Cannabis à Amsterdam : impacts de la tolérance et changements en vue
Amsterdam est une ville connue pour sa tolérance envers les drogues dites douces. Cela fait de cette ville une destination de choix pour les consommateurs de cannabis. Mais l’usage « récréatif » de cette herbe n’est pas sans conséquence sur la population ni, d’ailleurs, sur la santé des utilisateurs. La capitale hollandaise, à travers la politique de sa mairesse Femke Halsema, souhaite apporter des changements majeurs et « rendre la ville à ses habitants ». Que se passe-t-il à Amsterdam ? Quels sont les problèmes engendrés par la tolérance néerlandaise envers cette substance ? De manière plus générale, quel impact le cannabis a-t-il sur la santé et quelles solutions sont envisagées ?
Situation légale actuelle
On pense souvent que la vente et la consommation de cannabis sont légales en Hollande et à Amsterdam. Il n’en est rien, il s’agit simplement d’une tolérance des autorités. Le cannabis est illégal, seule sa consommation est tolérée. La loi actuelle en vigueur est une loi de 1928, la loi dite de l’opium. Celle-ci distingue les drogues en deux catégories, les drogues dures (héroïne, cocaïne et consorts) et les drogues douces, toutes interdites. Haschisch et cannabis sont sur la liste des drogues douces, donc illégales. Le commerce, la vente, la production et la possession de ces produits sont punissables.
En dehors des textes de loi, il y a par contre une politique de dépénalisation et de tolérance. Ainsi, la vente en petite quantité de drogues douces dans les coffee-shops n’est pas poursuivie. Les citoyens ne sont pas poursuivis non plus s’ils disposent de petites quantités, c’est-à-dire un maximum de 5 grammes d’herbe ou de haschisch. Il en va de même pour la culture d’un maximum de 5 plantes de cannabis.
Par ailleurs seuls les résidents d’une commune du pays peuvent effectuer leurs achats dans les coffee-shops. De même, les mineurs sont interdits d’achat et de consommation. Ces magasins ne peuvent vendre que 5 grammes par jour à une même personne et leur stock ne peut dépasser 500 grammes.
C’est ce qu’on appelle les critères de tolérance. On le voit, la réalité légale est donc très différente de ce que l’on pense et de ce qui est réellement appliqué.
Dans les faits
À Amsterdam, toute personne majeure, même étrangère au pays, peut acheter sa dose. La consommation en est interdite, mais la police n’arrête pas les gens qui consomment ou possèdent de petites quantités, même en extérieur. Dans les rues du centre d’Amsterdam, la tolérance est réputée. Cela entraîne son lot de conséquences néfastes, comme des nuisances sonores, du surtourisme d’un genre bien particulier… En provenance d’autres pays comme l’Angleterre, la Belgique et l’Allemagne qui sont limitrophes, mais aussi de France, beaucoup viennent à Amsterdam pour acheter et fumer en toute impunité.
La loi sur la limite d’âge est scrupuleusement appliquée et certains coffee-shops la placent d’eux-mêmes à 21 ans. La production et la culture de cannabis en quantité étant interdites, les magasins se fournissent illégalement auprès d’organisations criminelles ! Cela favorise leur commerce et leur implantation.
Conséquences de la politique de tolérance à Amsterdam
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Le surtourisme : fléau de plus en plus nommé et combattu, le tourisme de masse est une catastrophe pour la « Venise du Nord ». Tout comme pour Venise elle-même, d’ailleurs, ou bien d’autres villes européennes. Plus de 22 millions de touristes par an, c’est trop. Cela entraîne une crise du logement pour les locaux, avec une montée des prix et trop de locations destinées aux touristes. Autre conséquence, l’encombrement des rues et des transports en commun. Ou encore les nuisances sonores et la gestion d’une grande quantité de déchets générés par des touristes peu scrupuleux qui viennent pour « faire la fête ».
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Type de touristes : les personnes attirées par la capitale hollandaise peuvent l’être pour sa beauté légendaire, son histoire, ses sites remarquables. Mais la majorité l’est pour sa tolérance envers la drogue et la légalité de la prostitution. Les habitants, surtout en centre-ville, ont le sommeil perturbé et le quartier devient toujours plus dangereux et invivable.
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Augmentation de la criminalité : le nombre de criminels attirés par la tolérance néerlandaise est endémique et crée une situation plus que problématique. Cela génère une augmentation de la circulation de toutes les drogues, de la violence, des troubles et des crimes graves en général. Pour citer le journal Het Parool : « L’économie de la drogue bat son plein et les jeunes garçons sont de plus en plus impliqués dans des crimes graves. »
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Présence accrue de drogues dures : vu le nombre de voyageurs dans la ville attirés par les drogues, il est évident que cela crée une opportunité pour les dealers criminels. Ainsi plus de 2 000 d’entre eux sévissent dans le centre-ville et vendent non seulement de l’herbe et du haschisch, mais aussi de la cocaïne, de l’héroïne et compagnie.
