La semaine dernière, suite à une déclaration de Jean-François Copé au Figaro, deux des ténors socialistes, Martine Aubry et Laurent Fabius, ont retiré leur signature d’un appel, lancé par le Nouvel Observateur et Respect Mag, « magazine online de culture et de société, urbain, social et métissé, engagé dans la promotion du vivre ensemble et de la diversité », comme il se présente. Le retrait de leur signature étant dû à la présence parmi les signataires de Tariq Ramadan.
Fidèles à leur posture moralisatrice habituelle, M. Aubry et L. Fabius avaient signé un appel, qui reprenait les postulats usuels du musulman victime bouc émissaire, du citoyen stigmatisé qui ne disposerait pas de cette pleine citoyenneté … Et comme tout cela était déclamé au nom de convictions républicaines et laïques, l’enrobage apparaissait séduisant d’autant qu’il se calquait pleinement au fond de commerce du PS.
Au-delà de l’apparence lisse de cet appel, et de ce consternant et irréfléchi «un pas en avant – un pas en arrière» des deux socialistes, quelle est la réelle teneur de l’appel « Non au débat-procès de l’islam » (1) ? Au-delà de l’apparence de ce texte pouvant amener de nombreux Français à nous faire remarquer ingénument que ces signataires, dont Tariq Ramadan, sont donc des républicains, ne peut-on percevoir un autre message ?
LE REFUS DU DEBAT
C’est le thème principal de cet appel ; le refus du débat est pourtant une attitude peu démocratique, ne relevant pas d’un esprit républicain. « Ce nouveau débat est biaisé, stigmatisant » affirme l’appel ; cela sonne fort comme un aveu, de la part des rédacteurs de l’appel, du futur bilan négatif de ce débat pour l’islam. Cette peur de l’échec ne s’explique que par leur crainte que ce débat soit l’occasion de révéler au public la vraie nature totalitaire de l’islam.
Pourtant un débat qui se prolongerait permettrait à chacun de fournir ses arguments pour ou contre l’islam. Mais au-delà des vœux pieux habituels d’un islam, religion de tolérance, de paix et d’amour, ou de sa variante de l’islam des lumières, de l’islam moderne, de l’islam de France, les défenseurs de l’islam n’ont pas d’arguments précis qui fassent le poids à opposer à ceux qui ont une connaissance solide de l’islam.
Aussi, préfèrent-ils des méthodes de harcèlement, de «guérilla», consistant à placer sans en avoir l’air, dans des émissions dont l’islam n’est pas le thème, ou au détour d’une conversation des petites banderilles, telles les plus éprouvées « nulle contrainte en islam » ou « celui qui détruit une vie, c’est comme s’il avait détruit le monde, et celui qui sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé le monde » (2). Face à des interlocuteurs ne connaissant pas l’islam, ne sachant pas que le «nulle contrainte en religion» est un verset abrogé, l’opération séduction sera une réussite. Dans d’autres cas, dans des émissions consacrées à l’islam, on trouvera des spécialistes propagandistes de l’islam nous exposer leurs fadaises religieuses sans rencontrer de contradictions pertinentes, fadaises ayant l’aval des hochements de tête empathiques, mais ignares en la matière, d’animateurs tv tels Giesbert, Durand ou Ruquier.
Leur problème est que leur propagande rencontrera de plus en plus d’opposition structurée et argumentée ; le mieux pour eux est alors de refuser le débat. Ils prétextent la dénonciation de « ces procès récurrents de l’islam et de tous ses représentants » ; ce qui est un mensonge grossier. Ce qui est critiqué, ce sont les préceptes antirépublicains, antilaïques et archaïques de l’islam. C’est avant tout une critique des idées. Les musulmans qui pratiquent leur religion uniquement dans le domaine privé ne subiront jamais de procès de notre part ; seuls seront soumis à notre feu critique, les musulmans qui pratiquent avec ostentation leur religion, avec un dessein prosélyte et impérialiste, réclamant des privilèges et un régime à part en fonction de leur « qualité » de musulman. Tariq Ramadan en est un des plus beaux profils.
