La Poste privatisée, ou l'inégalité de droit d'accéder à ce service

http://www.ripostelaique.com/La-Poste-privatisee-ou-l-inegalite.html




La concurrence contre les chanteurs français et francophones dans les opéras et les conservatoires en France

Le monde de l’Art lyrique proteste contre la politique qui vise à exclure les artistes français au profit d’artistes étrangers. Il ne faut nullement y voir un quelconque relent de chauvinisme et de nationalisme, précisent les signataires de L’Appel du Parlement des Artistes, mouvement créé en mars 2008 (1) : l’esprit gestionnaire étroit et de concurrence du libéralisme économique est passé par là. Quels sont les constats ?
Sur 174 solistes engagés cette saison 2007-2008 à l’Opéra de Paris, seuls 22 sont francophones, Français ou “résidents”. Et encore, relégués aux parties mineures. Même “Louise” de Charpentier, en langue française, ne retrouve que 3 chanteurs français contre 12 d’origine non-francophone sur le plateau. Au Conservatoire National Supérieur de Paris, un élève sur trois entrant en classe de piano est extra-européen. Musiciens, chanteurs lyriques et même les chefs d’orchestre connaissent la précarité, le chômage. « Les solistes et les choristes venus d’ailleurs sont légion, alors que ceux qui ont le tort d’être autochtones sont au chômage. Comme nous, le citoyen comprend mal que cet effort de la nation à former des artistes soit malmené par la sur-représentation d’artistes formés ailleurs », remarque L’Appel (1).

La règle purement comptable fait des ravages comme pour les salariés des services publics et des entreprises. En effet depuis quelques années, les chanteurs lyriques formés en France sont de plus en plus soumis à la concurrence de leurs homologues étrangers « à bas coût », notamment américains du nord, russes ou issus des pays de l’Est. « Bas coûts » qui résultent de la différence de cotisations sociales patronales : 15% pour un artiste étranger contre 44 % pour un artiste français. Par ailleurs cette stratégie permet aux responsables des structures artistiques d’éviter de payer des allocations-chômage à ceux des artistes qui y auraient droit à la fin de leur contrat: les artistes “résidents” en France…
Les signataires de « L’Appel » s’interrogent : « Cela signifierait qu’un Ministère, devenu schizophrène, encouragerait le dumping social. C’est-à-dire que les acquis sociaux, gagnés de haute lutte hier, désavantageraient leurs ayants-droit aujourd’hui (!). Les employeurs publics défavoriseraient ceux-là mêmes que l’Etat a formés. La puissance publique toute entière se comporterait alors comme le pire des patrons-voyous. Non, l’artiste qui est aussi un citoyen ne veut pas croire que la mondialisation va se nicher jusque dans les coulisses de l’Opéra…» (1)
D’autant que cette politique, qualifiée d’ « esprit d’ouverture » par les responsables des structures artistiques, n’existe qu’en France. « Symétriquement, où voit-on que les chanteurs français (exceptions notoires exclues) soient accueillis à bras-ouverts dans les maisons d’opéras étrangères, de Buenos Aires à Moscou en passant par Chicago ? Nulle part. Pas si bêtes : hors d’Europe on sait protéger ses emplois, son patrimoine, sa culture, sans risquer de procès en nationalisme » (1).
« L’Appel » estime que le contribuable, qui est aussi un spectateur payant sa place, est ponctionné trois fois : dans un premier temps pour les besoins légitimes d’une longue formation des artistes, ensuite à l’entrée du spectacle pour le cachet d’un artiste qui ne profitera pas à l’économie du pays, et une fois encore pour les besoins de l’assurance-chômage des artistes résidents de droit, restés de fait au chômage !
L’« Appel à la Refondation des Troupes Lyrique » (1) fédère des grands noms du monde de l’art lyrique : des chefs d’orchestre comme Georges PRÊTRE, Franck VILLARD, Jean-Christophe KECK, des chanteurs comme Gabriel BACQUIER, Michel SENECHAL, Robert MASSARD, Roberto ALAGNA, José Van DAM, Mady MESPLE, Ludovic TEZIER, Franck FERRARI, des musicologues comme Roland MANCINI, Cécile AUZOLLE, des directeurs d’opéra comme Jean-Louis GRINDA (Monte-Carlo), Eric CHEVALIER (Metz), Mireille LARROCHE (La Péniche Opéra), Olivier DESBORDES (l’Opéra Eclaté), des metteurs en scène comme Xavier LAURENT, Pierre MALBOS, des musiciens, des professeurs de chant, des danseurs, des régisseurs, des critiques, des associations comme Les Nouveautés Lyriques de Toulouse, L’Association AlmaViva Lyon, Les Amis de l’Art Lyrique de Lille, etc.
Pour lire la liste des signataires et l’argumentation détaillée de « L’Appel du Parlement des Artistes, aller sur le site
http://www.le-parlement-des-artistes.org/
Assistons-nous au retour de l’esprit du Théâtre national populaire (TNP) des années 1950-60 et de son directeur Jean Vilar qui déclarait que « Le TNP est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l’eau et l’électricité » ?
Il est vrai que les services publics subissent la même logique marchande que les structures lyriques. Ne sommes-nous, dans les deux cas, en présence de la même pensée néolibérale qui anime la bourgeoisie européo-mondialiste et son Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ?
Enfin, il est vrai aussi que les élites dirigeantes françaises et leurs relais médiatiques prennent un malin plaisir à déclasser les artistes français au profit des étrangers, symboles à leurs yeux de la mondialisation capitaliste à laquelle ces élites travaillent sans relâche. Le domaine des variétés connaît la même problématique que l’art lyrique : la chanson française et les jeunes chanteurs-compositeurs de la chanson française sont massivement exclus des médias, notamment publics, au profit d’abord d’une variété mondialisée standardisée anglophone ou chantée en anglais par des Français, sous prétexte « d’esprit d’ouverture » et de refus de « des cultures nationales » présentées comme ringardes.
Les signataires de « L’Appel du Parlement des Artistes » viennent à présent d’autres horizons comme Stéphane PACCOUD, Conservateur au Musée de Lyon, Hervé RICHET, Professeur des universités, etc. Serions-nous en présence d’une matrice susceptible de s’élargir aux différents mondes des arts ?
Serions-nous devant une résurgence de l’esprit des « Etats généraux de la culture » (2) initiés en 1987 par le communiste Jack Ralite avec 4000 artistes pour défendre l’exception culturelle française contre la marchandisation culturelle ? On ne peut que l’espérer. Il revient aux artistes et aux différents mondes des arts de se prendre en main comme a commencé à le faire le monde du lyrique qui a construit le « Parlement des artistes » pour agir, se faire entendre et faire pression. Il dépend des autres mondes des arts d’élargir l’assise artistique du « Parlement des Artistes ».
Pierre Baracca
(1). Texte de « L’Appel » du Parlement des Artistes et la liste des signataires qui ne cesse de s’allonger :
http://www.le-parlement-des-artistes.org/
(2). Jack Ralite et les Etats Généraux de la Culture :
http://www.aubervilliers.fr/article307.html




Le projet Darcos-Sarkozy : la casse organisée du lycée public de qualité

Le Président Sarkozy et Xavier Darcos poursuivent leur casse du Service National Public d’Enseignement. A présent c’est le lycée pour la rentrée de septembre 2009.

Dégraissage du volume horaire

Vingt-sept heures hebdomadaires pour tous, de la seconde à la terminale, pour tous les lycéens des filières générales. Au lieu des vingt-huit à trente-cinq heures de cours actuellement. Soit environ 5h30 par jour, du lundi au vendredi. Les syndicats considèrent comme “inadmissible” un tel allégement des emplois du temps qui vise à réduire le nombre d’enseignants et à faire des économies budgétaires. Xavier Darcos ne le nie pas : ” si l’on peut en même temps réformer et réduire les coûts… “.
C’est la poursuite du désengagement de l’Etat par la casse du service public. Moins d’heures de cours, c’est moins d’Etat, moins de Service public, moins d’impôts sur les profits. C’est donc peu à peu remise en cause du principe d’égalité juridique des Français devant l’instruction qui avait été démarré pour le niveau de l’école élémentaire avec les lois de Jules Ferry en 1881-86.

