Islam et islamisme : frères ennemis ou frères siamois ?
Le dernier livre de l’islamologue Marie-Thérèse Urvoy vient de paraître aux éditions Artège : Islam et islamisme.
Un livre qui arrive à point nommé, car il y a eu beaucoup de débats sur la question ces derniers mois. Y a-t-il réellement une différence entre islam et islamisme ?
Il faut d’abord savoir que le mot « islam » n’est utilisé en France et en Occident que depuis la fin des années 70. Auparavant, on disait « islamisme » pour indiquer la religion des musulmans, comme on disait christianisme ou bouddhisme.
Avec la multiplication des signes religieux ostentatoires, puis suite aux attentats commis sur notre territoire au nom d’Allah, les journalistes et les hommes politiques ont commencé à utiliser le mot « islamisme » qui se veut une interprétation agressivement politique de cette religion.
L’islamisme serait donc la conviction que les lois de l’islam (la charia) doivent prédominer sur la loi des hommes.
Et on a vu apparaître ces dernières années une nouvelle catégorisation : il y aurait des islamistes modérés et des islamistes violents. Ils auraient donc la même intention – celle de soumettre le monde entier à l’ordre juridique islamique – mais les moyens mis en œuvre seraient différents.
Les violents recourent à la force et à l’intimidation par la peur, alors que les modérés tablent sur la progression démographique de leur communauté et sur l’exploitation des moyens juridiques que leur offre la démocratie du pays d’accueil.
S’il est donc possible de distinguer le musulman de l’islamiste – ce qui n’est déjà pas facile -, peut-on distinguer l’islam de l’islamisme ?
C’est tout l’objet de ce livre. Et l’islamologue va devoir analyser l’histoire de l’islam depuis 14 siècles. Et dès ses débuts, l’islam va se constituer en système sociopolitique et se concrétiser dans une communauté, la oumma.
Dès le Coran, sont distingués ceux qui appartiennent à la oumma et les autres.
Ceux qui refusent le message de Mahomet sont déclarés « hypocrites », terme qui revient plus de 25 fois et dont toute une sourate (63) lui est consacrée.
Dans la sourate 9, la plus belliqueuse, au verset 74, est ajouté qu’« ils n’auront sur terre ni patron ni secoureur. »
Et le Coran demande de lutter contre toute résistance : « Combattez le parti qui est rebelle, jusqu’à ce qu’il s’incline devant l’ordre de Dieu. » (49, 9)
Et un hadith bien connu de Bukhari dit : « la vraie religion consiste à être loyal envers Dieu, envers son prophète, à l’égard des chefs de la communauté islamique et de la communauté toute entière. »
La révélation coranique s’est transmise par une voie (la charia) et un droit islamique (le fiqh) qui donne un statut juridique à chaque acte humain, aussi minime soit-il.
Le droit islamique détermine si un acte est permis, recommandable, blâmable, obligatoire ou interdit, halal (licite) ou haram (illicite).
L’islamologue nous explique ensuite les mouvements de réforme contemporains comme le wahhabisme et le chiisme politique.
Dans toutes les réformes de l’islam à travers l’histoire, le mot d’ordre est toujours le « retour à la charia ». Le remède à tous les problèmes, c’est toujours plus d’islam, plus de charia, plus de lois islamiques.
Un autre chapitre est consacré à la violence dans l’islam.
Le premier problème est le fait que dans le Coran, les versets prônant la paix et ceux exhortant à la guerre ont la même valeur théologique.
Le second est la projection dans le monde de la rétribution et de la menace divines.
Dans le Coran, les impératifs abondent :
« Ô prophète ! mène combat contre les infidèles et les hypocrites et sois dur contre eux. » (9, 73)
« Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu, ni au jour dernier… » (9, 29)
L’islamologue nous parle aussi du statut de dhimmi, de « protégé », qui est un statut discriminatoire pesant sur les chrétiens et les juifs qui doivent payer un impôt, la jizya, en étant humiliés.
Il y a aussi le délit de blasphème (tajdif).