En lisant le 3° paragraphe de leur appel, dénonçant « ces procès récurrents de l’islam », le refus du débat serait prétexté par « un formidable mouvement d’élan pour la démocratie dans les pays musulmans ». Nous nous réjouirions tous de ce processus si l’issue de ces révoltes aboutit bien à l’établissement de la démocratie dans ces pays. Mais rien n’est encore acquis. Aussi leur déclaration relève-t-elle plus de l’espérance ou de la propagande que d’un constat objectif. Regardez, nous suggèrent-ils, l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie. Wait and see ! Pour l’instant, l’histoire ne peut que nous laisser dans l’expectative.
D’ailleurs, ce qui a réuni tous les manifestants dans cet élan n’est pas forcément l’attrait pour la démocratie, mais au minimum le refus des dictatures en place. Si certains des insurgés et manifestants sont des démocrates sincères, le million d’islamistes réunis au Caire pour le retour triomphal du Cheikh Youssef al-Qaradaoui, et pour prier dans la rue, montre que nous n’avons pas affaire qu’à des démocrates (3) ; l’insurrection face à Kadhafi est pour partie d’ordre tribal ; quant à la Tunisie, il suffit d’écouter les inquiétudes du laïque tunisien Hamadi Redissi, (4) à propos des pressions islamiques (et non islamistes) qui empêcheraient l’installation d’une démocratie laïque en Tunisie.
UNE VOLONTE D’ ASEPTISER LA LAICITE
Pour en revenir à l’appel, objet de cet article, dans ce même 3° paragraphe, les rédacteurs de l’appel invoquent pour justifier leur refus du débat sur l’islam, une instrumentalisation grossière de la laïcité ; lisons là, en fait, de leur part, le refus tout simplement d’utiliser la laïcité comme moyen de combattre la tentative d’emprise d’une religion sur le domaine public. Avec de tels raisonnements, la loi de 1905 n’aurait jamais pu voir le jour, et il est à craindre qu’une authentique laïcité ne puisse apparaître dans les pays musulmans (5). Cette laïcité rendue stérile ne peut que satisfaire des élus socialistes, chantres de la laïcité positive et des accommodements raisonnables.
DES ANTIRACISTES NE S’OPPOSANT PAS A UNE IDEOLOGIE DISCRIMINANTE
Pour conclure, les initiateurs de l’appel nous invitent, citoyens français, à les rejoindre, « pour refuser cette France des ‘eux’ et des ‘nous’ et créer ensemble un avenir commun. ». C’est une proposition auquel tout républicain ne peut que souscrire. Et nous y souscririons volontiers avec eux, s’ils adhéraient vraiment à leur proposition. Ce n’est malheureusement pas le cas, car nous avons là des aspirants à une république communautarisée, à des adeptes du communautarisme.
Que l’on en juge : deux des rédacteurs, Marc Cheb Sun et Ousmane Ndiaye, plaident en faveur d’une citoyenneté musulmane (oui, vous ne rêvez pas !), dans une note du think tank Terra Nova (6). Faut-il en déduire qu’il existerait alors plusieurs types de citoyenneté en France, en fonction d’une religion ou de l’absence de religion ; beau vivre-ensemble !
Souscrire à cette proposition du vivre ensemble serait possible si elle n’était pas signée par des personnes comme Tahar Ben Jelloun qui s’efforce d’essentialiser l’appartenance de ses enfants à l’islam en leur inculquant l’idée qu’ils sont nés musulmans (7) ; si tous ces signataires ne défendaient pas, par leur refus d’un débat, l’islam ; cet islam qui ne propose un vivre ensemble qu’aux musulmans mâles et hétérosexuels. Pourquoi passer sous silence le caractère discriminatoire de l’islam, avec les statuts inférieurs réservés aux non-musulmans, aux femmes et aux homosexuels ?
