Bolt », les médias et les athlètes se félicitent d’avoir pu assister de leur vivant à l’envol d’un pareil phénomène. Les qualificatifs sont impuissants à rendre compte de l’admiration qu’il suscite : « la légende Bolt », « le prodige Bolt », « celui qui a marqué à jamais l’athlétisme », « un ouragan », « un phénomène aux compas de géant emmenant un braquet jamais vu dans l’histoire de l’athlétisme »… Sous le titre « l’encombrant M.Bolt », l’Equipe note que « De Green à Bailey, de Pérec à Johnson, ils sont unanimes : l’extraterrestre n’a pas de rival ».
Toute autre est la tonalité des réactions face aux performances de la Sud-Africaine Caster Semenya. Les commentaires passent très vite de l’admiration – (elle a « assommé la concurrence ») à la suspicion : et si c’était un homme ? Sa voix, son corps, ses poils, tout y passe, y compris son style de course qui serait masculin. A l’exception notable de l’Anglaise Jennifer Meadows, l’une des dauphines de la jeune Sud-Africaine lors du 800 mètres, les autres concurrentes interviewées n’hésitent pas à alimenter les rumeurs. Ainsi, l’Italienne Elisa Cusma, 6e dans la course, s’emporte avec virulence déclarant « On ne devrait pas laisser ce genre de personne courir avec nous ».
Bref, « l’invraisemblable gamine de 18 ans (qui) a plané, mercredi 19 août sur la piste bleue des Mondiaux de Berlin », comme l’a décrit Le Monde, sera donc soumise à des tests de féminité. Que peuvent signifier les tests de féminité auxquels va être soumise la jeune Sud-Africaine dès lors qu’ils sont le résultat d’un processus complexe mélangeant biologie, génétique, mais aussi psychologie et endocrinologie ? Quel est le bon équilibre qui définit immanquablement l’appartenance à un sexe ou à l’autre ?
Avec cette affaire douloureuse, nous voilà revenus aux temps que l’on croyait oubliés où le sport pour les femmes faisait peur car il risquait de « viriliser » leur corps. Pour séduire les foules – donc les sponsors – le sport doit-il accuser les stéréotypes ou les dépasser ? Prises dans la tourmente, les femmes elles-mêmes se trahissent, d’abord en rejetant celles qui risqueraient d’éclabousser l’image qu’elles s’efforcent de construire (« sportive et féminine »). Ensuite en jouant sur cette image pour attirer les médias. L’exemple le plus récent étant les Bleues – et oui les footballeuses – qui pour faire connaître l’existence de leur équipe ont cru bon de jouer la carte glamour. Quatre d’entre elles, d’une beauté époustouflante, ont posé nues espérant ainsi qu’on viendrait les voir jouer. Peine perdue, note Le Parisien, « les Bleues devront trouver d’autres arguments ».
Il fallait casser les clichés, disent-elles. Ne les ont-elles pas plutôt renforcées ?
Le sport est censé apprendre le respect des autres, n’est-il pas devenu une immense machine à produire de la ségrégation ? Ségrégation entre garçons et filles, ségrégation entre valides et handicapés ? Ségrégation entre riches et pauvres ? Il est aujourd’hui de notre devoir de protéger les droits fondamentaux de Caster Semenya qui ne sont pas inférieurs à ceux d’Usain Bolt mais aussi de veiller à l’éthique du sport. Pour ce faire ne confondons pas contrôle anti-dopage et test de féminité lié au délit de faciès ! Expliquons à nos jeunes sportives que le droit les protège de toutes humiliations et autres propos sexistes et que l’enjeu pour elles doit rester une pratique du sport saine sans prises d’hormones mâles.
Rappelons également que la pratique intensive du sport peut provoquer chez la femme des modifications hormonales importantes et chez l’homme, parfois, une caricature de la virilité. Le problème est complexe, même les scientifiques se contredisent, alors ne nous laissons pas aller à la vulgarisation des sentiments si fréquents dans notre société moderne.
Le cas Caster Semenya doit servir d’exemple pour prouver encore une fois que les femmes ont des droits fondamentaux identiques à ceux des hommes.
Pour cela condamnons fermement le jugement facile et la calomnie sur l’apparence physique, l’identité, l’absence de grâce et autres pratiques sexuelles assimilable à des actes de racisme, condamnables cette fois ! Certes, Caster Semenya ne correspond pas aux canons habituels de l’athlétisme féminin. Certes ses performances sont impressionnantes, mais celles d’ Usain Bolt ne le sont-elles pas ? Oserait-on remettre en cause les performances d’un sauteur efféminé dont la légèreté et la grâce lui permettrait de repousser les limites de la performance ? Le soumettrait-on à un test de masculinité ?
La vérification de l’identité sexuelle est très incertaine mais surtout elle peut être très humiliante, voir indigne et laisser des séquelles irréparables. Elle n’a pas non plus fait ses preuves dans la détection de tricheur à la différence des tests anti-dopage ! Elle a même été stoppée lors de la Conférence mondiale du CIO sur les femmes et la santé en 1996, alors ne faisons pas marche arrière. Soumettons Caster Semenya à des analyses et des contrôles médicaux renforcés liés à la prise de produits dopants comme tous les autres athlètes.
Annie Sugier
Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes et
Julian Jappert
Directeur du Think Tank Sport et Citoyenneté