Si un musulman est accusé de blasphème ou simplement d’avoir émis une parole de mécréance, il doit faire amende honorable dans un délai de 60 jours maximum pour ne pas être déclaré apostat. Et pour l’apostat c’est la peine de mort.
Je dois préciser ce que signifie le blasphème dans l’islam.
Il y a d’abord le blasphème envers Dieu (c’est-à-dire nier son existence, lui donner un associé, le traiter de menteur et l’insulter), mais c’est aussi le blasphème envers ses anges, ses messagers, et envers le Coran réputé être la Parole incréée de Dieu.
Une autre forme de blasphème est admise par le droit islamique, c’est le shatm qui signifie « insulte » ou « dénigrement ».
Insulter le Prophète de l’islam ou ses compagnons est un délit.
Les sanctions pénales relatives au blasphème sont appliquées encore aujourd’hui, non seulement dans les « régimes islamiques », mais aussi dans 14 des 20 pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, 9 pays asiatiques et 3 pays de l’Afrique subsaharienne.
La peine de mort pour blasphème est la règle en Iran, en Mauritanie et au Soudan.
Au Pakistan, il y aurait chaque année 300 personnes emprisonnées pour délit de blasphème.
Et la pression s’exerce jusqu’en Europe.
Quant au terrorisme, il est justifié par des expressions se retrouvant à quatre reprises dans le Coran, comme « jeter l’effroi » ou « lancer la terreur ».
Et pour ceux qui ignorent la violence et la cruauté de la parole d’Allah dans le Coran, écoutez donc le verset 33 de la sourate 5 :
« La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas ; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment. »
Et concernant la cruauté du prophète de l’islam, lisez le recueil canonique de Bukhari :
« Le prophète ordonna de faire chauffer des clous et, quand ils furent rougis, il leur fit brûler les yeux ; il leur fit aussi couper les mains et les pieds, sans cautériser les moignons. On les jeta ensuite dans la Harra (désert de basalte brûlé) ; ils demandèrent vainement à boire ; on les laissa mourir sans les abreuver. »
Un autre chapitre du livre concerne le comportement du musulman en Occident.
L’auteure souligne l’importance de la oumma, la communauté, dans la doctrine de l’islam. Ibn Manzur (XIVe s.), qui est une référence majeure, a écrit dans son Lisan :
« La oumma est la loi, le code et la voie. »
Dans le Coran, la oumma est d’origine divine et considérée à ce titre comme parole immuable, intemporelle et éternelle de Dieu.
La communauté est sacralisée par Allah dans le Coran. Elle est le parti d’Allah (hizb Allah) (5, 56) ; ses membres ne peuvent tuer qu’en leur bon droit (17, 33).
Le verset (48, 29) dit : « les musulmans sont durs envers les mécréants et miséricordieux entre eux. »
« La oumma est la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes » (3, 110) et « son messager le parfait modèle à imiter en toutes circonstances » (33, 21).
La oumma doit obéir au prophète exclusivement, et ne jamais obéir à aucun des Gens du Livre, qui la rendrait mécréante, vouée au feu de l’enfer (3, 100).
La oumma est une communauté qui ne peut tolérer une domination non islamique sur les croyants qui la constitue.
Le Coran déclare que la pire des choses est d’éprouver un musulman dans sa foi pour l’en écarter ou pour limiter son exercice. Toute critique est considérée comme une agression à l’encontre de la communauté.
Le premier devoir du plus modéré au plus violent des membres de la oumma est de défendre l’islam et d’œuvrer pour sa conquête du monde.
Lorsqu’elle ne peut lever le jihad, elle utilise la ruse juridique (hila) et la dissimulation légale (taqîya).
La oumma sait se poser en victime pour s’arroger le droit de la riposte offensive.
Dans ce livre vous trouverez d’autres chapitres sur les thèmes de la laïcité, du soufisme et de l’islam des Lumières. À vous de les découvrir.
Islam et islamisme, de Marie-Thérèse Urvoy, aux éditions Artège.
Amazon.fr – Islam et islamisme: Frères ennemis ou frères siamois ? – Urvoy, Marie-Thérèse – Livres
Islam et islamisme : frères ennemis ou frères siamois ?
Louis Davignon