Ce silence à propos des défauts de l’islam, ne permettra, en fait, que de favoriser sa progression dans la société française, ce à quoi participent à des degrés divers, et de façon plus ou moins consciente et volontaire un Tariq Ramadan, par son prosélytisme dans les banlieues, un Malek Chebel par son islam enchanteur, pseudo islam des Lumières (8), une Rokhaya Diallo qui a tout fait, par ses participations dans les différents media, pour empêcher l’adoption de lois empêchant le port de signes religieux ostentatoires dans les écoles ou le port de la burqa, un Jean Baubérot anesthésiste de la laïcité, quelques historiens toujours prêts à faire dévier les interrogations sur l’islam en direction de la culpabilisation coloniale des Français …
Si la logique des musulmans croyants, à propos de cet appel, est donc compréhensible, il est étonnant de constater que des non croyants de culture musulmane contribuent à cet appel ; certes, ils craignent d’éventuelles conséquences qui les transformeraient en victimes d’énergumènes racistes. Ce risque est plus que minime dans une France de 2011, acquise aux idées de l’antiracisme, et qui ne ressemble plus guère à la France des années 70. Ils ont en tout cas plus à perdre qu’à gagner en se faisant les défenseurs de l’islam en tant que religion. Ils risquent de rendre beaucoup plus difficile leur possibilité d’émancipation vis-à-vis des pressions de leur groupe culturel d’origine. Finalement que gagneront-ils, mécréants qu’ils sont, à consolider la religion islamique en France ?
Les auteurs de l’appel ont raison de souligner que la cohésion sociale de notre pays est en péril. Mais contrairement à ce qu’ils disent, elle ne trouve pas son origine dans la politique actuelle. C’est justement, parce que progressivement depuis près d’une dizaine d’années, de plus en plus de Français sont confrontés ou constatent la baisse du vivre ensemble dans leur pays, qu’ils ont été nombreux à souhaiter un débat sur l’identité nationale, ou qu’ils souhaitent un débat sur l’islam, pour préciser quels sont ses aspects compatibles avec la République et ce qui ne l’est pas. Sous un aspect inoffensif et se voulant progressiste, cet appel se révèle, en fait, fort pernicieux.
Jean Pavée
(1) http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/societe/20110323.OBS0156/non-au-debat-proces-de-l-islam-un-appel-du-nouvel-obs-et-de-respect-mag.html
ou
http://www.respectmag.com/2011/03/23/signez-lappel-%C2%AB-non-au-debat-proces-de-lislam-%C2%BB-5050
(2) sauf que cette formule est incomplète, voici l’intégralité de cette tirade contenue dans la sourate 5 du coran :
32. C’est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d’Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes. En effet Nos messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu’en dépit de cela, beaucoup d’entre eux se mettent à commettre des excès sur la terre.
33. La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre, c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment,
Le passage « celui qui détruit une vie » devient « quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre », et donc les corrupteurs sur la terre (dans le verset suivant 33), eux, peuvent être tués.
(3) http://oumma.com/Retour-triomphal-du-Cheikh-Youssef
(4) émission « C’est arrivé demain » sur Europe 1 – 27/03/11
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/C-est-arrive-demain/Sons/C-est-arrive-demain-27-03-11-472487/
(5) les laïcités à la turque et à la tunisienne ne sont que des leurres ; n’évoquons là que le réveil du matin avec les slogans du muezzin à la gloire d’Allah.
(6) http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/14/debat-sur-l-islam-pour-une-citoyennete-musulmane_1492672_3232.html
(7) http://ripostelaique.com/Le-catechisme-de-Tahar-Ben-Jelloun.html
(8) http://ripostelaique.com/Malek-Chebel-un-islam-des-Lumieres.html