Le féminisme ennemi des mollahs

« Nous n’avons pas répondu comme nous aurions dû le faire à des propagandes adverses telles que la propagande féministe. Nos efforts dans ce domaine n’ont pas eu d’influence suffisante, qu’elle soit quantitative ou qualitative ». Cet aveu du Leader de la Révolution Islamique, Ayatollah Sayed Ali Khamenei, est contenu dans un court message annonçant la deuxième conférence internationale sur les femmes qui doit se tenir à Téhéran au cours de la deuxième quinzaine de juin.
Ces quelques lignes m’ont remplie d’aise. Dans le programme diffusé tous azimuts par les ambassades d’Iran, les rédacteurs affirment sans vergogne que « tandis que l’Occident a dépeint une vision indécente et instrumentalisée des femmes et a formé et soutenu des mouvements supposés défendre les droits des femmes, les pays Islamiques ont fait des efforts pour restaurer les droits inhérents et la véritable dignité des femmes ».
Nul doute que l’attribution en 2009 de la deuxième édition du prix Simone-de-Beauvoir au mouvement de femmes iraniennes « One Million Signatures » a joué un rôle de déclencheur dans ces prises de position. Il faut savoir que “One Millions Signatures” s’est constitué afin de faire pression sur les dirigeants iraniens pour qu’ils mettent en cohérence les lois internes – discriminatoires à l’égard des femmes – avec les conventions internationales. Cela explique sans doute que les organisateurs de la conférence veuillent examiner « la façon dont le féminisme s’est propagé en Iran ».
Preuve du sérieux avec lequel Téhéran prend en considération la question, toute une partie de la conférence portera sur l’analyse du Féminisme, avec notamment « l’évaluation de son influence sur les enfants et particulièrement les garçons » ; « les tactiques utilisées par le mouvement féministe pour influencer les médias » ; « le rôle de Hollywood dans l’expansion du féminisme » « l’influence de la globalisation sur le féminisme » , et – il fallait s’y attendre « le rôle du Sionisme dans la création, le développement et la propagation du féminisme » !
On notera que, lors de cette conférence, il sera procédé à l’ « analyse des mérites de la Charte des droits et responsabilités des femmes dans la République Islamique d’Iran comparée à la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes ( CEDAW) » !
La stratégie de l’Iran est transparente. Les Nations-Unies s’apprêtent à fêter en décembre 2009 le trentième anniversaire du vote du CEDAW, texte dont le contenu constitue l’outil le mieux adapté à l’action internationale contre les discrimination et violences faites aux femmes. Grâce aux résolutions de la prochaine conférence de Téhéran, l’Iran, sur sa lancée de Durban II, proposera aux Nations-Unies un nouveau texte sur le droit des femmes répondant aux exigences de la loi religieuse. Comme un seul homme, les pays de droit musulman, mêmes les plus modérés, qui ont tous déjà émis des réserves sur le CEDAW, vont se ranger sous la bannière de l’Iran.
Pour ceux qui n’auraient pas entendu parler des plus récente exécutions de femmes en Iran, ou encore des multiples arrestations ou bastonnades de femmes mal voilées ou de féministes, tout ceux qui voudraient savoir quelles sont les résolutions que les mollahs se proposent de souffler aux participants à la conférence de Téhéran, la réponse est déjà affichée dans le programme. Il s’agit de rédiger un : « document sur la promotion de la modestie et du hijab à une échelle mondiale »,dès la plus tendre enfance,(« droit pour les femmes dans le monde de porter un costume islamique ») .Qui a dit que le voile n’était qu’un morceau de tissu ?
La lettre annonçant la conférence de Téhéran démontre au moins que nous sommes identifiées comme l’ennemi principal par le régime des mollahs. Ils ne se trompent pas. Et c’est pour nous féministes d’ici et d’ailleurs, surtout d’Iran, une source de fierté.
Annie Sugier
Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes
Paru dans Libération du 10 juin




La France doit se retirer de « Durban 2 »