Instruction au rabais dès la Seconde

En seconde, le temps hebdomadaire réduit comporterait un tronc commun : 60% des cours, soit environ 16 heures. C’est le nivellement par le bas ou la caricature de l’égalitarisme, puisque ce tronc commun se limiterait à un enseignement des lettres, des mathématiques, de l’histoire-géographie, de deux langues vivantes et du port. Finie l’ouverture d’esprit scientifique avec les sciences naturelles et la physique-chimie ! 25% du temps seraient consacrés à des modules ” exploratoires ” et 15% aux modules ” d’accompagnement “.
Ensuite, c’est la fin des filières, la fin des mathématiques obligatoires. Les élèves de première et de terminale suivraient un tronc commun (45%), des modules exploratoires (45%) et des modules d’accompagnement (10%).
L’histoire-géographie et les mathématiques disparaîtraient du tronc commun, mais pas la philosophie qui pourra être débutée (en option) dès la première. Un élève pourrait donc ne plus faire de mathématiques après la seconde!
Quant aux filières scientifique (S), économique et sociale (ES) et littéraire (L), elles disparaitraient. Elles seraient relayées par quatre “dominantes” (humanité et arts, sciences, sciences de la société, technologie) grâce au principe des modules (dont le droit, une autre nouveauté) interchangeables en cours d’année.
Xavier Darcos ose déclarer que ” La réforme se veut au service des élèves, elle n’est pas motivée par des questions budgétaires “…

Casse du lycée public pour développer le lycée privé

En effet rien n’interdira aux lycées privés (religieux ou entreprises) d’ajouter des heures supplémentaires, puisque ce sont les parents qui paient. L’inégalité par l’argent serait alors le principe régissant la formation initiale de la jeunesse en France. Mais aussi en Europe, puisque la privatisation de l’enseignement est une orientation européenne et de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), présidée par Pascal Lamy. Le modèle, ce sont les Etats-Unis. Pas d’argent : un enseignement au rabais dans le public dégradé. De l’argent : enseignement sérieux dans des établissements privés, religieux ou non. Et sans formation de qualité dans le niveau lycée, pas d’espoir de passer dans le niveau suivant qu’est l’Enseignement supérieur.
On comprend mieux à présent pourquoi la loi Pécresse–Sarkozy met en place dix universités, ” dix pôles d’excellence “, et massacre les 75 autres universités : c’est la fin de l’entonnoir sélectif qui est amorcé au lycée et même avant.
En somme la Droite applique cyniquement sa logique de classe, à savoir le droit à la différence sociale via la sélection par l’argent, en jetant à la poubelle le principe républicain d’Ecole obligatoire, donc gratuite, donc laïque, donc publique. Au contraire une démarche de progrès social exige d’étendre ce principe républicain à tout l’ensemble du Service National Public d’Enseignement (SNPE), c’est à dire de l’Ecole maternelle à l’Enseignement supérieur, via le Lycée. Faut-il encore défendre le principe de l’égalitarisme juridique au niveau de l’Etat-nation ! En effet la régionalisation de l’enseignement public créerait des différences pour les élèves entre les Régions. Au passage on voit les dangers que font peser les revendications régionalistes sur l’égalité juridique en matière d’instruction pour tous les élèves et surtout pour ceux issus des classes salariales. Ces revendications, si elles ne sont pas étudiées en fonction de la démocratie sociale, peuvent aider à la casse du SNPE.

Fabriquer une main d’œuvre standardisée utilisable dans le monde entier

Autre aspect de la ” casse Darcos-Sarkozy ” du lycée : effacer les repères historiques dans la formation des scientifiques. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie cosmopolite d’un capitalisme mondialisé a besoin de standardiser la force de travail afin de pouvoir la faire circuler d’une filiale à une autre filiale dans ses groupes mondialisés. Par conséquent il ne faut pas que cette main d’œuvre de chercheurs, d’ingénieurs, des cadres et de techniciens supérieurs soit façonnée par des façons de penser, d’agir, de sentir et de se comporter héritées de traditions historiques nationales. La bourgeoisie cosmopolite a besoin de bons petits salariés standardisés, donc qui parlent l’anglais et qui acceptent de ” bouger ” dans toutes les parties du monde, en fonction des intérêts et des migrations des filiales des groupes transnationaux. En somme lisser les appartenances nationales des chercheurs, ingénieurs, techniciens et cadres, c’est faire des économies d’échelles sur la formation de cette force de travail d’avenir en supprimant les coûts relatifs aux histoires nationales, voire régionales que perpétuent l’enseignement de l’histoire, de l’histoire littéraire et artistique. C’est par exemple la vocation de la ” littérature mondialiste ” qui se charge de remplacer les littératures nationales étrangères. En somme c’est la poursuite de la marchandisation de la force de travail.
Enfin, on est bien obligé de se souvenir que retirer l’enseignement de l’histoire est le propre des régimes politiques autoritaires. Comme supprimer les sciences économiques et sociales pour préserver l’idéologie de la libre entreprise et du marché de toute approche critique. Comme retirer les sciences naturelles, la physique-chimie et les mathématiques pour une grande partie des élèves conduit à développer l’obscurantisme et l’irrationnel sur lesquels ne peuvent que croître tous les communautarismes religieux et/ou ethniques si utiles à la domination de la bourgeoisie cosmopolite sur les autres classes sociales, salariés ou travailleurs indépendants, petits patrons.
Toute perspective progressiste se doit de prendre en compte ces enjeux autour de la ” casse du lycée public de qualité ” et contre la sélection par l’argent en matière d’instruction.
Pierre Baracca




Et si on nationalisait Renault avant sa disparition de France ?

9 septembre noir pour les salariés : Carlos Ghosn, PDG du groupe Renault, a annoncé la suppression de 6000 emplois en Europe, dont 4900 en France (1000 à Sandouville, 3900 dans Renault Maison mère), soit près de 8 % des emplois de Renault en France. Que faire quand on est salarié, quand on est syndicaliste ou un(e) élu(e) politique des gauches ?
En citoyen qui pense par moi-même, j’ai fait le tour des sites Internet de Renault, des syndicats et des partis politiques de gauche pour prendre connaissance des attitudes des un(e)s et des autres.

Qu’en est-il du groupe Renault ?

Rappel : Renault a été étatisé le 16 janvier 1945 par une ordonnance du gouvernement issu de la Résistance et dirigé par le Général de Gaulle, suite à la collaboration de Louis Renault avec les Nazis.
En 1990, le gouvernement de Michel Rocard, sous la présidence de François Mitterrand, transforme Renault en Société anonyme (société par actions) qui a ouvert la voie à sa désétatisation et à sa privatisation par le gouvernement Juppé n° 2 en 1996, sous la présidence de Jacques Chirac.

Renault devient ainsi un groupe capitaliste aux mains d’actionnaires. C’est donc la logique de la recherche du plus grand taux de profit pour les actionnaires qui va orienter alors la destinée du groupe Renault : c’est l’européanisation et la mondialisation. Sous le gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin, en 1999 Renault s’associe au japonais Nissan, achète Dacia en Roumanie, s’associe avec Fiat pour les autobus, puis en 2000 vend sa branche « poids lourds » à Volvo et rachète le constructeur Sud-coréen Samsung, etc.
Au 31 décembre 2007, le groupe Renault avait 130 000 salariés dont encore 48,5 % en France et 51,5 % à l’étranger (18,5 % en Europe, 20,8 % dans les pays de la rive sud de la méditerranée, 7,4 % aux Amériques, 4,8 % en Asie-Afrique). Le Groupe est installé dans 118 pays.(1)
Du 1er semestre 2007 au 1er semestre 2008, la marge bénéficiaire du groupe est passée de 3,5 à 4,1 %, le résultat d’exploitation est passé de 689 millions à 845 millions d’euros et le résultat financier est passé d’un résultat négatif de moins 112 millions à un excédent de 315 millions d’euros. En somme le Groupe Renault fait du profit. Carlos Ghosn reconnaît que les entreprises Renault en France sont rentables.
Mais l’objectif de Carlos Ghosn est d’accroître encore les profits des actionnaires en atteignant une marge bénéficiaire de 4,5 % pour 2008 et de 6 % en 2009. C’est pourquoi, et c’est un classique du capitalisme, le PDG veut supprimer 6000 emplois pour « diminuer les coûts de production » : il n’y pas si longtemps, c’est ce qu’on appelait la surexploitation des salariés. Ghosn diminue ainsi la part de Valeur ajoutée créée allant au Travail pour la transférer au Capital, c’est à dire aux actionnaires-propriétaires de Renault, dont l’Etat français (encore 15% du capital) (2). Comment réagissent les syndicats ?

