Réflexions d'un belge laïque sur le discours de Riposte Laïque et l'état de la société en Belgique et en France

On peut lire tout au long de vos articles un positionnement clair contre le politiquement correct. Quel qu’il soit. Cela est éminemment salutaire donc le contexte actuel.
Pourquoi? Si dans les textes constitutionnels ou législatifs, la liberté d’expression ou d’opinion est octroyée, reconnue à chaque citoyen (voire à toute personne sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe comme le relève la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme), celle ci à tendance à disparaître dans les faits. Et c’est ici que cela devient intéressant.
En effet, toute prise de position intellectuelle à l’encontre du politiquement correct, si elle n’a pas forcément des suites judiciaires – puisque dans les textes on peut exprimer à peu près n’importe quelle opinion (avec quelques limites concernant le racisme ou l’incitation à la haine) – est souvent suivie d’une sanction bien plus lourde qu’une amende ou même qu’une peine de prison (terme que je n’utilise pas à la légère m’étant longuement informé sur l’état des prisons dans les pays européens mais c’est un autre débat). Quelle est cette sanction? Une sanction sociale, du corps social et associatif qui bien souvent conduit à la mort sociale de l’individu (perte d’emploi, disparition des amis inquiets des conséquences sur leurs propres vies, disparition de toute forme de liberté, etc… – il suffit de prendre l’exemple de R. Redeker pour s’en convaincre, et parfois, c’est même la mort pure et simple où cela conduit, l’élimination physique de l’individu – Pym Fortuyn ou Théo van Gogh en sont les victimes les plus célèbres en Europe).
Ainsi, la protection censée être garantie par l’état n’a plus ou prou d’effectivité. Plus la société avance et plus il est terrifiant de s’inscrire dans une démarche citoyenne réelle et désentravée. Cela mène à l’auto-censure, un des pires maux d’une société prétendument libre.
De quoi cela est il la conséquence?
Il s’agit simplement de l’absence totale de consensus sur des valeurs communes pourtant jadis élémentaires telles que la liberté d’expression. Il n’est dès lors pas étonnant qu’un débat sur l’identité nationale recueille autant de réactions passionnelles en France. Comment soutenir qu’un tel débat est déplacé ou non nécessaire en tant que citoyen (j’aborderai plus tard les politiciens et médias)? Par ailleurs n’oublions pas que la jurisprudence de Strasbourg est très claire quant à la portée de cette liberté qui va très loin. Même les propos qui choquent ou dérangent doivent être acceptés dans le jeu démocratique (faire le lien avec “l’affaire des caricatures”).
La situation actuelle me fait immédiatement faire un parallèle avec la Turquie où ma vie privée m’a amenée a un contact très profond avec ce pays, état laïque par excellence depuis Atatürk. Ils connaissent exactement la même situation que nous, 20 ans en avance. Si dans le pays, c’est particulièrement vrai dans la très socialement mélangée Istanbul, la laïcité est la loi, la sanction sociale pour ceux qui ne respectent pas les valeurs bigotes d’une frange majoritaire de la population peuvent être épouvantables. La laïcité turque est devenue un leurre, un faux semblant, une coquille vide car quelles sont les conséquences sociales pour, prenons un exemple simple, une jeune femme, si elle décide d’user des droits qui lui sont supposément garantis par l’état turc, membre du Conseil de l’Europe et donc soit dit en passant justiciable de Strasbourg?
a) Si elle demande l’égalité et de manger avec les hommes, elle se fait souvent sévèrement – entendre physiquement – réprimander (sauf dans certaines franges très privilégiées de la population).
b) Si elle fait des études et souhaite travailler et qu’elle parvient à atteindre l’excellence, elle voit son nom rayé ou masculinisé pour s’approprier son travail -l’absence de genre hormis les prénoms en langue turque aidant- et elle est priée d’être une un peu meilleure épouse si elle est mariée ou il lui est lourdement conseillé de se marier sans attendre en cas contraire. Explicitement, on lui dit que son rôle est à la maison, pas ailleurs.
c) Si elle divorce : Les conséquences sont terribles, disparition du tissu de relations sociales, perte d’emploi -il n’y a pas de législation sociale en Turquie pour protéger efficacement les travailleurs -, ostracisation….
Et je ne mentionne même pas les monstrueux crimes d’honneur connaissant souvent des sanctions si légères que cela me fait penser à de la poudre aux yeux, à une approbation implicite de la part de l’état…
De telles choses n’arrivaient pas dans la Turquie des années 70-80, le retour du religieux est en train de détruire l’oeuvre de Mustafa Kémal.