Il est des moments dans l’histoire où il faut savoir dire « non ».
Cette porte qui claque est sans doute le seul message clair susceptible d’être entendu par des dictatures qui se sont donné comme objectif de remettre en cause l’un des plus grands acquis de l’humanité de ces dernières décennies, la Déclaration universelle des droits de l’homme mais aussi la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes.
La place des religions dans la société, le droit ou non de les critiquer, le multiculturalisme sont au cœur du texte préparatoire à la conférence de Genève, comme ils le sont dans celui de Durban 1 qui constitue la référence non amendée de Duban 2. L’impact des ces notions sur le droit des femmes est sans doute l’un indicateurs les plus révélateurs de ce qui est en train de se jouer.
Qui aura oublié que le but même des droits universels est de dépasser les différences religieuses ou culturelles pour identifier les conditions u-ni-ve-ver-selles de la dignité humaine ?

Qui peut nier que la ségrégation entre les hommes et les femmes au détriment des femmes, la stigmatisation du corps des femmes, le refus de la maitrise par les femmes de leur fécondité, leur exclusion partielle ou totale de la sphère publique, trouve ses justifications dans les textes et les pratiques, y compris actuelles, des grandes religions ?
Depuis 1983 la ligue du droit international des femmes (http://www.ldif.asso.fr ), dont la fondatrice et première présidente fût Simone de Beauvoir, a régulièrement dénoncé la manière dont les droits humains universels des femmes ont été remis en question au nom des religions et du multiculturalisme. Aujourd’hui se produit un phénomène plus nouveau, le détournement de certaines revendications des organisations féministes pour mieux faire taire les aspirations émancipatrices et universalistes des femmes. Ainsi l’application des la charia est préconisée pour venir à bout de pratiques traditionnelles telles que les mutilations sexuelles, ou pour endiguer les violences conjugales, quant à la prostitution et la traite des femmes elles seraient censées disparaître si la polygamie était maintenue et que les femmes retrouvaient leur fonction maternelle dans la société. Même la parité et l’éducation des filles sont affirmés comme étant des objectifs portés par la Charia.
Face a ces allégations la meilleure réponse consiste à rappeler les classements internationaux des différents pays de la planète en en termes de droits des femmes. S’agissant des pays qui pratiquent la charia, ces classements témoignent de l’absence des droits les plus élémentaires accordés aux femmes …
En 2001, lors de la Conférence contre le racisme à Durban, les organisations de femmes qui auraient dû pouvoir s’exprimer librement au cours de la Conférence des ONG, furent en fait muselées. Au niveau des Etats, ce fût pire encore, la République islamique d’Iran proposait tout simplement que le mot « femme » soit supprimé de l’ensemble du texte gouvernemental. Dans la foulée, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, le Sultanat d’Oman, le Qatar et le Koweït, se démarquaient des libellés et concepts contraires à la charia islamique. Quant à certaines démocraties, elles avaient déjà capitulé en reconnaissant la religion comme « valeur intrinsèque des êtres humains », qui « peut aider à promouvoir la dignité » et « éliminer le racisme ».
Pour l’Organisation de la conférence islamique qui tient la dragée haute dans les instances internationales (et qui est représentée par le Pakistan au Conseil des droits de l’homme), les femmes doivent être valorisées, protégées et respectées, mais la sexualité hors mariage pénalisée et l’avortement considéré comme une « exécution extrajudiciaire ». Pour les nouveaux chantres des droits humains, si les femmes sont exploitées sexuellement, la faute en revient aux féministes occidentales qui ont favorisé la transformation des femmes en objets sexuels et tout ce qui s’en suit : pornographie, viol, prostitution, lesbianisme.
La conférence « Durban 2 » – dont le comité préparatoire est présidé par la Libye avec comme vice présidence notamment l’Iran – ne fera qu’entériner ces régressions idéologiques à l’œuvre depuis sept ans, qui se sont encore aggravées lors des négociations sur le texte de la Conférence.
Force est de constater qu’aujourd’hui la musique entonnée il y a trente ans par la révolution islamique d’Iran donne le « la » dans les discussions internationales et que les droits des femmes sont instrumentalisés pour enterrer l’universalité de leurs droits.
La France ne doit pas cautionner la mise en avant des religions et l’attaque de la liberté d’expression dont les femmes, jadis comme aujourd’hui, sont toujours les premières victimes. Le Président Sarkozy a affirmé lors de son discours d’investiture le 6 mai 2007, que la France n’abandonnerait pas les femmes opprimées dans le monde.
L’année 2008 a été marquée par les célébrations du centième anniversaire de Simone de Beauvoir, et par le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’année 2009 devrait être marquée par une autre célébration symbolique, celle du trentième anniversaire de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes (CEDAW). N’acceptons pas qu’elle soit en fait l’année de l’enterrement des droits universels des femmes.
La présidente de la Ligue du Droit internationale des femmes
Annie Sugier
Intervention au colloque de la Licra, le 7 avril




