Vous n’aurez pas ma haine : un nouveau slogan politique ?
L’article précédent portait sur le traumatisme vécu par les victimes des attentats et les difficultés rencontrées pour le surmonter. La guérison n’est pas uniquement une question de volonté mais c’est à chacun de trouver une façon personnelle de s’en sortir.
Revenons maintenant au discours d’Etienne Cardiles. Christine Tasin en a fait une très bonne analyse(1). Je me contenterai d’ajouter certaines réflexions.
Visiblement cet homme souffrait et nous ressentions de l’empathie. A n’en pas douter, il y avait beaucoup d’amour entre ces deux personnes. Xavier Jugelé avait des qualités humaines et avait à cœur de remplir sa mission de service public dans la tolérance, le dialogue et la tempérance selon Etienne Cardiles.
« Cette douleur m’a donné le sentiment d’être plus proche de tes camarades qui souffrent comme toi – silencieusement ; comme moi – silencieusement ». C’est alors qu’il fait référence à la formule d’Antoine Leiris « Vous n’aurez pas ma haine » et précise qu’il la trouve non seulement guérisseuse mais « généreuse ».
Nombreux sont ceux qui dès cet instant commencent à s’interroger. Ce discours a bien sûr été rédigé sous le coup de l’émotion et on peut le comprendre. Mais à la réflexion, le terme « généreuse » ne nous convient pas. Entend-il dans sa générosité accorder son pardon au terroriste alors qu’il a procédé froidement à l’exécution de son conjoint ? Peut-on pardonner à un homme qui assassine au nom d’une religion ?
Le quinquennat laborieux d’un président impopulaire se termine par l’enterrement d’un policier assassiné par un terroriste. C’est tout un symbole ! Ce policier nous laisse un message post-mortem comme si le destin voulait nous faire un signe. Curieusement, son nom peut se décliner en deux mots et prendre l’intonation d’un commandement : JUGE-LES !
Nous connaissons les ratés de l’affaire Théo : ce fameux Théo qui a berné tout le monde, Hollande qui prend officiellement parti en lui rendant visite à l’hôpital, le discrédit jeté sur la police, sans oublier une certaine « France d’en haut » qui manifeste sans même attendre le résultat de l’enquête… Le malaise de la police est sans aucun doute profond et palpable.
Les policiers « souffrent silencieusement ». Faut-il penser que les policiers sont stoïques ? Sur le manque de considération et de soutien dont a fait preuve le gouvernement Hollande : rien à dire ? Etienne Cardiles lui-même souffre « silencieusement ». Il y a dans son message beaucoup de fatalité et de résignation. Pour terminer, il nous exhorte à la dignité : « Restons tous dignes, et veillons à la paix, et gardons la paix ».
A ce discours, je réponds qu’un Français doit rester digne certes, mais doit garder son discernement. La dignité consiste aussi à savoir poser des limites à la générosité et à la tolérance dans un pays rendu malade précisément de ces excès.
Ce discours engagé, c’est du très politiquement correct, du véritable « sur mesure » pour Hollande. Nous devons nous habituer aux attentats, c’est le message qui nous a déjà été envoyé. Il faut maintenant orienter les idées, les esprits et les comportements. En cette triste circonstance, Hollande a trouvé son ambassadeur.
Le marketing politique consiste à choisir la bonne formule ou le bon slogan. « Je suis Charlie » permet de canaliser, dans la rue, l’émotion des Français. « En marche » et ils se mettent en marche. « Vous n’aurez pas ma haine » et nous sommes censés être dans le fatalisme et la résignation. La cérémonie d’hommage du 25 avril a permis la reconnaissance officielle du slogan et son appropriation par le système politique car le pouvoir craint les manifestations du peuple. Nous connaissons déjà les débordements des banlieues(2), il faut maintenant éviter les émeutes intercommunautaires !
Hollande a le messager politiquement correct. Le relais est passé à Macron. Et Macron invite Etienne Cardiles à la cérémonie d’investiture à l’Elysée…
Les fleurs, les bougies, les dessins, les belles formules permettent de témoigner notre solidarité et notre tristesse aux victimes et aux familles. Mais, si par malheur quelques dizaines de morts supplémentaires venaient s’ajouter au nombre actuel des victimes du terrorisme islamique, et si ce chiffre venait à doubler, trouverions-nous encore et encore supportable d’entendre la formule d’Antoine Leiris ?
Cécile De Bussches
(1) https://ripostelaique.com/scandaleux-discours-munichois-du-conjoint-de-xavier-jugele-il-la-tue-une-seconde-fois.html
(2) https://tvs24.ru/cumulus/videos/162/bobigny/