Des syndicats qui acceptent la logique mondialiste des actionnaires…

La CGT, la CFDT et FO protestent contre ces suppressions d’emploi qui visent à augmenter la marge bénéficiaire pour les actionnaires. Mais que proposent-ils ?
•La CFDT
Elle propose à la direction de baisser ses exigences de 6 % de rentabilité pour sauver l’emploi qui sera nécessaire « pour construire l’automobile de demain » et « interpelle les Pouvoirs Publics devant la gravité de la situation » (3). Pour François Chérèque , secrétaire général de la CFDT, ce serait « des erreurs stratégiques de l’entreprise » dont « les salariés de Renault «supportent la charge » (4).
• La CGT
Elle discute la pertinence de la « logique de Ghosn » qui repose sur la « baisse des salaires réels » et qui « asphyxie les sous-traitants et freine le renouvellement de la gamme ». La CGT propose d’autres critères de gestion pour le groupe Renault : « amorcer une politique de vente offensive sur la Laguna en offrant des prix plus intéressants que la concurrence », développer la recherche-développement « pour réussir le pari du véhicule électrique » (5).
• FO
La fédération FO de la Métallurgie, elle, s’inquiète de « la croissante augmentation de la fabrication de modèles dans les pays à bas coûts low cost » et des conséquences sur « l’avenir qui pourrait en découler pour les pays européens et plus particulièrement la France ». Elle « appelle donc l’Etat, qui est actionnaire, à intervenir afin de soutenir les salariés de Renault et l’industrie automobile française » (6).
Il y a de quoi s’étonner : aucune réelle contestation de la logique mondialiste du groupe automobile qu’impulse le PDG. C’est même son acceptation : on cherche à s’adapter. Pourtant cette logique mondialiste n’est pas un phénomène fatal et naturel comme la pluie ou la chaleur solaire. Ce sont des choix rationnels et opérés dans les seuls intérêts des actionnaires-propriétaires pour leurs seuls impératifs de profit et, ce, aux dépens des salariés et des entreprises sous-traitantes en France ou dans d’autres Etats-nations. Alors à quoi sert de se lamenter sur les licenciements et sur la main d’œuvre qui subit les délocalisations des unités de production là où le décident les actionnaires pour leurs profits ? S’il y a inquiétude à voir Renault ne plus exister en France, voire même en Europe, alors ne faut-il pas remettre en question cette logique de mondialisation du groupe ? Ce qui est bon pour les actionnaires du Groupe Renault est-il bon pour ses salariés en général, pour les salariés français en particulier et pour le devenir de l’économie française, des emplois de demain et d’après demain ?
Et les partis de gauche ?

Les partis de gauche rompent-ils avec la logique capitaliste?

•Au PS
Sur le site officiel du PS à cette date, rien sur Renault ! Google ne donne aucune proposition de Martine Aubry sur le devenir de Renault en France. Sur des sites de journaux, on constate que son allié actuel, Laurent Fabius, dénonce les suppressions d’emplois dans l’usine de Sandouville située dans sa circonscription législative : «La décision de la direction de Renault constitue un coup grave porté aux salariés de l’entreprise et de ses sous-traitants ainsi qu’à la région Haute-Normandie» (7). Egalement un entretien de Jean-Louis Bianco, député pro-Ségolène Royal : « Moi, je ne vois pas d’objection à ce qu’une partie de la production se trouve dans d’autres pays, dès qu’on maintient l’emploi en France et qu’on maintient le centre de décision en France (…) Carlos Ghosn, qui est un grand patron, qui a réussi cette performance de redresser Nissan, Renault rachetant Nissan, personne n’aurait osé l’espérer, c’est quelqu’un qui a perçu 3 410 000 euros de rémunération en 2007 ; il s’est augmenté sa rémunération de plus de 29% et il a perçu en revenu du capital 19 millions d’euros. Moi, j’en ai assez que les patrons de ce pays se payent à ce niveau-là et augmentent quand ça va mal, alors qu’ils demandent aux gens de partir. Je crois qu’ils devraient se méfier, on est à la veille d’une révolution, c’est comme en 1789, les efforts doivent se partager. » (8)
Déclarations cohérentes : la direction du PS ne vient-elle pas d’opter officiellement pour la mondialisation capitaliste qu’elle appelle « l’économie de marché » ? Pourquoi remettrait-elle alors en cause la logique mondialiste de Carlos Ghosn et des actionnaires de Renault ? C’était déjà la ligne de Lionel Jospin qui, en septembre 1999, alors qu’il était premier ministre, s’était déclaré choqué par la suppression de 7500 emplois chez Michelin, mais qui avait invité « à ne pas tout attendre de l’État » (9). Conclusion : une partie des électeurs du PS et des autres gauches ne l’avaient pas envoyé au second tour des présidentielles en 2002 (Chirac-Le Pen). Ligne jospinienne poursuivie par un Dominique Strauss-Khan (allié aussi de Martine Aubry) qui dirige le Fonds Monétaire International (FMI) et par un Pascal Lamy à la direction de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), deux instances néolibérales mondiales du capitalisme. C’est cette orientation que dénonce l’aile gauche à l’intérieur du PS.
• Au PCF
Sur son site national (6), les députés Daniel Paul (Le Havre) et Jean-Paul Lecocq (Seine-Maritime) interpellent Christine Lagarde, la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Ils interpellent ainsi le gouvernement, donc le niveau politique. Ils reprennent l’argumentation des syndicats(cf. ci-dessus) et que demandent-ils ? « Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’intervenir auprès du groupe Renault pour que cette saignée d’emplois industriels, avec leurs conséquences sur les emplois induits, soit revue, sauf à laisser entendre aux salariés et à la population, que la politique industrielle en France se décide à la corbeille . Parallèlement à ce courrier, nous intervenons auprès de Patrick Ollier, Président de la Commission des Affaires Economiques de l’Assemblée Nationale pour que, dès la rentrée de septembre, Carlos Ghosn soit auditionné sur cette stratégie qui met à mal l’emploi sur nos territoires » (10).
Rupture avec la ligne Jospin de privatisations de la Gauche plurielle ? Un peu, puisqu’il y a une timide demande d’intervention du Gouvernement. Mais pour faire quoi ? Ou la porte est ouverte ou elle fermée ! Ou le Gouvernement suit la mondialisation du Groupe en disant comme Jospin et l’Europe, ou il fait intervenir l’Etat . Mais comment ? En suivant la logique mondialiste du Groupe et en étatisant partiellement à travers une entreprise mixte Privé-Public ? Risque : le financement public (les impôts) sert de béquilles au Capital privé. Le mot « Nationalisation » a disparu de la bouche de la direction du PCF, médusée qu’elle est par la croyance au caractère naturel de la mondialisation. Or le Gouvernement américain de Bush est, lui, plus décomplexé sur le rôle de l’Etat puisqu’il n’hésite pas à étatiser les pertes du secteur bancaire américain en faillite en déboursant 700 milliards de dollars (11), donc à « socialiser les pertes » ; ce qui revient à renflouer la bourgeoisie capitaliste en faisant payer le reste de la société.
• A la LCR d’Olivier Besancenot
Même « sentiment de révolte » que les syndicats contre les licenciements pour « verser toujours plus de dividendes aux actionnaires » (12). Et même dénonciation : « les patrons licencient pour délocaliser, augmenter leurs marges bénéficiaires » (12). Mais si la LCR refuse les délocalisations, cela ne la gêne pas de dire en même temps que « c’est désormais dans cet espace [la globalisation capitaliste] qu’il faut penser les luttes, la construction, d’un nouveau mouvement ouvrier (…) Plus que jamais il n’existe pas de solution nationale… » (13). Raisonnement curieux : non aux délocalisations et oui à la mondialisation ? A vrai dire la solution demeure surtout « travailler à la convergence des luttes », « mettre en échec la politique du MEDEF, c’est tous ensemble, en faisant la grève » (12). Si cette orientation est celle du futur Parti Anticapitaliste, elle ne gênera ni le MEDEF en France, ni ses frères ailleurs. Et on se demande pourquoi Olivier Besancenot refuse la privatisation de la Poste et défend le Service public français de la Poste, s’il n’y a pas de solution nationale au socialisme.
• Et les Verts ?
Les 6000 suppressions de postes résultent de « la volonté de satisfaire à court terme des actionnaires et donc d’augmenter les marges (…) » (14).
Solution : « L’industrie automobile doit s’adapter d’une part à la demande unanime des émissions de gaz à effet de serre et d’autre part à un pouvoir d’achat diminué par l’augmentation du prix des carburants » (14). On avait peur qu’on nous propose de rouler à vélo comme les Chinois pauvres du temps de Mao, mais heureusement « Il faut imaginer la voiture de demain : ce sera une voiture à faible consommation ou à énergies alternatives… » (14).
Action politique : « Les Verts lancent aujourd’hui une invitation aux constructeurs et aux syndicats à discuter de l’avenir de l’automobile » (14). Pas de remise en cause de la logique mondialiste du Groupe Renault : les actionnaires ont tout au plus à faire des discours sur la pollution, en espérant que…