Une fiction qui rejoint le procès des assassins de Sohane

Il y a dans ce film une étrange alchimie entre le sujet traité qui nous touche tous, ce que l’on sait d’Isabelle Adjani et l’irruption à travers une arme à feu qui tombe sur le sol, d’une façon radicale d’en finir avec la stupidité.
Jusqu’au bout je suis restée en haleine sans jamais deviner la scène qui allait suivre, éblouie par le jeu d’Isabelle Adjani avec le souhait secret de trouver dans ce regard bleu, éperdu de souffrance et d’épuisement, le dénouement que je sentais dramatique
Les images me touchaient si douloureusement que soudain j’ai eu l’impression d’être transportée ailleurs, quelques années auparavant, dans la salle d’audience de la Cour d’Assise du Tribunal de Créteil, aux côtés de la famille de Sohane, avec, en face de moi de l’autre côté de la salle, « Nono » l’assassin et auprès de lui son complice, celui qui avait tenu la porte du local où elle était enfermée.

Les amis de Nono, les grands frères, se succédaient à la barre refusant de rompre le pacte de solidarité qui les liait à celui qui un jour, parce qu’il avait perdu la face pour une simple querelle de territoire, décida de « faire un truc de ouf » afin de punir celle qui lui tenait tête et osait passer outre son interdiction de pénétrer dans « sa » cité. Devant les deux copines de Sohane, « convoquées » pour la circonstance, dans un sordide local à poubelles, il allait leur faire comprendre qui était le chef.
Tous avaient vue Sohane jaillir du local transformée en torche vivante « comme un parachute blanc » dira un témoin, avant de s’effondrer sur la pelouse et mourir deux heures plus tard. Mais jusqu’au bout, les amis de Nono, choisiront la complicité plutôt que l’intelligence et la compassion. Bardés dans leurs certitudes de « mecs » pour qui une fille qui « sort » n’est qu’une pute.
Il est un moment du film où le regard d’Isabelle Adjani se confond pour moi avec celui de la présidente du Tribunal. C’est lorsque, ayant ces garçons sous on autorité, elle – la juge- ou elle – la prof – a enfin le pouvoir de les pousser dans leurs derniers retranchements, dans leurs contradictions, pour leur faire avouer que ce qu’ils se permettent de faire ils le refusent aux filles. C’est le moment où elle veut leur faire avouer à quel point ce qu’ils appellent « le respect » n’est qu’un système à broyer les filles.
Et ces filles que l’on pouvait croire soumises, les copines de Sohane, seront les premières qui le soir même de la mort de Sohane, oseront témoigner spontanément auprès de la police. Elles qui vivent encore dans la cité désormais maudite, la cité Balzac, ces filles qui ont vu leur amie maltraitée, frappée, insultée, tomber à genoux, avant d’être aspergée d’essence par celui qui deviendra son bourreau, et qui l’ont vu brûler vive. Ces filles devant la Cour d’Assise, ressemblent à s’y méprendre à l’élève qui dans le film soudain ramasse le pistolet et le pointe sur les garçons pour venir au secours de sa professeure !
Comme dans le film, la violence qui se déchaine contre la professeure à terre, devient épreuve de vérité pour les filles. Trop d’humiliations soudain reviennent à la surface avec d’un côté ceux qui ne veulent pas comprendre – les garçons- et de l’autre celles qui vivent intensément ce moment de lucidité – les filles.
Au procès, l’une des copines de Sohane, Mounia, les cheveux frisés, le corps élancé s’appuyant contre la barre des témoins, le regard planté vers la présidente, déclare avoir vu des larmes dans les yeux du complice, le lendemain de la tragédie, lorsqu’ils se sont parlé. Mais celui-ci, refuse cette main tendue, se lève comme un ressort dans le box des accusés et dit « non, je n’ai pas pleuré ! ». Mounia tourne son visage vers lui et lui jette au visage « C’est vrai, j’avais oublié ! Toi tu es un mec un vrai, tu ne pleure pas hein ?! »
Et puis il y a le père, celui de Sohane, comme celui de la professeure de « la journée de la jupe ». Dans la salle de la Cour d’Assise il était assis devant moi. Il vivait minute après minute la tragédie d’un procès, droit sur son siège, ce père, ancien éboueur, illettré, qui a voulu donner la chance qu’il n’a pas eue à ses enfants, qui ne croit pas au remords de l’assassin et dit « non, pardonner, non, je ne le peux pas. Mais je demande à Dieu qu’il vous donne la force de supporter la prison».
La leçon du film tient dans un symbole : celui de l’arme qui passe du camp des garçons dans celui de la professeure et des filles, et alors seulement se produit un signe de tendresse, lorsqu’ d’Isabelle Adjani dit à ses élèves, en parlant de leurs parents, qu’ils se sont sacrifiés pour eux, qu’ils sont venus d’ailleurs, de si loin, au prix de tant de souffrance, et que leur seule chance à eux leurs enfants, c’est l’école.
Mais la tendresse n’est possible que lorsque l’on a repris l’autorité.
Annie Sugier