Voilà le prototype d’état laïque qu’est en train de devenir la France et pour la même raison. En Turquie, le tout dernier garant de la laïcité, à savoir l’armée, est en train d’être subjugué sous les coups de boutoirs des scandales probablement mis en scène par le gouvernement islamiste, car tellement opportuns, tels qu’Ergenekon et consorts…
Revenons à la France, pays qui fût un moment pris de vitesse par l’hyper modernisme turc – en matière de droit de vote des femmes ou de divorce notamment – sous l’impulsion d’Atatürk. La France dispose de deux avantages dont ne peuvent se targuer aucun autre pays. Tout d’abord une laïcité et une démocratie populaire historiques, obtenues de longues et sanglantes luttes et encore profondément présentes dans la psyché du citoyen d’origine française. Ensuite, la France, peut se targuer d’être un des pays qui ont fait le monde actuel, patrie des droits de l’homme, modelé, pour le meilleur et pour le pire. Quoiqu’en disent certains actuellement, bien plus souvent pour le meilleur (si l’on a un minimum d’objectivité).
Et pourtant une ombre empêche ses citoyens de “vivre leur démocratie” effectivement, d’être fiers d’être français. Pourquoi? On pourrait citer un abandon de la classe politique -qui est bien réel- mais est-ce vraiment la cause première? De mon point de vue, il me semble qu’une génération, pleine de bonnes intentions a voulu détruire ce qu’elle percevait comme négatif dans l’histoire française et dans le régime français, celle qui a mené mai 68. Celle qui détient le pouvoir actuellement et qui a formé ses successeurs. Cette génération était bénie. La situation économique était fabuleuse, la paix assurée, les bonnes volontés présentes et l’optimisme de mise.

Dès lors, comment imaginer que la repentance ou le relativisme, à priori positifs (mais à priori seulement), pourraient amener à la catastrophe actuelle? Comment aurait il été possible d’imaginer que l’accueil massif d’immigrés pauvres au nom d’une certaine conception de la solidarité et surtout, la décision de “les garder” en remplaçant assimilation par intégration – substitution presque passée inaperçue à l’époque – allait causer les dégâts de la pensée unique, du relativisme excessif, de la lutte antiraciste unilatérale, de la folie de la discrimination positive – conséquence directe du rejet du modèle assimilationniste -, etc… Tout semblait si facile. Et pourtant…
Par excès de manichéisme – religion ressuscitée à l’époque sous forme d’idéologie -, cette génération s’est mise des oeillères par une bien-pensance angéliste et repentante, une remise en question de tout ce qui était la plus petite forme d’autorité et cela sans demande de réciproque aucune. Ces bons sentiments se sont avérés de désastreux calculs politiques et ceux qui étaient progressistes à l’époque se sont soit enfermés dans un déni de la réalité – volontaire ou non -, soit transformés en opportunistes politiques, ou encore les deux – et malheureusement la Belgique, de son côté, surfe depuis longtemps sur cette vague française.
Car tout cela a mené au contraire des objectifs visés à l’époque :
– La repentance inconditionnelle a mené à la culpabilisation des populations de souches et à contribué à laisser une voie ouverte à la non intégration et la haine pour les populations immigrées fraîchement arrivées. Au lieu de fédérer, cette attitude a anéanti l’unité nationale.
– Le relativisme plutôt qu’ouvrir les esprits a mené à une déconstruction dangereusement nihiliste des valeurs, produisant une “crise des valeurs” et un retour aux identités soit régionales soit étrangères.
– Le rejet de l’autorité a non pas favorisé le développement des enfants mais a désappris le respect, transmis le mépris de toute forme d’autorité.
– L’individualisme outrancier a supprimé plutôt que favorisé les démarches citoyennes.
– L’antiracisme a conduit, plutôt qu’à une meilleure entente entre citoyens, à une exacerbation des sentiments racistes des populations d’origine étrangère.
– Le modèle intégrationniste a finalement conduit à une communautarisation étanche, à un repli plutôt qu’à un “dialogue des cultures” fantasmé.
etc…, etc..
Les politiciens d’aujourd’hui, dans leur écrasante majorité, sont complètement déconnectés de la population pour plusieurs raisons :
– Ils vivent dans des tours d’ivoire, bien à l’abri des conflits sociaux agitant la société.
– Accepter de reconnaître les problèmes amènerait à en identifier les causes et les (ir)responsables, fardeau écrasant que celui d’avoir contribué à la destruction de sa propre nation.