Pistes pour une perspective progressiste

Une telle acceptation de la stratégie mondialiste patronale n’est guère mobilisatrice socialement et va conduire à la disparition de l’industrie automobile en France. Pas étonnant que le monde du travail ait le sentiment d’une déroute de la pensée et de l’action des syndicats et des gauches.
Accepter la mondialisation capitaliste comme naturelle, c’est être à la remorque des décisions patronales et accepter qu’il ne peut y avoir de souveraineté populaire. C’est retirer les activités économiques du champ de la démocratie pour réserver les décisions à une élite bourgeoise cosmopolite.
La solution pour les salariés, les professions libérales, les travailleurs indépendants et le patronat non-mondialiste passe-t-elle par une autre mondialisation, par l’« altermondialisme » ? Non, l’« altermondialisme » a été subtilement substitué à « l’antimondialisme » initial de mouvements comme ATTAC afin provoquer l’acceptation résignée de la mondialisation capitaliste et empêcher toute possibilité de s’y opposer. Eil s’agissait surtout d’empêcher de penser que l’on pourrait encore nationaliser des entreprises afin de préserver la cohésion sociale de la société française au sein de son Etat-Nation.
Et si on nationalisait Renault avant que cette entreprise ne disparaisse du territoire français ? D’autant que Renault n’a jamais été nationalisé, mais simplement étatisé. La nationalisation conçue par le Conseil National de la Résistance prévoyait une gestion tripartite : le gouvernement via l’Etat, les salariés via les syndicats et les usagers. Ce qui n’a pas été appliqué. Réfléchissons pour éviter le bureaucratisme et la délégation de pouvoir, sans pour autant tomber dans l’illusion du basisme (seul pouvoir à la base).
Mais Renault est dans 118 pays, penserez-vous ? Oui, d’accord et alors ? Discutons de la nécessité de développer économiquement et socialement chaque pays sur la base de la coopération. En quoi serait-il gênant que Dacia et ses Logan soient Roumains ? De toute façon sa filialisation actuelle dans le Groupe Renault ne rapporte rien aux salariés français et ne fait pas entrer d’impôts dans les caisses de l’Etat français.
En somme nationaliser c’est nouveau. Et c’est un avenir de coopération enttre les Etats-nations et de non-domination des peuples par l’Argent.
Pierre Baracca
(1)- Les données chiffrées qui précèdent proviennent du site de Renault, 21 septembre 2008 :
http://www.renault.com/renault_com/fr/images/ATLAS_FR-interactif_tcm1119-731086.pdf
(2)- Au 31 décembre 2007. Source : note (1).
(3)- http://www.cfdt.fr, le 12 septembre 2008.
(4)- http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/350910.FR.php?rss=true&xtor=RSS-450
(5)- http://www.cgt-renault.com/documents/usines/tract_30908.doc , le 8 septembre 2008.
(6)- http://www.fo-metaux.com/frame.html , 11 septembre 2008.
(7)- 20Minutes.fr, éditions du 09/09/2008 :
http://www.20minutes.fr/article/250682/Economie-Pres-de-6-000-suppressions-d-emplois-a-venir-chez-Renault.php
(8)- Entretien de Jean-Louis Bianco sur Radio Classique, le 10 septembre 2008 (écouter l’intervalle allant de 7mn35 à 9mn38) : http://www.jean-louis-bianco.com/?p=319
(9)-Le 21 septembre 2008 : http://www.humanite.fr/1999-09-14_Politique_L-interview-du-premier-ministre-hier-soir-sur-France-2-JOSPIN-A
(10)- Le 21 septembre 2008 : http://www.pcf.fr/spip.php?article3044
(11)-Pierre-Yves Dugua, Le Figaro, 22/09/2008 :
http://www.lefigaro.fr/economie/2008/09/22/04001-20080922ARTFIG00320-crise-bancaire-washington-deboursemilliards-.php
(12)- Site LCR, le 21/09/2008, communiqué du 10 septembre 2008 :
http://www.lcr-rouge.org/impression.php3 ?id_article=2269
(13)- Site de la LCR, 21/ 09/2008 :
http://www.lcr-rouge.org/impression.php3 ?id_article=1685
(14)- Site Les Verts, 21/09/2008 :
http://lesverts.fr/article.php3 ?id_4173&action=point




« L'Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes », de Jean-Loup Amselle

Jean-Loup Amselle qui est anthropologue et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, dresse un panorama de la genèse et de la construction complexe des théories de la subalternité (« Subaltern Studies ») tant en Afrique qu’en Inde et en Amérique latine. Et, ce, à travers la présentation de différents théoriciens de ces continents qui ont tous la particularité d’être hostiles à l’Occident à des degrés divers et de lui « décrocher », tout au moins dans leurs discours théoriques et politiques (« science africaine » contre les sciences, islam comme modernité alternative à l’Occident, « merveilleux de type heideggerien » dans les contes et épopées de l’Inde contre l’histoire, etc.).
Amselle met en évidence le cheminement, via les universités américaines , d’approches identitaires, voire essentialistes, remplaçant les interprétations marxistes-léninistes de la domination impérialiste. Ainsi, par exemple, la volonté de décolonisation des esprits fait passer l’Amérique latine à l’Amérique de l’Indien. L’image de l’Indien va alors remplacer celle du paysan. La lutte pour affirmer l’identité indienne évacue les luttes de classes paysannes. J-L. Amselle montre en quoi les revendications identitaires et anti-occidentales sont encouragées par les Néolibéraux américains dans leur volonté de domination états-unienne du monde. En effet ces théories de la fragmentation déconstruisent les modèles totalisants anti-impérialistes qui structuraient les combats du Tiers-monde des années 1940-1970.
Les théories postcoloniales sont arrivées sur la scène politique française dans la décennie 1990. Les identités ethniques, religieuses et de genre se sont substituées peu à peu aux notions de classe ouvrière et de luttes des classes. Les thèses de la postcolonialité et de la subalternité ont fait émerger des identités fragmentées et des communautarismes : « les juifs de la shoah », « les black », « les beurs », les femmes, les homosexuels, etc.
Comme le montre Amselle, postcolonialisme et subalternisme sont à l’origine de mouvements tels que le Conseil Représentatif des organisations Noires de France (CRAN), des Indigènes de la République, mais permettent aussi de comprendre l’articulation entre le penseur islamiste Tariq Ramadan et la gauche altermondialiste. Ces théories sont à la base des demandes de commémoration fondées sur la mémoire des « communautés de souffrance » (les esclaves, les indigènes de l’empire colonial, etc.) auxquelles s’opposent des historiens soucieux de défendre la liberté de la recherche (association « Liberté pour l’Histoire »).
Tout au long de l’enquête, Amselle montre que ces théories postcoloniales et subalternistes s’opposent au spinozisme, aux philosophies des Lumières (notamment l’historicité et la dialectique développées par Hegel, puis Marx), à l’Universalisme et à la République laïque, voire aux démarches scientifiques, parce qu’ils seraient les outils de la domination occidentale sur les peuples subalternes. Ce qui amène Amselle à travailler sur la théorie de la fragmentation d’un Derrida, par opposition à Foucault et Deleuze. Il explique en quoi la théorie de Gramsci qui est convoquée, a été détournée par les théoriciens subalternistes.
Comme on le devine, ce livre est un outil documenté et argumenté pour comprendre « l’ethnicisation des rapports sociaux », le multiculturalisme et le relativisme à l’œuvre en France et dans le monde. Mais aussi pour réfléchir sur les travers de la pensée « laïcarde » caricaturale telle qu’elle existe encore.
Ce livre mérite que les citoyens et citoyennes soucieux de défendre la République laïque, féministe et sociale s’en emparent attentivement.
Pierre Baracca
« L’Occident décroché. Enquête sur les postcolonialismes », Jean-Loup Amselle, Editions Stock, Coll. Un ordre d’idées, 2008, 325p.




La Poste privatisée ou l'inégalité de droit d'accéder à ce service

En annonçant la transformation de La Poste en Société anonyme, le gouvernement met fin à cet ” établissement public ” qui est une personne morale de droit public financée par des fonds publics et qui doit remplir une mission d’intérêt général. Ainsi sont créées les conditions de l’entrée de capitaux privés et de sa transformation en entreprise privée.
La recherche maximale du profit pour les détenteurs de ces capitaux privés va casser la logique de Service public. Les bureaux considérés comme non-rentables ou ne rapportant pas assez de profits seront fermés dans les villages, les petites villes et les quartiers populaires. Et, ce, au détriment de la grande masse de la population. La logique d’intérêt général et de proximité au service du public cédera la place à celle de la recherche du profit. Par conséquent le prix du courrier augmentera nécessairement en fonction des différents lieux du territoire français. Il en sera ainsi terminé de l’égalité de droit de chaque citoyen devant le Service public postal et du tarif unique. Ce sera alors la différence de traitement des utilisateurs : ” pouvoir payer ” (avoir de l’argent) deviendra le critère discriminant entre les gens. Il en sera fini aussi du rôle de lien social de La Poste.
La privatisation de La Poste, ou sa cession à la bourgeoisie cosmopolite, remet ainsi en cause le principe d’égalité de droits et de traitement des citoyens et des usagers qui fonde la République sur le territoire français. On voit donc que c’est le principe de la différence, c’est dire des inégalités de traitement sociales et territoriales, qui est ici à l’œuvre dans cette logique capitaliste européenne et mondialiste.
Ces orientations néolibérales que le président Sarkozy et le gouvernement Fillon impulsent au niveau de l’Europe et de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en matière de services (AGCS) et qu’ils appliquent ensuite en France, sont négatives pour la majeure partie de la population et de nombreuses régions du territoire français. Elles remettent en cause le pacte républicain fondé sur l’égalité des droits des citoyens.
Pierre Baracca