Durban II contre les femmes

On oublie trop souvent les grandes manœuvres internationales dont les femmes font les frais au nom du retour en force de la religion et du respect de la diversité culturelle. Un moment fort dont les Nations unies ont le secret sera Durban II. A l’image de ce qui s’est passé à la réunion de 2001, le fait religieux – principalement islamique – sera présenté comme la solution à tous les conflits sociétaux et internationaux. La France doit se retirer de la conférence Durban II, il en va de la démocratie et de l’avenir des femmes.
Depuis 1983, la Ligue du droit international des femmes, dont la fondatrice fut Simone de Beauvoir, a régulièrement dénoncé la manière dont les droits humains universels des femmes ont été remis en question au nom du multiculturalisme et du respect des religions et des civilisations. Elle constate un phénomène plus nouveau, le détournement de certaines revendications des organisations féministes, y compris au sein des institutions internationales, pour mieux faire taire les aspirations émancipatrices et universalistes des femmes.

Ainsi l’application de la charia est préconisée pour venir à bout de pratiques traditionnelles telles que les mutilations sexuelles, ou pour endiguer les violences conjugales. Quant à la prostitution et la traite des femmes, elles seraient censées disparaître si la polygamie était maintenue et que les femmes retrouvaient leur fonction maternelle dans la société. Même la parité et l’éducation des filles sont affirmées comme étant des objectifs portés par la charia.
En 2001, lors de la Conférence contre le racisme à Durban, les organisations de femmes, qui auraient dû pouvoir s’exprimer librement au cours de la conférence des ONG qui se tenait en marge des négociations gouvernementales, furent en fait muselées. Au niveau des Etats, ce fut pire encore, la République islamique d’Iran proposait tout simplement que le mot «femme» soit supprimé de l’ensemble du texte gouvernemental. Dans la foulée, les Emirats arabes unis, le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, le sultanat d’Oman, le Qatar et le Koweït se démarquaient des libellés et des concepts contraires à la charia islamique. Quant à certaines démocraties, elles avaient déjà capitulé en reconnaissant la religion comme «valeur intrinsèque des êtres humains», qui «peut aider à promouvoir la dignité» et «éliminer le racisme».
Pour l’Organisation de la conférence islamique qui tient la dragée haute dans les instances internationales (et qui est représentée par le Pakistan au Conseil des droits de l’homme), les femmes doivent être valorisées, protégées et respectées, mais la sexualité hors mariage pénalisée et l’avortement considéré comme une «exécution extrajudiciaire». Pour les nouveaux chantres des droits humains, si les femmes sont exploitées sexuellement, la faute en revient aux féministes occidentales qui ont favorisé la transformation des femmes en objets sexuels et tout ce qui s’ensuit : pornographie, viol, prostitution, lesbianisme.
La conférence Durban II – dont le comité préparatoire est présidé par la Libye avec comme vice-présidence notamment l’Iran – ne fera qu’entériner ces régressions idéologiques à l’œuvre depuis sept ans, qui se sont encore aggravées lors des négociations sur le texte de la Conférence. Le président Sarkozy a affirmé, lors de son discours d’investiture le 6 mai 2007, que la France n’abandonnerait pas les femmes opprimées dans le monde. La France ne doit pas cautionner la mise en avant des religions et l’attaque de la liberté d’expression dont les femmes sont toujours les premières victimes.
Annie Sugier
Présidente de la Ligue du droit international des femmes
Coauteur de : les Dessous du voile, 1989-2009, vingt ans d’offensive islamique contre la République laïque (éd. Ripostes).
LDIF : http://www.ldif.asso.fr




