Depuis Israël, je ne reconnais plus cette France que j'ai tant admirée…

Chers amis de Riposte Laique
Je vous lis depuis quasiment votre création et reçois avec toujours beaucoup de plaisir vos newsletters.
Vous faites un travail courageux et remarquable.
J’ai décidé de vous écrire après lecture de la lettre de Myriam Picard dont j’avais entendu horrifiée l’interview.
Je vous situe le contexte.
Je suis née en 1960, juive pratiquante. Je vous le précise car le fait de pratiquer ma religion ne m’empêche nullement d’avoir reçu une éducation francaise à Paris dans une école laïque où nous avons appris l’éducation civique et surtout à se respecter d’ou qu’on soit. Mes parents nous ont aussi enseigné l’amour du prochain, la tolérance, l’amour de la France et de sa culture de son histoire… et pourtant mon père a du se cacher pendant la guerre pour éviter la déportation et est entre dans la résistance francaise ….
J’ai connu l’antisémitisme à une epoque où la majorité des Francais croyaient que c’étaient ”des erreurs de l’histoire”. Des profs de lycée qui m’ont harcelée pendant des années sabotant à plaisir mon dossier du bac… Je me suis retrouvée en 1973, après l’attaque des pays arabes le jour de Kippour contre Israël, à l’hôpital parce que j’étais déjà responsable de la mort d’arabes et de palestiniens dans cette guerre qui était de la legitime defense… Tiens donc cela ne vous rappelle rien?
Ce jour la du haut de mes 13 ans j’ai décide que JAMAIS mes enfants ne connaitraient cette souffrance et cette humiliation, et après avoir subi pendant 2 longues annees les affres de l’antisémitisme en 1ere et term du lycée Camille See et de sa prof de sciences, ma décision a ete prise : JAMAIS.
Alors je suis partie m’installer en Israël. Au moins ici je sais que je me bats et que mes fils apprendront à se battre pour se défendre. Ici je suis dans un pays ou je ne serais jamais plus une sale juive avec toutes les qualités des caricatures bien connues. On nous reproche encore aujourd’hui d’exister et de nous battre pour nous défendre et de refuser de baisser la tête et de nous laisser massacrer a nouveau…
Je reviens a mon sujet la France. Oui j’ai aime la France, cette France des droits de l’Homme, cette France riche de cultures comme pratiquement aucun autre pays… j’ai aime ses habitants grognons, ronchons mais capables aussi du meilleur même si bien souvent ils ont fait le pire [il y a des blessures qui ne cicatrisent pas et les rafles et dénonciations sont de celles la].
Je suis partie il y a 15 ans et depuis j’enseigne à mes enfants l’Histoire avec un grand H de la grande France avec un grand F. Car lorsqu’ils regardent les nouvelles ou nous écoutent commenter les informations que nous puisons dans les médias [merci internet] ils sont en droit de se demander si nous avons raison de dire que la France a été un grand pays.
Je dis bien a été car aujourd’hui nous nous demandons ou elle est? La France que nous voyons d’ici et que nous visitons régulierement nous effraie car elle nous rappelle de biens mauvais souvenirs….elle apparait manipulée, jetée dans la boue, humiliée, salie, brisée… ou est-elle la vraie France? Celle que tous les autres pays nous enviait?
Les apéritifs que vous organisez, les luttes que vous menez pour tenter de freiner la dégringolade et tenter de redresser les directions sont courageux et vous pouvez en être fiers. Mais je ne sais pas obectivement si vous et vos amis qui vous soutiennent mis a part, je ne sais pas si les autres voient clair et ne sont pas aveugles par un métro boulot dodo hypnotisant.
Ne pas enlever les ornières car la chute serait trop rude, trop aveuglante la vérité de cette décheance annoncée déjà par Maltaux dans les années 55… Ou elle est cette ”douce France” ”de mon enfance”?
Alors à defaut d’aimer la France d’aujourd’hui ou celle des années 35-45 je repense a l’autre et je la languis.
Bravo pour votre travail et vos idees et l’analyse de l’edito de Cyrano reçue ce matin est de toute beauté.
Oriella Bliah