La mondialisation : libre circulation des entreprises, des travailleurs, mais aussi des normes, des voiles et des burqas…

Autour de 1980, le soviétisme s’écroulant, les actionnaires des grands groupes (industriels, commerciaux, financiers) et les hommes-femmes politiques qui les appuient, choisirent d’imposer le libre-échange mondialisé, c’est à dire la libre circulation des marchandises, des entreprises, des capitaux et de la force de travail à l’échelle planétaire. Ils décidèrent de revenir sur les avancées sociales qu’ils avaient dû concéder au salariat et aux couches moyennes à la Libération, dans le cadre d’un rapport de force géo-politique Est-Ouest (Soviétisme-Capitalisme) qui leur avait été alors défavorable : ils remirent en cause la régulation sociale fordo-keynésienne des Etats-Nations occidentaux (Sécurité sociale et retraites par répartition, Système National Public d’Education, Services publics, salaires élevés et profits plus bas, etc.) qui caractérisait les « Trente Glorieuses ».
La politique de Reagan enclencha le démarrage intensif de cette offensive qu’on appelle couramment le retour du Néo-libéralisme. La bourgeoisie, en devenant alors cosmopolite, pouvait ainsi décider par-dessus les Etats-Nations et leur organisation politique : la démocratie commença à devenir une coquille vide comme le montre la ratification, en décembre 2007, du Traité de Lisbonne qui bafoue le NON des Français à la Constitution européenne.
C’est donc dans ce contexte de destruction et d’abandon des politiques de développement des Etats-Nations, qu’ils fussent développés ou sous-développés, que les flux migratoires s’intensifièrent. Ainsi des hommes, des femmes, des enfants partirent sur les routes planétaires à la recherche d’un travail qui leur permettrait de manger, de survivre. D’aucuns même au prix de leur vie, d’autres pour découvrir les filières mafieuses et la misère de l’exploitation dans l’Eldorado qu’ils avaient cru atteindre dans les sociétés d’arrivée. Pour faire vite, la société française est dans ce processus depuis les années 1980.
Mais la libre circulation des hommes et des femmes ne s’apparente pas à la libre circulation des marchandises, des boîtes de sardines, des savonnettes, etc. Ces hommes et ces femmes ont été socialisés dès leur naissance dans des sociétés qui ont une histoire, une organisation sociale, des valeurs et des normes, une conception du politique, du religieux, des rapports hommes-femmes, etc. Que doivent-ils en faire dans la société d’arrivée ? Les abandonner ? Les « bricoler » comme dit Claude Lévi-Strauss ? Les imposer à la société d’accueil ? Là est la question posée à toutes les sociétés de la planète si la mondialisation capitaliste s’approfondit encore.
La libre circulation des travailleurs a donc amené en France des hommes et des femmes socialisés dans des pays où religion (l’Islam) et politique (l’Etat) ne sont pas séparés. Où la vie privée individuelle n’est pas séparable du poids de la communauté ethnico-religieuse d’origine comme, quelque part, dans le système brahmanique des castes en Inde. Où il n’est pas concevable qu’un individu soit libre de construire la vie qu’il désire indépendamment de sa socialisation de départ. Où il doit être ad vitam aeternam attaché à ses origines, à « ses racines », sans jamais pouvoir changer. Où la domination masculine sur les femmes est la norme. Où l’islamisme politique est en train de renvoyer au Moyen-Age les rapports sociaux, dont la condition féminine.
Cette libre circulation planétaire néo-libérale des hommes et des femmes dans les Etats-Nations en liquidation, les mouvements islamistes l’ont bien comprise et cernée. Ils se sont mis en tête de l’utiliser pour réaliser leur dessein politique : une théocratie islamique planétaire, en un mot l’Oumma. Pour atteindre ce but, ils ont entrepris de contrôler partout la diaspora des immigrés, en la postulant immuablement musulmane et, mieux, acquise à l’islamisme, c’est à dire la théocratie qui ne sépare pas le religieux de l’Etat, qui impose la domination masculine discriminative sur les femmes.
C’est ce que la revue Prochoix, dirigée par Caroline Fourest, montre dans son numéro du 13 décembre 2007 quand elle rappelle « ce que déclarait Khadafi devant les caméras Al-Jazeera TV à propos de l’Europe », le 10 Avril 2006 : ” L’Europe sera musulmane ou devra déclarer la guerre aux Musulmans ! Tout le monde doit devenir musulman. (…) Il y a 50 millions de Musulmans en Europe. Il y a des signes qu’Allah va faire triompher l’Islam en Europe — sans sabres ni armes ni conquête militaire. Les 50 millions de musulmans vont transformer l’Europe en un continent musulman en quelques décennies. (…) Allah mobilise la nation musulmane de Turquie. Ce qui ajoutera 50 autres millions de musulmans en Europe. C’est fâcheux pour l’Europe, comme ça l’est pour les Etats-Unis. Car ils vont devoir accepter de devenir Islamiques et suivre le cours de l’histoire ou déclarer la guerre aux Musulmans.”
Faut-il prendre cette déclaration de Khadafi pour une stupidité ? N’est-ce pas aussi le programme politico-religieux des mouvements qui se réclament d’Al-Quaida ? Cette stratégie n’est-elle pas déjà à l’œuvre en France, en Europe, au Canada ? Et chaque fois déclinée selon le régime politique concerné, selon la spécificité du droit, des lois ?
En France cette stratégie fonctionne via la notion de « laïcité ouverte ». Mais aussi via l’emprise religieuse au coup par coup sur la société et, ce, au nom de la liberté d’opinion dans l’espace public :
● port du voile, du niqab, de la burqa pour habituer les non-islamistes, musulmans inclus, à la domination masculine sur les femmes ;
● nourriture halal dans les cantines des écoles publiques laïques pour se démarquer du reste des élèves ;
● contestation des contenus scolaires et artistiques, recours au délit de blasphème ;
● piscines pour les femmes ; revendication de médecins féminins pour les femmes dans les hôpitaux ;
● carrés musulmans dans les cimetières laïques, pour marquer l’apartheid jusque dans la mort.
N’est-ce pas devant cette machine tentaculaire que s’est retrouvée Fanny Truchelut dans son gîte des Vosges, seule devant une Justice mécaniquement utilisée par l’islamisme politique ? Il est évident que la liste est loin d’être close et que les procès pour obtenir des jurisprudences risquent de se développer.
Devant une telle entreprise, se borner à tenter de convaincre de leurs erreurs les islamistes parce qu’il faut défendre la liberté d’opinion, est une bataille perdue d’avance. Comme elle l’aurait été s’il avait fallu persuader de leurs erreurs les Nazis et tous leurs soutiens quant à leur projet d’une société aryenne dans une Europe unifiée par un Reich millénaire. A ce stade, il ne s’agit plus d’un débat contradictoire entre des opinions.
Ne pas réagir, c’est laisser les islamistes détruire les civilisations qui se sont nourries de l’Islam. Combattre en France la prolifération des voiles, c’est combattre la discrimination des femmes, la permanence du machisme, le contrôle religieux de la liberté d’expression et de création, l’apartheid entre les musulmans sous la coupe des islamistes et le reste de la population. Cela n’a donc rien à voir avec la « guerre des civilisations » et le racisme. C’est même exactement le contraire. C’est le combat pour une République, laïque, féministe et sociale. Combat qui nécessite de refuser toute mondialisation, négatrice de la démocratie.
Pierre Baracca
Paru le 19 décembre, dans le numéro 19




Régionalisme : défense de la culture flamande ou séparatisme ?

Notre collaborateur, Pierre Baracca, qui vit dans le Nord, poursuit son échange d’idées sur le régionalisme flamand, la culture flamande et la République française avec Antoine Mouteau, originaire de Dunkerque et étudiant en néerlandais à l’université de Duisbourg-Essen en Allemagne, et Régis De Mol, président de l’Alliance Régionale Flandre Artois Hainaut (1).