L'Eglise du Brésil n'est pas mieux que les autres

L’affaire qui défraye aujourd’hui la chronique est tellement caricaturale qu’on ne pourrait mieux rêver pour déconsidérer une institution, en l’occurrence l’Eglise du Brésil… et le Vatican. Mais de ce côté-là c’est déjà fait. On vient à peine de se remettre de l’épisode de la réintégration de l’évêque négationniste Williamson ou encore des propos scandaleux à l’encontre d’un père italien qui avait réussi à obtenir le droit de faire cesser le calvaire d’un coma de plus d’une décennie dans lequel était plongée sa fille.
Bref, seuls les naïfs peuvent encore s’étonner du « conservatisme » de l’institution en question.
Tout commence par une sordide histoire d’inceste. La victime, une fillette de 9 ans, la petite Franzina, violée par son beau-père se retrouve enceinte de jumeaux. Pas besoin de réfléchir plus avant pour en conclure que la seule solution était l’interruption de cette grossesse imposée, contre nature et qui plus est dangereuse pour la santé de la fillette. La loi brésilienne, du fait de l’opposition constante de l’Eglise contre toute libéralisation de l’avortement, ne prévoit la possibilité d’interrompre la grossesse que dans cas très limités. Or, sans la moindre ambigüité, Franzina entrait dans ce créneau étroit. Le directeur de la maternité où l’opération a été réalisée souligne d’ailleurs que la vie de la fillette était en danger. Et chacun d’insister sur le petit gabarit de Franzina : 33kg et 1m35.
Là-dessus, l’archevêque de Recife s’insurge et n’hésite pas à excommunier la mère de la fillette et toute l’équipe médicale, considérant que quand une loi s’oppose à celle de Dieu, il ne faut pas l’appliquer.

Décidément, elle est belle l’Eglise du plus grand pays catholique du monde, celle-là même qui a la réputation d’être la voix des pauvres, qui a accueilli les alter-modialistes, qui fait entendre ses cris d’indignation dans les instances internationales pour plus de justice pour les pays émergents, mais qui croit encore que les femmes sont là juste pour souffrir et procréer.
Qu’attend donc le président Lula, pour passer outre cette opposition qui montre son vrai visage sur ce type de drame, et enfin dépénaliser l’avortement au Brésil ? Comme les musulmans qui commencent pas affirmer « je suis musulman mais pas intégriste », le président Lulla montre d’abord patte blanche : « déplorant profondément en tant que chrétien et catholique qu’un évêque de l’Eglise catholique ait un comportement aussi conservateur » et ajoutant « Le corps médical a fait ce qui devait être fait, sauver une enfant de 9 ans ».
Mais non, monsieur le président, ce n’est pas juste un évêque qui dérape, c’est toute l’Eglise qui confirme sa doctrine ! Prenez connaissance de la réaction du cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques, qui a soutenu depuis Rome, la décision de l’évêque de Recife en déclarant « C’est un triste cas, mais le vrai problème est que les jumeaux conçus étaient deux personnes innocentes, qui avaient le droit de vivre et qui ne pouvaient être supprimés » ajoutant qu’il faut « toujours protéger la vie ».
Comme nous sommes en pleine période de célébration de la journée internationale de la femme, il fait bon lire la prose des uns et des autres sur ce sujet à la lumière de cette réalité des Eglises ou des religions, nommez-les comme vous voudrez, qui sont construites sur la séparation des sexes et le mépris ou la peur des femmes et qui ne sauront jamais évoluer.
Ainsi, je n’ai pas résisté à la tentation d’acheter le « Pèlerin » du 5 mars qui affichait un titre alléchant « l’Eglise est-elle misogyne ? ».
Je dois avouer que je ne l’ai pas encore ouvert mais que j’ai déjà la réponse : OUI !
Annie Sugier




