L’Ukraine est corrompue au plus haut niveau : c’est l’UE qui le disait… en 2021
On accuse depuis février 2022 toute personne disant quelque chose de l’Ukraine d’effectuer le travail des Russes. Ce pays en est devenu miraculeusement un pays merveilleux, romantique, à défendre au prix de sacrifices économiques importants pour nous-mêmes. L’Ukraine est belle, c’est une démocratie, un État de droit enviable et personne ne peut contester ce récit. Fermer le ban !
Pourtant, la réalité est toute autre. L’Ukraine est infréquentable, dirigée depuis trois décennies par des oligarques monstrueux, féodaux qui imposent leur violence au quotidien sans respecter, ni la vie humaine, ni des contrats. Ils captent la richesse, tuent des adversaires, exploitent la misère du monde, prostituent des adolescentes et saignent le pays depuis trente ans. Voilà la triste réalité et nous volons au secours d’une oligarchie destructrice de son propre peuple. Comment puis-je être sûr de ces affirmations me direz-vous ?
La capture de l’État par les oligarques
Il suffit de consulter le rapport spécial n° 23/2021 : lutte contre la corruption à grande échelle en Ukraine (Rapport spécial: lutte contre la grande corruption en Ukraine (europa.eu)) produit par la Cour des Comptes de l’Union européenne. Ce rapport est édifiant, objectif mais tragique et publié courant 2021. Comme vous allez le constater, cette Ukraine infréquentable est devenue désirable pour l’Europe alors que l’UE n’imaginait pas une seconde la rapprocher ou l’intégrer dans l’Europe dans cet état. Là est la question ? Pourquoi ?
D’abord, prenons quelques extraits de ce rapport qui date de 2021. Le résumé dit :
« L’Ukraine souffre d’une grande corruption et de la capture de l’État depuis de nombreuses années. Notre audit a permis de déterminer si le soutien de l’UE en Ukraine était efficace pour lutter contre la corruption à grande échelle. Bien que l’UE ait lancé plusieurs initiatives pour réduire les possibilités de corruption, nous avons constaté que la corruption à grande échelle restait un problème majeur en Ukraine. Nous formulons plusieurs recommandations pour améliorer le soutien de l’UE, en particulier que des actions spécifiques soient conçues et mises en œuvre non seulement pour lutter contre la corruption à grande échelle (y compris la structure oligarchique), mais aussi pour aider à éliminer les obstacles à une concurrence libre et loyale. »
Nous ne sommes pas avec quelques dérives, mais avec le terme le plus fort des spécialistes de la question : la grande corruption :
« La « grande corruption » est définie comme l’abus d’un pouvoir de haut niveau qui profite à quelques-uns et cause des dommages graves et généralisés aux individus et à la société. Les oligarques et les intérêts particuliers sont la cause profonde de cette corruption. La grande corruption et la capture de l’État entravent la concurrence et la croissance, et nuisent au processus démocratique. »
Difficile de vanter ensuite un État démocratique quand en 2021 la Cour des Comptes de l’UE écrit ces lignes. D’autant que cet autre extrait démontre que l’État de droit n’y est pas. Les oligarques vivent dans l’impunité judiciaire. Le constat de la Cour est éloquent :
« Bien que l’UE ait contribué à réduire les possibilités de corruption, la corruption à grande échelle reste un problème majeur en Ukraine. La réforme judiciaire connaît des revers, les institutions de lutte contre la corruption sont menacées, la confiance dans ces institutions reste faible et le nombre de condamnations résultant d’une corruption à grande échelle est faible. »
La corruption est tellement pratiquée qu’elle décompose le pays, le ruine par des détournements massifs estimés en milliards d’€ et en cumul en dizaine de milliards de manque à gagner d’un État miné par la grande corruption :
« Les citoyens « justifient souvent leur participation à une telle petite corruption en notant que des hauts fonctionnaires et des oligarques sont impliqués dans des pots-de-vin à une échelle beaucoup plus grande ». Les experts ont estimé que des sommes énormes – dans les dizaines de milliards de dollars – sont perdues chaque année en raison de la corruption en Ukraine. »
La puissance des oligarques, et ce terme même que les Européens de l’Ouest connaissent mal, décrit en fait un pouvoir qui a pris possession de l’État ; de ces actifs, des anciennes structures soviétiques : usines, mines, banques, etc. Mais ils ont asservi les juges, les administrations qui sont à leur service parce qu’ils règnent avec leurs hommes de main, pour ne pas dire leurs troupes, sur des territoires qui sont les leurs :
« La « capture de l’État » par des blocs d’élites politiques et économiques puissantes qui ont une structure pyramidale et sont enracinées dans les institutions publiques et l’économie a été considérée comme une caractéristique spécifique de la corruption en Ukraine. Le Fonds monétaire international (FMI) et le gouvernement ukrainien ont tous deux reconnu la résistance des groupes d’intérêts aux réformes structurelles. La corruption à grande échelle résultant de la faiblesse de l’État de droit et de l’influence oligarchique généralisée va à l’encontre des valeurs de l’UE et constitue un obstacle majeur au développement de l’Ukraine. La corruption à grande échelle ou de haut niveau entrave la concurrence et la croissance dans le pays, nuit au processus démocratique et constitue la base de la petite corruption à grande échelle. »
Dans une synthèse, le rapport conclut très clairement à une société sans État de droit avec cette conséquence que personne ne fait confiance :
« De 2016 à 2020, les trois principaux obstacles à l’investissement étranger en Ukraine sont restés les mêmes : la corruption généralisée, le manque de confiance dans le système judiciaire, la monopolisation du marché et la capture de l’État par les oligarques. Ces dernières années, les investissements directs étrangers en Ukraine sont restés inférieurs au niveau de 2016. »
Ce rapport s’appuie lui-même sur des nombreux audits et études commandées par l’Union européenne sur la période 2017-2021 pour l’essentiel. Sauf à contester tous les auteurs, auditeurs, chercheurs, économistes, fonctionnaires des institutions européennes et d’organismes internationaux, sa conclusion est sans appel, et elle est parfaitement connue depuis des années de ceux qui s’intéressent à la situation de ce pays.
