A propos du livre de Douglas Murray «l’étrange suicide de l’Europe»
Je viens de finir le livre de Douglas Murray, l’Étrange suicide de l’Europe. Petite remarque sportive : j’ai eu la même sensation que dans les kilomètres trente et quelques d’un marathon : c’est interminable… Mais ça, c’est très anglo-saxon : le conceptuel est ressassé à l’infini, alors que le factuel est « rapporté » objectivement et succinctement. En l’occurrence, objectivement est assez gentil car l’islamophobie transparaît. Dans le même esprit, il est répété à satiété qu’on ne pouvait et ne devait pas être raciste, même si on aimait son identité traditionnelle et si on tenait en haute estime sa culture et sa civilisation. Malgré tout, il est subliminalement suggéré que la culture érythréenne ne vaut pas la culture allemande… La vérité crue chercherait-elle le jour avec des pudeurs de rosière ? On avance… Mais j’aurais aimé un développement sur les différences de comportement entre communautés, par exemple la communauté musulmane et les communautés asiatiques, sujet dont le livre ne dit pas un mot.
Sur les raisons du fatalisme et de la passivité des Européens devant l’invasion de leur continent par les foules du Tiers-Monde, c’est intéressant mais discutable. Cette inaction est beaucoup attribuée à l’effacement du sentiment religieux, donc du prosélytisme. Je pense au contraire que c’est plutôt dû à ce qui reste de sentiments chrétiens chez cette majorité d’Européens qui ont perdu la foi : « On ne peut pas rejeter des gens aussi malheureux », leur fait dire ce reste de conscience chrétienne, même si la compassion s’applique davantage aux cas individuels qu’aux masses. C‘est peut-être une dérive du vieil agnostique que je suis, mais je n’attache pas une telle importance à la religion. Si l’Europe ne se défend plus, c’est surtout parce qu’elle a perdu la conscience de sa supériorité et l’appétit de conquête qui va avec. Le fait important est la colonisation, sa fin et son inversion rampante. Peut-être pas tant à cause de la mauvaise conscience qui en résulterait chez les Européens, explication facile, que parce que, tout bêtement, elle favorise les conditions de l’émigration, notamment avec l’usage d’une langue européenne, anglaise ou française en fait, et un substrat culturel persistant. La France n’a pas rendu service à la Suisse francophone, sans passé colonial, en apprenant le Français à tant d’Africains qui trouvent maintenant que la Suisse est un Eldorado. Le long passage sur le fait que l’Europe de l’Est se défend mieux que celle de l’Ouest se trompe, me semble-t-il, en attribuant sa résistance à l’occupation russe. Ces pays de l’Est sont tout simplement moins sollicités car les gens du Tiers-Monde ne parlent pas leur langue. Et eux-mêmes n’ont pas connu de familiarité avec l’exotisme. Familiarité qui est parfois une richesse mais qui est devenue, globalement, une plaie. Pour la petite histoire, je pense que la familiarité a contribué à faire que la décolonisation se fasse plus facilement pour les Anglais que pour nous. Dans l’Empire britannique, on se mélangeait peu avec les « Natives » (Bar for Whites only) tandis que les Français copinaient beaucoup plus avec l‘indigène. D’où un déchirement quand l’heure venait, notamment pour les militaires, de ne pas pouvoir tenir les promesses qu‘ils avaient faites aux autochtones ralliés à la Métropole.
Les digressions sur la philosophie, alias les idées, et l’art sont assez cocasses. Je n’ai aucune compétence en philosophie mais je trouve assez bienvenu le passage qui préconise, pour avoir du succès dans un colloque bienséant, de n’exprimer aucune idée. J’en conclus que, pour Douglas Murray, l’idée est antinomique du politiquement correct ! Je n’ai pas davantage de compétences en art mais là, au moins, c’est « J’aime ou j’aime pas » et c’est facile. Et le passage qui ridiculise l’art moderne et son absence de technique m’a grandement réjoui. C’est exactement ce que pense le Béotien que je suis qui trouve les tableaux de Picasso parfaitement hideux.
Sinon, l’important est que ce gros bouquin mette sur la place publique des évidences si longtemps occultées et condamnées mais partagées par les gens de bon sens. Et il est non moins important qu’il soit le fait d’un universitaire, bénéficiant donc d’une certaine aura intellectuelle, mais surtout franchissant le Rubicon en larguant le politiquement correct suicidaire et inepte si coutumier de sa corporation. Il contribue donc très utilement à renverser la charge de la pertinence : maintenant, c’est le politiquement correct qui est ringard. Les prochaines élections décisives se joueront là-dessus, sachant que Macron a déjà bien coupé l’herbe sous le pied aux Républicains. Des Républicains qui se cantonnent dans une attitude suicidaire en refusant un accord électoral avec le FN, ou RN désormais. Et je crois Wauquiez sincèrement entêté dans ce refus. Je ne sais pas si la perspective de multiples triangulaires (LR, RN, Gauche) au deuxième tour des législatives de 2022, ce qui permettrait à une gauche minoritaire dans le pays d’être majoritaire à l’Assemblée, le fera changer d’avis.
A part cela, le livre est assez pessimiste sur l’avenir et ne propose pratiquement rien pour redresser la situation. Mais j’imagine que là, on irait un peu loin dans le largage du politiquement correct et dans le risque judiciaire. Tous les livres, y compris les meilleurs à mon sens (tel « Immigration, la catastrophe », de Jean-Yves Le Gallou) qui traitent de l’immigration, sont très diserts sur le constat et muets sur les solutions. Le livre de Douglas Murray ne déroge pas à la règle. Dans un texte public, je resterai également évasif sur les moyens de préserver l’identité des pays européens. Mais je suis convaincu qu’il y en a et qu’ils seraient efficaces. Ils passent évidemment par une remigration massive et l’arrêt complet de l’immigration du Tiers-Monde. Pour cela, il faut prendre des mesures juridiques de salut public, hors normes, et faire en sorte que ceux qui bafouent nos lois encourent des sanctions qui le leur fassent regretter très sérieusement. La déchristianisation ne peut qu’y aider.
Eric BURNOUF