L'Art contre l'islamisme

Au détour d’un page de l’Express du 26 février je suis tombée en arrêt devant une photo.
Avant même d’avoir eu le temps d’en lire la légende, l’image m’a sauté à la figure avec la force d’une grenade dégoupillée.
Dans un ordre parfait, tels ces soldats d’argile du tombeau d’un lointain empereur chinois, ce sont ici des dizaines de silhouettes qui sont accroupies à même le sol, le corps totalement emmailloté dans une sorte de linceul en feuille d’aluminium qui contraste avec leurs visages noirs légèrement penchés en avant et sur le côté.
Il y a dans cette posture une sorte de soumission déchirante. Comme si on avait demandé à des fous en camisole de force de s’asseoir tous ensemble, en rang d’oignons et de regarder le sol devant eux.
Ce sont des femmes, j’en suis sûre. Des femmes voilées sans aucun doute. Mais pourquoi ces visages noirs ?
« L’Orient lève le voile », l’article est signé Annick Colonna-Césari. La journaliste commente deux expositions qui se déroulent l’une à Londres et l’autre à Paris, présentant des « artistes du Moyen Orient » (en fait ils sont aussi d’ailleurs) dont les œuvres « frappent par leur audace et leur impertinence ».
Kader Attia, c’est le nom de l’artiste qui a réalisé l’ « installation » qui a capté mon attention. « Installation », en effet, car il s’agit d’une suite de personnages qu’il a fallu installer dans une salle de la galerie où se tient l’exposition. Intitulée Fantôme, cette œuvre, écrit la journaliste, est l’ « une des pièces les plus percutantes » présentée à Londres dans la Saatchi Gallery: « des dizaines de musulmanes en prière sont agenouillées, indifférenciées, méconnaissables, toutes vêtues du même « costume » de feuilles d’aluminium (un matériau domestique). A les regarder de plus prés, elles n’ont pas d’existence : le vide leur tient lieu de visage » !
Comment avons-nous pu passer à côté de cette artiste dont on nous dit qu’elle est – mais non, je lis mal, c’est un homme, c’est mon inconscient qui a fourché…- il est d’origine algérienne, né à Dugny, en Seine Saint-Denis, il n’a jamais quitté la France. « Il a 39 ans, est un habitué des manifestations internationales. Souvent ses installations qui questionnent le quotidien, suscitent la polémique ».
Mais il y a aussi Shadi Ghadirian, une artiste iranienne de 35 ans qui présente la condition des femmes sous le titre « Like Everyday ». Cette fois-ci je ne me trompe pas c’est bien une femme. En quelques photos elle résume la condition des femmes iraniennes, buste et tête enveloppés dans une burka qui change seulement de couleur, le visage, supposé être encore visible, est en fait remplacé par un fer à repasser, un gant de cuisine en caoutchouc jaune, une poêle à frire…
Autre artiste mis en exergue dans cet article de l’Express : Ahamd Morshedloo. Celui-ci dépeint une scène de la vie quotidienne. Trois silhouettes d’hommes et trois silhouettes de femmes occupent l’espace, ensemble mais séparées, les regards vides qui ne se croisent pas, une immense impression de mort se dégage de cette œuvre. Avec, « au premier plan, note la journaliste, une chaine symbole de l’oppression ». Image saisissante d’un pays chaud où, sous un soleil de plomb qui écrase les corps épuisés, les hommes peuvent arborer des tenues décontractées – torse nu ou pyjamas légers y compris dans l’espace public – alors que les femmes sont en tchador noir, un bout de visage à peine visible, des plis amers déformant leur bouche.
Ahamd Morshedloo qui a 36 ans vit à Téhéran.
Il y a aussi Ramin Haerizadeh, né en 1975 à Téhéran qui « se moque des religieux barbus qui oppriment les femmes ». Ou encore Shririn Fakhim, autre artiste iranienne, née en 1973 « qui s’attaque à un sujet méconnu et tabou à la fois En effet, selon une enquête, 100.000 prostituées officieraient quotidiennement à Téhéran. Surprenant dans une république islamique qui porte si haut la « vertu » et la « morale » ».
Qu’il y ait en même temps deux galeristes de réputation internationale, l’un à Londres : Charles Saatchi, l’autre à Paris : Thaddaeus Ropac, qui pratiquement en même temps, présentent de telles œuvres est un signe qu’il ne faut pas négliger. Des foires de l’art se font jour au Moyen Orient. Le marché se réveille, des galeries d’art s’ouvrent un peu partout dans las pays du Golfe, « l’esquisse d’un nouveau marché ? » s’interroge Annick Colonna-Césari.
La vérité va-telle sortir de l’imaginaire des artistes ? Le marketing des œuvres d’art va-t-il réussir là où le discours politique peine à trouver les mots pour dire l’évidence ?
L’évidence c’est que la ségrégation entre les hommes et les femmes conduit à la mort lente d’une société. Et que les artistes ne peuvent pas ne pas le ressentir.
Il faut espérer que l’argent n’achètera pas un jour leurs consciences.
Annie Sugier
Pour en savoir plus :
L’Express du 26 février 2009 pages 94 à 96
Voir les expositions:
– Unveiled, New Art from the Middle East, Saatchi Gallery, Londres. Jusqu’au 6 mai.
– 17 Artists from Iran, galerie Thaddaeus Ropac, Paris IIIème jusqu’au 27 mars.




Penser le Coran ?

