Les fabuleuses aventures de Bob le têtard !
De reptation en reptation et de frétillement en frétillement, on le voyait venir de loin, gonflé à bloc, prêt à sauter dans la mare des grands, celle du pouvoir installé où se distribuent les plus belles sinécures. Ce n’était pas la peine de nous dire qu’il était prêt à travailler avec la majorité pour le bien du pays, on l’avait compris depuis longtemps, et Macron certainement aussi. Le maire de Béziers est sur le banc de touche de la République, en équipe B ou C, ou peut-être D, qui sait ! En attendant de faire don de sa personne à la France, Bobby doit se contenter d’un lot consolation : une chronique hebdo sur LCI… Tout ça pour ça !
Et pourtant, Bob le têtard, dit Robert. M, est un rusé, champion de la brasse en eau trouble. Ce qu’il est, il le porte sur son visage, avec le temps tout finit par parler : le ton de voix grinçant, nasillard et emphatique, le regard figé qui regarde l’autre de loin, mais animé d’une émotion surjouée et le sourire rare et retenu, lui donnent cet air de séminariste contrit qui fait son style de donneur de leçons poussif. Bob n’argumente pas, il prêche ; ses adversaires, il les morigène comme des enfants coupables, ils sont dans la faute morale, ils n’adhèrent pas à la vision juste et humaniste du gentil Robert. Ses meilleurs adversaires sont ceux (ou celle) qu’il appelle ses « amis ». Quand Bob vous appelle son « ami », méfiez-vous, car Bob, c’est sa marque de fabrique, soutient ses amis comme la corde le pendu !
Cette marche en crabe, ce sens de la dialectique moralisatrice est un don qu’il a peaufiné tout au long d’un parcours sinueux, de l’extrême gauche anarcho-trotskiste au compagnonnage avec le FN, en passant par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Qui peut dire au fond en quoi Ménard croit ? À son destin, assurément, car il exprime toujours une inébranlable confiance en lui, en dépit d’un charisme pour le moins peu évident. Rien ne l’arrête ; Bob, c’est la revanche du « Petit chose » dans un monde de brutes. La conjonction redoutable d’une éducation chrétienne à l’ancienne (il a voulu être prêtre, dit-on) et du cynisme opportuniste qui façonne les ex-gauchistes et les belles âmes de gauche en général. La morale « progressiste » a détrôné la religion en tant que surmoi du collectif et Tartuffe ne parle qu’au nom des droits humains qu’il trie selon ses humeurs belliqueuses ; éternel moralisateur sans frontières.
Il se repend en contrition larmoyante sur ces pauvres réfugiés qu’il n’a pas voulu voir dans sa bonne ville de Béziers, manipulation opportuniste du sentiment pour se refaire une virginité morale dans le camp des « gentils » qui détiennent le pouvoir. Il oublie bien vite les réalités qu’il dénonçait alors sur la submersion migratoire au détriment des autochtones. Il n’est pas si loin le temps où il demandait, au micro de Jean-Jacques Bourdin, « une réduction massive de l’immigration » : le propos d’un homme mûr, libre et responsable, qui l’engageait moralement dans un combat difficile auprès de ses électeurs en souffrance, et qu’il annihile d’un coup, d’un seul, en fonction des circonstances ! Quel crédit accorder à un tel revirement, qui, simple coïncidence, bien sûr, correspond à son intérêt du moment. « Je ne ferme jamais une porte à l’avance », affirme-t-il, une façon élégante de dire, je suis juste en attente de la bonne occase qui passe ! La chanson de Dutronc a été écrite pour lui.
Le roi des convertis…
Au fond, Bobby est resté ce qu’il a toujours été, un agitateur d’idées qui servent ses intérêts du moment, avec un sens réel du marketing et du lobbying qui lui permet de se mettre en avant, en surfant sur la vague des autres. Proche de Mitterrand dans les années 80, après avoir quitté les eaux troubles du gauchisme militant, il reçoit la Légion d’honneur en 2008 sur proposition de Bernard Kouchner, avant de se faire élire maire de Béziers en 2014 avec les voix du Front National, tout en prenant ses distances avec Marine Le Pen dans les médias, et la dézinguant dans les conversations privées, tout en insistant sur l’indéfectible amitié qu’il a pour elle. Toujours avec ce ton ampoulé et cet air contrit de celui que son exigence de sincérité force à livrer une douloureuse vérité !
Pas rancunière, Marine l’a récupéré dans sa campagne 2022, lui et son soutien distancié. Il faut l’admettre, la séquence électorale 2022 est le chef-d’œuvre politique de Bob, Bob et sa tendre moitié Emmanuelle, puisque les Ménardier ont travaillé en duo sur ce coup. Madame Bob a bénéficié, pour sa réélection de député, du soutien du RN qui n’a pas mis de candidat face à elle. Résultat des courses, elle est largement élue grâce aux voix du RN, dont elle s’empresse de ne pas rejoindre le groupe à l’Assemblée en prenant l’étiquette « Divers droite ». Dans le même temps, Bobby fait sa reconversion sentimentale sur l’immigration, tout en multipliant les appels du pied, de plus en plus appuyés, à l’égard de Macron. Il prend à revers les attentes des électeurs du RN sur l’immigration – électeurs auxquels lui et sa femme doivent leur élection – mais il se rend utile auprès du clan Bleu Marine en devenant un des principaux démolisseurs de son « ami » Éric Zemmour qu’il essaie, avec ce ton de frère prêcheur qu’il affectionne, de sauver de ses dérives extrémistes. Bob s’autoproclame le garde-barrière des limites qu’il ne faut pas franchir. Il se veut désormais roi du juste milieu et de l’ouverture consensuelle et dénonce les méchants extrémistes de tout bord, étant entendu que le gentil, c’est lui ! Autant de messages adressés à Jupiter – depuis son soutien inconditionnel au passe sanitaire et aux vaccins – qui devrait finir quand même par poser son auguste regard sur un serviteur aussi souple et dévoué ! Un joli coup de billard à 3 bandes, dont on attend quand encore le dénouement.
Quelles seront donc les prochaines formidables aventures de Bob le têtard, va-t-il enfin rejoindre le marigot du haut, où les grenouilles peuvent se voir aussi grosses que le bœuf ? Prenons le pari que Ménard peut encore nous surprendre par son habileté à frayer dans les courants porteurs.
Dany Boume