La culture flamande et la République française

Parlons clairement: le républicain laïque français que je suis, ne voit aucun problème à ce qu’un collège français s’appelle “Michel de Swaen” ou “Shakespeare” ou “Dante”, etc. Je partage totalement ce point de vue d’Antoine Mouteau (2). Personnellement, je n’aurais pas voté le changement de nom de ce collège de Dunkerque si j’y avais travaillé. Et, ce, par souci d’appropriation de cet aspect de la Culture. Ce que j’ai laissé entendre dans les articles précédents (3). D’ailleurs aucun républicain laïque français ne s’oppose à la connaisance de cet autre contemporain de De Swaen et également néerlandophone qu’est Spinoza. Cette culture a sa place dans la République française. Et De Swaen dans le texte, donc en flamand ancien, se doit d’être étudié soit dans les options de flamand ou de néerlandais, dans l’Université française ou dans les collèges ou lycées qui les ont. Ou en français actuel comme Rabelais, Villon, Rutebeuf, Froissart, etc. Mais les étudie-t-on encore dans les collèges français? Ces pans de la littérature sont écartés aussi des programmes scolaires.
C’est en ayant ce questionnement à l’esprit que j’ai sous-entendu dans les articles précédents que « L’histoire aurait pu n’être qu’une revendication culturelle » (3).
Là où l’affaire a mal tourné, c’est que l’extrême droite locale s’est emparée de De Swaen pour en faire le drapeau d’une revendication régionaliste flamande, porteuse de séparatisme avec la France et se doublant, pour Wido Triquet, de menaces de mort envers le principal du collège. A cet instant le dramaturge Michel de Swaen est devenu une emblématique ou un symbole pour l’extrême droite régionaliste flamande.
D’accord avec vous pour dire que cet écrivain du XVIIe siècle n’a rien à voir avec cette appartenance politique des XXe et XXIe siècles. C’est un anachronisme. Hélas c’est la lecture qu’ont décidé d’en faire les extrêmes droites flamandes. Et chez eux, De Swaen est passé de la littérature, c’est à dire la Culture, à la culture ethnique.Ce n’est pas ce que dit De Swaen et comment il le dit qui les intéressent, mais c’est le fait qu’il parlait flamand. On passe ici de la Culture aux cultures dans le sens communautariste, identitaire. A la limite, ce que dit De Swaen n’a pas d’importance pour un Wido Triquet et son “Mouvement flamand”, pour les conseillers municipaux de « L’avenir dunkerquois » de Philippe Eymery dont j’ai mis en évidence ses liens avec le MNR de Bruno Mégret (4) ou, en Belgique, avec le « Vlaams Belang », l’ex-« Vlaams Block» (5), ainsi que le relais de son discours municipal par le site des « Elus identitaires, réseau des élus locaux identitaires et régionalistes» (6).
Les républicains français, issus du mouvement des Lumières, ne peuvent qu’approuver votre approche, Antoine Mouteau. En revanche, ils ne peuvent qu’être perplexes devant la revendication identitaire de l’Alliance Régionale de Régis De Mol.

Quand les régionalistes flamands de gauche et d’extrême droite se croisent

Vous clamez votre différence avec l’extrême droite régionaliste flamande, Régis De Mol. On demande à le croire. Mais votre argumentation pour l’indépendance de la Région Flandre-Artois-Hainaut est si proche de celle de l’extrême droite flamande, et en particulier des “Identitaires”, qu’elle questionne.
Comme eux vous vitupérez le “Jacobinisme”. Mais que cache cette représentation honnie? Le regret des provinces de l’Ancien Régime monarchique? La nostalgie des Pays-Bas du Sud de Philippe II d’Espagne et très catholiques de par la répression de l’Inquisition? La pureté de racines flamandes supposées éternelles? La préférence pour l’ethnique et le rejet de la Raison?
Par delà le discours lyrique pour la flamanditude, iriez-vous jusqu’à l’épuration ethnique pour bâtir votre Région ethnique? Et, ce, pour la rattacher à la Flandre Belge comme le revendique l’extrême droite flamande de la région en totale concordance de vue avec le Vlaams Belang de la Flandre belge? Pousseriez-vous jusqu’à une fusion avec les Pays-Bas? Vous inscririez-vous dans la logique du député hollandais Geert Wilders qui a demandé, en mai dernier, la fusion des Pays-Bas avec la Flande belge (7)?
Comme les Identitaires, vous condamnez l’Académie française et le Sénat qui se sont opposés à l’inscription des langues régionales dans la Constitution française. Comme eux vous soutenez le PS, les Verts et quelques UMP qui ont voté pour cette inscription dans la Constitution(8).
Comme Umberto Bossi et sa Ligue du Nord ou comme le Vlaams Belang, vous revendiquez que les impôts de la région ne servent qu’à la Région que vous voulez redessinez.
En revanche, en lisant le site de l’Alliance régionale dont vous êtes le président, force est de constater que vous ne revendiquez jamais l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés, que vous ne défendez pas la Sécurité sociale et le système des retraites, ni l’Ecole publique laïque, ni l’égalité entre les femmes et les hommes.
J’attends que vous me démontriez votre non-proximité argumentaire avec l’extrême droite flamande. Expliquez nous comment vous vous en distinguez? Expliquez nous pourquoi vous refusez d’envisager la prise en compte de la culture flamande dans le cadre républicain français? Et dites nous ce que vous feriez de tous ces Français comme moi, avec un nom français ou étranger, qui sont pourtant nés ici dans le Nord et qui vivent y compris dans le dunkerquois, mais qui ne parlent pas flamand?
Pierre Baracca
(1)- Cf. Le courrier des lecteurs de ce n° 49 de Riposte Laïque.
(2)- Cf. Note (1) ci-dessus et Riposte Laïque, Courrier des lecteurs, n°46, mardi 17 juin 2008 :
http://www.ripostelaique.com/Selection-de-quelques-reactions,1104.html
(3)- Cf. Riposte Laïque, n°45, mardi 10 juin 2008 :
http://www.ripostelaique.com/A-Dunkerque-l-extreme-droite.html
et le n° 47, du 24 juin 2008 :
http://www.ripostelaique.com/Appronfondir-le-debat-avec-les.html
(4)- Cf.le site du MNR, au 8 juin 2008 :
http://www.m-n-r.net/dyn_downloads/chene13.pdf
(5)- blog de Philippe Eymery, Défi dunkerquois, 8 juin 2008 : http://defidunkerquois.hautetfort.com/
Cliquer sur « liens incorrects », puis sur « Avenir flamand ».
(6)- Cf. Le Mouvement Identitaires : http://www.elus-identitaires.com/archive/2007/11/20/michel-de-swaen-une-fierte-dunkerquoise.html
(7)-Cf. Le Monde, 12 mai 2008 :
http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/273203/2008/05/12/Geert-Wilders-veut-envisager-une-fusion-Pays-Bas-Flandre.dhtml
(8)- Cf. http://www.les-identitaires.com/aff_doc.php?id=1337&idrub=1




Appronfondir le débat avec les régionalistes flamands

Suite à l’article de Pierre Baracca, « A Dunkerque, l’extrême droite flamande menace de mort le principal du collège “Lucie Aubrac” » (1), nous avons publié dans le numéro suivant les réactions de Régis De Mol, président de l’Alliance Régionale Flandre-Artois-Hainaut, et d’Antoine Mouteau, originaire de Dunkerque et étudiant en néerlandais à l’université de Duisbourg-Essen en Allemagne (2).
Notre collaborateur, Pierre Baracca, qui vit dans la même région que Régis De Mol, entreprend un échange d’idées avec ses deux lecteurs.

Détacher « La Flandre » de la France ou réfléchir à la République française prenant en compte cette dimension flamande ?