Je viens de lire avec un peu de retard, la critique de “penser le Coran” parue dans libé du 7-8 février. Ce que j’ai trouvé intéressant c’est la mise en évidence, comme le fait régulièrement Pascal Hilout, l’un des collaborateurs de RL, du problème particulier que pose l’islam et non pas seulement l’islamisme.
A la question des journalistes : “En quoi le Coran est-il différent de la Bible, du Talmud, des Evangiles ?” l’auteur du livre Mahmoud Hussein (en fait il s’agit d’un pseudonyme commun de Bahgat Elnadi et Adel Rifaat) répond : “les livres divins qui ont précédé le Coran expriment la parole de Dieu telle que l’ont rapportée les prophètes dans leurs propres termes. Le Coran se présente comme la parole même de Dieu, révélée à Muhammad et à laquelle ce dernier n’ajoute ni ne retranche rien” et d’ajouter ” Muhammad ne la confondait jamais avec sa pensée à lui. Il n’a cessé de le répéter aux siens, la parole de Dieu est sacrée, ses propos à lui ne le sont pas”.

On voit là tout la difficulté à laquelle on est confronté pour la partie du texte censée être non interprétable alors qu’elle doit servir de base à la loi, y compris aujourd’hui…
Cette difficulté n’aurait pas échappé à des penseurs de l’époque : “Dès la mort du prophète, dès les premières lectures du Coran, on voit apparaitre une opposition, d’abord hésitante puis de plus en plus précise (entre les littéralistes et les rationalistes)”. La force des rationalistes est d’avoir su mettre en évidence que la parole de Dieu est relative au contexte dans lequel elle s’est exprimée, cela explique les contradictions observables apparentes observables dans le texte tel qu’il existe. Et cela justifie que, quand le contexte change, l’interprétation puisse aussi évoluer.
Le point faible des rationalistes c’est que de l’épreuve de force entre raison et tradition qui se joue alors, c’est le deuxième courant qui “s’affirme et se pérennise à partir du Xe siècle, alors que le monde musulman se divise en trois centres rivaux, qu’il est agressé à l’est par les Croisés et à l’ouest par la Reconquista espagnole. Il tend à se recroqueviller sur lui-même et sa pensée à se scléroser”.
A la question des journalistes ” y a-t-il eu des moments où l’étau littéraliste s’est desserré dans le monde musulman ?», les auteurs répondent ” au cours du XXe siècle, en particulier dans le cadre le cadre des mouvements de libération nationale des pays musulmans. Là la question s’est posée partout : comment faire face à l’Occident ? En restant dans le cadre d’un discours religieux ou en adoptant un discours moderniste et séculier de l’Occident et en s’efforçant de l’adapter aux contextes nationaux ? Le discours du modernisme séculier l’a emporté dans la plupart des pays. C’est l’époque des Nasser, Boumedienne, Bourbigua, Soekarno…. On ne pratique plus les sanctions corporelles prévues dans la charia, les femmes obtiennent le droit de vote, …”
Et pourquoi “ce retour au tout religieux?”. L’explication serait dans les attentes déçues de ceux qui s’attendaient non seulement à la libération des peuples mais aussi des individus” échec rendu particulièrement dramatique par l’impuissance des dirigeants musulmans à soutenir efficcement le peuple palestinien “et d’ajouter” l’Arabie Saoudite, un moment isolée, a retrouvé une nouvelle prééminence. Et avec elle s’étend un littéralisme agressif”.
Je conseille la lecture de cet article signé Marc Semo et Béatrice Vallaeys. Qu’ils me pardonnent si je les ai surtout paraphrasé mais leur article («qui a lu le Coran») vaut vraiment le détour et me donne envie de lire le livre « Penser le Coran ».
Ces réflexions m’ont remis en mémoire les deux tomes d’un livre intitulé « The Woman’s Bible » écrits dans les années 1895 par une des grandes figures du féminisme aux Etats-Unis, Elizabeth Cady Stanton, à un moment où la Bible faisait office de référence ( certes c’est encore le cas mais à l’époque c’était bien pire !). Notre suffragette se permit de remettre en cause tout ce qui ne collait pas avec la notion d’égalité entre les hommes et les femmes. Son travail fût qualifié de blasphématoire, d’immoral et d’obsène « par ceux pour qui la Bible était la parole directe de Dieu »( extrait de « not for ourselves alone » Ward et Burns Ed A. Knopf, NY).
Ceux qui croyaient que la Bible était la parole directe de Dieu… eh bien cela sont des intégristes ! L’ennui si je comprends bien «penser le Coran» c’est que les littéralistes du Coran ne sont pas considérés comme des intégristes du fait de cette fameuse descente directe de la parole de Dieu dans le Coran.
Mais je pense qu’il faut rendre hommage à ceux qui ont osé soutenir la thèse que c’était possible de faire autrement, encore que, personnellement je pense que ce chemin là est trop semé d’embûches et que le mieux c’est de laisser les religieux à leurs chères études et d’opter pour la laïcité pure et dure.
Annie Sugier