Et la santé ?
La consommation de cannabis entraîne des troubles de l’anxiété, des troubles dépressifs et des conduites suicidaires. Cela a été largement démontré scientifiquement. Utiliser cette substance a des conséquences sur les capacités cognitives (jugement, mémoire, attention et prise de décision), diminue les performances pour la conduite de véhicules, le travail, l’apprentissage ou toute situation qui implique coordination et rapidité.
Au niveau de la santé physique, les impacts sont les suivants :
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Augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle,
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les maladies respiratoires sont favorisées,
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la combustion génère — comme pour le tabac — des substances cancérigènes.
De plus, combiné à d’autres substances, comme le tabac, l’alcool, ou des médicaments, le risque d’effets néfastes sur l’organisme est accru.
Par contre, il semble avéré que le cannabis est moins nocif et moins dangereux que l’alcool. Par exemple, la dose létale de THC est impossible à atteindre en consommant de l’herbe ou du haschisch. Mais tout le monde sait qu’on peut mourir d’un coma éthylique.
Solutions envisagées
Face à tous ces constats, indéniables, l’actuelle mairesse d’Amsterdam, par ailleurs la première femme à jamais avoir été élue à ce poste, souhaite des changements drastiques. Plusieurs pistes sont en cours de réalisation ou de réflexion.
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Production locale : Amsterdam va participer à une expérimentation menée sur le territoire national. Le gouvernement hollandais a décidé de tenter de développer la culture de cannabis afin de vendre leur production, légale, et de résorber ainsi la criminalité engendrée par la situation actuelle. Par ailleurs, cela permettra un contrôle de la qualité du produit, sans ajouts chimiques par exemple, et de diminuer les effets négatifs sur la santé. Cette expérience se fera à partir de décembre 2023 dans la première commune impliquée, et à la fin du premier trimestre 2024 pour Amsterdam et d’autres. Les effets positifs et négatifs de cette mesure seront alors étudiés.
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Attirer un autre type de tourisme (et diminuer le nombre de touristes) : Femke Halsema l’a annoncé à plusieurs reprises. L’interdiction de fumer dans les lieux publics et les rues sera appliquée. Une interdiction temporaire de vente de cannabis aux ressortissants étrangers est envisagée. Les centres d’intérêt des voyageurs moins délicats seront déplacés en périphérie. Le célèbre Quartier rouge (lieux de prostitution) quittera le centre historique.
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Agir pour le logement : la ville a toujours été accueillante et internationale, ce qu’elle souhaite rester. La seule solution consiste alors à augmenter le nombre de logements disponibles. La mairesse annonce un audacieux programme immobilier, dont le but est de retenir à Amsterdam les classes moyennes et populaires. « Nous allons construire de nouveaux quartiers complets avec 70 000 logements supplémentaires. Par ailleurs, même si la densité de la ville est déjà remarquable, nous pensons qu’il est possible de l’augmenter encore. Nous étudions notamment toutes les possibilités de construire des logements sur l’eau. »
L’expérience malheureuse de la « carte cannabis »
En 2010, le pays a introduit l’obligation d’être résident du pays et de s’enregistrer en tant que membre d’un coffee-shop, pour y avoir accès. C’était le seul moyen d’obtenir sa carte cannabis et avoir le droit de faire ses achats. Le nombre de membres par magasin est limité à 2 000. Le but était évident : stopper le flot de touristes étrangers qui viennent pour se droguer. Cette carte est toujours en vigueur, excepté à Amsterdam.
Réaction des acheteurs ? Se tourner vers les vendeurs de rue, alimentant dès lors les profits des criminels. Le nombre d’incidents liés à la drogue n’a fait qu’augmenter depuis.
Conclusion
Le constat est évident : la politique de tolérance du cannabis à Amsterdam entraîne une série de problèmes graves. Cette tolérance n’est pas une légalisation et, tout comme avec l’alcool lors de la Prohibition, la production reste l’apanage des criminels. Consommer cette drogue est loin d’être une pratique innocente et sans danger. La situation est reconnue par les autorités, qui mettent en place des mesures pour tenter d’améliorer les choses. Il s’agit de mesures qui vont plutôt vers une certaine légalisation, en permettant une production locale et encadrée.
On ne légalise pas, on n’interdit pas, mais on continue à tolérer et on tente de trouver des solutions intermédiaires. Dès lors, il semble évident que la criminalité sera toujours liée à l’usage des drogues. On peut donc franchement douter de l’efficacité des solutions envisagées. La solution ne serait-elle pas de légaliser le cannabis, comme l’alcool ? Ou de l’interdire purement et simplement et de faire appliquer et respecter la loi telle qu’elle est écrite ?
Joël Locin