Oui, il existe une extrême droite flamande.
Si on relit mon article, force est de constater que j’ai montré, preuves à l’appui, que l’extrême-droite était montée au créneau sur ce changement de nom du collège de Michel de Swaen à Lucie Aubrac.
Que ce soit sous la forme du “Mouvement flamand” de Wido Triquet ou celle du Conseil municipal de Dunkerque avec « L’avenir dunkerquois » de Philippe Eymery dont j’ai mis en évidence ses liens avec le MNR de Bruno Mégret (3) ou, en Belgique, avec le « Vlaams Belang », l’ex-« Vlaams Block » (4), ainsi que le relais de son discours municipal par le site des « Elus identitaires, réseau des élus locaux identitaires et régionalistes » (5).
Ecrire cela ne signifie nullement que le régionalisme flamand se circonscrit à cette nébuleuse politique. D’ailleurs ce n’est pas parce que le Front National défend une conception de l’Etat, que ceux à gauche et à l’extrême gauche qui défendent le rôle de l’Etat (Enseignement public, services publics, santé publique, etc.) sont assimilables au FN.
En somme, nous devons admettre qu’il y a bien une extrême droite flamande, que cela nous déplaise ! Et quel que soit son poids ! D’ailleurs, lors de son putsch raté de Munich (8-9 novembre 1923), Hitler ne pesait pas grand chose non plus !
C’est pourquoi il faut aussi admettre que, dans cette affaire du collège, le poète et dramaturge Michel de Swaen (1654-1707) est devenu l’emblème de l’extrême droite flamande, ce qui ne veut nullement dire qu’il fut d’extrême droite. Ce serait une absurdité anachronique. Comme ce le serait aussi pour Jean Bart s’il advenait que l’extrême droite se l’appropriât. Je partage tout à fait l’analyse d’Antoine Mouteau. Ceci posé ces groupuscules d’extrême droite régionaliste flamande ne pouvait pas choisir Jean Bart, parce que s’étant finalement placé au service de Louis XIV il symbolise nécessairement la France. Alors que Michel de Swaen ne peut pas la représenter, puisque « poète et dramaturge de langue néerlandaise » et « connu dans de nombreux pays européens et présents dans les encyclopédies allemandes, néerlandaises, anglaises, etc. » et qu’il est « très difficile de trouver des informations en langue française à son sujet », comme l’écrit Antoine Mouteau (2).
En revanche, on peut supposer que l’extrême droite française comme le Front national aurait choisi Jean Bart, parce que symbole incorporable à sa vision nationaliste qui n’a rien à voir avec la défense républicaine et sociale de l’Etat-nation français. Il me semble nécessaire de mesurer toutes ces nuances.
Si l’extrême droite n’avait pas fait de Michel de Swaen l’emblème de son séparatisme d’avec la France, rien n’interdisait de conserver son nom pour le collège. C’est ce que j’ai sous-entendu en écrivant que « L’histoire aurait pu n’être qu’une revendication culturelle ». Mais l’appel d’un extrême droite flamand à assassiner un fonctionnaire de la République française ne pouvait que voir confirmer le nom de Lucie Aubrac, symbole de la résistance au nazisme et « des acquis sociaux des salariés et des femmes obtenus à la Libération avec le programme du Conseil National de la Résistance (Sécurité sociale, retraites, Enseignement public laïque gratuit, etc.) » (1).
Au final, il faut néanmoins admettre que pour les Français d’aujourd’hui, quels qu’ils soient, l’écrivain flamand Michel de Swaen ne peut être nécessairement qu’un écrivain comme l’anglais Shakespeare, et pas comme Rabelais. Dans ces conditions il ne peut être étudié en France qu’à l’Université et éventuellement dans des cours de néerlandais qui existent dans certains collèges et lycées : par exemple à Dunkerque, au collège public Paul Machy ou dans les lycées Angellier et de l’Europe. A moins de postuler la reflamandisation de la Flandre française.

Une Flandre séparée de la France ?

Si j’ai bien compris son site (6), c’est en quelque sorte le projet de « l’Alliance Régionale Flandre Artois Hainaut », présidée par Régis De Mol.
Elle souhaite « un Gouvernement Régional, disposant d’une fiscalité propre et d’un pouvoir de décision dans tous les domaines : emploi, éducation, sécurité, justice, culture, environnement et aménagement du territoire, santé, etc. » et siégeant à Douai. « L’argent de la Région doit rester dans la Région et servir prioritairement nos intérêts ! » Est-ce un début de séparation d’avec la France ? Ce choix politique ne manque pas de surprendre par sa proximité avec celui de la Ligue du Nord d’Umberto Bossi pour la « Padanie libre », voire du Vlams Belang à l’égard de la Wallonnie.
« Le flamand (…) et le picard (…) doivent faire leur entrée dans nos écoles. L’apprentissage du néerlandais, forme littéraire du flamand et langue de nos 22 millions de voisins ultra performants, doit être promu de manière significative comme langue vivante prioritaire. »
« Les Pays-Bas français doivent retrouver les solidarités naturelles qui
firent jadis leur grandeur et leur prospérité. Ces liens se situent dans l’Europe du Nord. Nous sommes au moins autant des Pays-Bas du Sud (autre appellation légitime de la Région) que du Nord de la France, et a fortiori du monde méditerranéen ».

Je respecte ce combat pour ne pas voir disparaître le flamand. D’où l’importance de ma remarque dans mon article initial : “Si les républicains, et de gauche et des syndicats en particulier, ont à réfléchir sur la façon de prendre en compte la dimension culturelle flamande au sein de la République laïque française… » (1). Mais je ne peux le suivre. Pourquoi ?

Le séparatisme régional aggrave la casse des acquis sociaux

J’invite Régis De Mol et son Alliance Régionale à bien mesurer ce qu’il font en ouvrant la boîte de Pandore du communautarisme ethnique. Mais également certains à gauche, à l’extrême gauche et chez les Verts qui s’inscrivent aussi dans cette perspective politique.
Je ne vois pas comment vous allez procéder pour séparer les Flamands de ceux qui ne le sont pas dans les villes et villages allant de Lille à Dunkerque. En effet il suffit de lire les pages de l’annuaire téléphonique pour constater l’équivalence ou la supériorité du volume des noms patronymiques français par rapport aux patronymes flamands dans toutes ces communes. Ajoutez y les noms des immigrés italiens, polonais, maghrébins, etc. Quel brassage ! Le retour à la Flandre du XVIe siècle de Philippe II d’Espagne est pour cela une chimère. Elle qui connaissait d’ailleurs la mixité linguistique et culturelle. Comment allez-vous procéder ? Je suppose que vous refusez la sinistre épuration ethnique qui a sévi en ex-Yougoslavie. Alors ? Et dans votre « Pays-Bas de France » autonome, comment allez-vous faire coexister Flamands et Picards dont l’énorme majorité parle le français ? En quoi les mettre ensemble hors de France est-ce mieux que de rester en France ?
Par ailleurs, comment comptez-vous vous différencier de la vision « anti-jacobine » « des Identitaires » (extrême droite régionaliste) qui souhaitent aussi une Région flamande dans une Europe des Régions ? Je souhaiterais que vous nous éclairiez.
Au final, je crains que votre ligne politique mène à terme au séparatisme et ne fasse que renforcer la stratégie de casse des Etats-Nations développée par les capitalistes libre- échangistes des entreprises multinationales et transnationales (la bourgeoisie cosmopolite mondiale). Cette stratégie néolibérale vise à éradiquer ce que les salariés leur avaient fait concéder dans le contexte de la Libération, à savoir la République laïque française qui est la base et le cadre des acquis sociaux obtenus par les salariés et les femmes avec le programme du Conseil National de la Résistance (Sécurité sociale, retraites, Enseignement public laïque gratuit, etc.). Et vous ne pourrez jamais monter une Sécurité sociale régionale, uns système de retraite régional, etc.
Les partisans néolibéraux du découpage de l’Etat-nation français et de l’Europe des Régions l’ont bien compris : ils poussent à la régionalisation et au développement des langues dites « régionales » pour faire sauter l’égalité juridique et sociale entre les Français et réintroduire les différences de droits via le droit à la différence entre les Régions , les individus dans les Régions.
Je crains que le combat régionaliste flamand que vous défendez, Régis De Mol, ne fasse que renforcer la ligne anti-sociale néolibérale sans réellement défendre la cause flamande.
C’est pourquoi, si vous défendez ce qu’il reste des acquis sociaux des salariés et espérez à ce qu’ils se redéveloppent, il me semble qu’il faut réfléchir ensemble à la prise en compte de la culture flamande dans le cadre d’une République française, laïque, féministe, sociale. Mais êtes-vous disposé à faire ce pas que le Républicain français que je suis, fait vers vous ?
Pierre Baracca
(1). Riposte Laïque, n° 45, mardi 10 juin 2008 :
http://www.ripostelaique.com/A-Dunkerque-l-extreme-droite.html
(2). Riposte Laïque, Courrier des lecteurs, n°46, mardi 17 juin 2008 :
http://www.ripostelaique.com/Selection-de-quelques-reactions,1104.html
(3). Cf.le site du MNR, au 8 juin 2008 :
http://www.m-n-r.net/dyn_downloads/chene13.pdf
(4). blog de Philippe Eymery, Défi dunkerquois, 8 juin 2008 : http://defidunkerquois.hautetfort.com/
Cliquer sur « liens incorrects », puis sur « Avenir flamand » (encore vérifié le 23 juin 2008).
(5). Mouvement
http://www.elus-identitaires.com/archive/2007/11/20/michel-de-swaen-une-fierte-dunkerquoise.html
(6) www.alliance-regionale.org




A Dunkerque, l'extrême droite flamande menace de mort le principal du collège "Lucie Aubrac"

Reconstruit à neuf, le collège « Michel de Swaen » de Dunkerque est devenu le « collège Lucie Aubrac », figure de la Résistance contre le Nazisme en France. Wido Triquet, premier secrétaire du “Mouvement flamand” basé à Dunkerque, refuse ce changement de nom.
« Le principal, lui, justifie le changement de nom de l’établissement qu’il dirige depuis septembre 2004. « Il a été démoli et reconstruit. Il accueille des élèves de trois quartiers qui ont été ou vont être rénovés. Le nom de Lucie Aubrac est le fruit d’une réflexion avec les enseignants, les parents, les élèves… Pour ma part, je ne l’avais pas proposé. Le conseil d’administration a proposé ce nom en juillet 2007, accepté par le conseil municipal en décembre. C’est à partir de là que la nouvelle a commencé à circuler sur les sites Internet d’extrême droite. » (1) .
Persistant à considérer le principal du collège responsable du changement de nom, l’ancien architecte Wido Triquet l’a menacé de mort. Agitation verbale d’un homme âgé de 69 ans ? Non, puisqu’il déclare : « je ne regrette pas mes propos (…) Peut-être étions-nous trop gentils, trop courtois. Maintenant, on montre les crocs. Ça marche puisqu’on nous écoute. »(1)

