Ma France, aujourd’hui, est encore celle où je suis né. « Je suis de mon enfance comme on est d’un pays.» écrivait Saint Exupéry. Pour Zola, être “pays” voulait dire que l’on venait du même village.
Cette enfance, je la sais en moi. Une grande certitude tellement je la revis chaque jour ; c’est elle qui m’a porté jusqu’ici et qui me portera jusqu’à la fin. Je la sais, cette enfance, cette histoire française, ces villages français car ce sont mes parents qui me l’ont offerte, au sortir de la guerre au cours de laquelle ils vécurent, comme beaucoup d’autres, les heures terribles que vous savez…
Une Histoire française, heureuse, vivante et riche.
Heureuse des heures passées à lire, à écouter leurs récits et ceux de mes grands parents, à regarder sur la mappemonde la grandeur des océans et les pays lointains. Vivante des heures folles durant lesquelles nous faisions, avec les copains et les copines, des escapades en forêt ou des grimpettes dans les cerisiers au mois de juin pour y grappiller les fruits rouges et brillants. Riche des nombreux voyages, de l’Alsace à l’Aquitaine, des falaises d’Étretat aux plages de la Côte d’Azur, en passant par les campagnes profondes de la Normandie ou de la Corrèze et les forêts de Sologne. C’est au cœur de cette France que j’ai longuement façonné mes plus beaux souvenirs d’enfants, d’adolescent et de jeune homme. Une richesse si grande qu’elle me garde, vivant éternellement en mon cœur vespéral, les belles images de ces villages qui portent le nom de Saint-Vallier-de-Thiey, de Saint-Aubin-le-Guichard ou encore de Saint-Astier. Tous ces “pays” où j’ai partagé de merveilleuses odyssées enfantines, portent un nom de saint, comme tant d’autres… Certainement pour nous rappeler que notre histoire, celle de notre pays, de notre peuple, a puisé une partie de sa richesse, de sa culture et de ses valeurs dans ses racines judéo-chrétiennes.
Même si l’on reste (très) éloigné des croyances « déiques”, cette richesse est l’héritage de nos ancêtres et l’on se doit d’en respecter le symbole, n’en déplaise aux caciques d’une révolution rouge qui a montré ses limites dans la course au bonheur universel des femmes et des hommes. Don Camillo et Peppone se sont réconciliés depuis longtemps et, même s’il reste ici et là des nostalgiques de la faucille et du marteau, il y a et il y aura toujours des clochers dans le paysage français.
Cette France, je voudrais la garder pure.
Cette France, je voudrais, pour mes enfants et mes petits-enfants, la garder pure comme cette neige fraîchement tombée et joyeuse, comme vous lorsque vous serez réunis en famille pour cette belle fête de la Nativité. Pure également comme les plus petits qui s’émerveilleront devant la crèche avant de découvrir, au matin, les cadeaux amenés en catimini et déposés tout autour de l’arbre par ces uns et ces autres qu’ils appellent encore “Père Noël”. Je vous rassure, j’y ai cru, moi aussi !
Depuis, je suis devenu athée, je ne crois pas au Royaume du Ciel, même si je l’évoque parfois dans mes poèmes pour une idée ou une rime. Je cultive néanmoins une sorte de “spiritualité sans Dieu” comme le dit André Comte-Sponville. Pourtant, dans les années soixante, j’ai servi la messe, notamment dans cette église, Notre-Dame de l’Assomption – dessinée pour vous sur ce tableau – avec le Père Voisin (in Memoriam) dont je garde un souvenir ému. Pensez donc, il me payait un nouveau franc chaque messe, chaque jour à sept heures du matin, trois francs pour les mariages et cinq pour les enterrements… plus les pourboires dans les deux derniers cas (sourire) ! Nonobstant, loin des croyances, j’aime encore et toujours les églises, mais aussi les temples ou les synagogues pour m’y recueillir parfois, dans la fraîcheur et le silence. Je déteste le bruit, à part celui des voix aimées, de la musique et de la nature. Enfant, j’aimais aussi revêtir les habits, la soutane rouge, le bonnet rouge et le surplis blanc en France, l’aube blanche avec la capuche et le cordon des Pères Blancs (dont certains sont Noirs, d’ailleurs) en Afrique.
Ces monuments furent bâtis par des hommes – et des femmes également, je pense à Jacquette de Montbron – connaissant les règles de l’architecture et du bâti bien avant les ordinateurs et le béton. De nombreux siècles après, ils témoignent encore de leur génie et c’est avec respect pour ces anciens que je m’émerveille de la pierre taillée avec précision, des arcs-boutants, des voûtes, piliers cantonnés et autres chapiteaux ouvragés, des sculptures et des vitraux ou simplement d’une arche et d’une charpente romanes… Je les apprécie également car ils témoignent, pour la plupart, de l’intelligence, de la recherche et de la consécration des valeurs de concorde et de paix – même si elles furent longues à s’accomplir -, de la culture, du savoir et du travail partagés.
Mais j’ai peur pour ma France !
Aujourd’hui, j’ai peur pour cette France qui se débat dans les rets d’un filet jeté sur ces richesses convoitées par les démons de l’obscurantisme. Ces sauvages qui voudraient éteindre nos lumières depuis si longtemps brillantes, dépasser la hauteur de nos clochers, démolir nos crèches et brûler nos sapins, si tendrement chantés par les enfants, pour remplacer ce paysage magique de fête et de fraternité par la crasse, la vocifération, la guerre et la mort ! Alors, pour vous souhaiter de merveilleuses Fêtes de Noël cette année et vous offrir mes vœux pour cette nouvelle année qui s’approche, pleine d’espoir, j’ai choisi de dessiner cette église ; la crèche s’y trouve, à l’intérieur. Sur cette place – et vous y verrez peut-être un triple symbole, une forme d’œcuménisme idéologique -à gauche, la statue de Napoléon, au centre l’église et à droite, le drapeau tricolore sur la mairie.
Pour vous, ensemble, petits et grands, visages, sourires et prénoms de toutes celles et ceux que j’ai rencontrés au hasard de la vie – même virtuelle – que je garde en mémoire, vous qui m’avez apporté tant de joies et de connaissances, je forme un vœu, illustré par l’étoile filante qui s’est glissée dans le ciel. Soyez heureux, réunis en famille, avec vos amis, autour d’un sapin, d’une crèche, d’un chandelier ou tout simplement d’une table pour partager quelque bonne chair et bons flacons et – surtout – cet amour sincère et puissant qui unit, sur la Terre, les femmes et les hommes de bonne volonté… dont je sais vous compter parmi…
Joyeux Noël et belles Fêtes de fin d’année à vous toutes et tous, en attendant les bonnes nouvelles qui ne manqueront pas d’éclairer notre avenir en deux mille dix-sept.
Jean-Louis Chollet
Notre-Dame de l’Assomption, à Saint-Vallier de Thiey. Église fortifiée, elle est très curieuse avec ses deux nefs. La première, du XIIème siècle, est la nef principale. La seconde, latérale, a été rajoutée en 1555. Sur le devant, au bord de la route, le banc de pierre où s’est assis Napoléon Ier, le 2 mars 1815, place de l’Apié et, sur la gauche, la colonne qui lui rend hommage. (Peinture sur Photoshop – Jean-Louis Chollet © 2016)