– L’approche purement individuelle et la destruction de la notion de responsabilité à amené à un cynisme électoral auto barricadé derrière le politiquement correct et une lutte contre le racisme/fascisme perdue d’avance. Le bateau coule alors autant en tirer un maximum d’avantages.
– La perspective de la tempête à affronter en cas de revirement, pour des gens n’ayant que peu connu d’affrontements en 30 ans, n’est pas très séduisante.

C’est pourquoi la société française vit dans une curieuse liberté, égalité et fraternité prônée encore par l’Etat mais ayant de moins en moins de réalité dans la vie de tous les jours. De plus, le peuple français se voit interdire toute démocratie directe (référendum), confisquée par le pouvoir politique. Enfin, le peuple est privé du droit effectif à l’auto-détermination par une construction européenne d’une telle opacité que l’on peut raisonnablement considérer qu’elle n’a de démocratique que le nom ( exemple : En Belgique, un parti de centre gauche comme le CDH peut se retrouver dans un groupe européen de droite – PPE – au parlement européen).
Je fais donc le lien avec certaines positions de Riposte Laïque auxquelles j’adhère pleinement et qui semblent rencontrer tant de résistance :
– La question des prénoms français aux enfants immigrés : Comment peut on raisonnablement penser que cela serait néfaste pour lesdits immigrés? N’est ce pas justement parce que les immigrés portent des prénoms étrangers qu’ils souffrent parfois de problèmes de discrimination à l’embauche? Bien sûr qu’un Mohammed aura plus de mal qu’un Pascal. Est-ce raciste ou simplement humain et rationnel de soupçonner que si quelqu’un porte ce prénom, il n’adhère peut être pas aux valeurs françaises communes permettant la paix sociale dans l’entreprise et un environnement de travail optimum? Et comment soutenir que la discrimination positive peut aider dans ce cas? C’est carrément le contraire de la lutte anti-raciste lorsqu’on favorise quelqu’un non pas en fonction de ses mérites mais de son appartenance à une minorité!!! Quelle image déplorable pour ceux qui bénéficient d’une telle “positivisation de la discrimination” (qui, si on traduit du français juridique, veut littéralement dire “obligation légale de discriminer”).
– La question du réchauffement climatique : Pourquoi les réactions sont elles aussi manichéennes? Accepter d’en discuter ou défendre ceux qui contestent le réchauffement climatique n’est pas endosser d’une part leurs vues, et d’autre part ce n’est pas non plus refuser toute action écologique mais simplement promouvoir le débat. N’est ce pas sain alors que de nombreuses personnes convaincues de l’inutilité de comportements écologiques désormais “puisqu’il est trop tard” abandonnent? La culpabilisation et le catastrophisme à outrance sont paralysants. “Refroidir” le débat est intéressant car cela permet de se recentrer sur la mise en place d’une véritable économie fondée sur les énergies renouvelables, avantageuse économiquement, politiquement ET écologiquement. Protégeons l’environnement oui, mais pour les bonnes raisons!
Le Peuple de France saura t’il se réveiller à temps? Comprendra t’il qu’il faut se débarrasser des gauchistes/écologistes alliés des extrémistes religieux néofascistes et d’une droite où, seul l’argent compte vraiment? Qu’il faut rebâtir tout l’édifice politique? Ré- affranchir les médias? Renégocier toute la construction européenne pour soit la rendre plus démocratique, soit la quitter?
Peuple de France, c’est assurément le plus grand défit de ton histoire mais tu ne les as jamais refusé, j’ai donc confiance. De nombreux belges vous regardent et sont prêts à vous aider car nous savons que nos destins sont liés.
Si on vous refuse le référendum, la démocratie, qu’on confisque les outils de la participation citoyenne, il existe des moyens pacifiques de résistance et notamment, outre le dialogue, la désobéissance civile.
Merci à Riposte Laïque pour son courage!
Marcel Merckx
P.S. : Chers amis, encore une fois, je vous demande expressément, pour les même raisons que la fois passée, de ne pas mentionner mon nom et prénom véritables si vous publiez le présent texte. Merci d’avance.
N.B. : Petit correctif quant à l’interview de Pierre Cassen dans votre edito du numéro 140 : Il y a bien un Conseil d’ Etat en Belgique pouvant également rendre des avis consultatifs non contraignants et s’occuper du contentieux administratif. Précision nécessaire je pense. Toutes mes félicitations pour l’intelligence de ses propos et sa détermination ainsi qu’à toute l’équipe de Riposte Laïque et ses contributeurs.