Incitation à l’assassinat d’un fonctionnaire de l’Etat français

C’est plus qu’une menace de mort. Dans un courrier du 12 décembre 2007 au principal du collège, W. Triquet se présente comme un résistant et un défenseur de la culture flamande : il exige que l’on préserve le souvenir de Michel de Swaen, poète et dramaturge flamand (1654-1707). L’histoire aurait pu n’être qu’une revendication culturelle mais, en incitant à l’assassinat du principal du collège, Wido Triquet invite à l’action armée. Dans sa deuxième lettre du 10 mai 2008, il propose de faire un exemple comme celui du préfet Erignac “grâce auquel Paris parle désormais de la Corse avec respect”.
En somme le secrétaire du “Mouvement flamand” invite à faire exécuter un fonctionnaire de l’Education nationale, donc de l’Etat français. C’est donc un acte politique. Qui rappelle l’esprit de la campagne de presse de l’extrême droite à l’été 1936 qui conduisit le maire de Lille et ministre de l’Intérieur du Front Populaire, Roger Salengro, à se suicider.
Cet appel au meurtre qui s’inscrit dans une stratégie de rupture et de séparation avec l’Etat-nation français, n’est pas l’acte d’un isolé épris de culture.

Michel de Swaen, un emblème de l’extrême droite

En effet, le 19 novembre 2007, le conseiller Bertrand Meurisse, classé extrême droite, avait déjà demandé au conseil municipal de Dunkerque de conserver le nom de Michel de Swaen, car « son œuvre est aujourd’hui au programme de tous les cours de littérature des écoliers néerlandophones, en Hollande comme en Flandre belge. »(2). Quid de la France ?
« En nous proposant, disait-il, de débaptiser le collège (…), la “communauté scolaire” ne nous propose rien d’autre que de tourner le dos à notre histoire. Et cela (…) nous ne pouvons l’accepter. Au moment où la question de l’identité flamande agite le plat pays, cette décision serait de surcroît mal perçue par la communauté flamande, de quelque côté de la frontière qu’elle se trouve d’ailleurs. »(2)
Le discours de B. Meurisse porte en germe le séparatisme. C’est bien pourquoi il a été et est toujours repris sur le site de la Fédération Identitaire, mouvement d’extrême droite qui prêche la haine de la « République française car jacobine » et prône l’Europe des régions, bien que négociant actuellement un rapprochement avec Marine Le Pen.
Bertrand Meurisse a été élu, depuis 2001, sur la liste de Philippe Eymery qui est encore présentée à la date du 8 juin 2008 comme liste MNR sur le site Internet de Bruno Mégret (3). Il figurait sur la même liste aux dernières municipales. Or quand on va sur le blog de Philippe Eymery (4), le lien « Avenir flamand » renvoie en Belgique sur le site Internet du parti flamand « Vlaams Belang », l’ex-« Vlaams Block ».(4)
Ce lien Internet montre que « L’avenir dunkerquois », le “Mouvement flamand” de Wido Triquet participent sur un plan politique à cette nébuleuse complexe qui oeuvre en France et en Belgique à la réunification de la Flandre de France et de la Flandre de Belgique, c’est à dire à la reconstitution des Pays-Bas du Sud, l’ancienne province très catholique d’Espagne née à la fin du XVIe siècle, sous Philippe II d’Espagne, du fait de l’indépendance des Pays-Bas du Nord protestants. D’aucuns fantasment même sur une nouvelle nation néerlandaise allant de Lille-Cassel-Bergue-Dunkerque à la Hollande, Flandre belge incluse. Ce sont les anciens Pays-Bas de Charles Quint, Empereur d’Allemagne et roi d’Espagne et de Sicile aux environs de 1516-1556 !
Ces mouvements politiques, entourés d’une nébuleuse d’associations culturelles sans rapport immédiat avec le politique, refusent le fait que la Flandre maritime et Dunkerque soient français depuis 1662, sous Louis XIV (5). Et ils ont choisi cette emblématique de Michel de Swaen plutôt que l’autre figure contemporaine de Dunkerque : Jean Bart, le corsaire du roi de France. Ces deux figures traduisent des futurs divergents pour ce territoire de la République Française, « une et indivisible ».

L’Eglise catholique et le mouvement flamand

Ce projet séparatiste flamand a été le combat de l’Eglise catholique au XIXe et jusqu’avant 1940. « En France comme en Belgique, le mouvement flamingant a d’abord été le fait de l’Eglise catholique, les curés flamands tenant à défendre l’identité ethnique et religieuse de leurs fidèles contre la République francophone et athée » (6). Ce mouvement catholique flamand a été terni, pendant la 2ème guerre mondiale, par l’attitude pronazie d’un de ses promoteurs du mouvement flamand, l’Abbé Jean-Marie Gantois (6), comme ce fut aussi le cas pour les mouvement séparatistes bretons.
Ces brefs rappels montrent que s’indigner contre l’appel au meurtre du principal du collège est totalement insuffisant.

S’indigner… ou défendre la République française laïque, féministe et sociale ?

En somme, l’appropriation de « Michel de Swaen » par l’extrême droite comme emblème de la construction d’un nouvel Etat-nation flamand, conduisant à l’amputation du territoire de la République française et à la remise en cause de la République laïque française, ne pouvait que conduire la municipalité de Michel Delbarre à voter la proposition du Conseil d’Administration d’appeler le collège Lucie Aubrac. Par cet acte politique républicain et de gauche la majorité municipale de Dunkerque a affirmé son attachement à l’Etat-nation français que signifie aussi la Résistante Lucie Aubrac. L’UMP locale s’est abstenue : cela en dit long sur sa complicité avec l’extrême droite !
Les Dunkerquois ont approuvé le choix de Lucie Aubrac puisqu’ils ont réélu la municipalité de Michel Delbarre au 1er tour à 57,8% et avec seulement une abstention de 38%. La liste de l’extrême droite de Philippe Eymery n’a obtenu que 11%, soit 3881 voix, ce qui prouve le faible impact de son discours en faveur l’ethnicité flamande. Il est vrai que vers 1990 les enquêtes estimaient que seuls 5% de la population de la Flandre française utilisaient le flamand quotidiennement ; « quant à la jeune génération, cette dernière a recours au français dans une proportion de 99%, du flamand 1%, et des deux langues 8%. »(7)
Si les républicains, et de gauche et des syndicats en particulier, ont à réfléchir sur la façon de prendre en compte la dimension culturelle flamande au sein de la République laïque française, ils doivent bien mesurer ce qu’ils font en ouvrant la boîte de Pandore du communautarisme ethnique, si pas religieux. Le récent vote des députés (Droites-Gauches) pour inscrire les langues régionales au même titre que le français dans la constitution française et, ce, à l’initiative du Gouvernement Sarkozy- Fillon, s’inscrit dans la logique de Bruxelles de casser la République laïque française, base et cadre des acquis sociaux des salariés et des femmes obtenus à la Libération avec le programme du Conseil National de la Résistance(Sécurité sociale, retraites, Enseignement public laïque gratuit, etc.) que Lucie Aubrac symbolise. Tout est lié !
Ces brefs rappels permettent de comprendre que le nom de Lucie Aubrac pour le collège de Dunkerque est l’emblème de ce combat pour la « République française laïque, féministe et sociale », mais aussi la cause de la haine de ses adversaires et de l’appel à l’assassinat d’un fonctionnaire républicain par un Wido Triquet. Seulement porter plainte contre Wido Triquet est totalement insuffisant. Ce n’est pas une affaire qui relève du Civil ; l’annulation du mariage à Lille pour non-virginité de l’épouse non plus ! Ce sont des enjeux graves de société.
Pierre Baracca
(1). La Voix du Nord, 5 juin 2008, p 4.
(2) Discours de Bertrand Meurisse, site des « Elus identitaires, réseau des élus locaux identitaires et régionalistes »,
http://www.elus-identitaires.com/archive/2007/11/20/michel-de-swaen-une-fierte-dunkerquoise.html
(3). Cf.le site du MNR, au 8 juin 2008 :
http://www.m-n-r.net/dyn_downloads/chene13.pdf
(4). blog de Philippe Eymery, Défi dunkerquois, 8 juin 2008.
http://defidunkerquois.hautetfort.com/
(5). Site officiel de la ville de Dunkerque, rubrique « Histoire ».
(6). Emmanuel Le Roy Ladurie et Marie-Jeanne Tits-Dieuaide, Minorités (histoire des) Encyclopaedia Universalis, Corpus 12, 1985, p 332.
7). Le flamand en France, Research Centre of Multilingualism,
http://www.uoc.es/euromosaic/web/document/neerlandes/fr/i1/i1.html