L’Europe serait-elle en cours d’ukrainisation ?
La question aujourd’hui est de comprendre comment nous avons pu écrire cela, le savoir et comment nous pouvons adopter les positions qui sont les nôtres d’un soutien aveugle à une société mafieuse de part en part ? Comment alors livrer des armes, des milliards ? Qui contrôle l’acheminement, l’arrivée sur le théâtre d’opération, en avons-nous les preuves ? Qui fait les virements des fonds ? Sur quels comptes de l’État ukrainien ? Mais avec quels contrôles des usages et destinations ? Salaires des fonctionnaires, achats de première nécessité des ministères : santé, éducation, etc. Comment avons-nous, par un tour de magie, estimé que ce pays aux élites hautement toxiques pour leur nation et leurs populations devenait le champion de la liberté et de la démocratie, ce qu’il n’a jamais été ?
Je vois deux explications.
La première est qu’un autre pays est tout aussi corrompu et associé à ces corruptions et qu’ils jouent ensemble une partition d’enrichissement mutuel en tentant de plus d’appauvrir une puissance dont les richesses attirent toutes les convoitises : la Russie. Les proximités entre l’Ukraine et les USA sont nombreuses. Le rôle des USA dans l’affaire est manifeste avec ces services à la manœuvre de la désinformation planétaire. On parle du transfert de l’or de la banque d’Ukraine aux USA, du partage des richesses entre oligarques ukrainiens et investisseurs américains aujourd’hui mis à mal par la conquête Russe.
La seconde, beaucoup moins rassurante pour nous est que les oligarchies ukrainiennes ont déjà contaminé l’État de droit européen. Il est peut-être déjà corrompu et donc partenaire d’une prise de pouvoir latente et lente de ces oligarchies sur nos institutions. Or, quelques épisodes récents, dont l’urgence sanitaire et le dévoiement de toute nos institutions au profit d’un achat incontrôlé au profit d’une firme pour plus de 70 milliards, s’apparente très largement à une opération de grande corruption, en court-circuitant les procédures d’achat, le jeu de la concurrence et la sécurisation de l’achat en pleine responsabilité des vendeurs eu égard aux risques du viol des protocoles de mise sur le marché des médicaments. Le caviardage des contrats, le refus de répondre aux demandes d’audition de l’oligarque de Pfizer, l’absence de transparence et l’entrave aux opérations de contrôle, voire judiciaires démontrent que l’UE se rapproche très dangereusement de pratiques similaires. La même présidente invite à défendre l’Ukraine. Ce n’est pas son mandat, car les politiques étrangères appartiennent encore aux États. Pourtant, elle impose, elle exige, elle demande et provoque des versements pharaoniques d’aides européennes à l’Ukraine. Étonnant.
Voilà le sens de cet article, alerter sur ce basculement très rapide et inédit, de nos sociétés démocratiques et de droit vers des pouvoirs corrompus et capturés par quelques oligarques nationaux et internationaux. Si nous voulons échapper à un destin ukrainien, il va falloir faire preuve d’esprit de justice avec l’exigence qui va avec. Et le démantèlement des grands conglomérats économiques est une décision urgente à prendre dans nos sociétés pour les libérer du joug de nos oligarques ; car le schéma du rapport,
malheureusement, ne s’applique pas qu’à l’Ukraine. Nous avons nous aussi nos oligarques présents dans de très nombreux domaines stratégiques et influents avec des tailles déraisonnables. La concentration des pouvoirs économiques a été combattue aux USA par les populistes du début du 20e siècle qui obtinrent la loi anti-trust et quelques démantèlements pour sauvegarder une société libre. Depuis, rien, ni aux USA, encore moins en Europe. Pourtant, l’évidence est là. Nous avons aussi engendré des oligarchies prédatrices qui capturent l’État : le secteur bancaire a fait chantage dès après 2008, malgré la crise, et les ouvrages de Stiglitz démontrent que le politique n’a pas le courage de réformer le secteur financier dont il est devenu largement l’otage. De même de l’industrie de l’armement américaine qui s’engraisse de 90 % d’années de guerre depuis la fondation de l’Amérique. De même de l’industrie pharmaceutique récemment. De même des industries des énergies alternatives allemandes productrices d’éoliennes par exemple. Ce schéma devrait nous conduire rapidement à interdire les conglomérats, à limiter la taille des entreprises et à réduire la collecte de l’impôt car les États sont devenus des fromages bien trop tentants.
Pierre-Antoine Pontoizeau