Mireille Dumas plaide pour le droit à l’euthanasie, merci à elle
Elle est émouvante, pleine de tendresse, de respect pour sa mère qu’elle a aidé à mourir par amour.
Eh oui, sur RR on ne se refuse rien, encore un sujet sinon clivant du moins susceptible de l’être. Mais comme d’autres sites ne se privent pas pour militer contre, et sans nuances, accusant quasiment l’adepte de l’euthanasie d’assassinat, il est de bonne guerre et juste de faire le contrepoint, de faire contrepoids.
D’un côté des apôtres du “faut laisser faire la nature”, faut laisser “Dieu décider de la vie, de la mort, et l’homme n’a rien à décider”. Chacun aura compris que ce discours a le don de me mettre dans une colère folle et que je le méprise parce que, à mes yeux, rien n’est plus haut que l’homme et que, même si Dieu existait (je ne le crois pas mais ça ne me dérange pas que d’autres croient) je ne vois pas en quoi ça le dérangerait qu’une personne souffrant mille morts, qui se sent diminuée, voudrait cesser de souffrir et de vivre une vie qui n’a plus de sens. Ce serait un Dieu jaloux ne méritant ni amour ni respect.
Alors je ne peux pas entendre et encore moins suivre tous ceux qui croient que le seul règne qui vaille est celui de la nature à laquelle l’homme devrait se soumettre. Au nom de quoi ? La nature qui a tué tant d’enfants et de mères en couche ? Il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Et quand je vois certains sites chrétiens entrer en croisade contre l’euthanasie, je dois avouer qu’ils me dégoûtent, vraiment.
De l’autre des gens qui, de bonne foi, ont peur qu’une loi autorisant l’euthanasie ne soit un outil des mondialistes, des eugénistes utilisée contre des opposants politiques. Le risque n’est pas nul, en effet, on a payé pour savoir à quel point les dégénérés sont prêts à tout pour construire le monde déshumanisé dont ils rêvent, le monde habité de robots… Chacun a en tête le terrible Soleil Vert. C’est en effet un risque, mais toute avancée de l’humanité, tout progrès a ses risques. Einstein et le nucléaire c’est à la fois une énergie fabuleuse sans inconvénients et le risque de guerre nucléaire. Et le risque de guerre nucléaire jusqu’à présent a permis justement la dissuasion et donc d’éviter la guerre. Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. A chacun de se positionner en fonction de son éthique, de sa conception de la vie, de ses choix religieux, pourquoi pas. Ce qui me dérange fortement c’est que des croyants, parce que croyants, veuillent interdire aux non-croyants le droit à l’euthanasie. De quoi je me mêle ? Il ne me viendrait pas à l’idée d’euthanasier de force un croyant ou de lui interdire de prier, de communier… pourquoi devrions-nous, athées ou libres penseurs (et je connais des chrétiens adeptes de l’euthanasie), nous plier à la conception du monde des croyants ? Ce serait un retour aux âges obscurs quand un Giordano Bruno ou un Chevalier de la Barre étaient suppliciés et mis à mort au nom de croyances…
C’est pourquoi c’est la troisième voie que je choisis. Les militants (dont je suis) du droit de choisir le moment de sa mort, les militants de l’euthanasie au nom du respect de la dignité et de la liberté de l’homme. J’ai déjà dit ici mon admiration pour Henri de Montherlant qui, épicurien (mais stoïcien par certains côtés), amoureux fou des bustes romains, des corridas, des livres, de la beauté du monde s’est suicidé quand il a su qu’il devenait aveugle. La vie sans sa passion, sans ses bonheurs ne l’intéressait plus. J’avais à l’époque 17 ans, cela a été une rencontre pour la vie. Ce souffle de liberté, cette exigence d’une vie choisie et non subie m’a éblouie. Je suis adhérente d’une association “pour le droit de mourir dans la dignité” qui ne peut que garantir qu’il n’y aura pas d’acharnement thérapeutique mais c’est bien insuffisant. je voudrais un système comme celui des Suisses, ô combien humain, permettant l’organisation d’un adieu et d’un départ sereins.
Puisque nous sommes dans les réminiscences littéraires, c’est Socrate qui, condamné à mort pour des raisons politiques, ce n’était pas un truand, refuse de s’évader comme il en a la possibilité, parce que toute sa vie il a prôné l’obéissance aux lois, même celles avec lesquelles on n’est pas d’accord -les Insoumis devraient en prendre de la graine, mais ces incultes ne connaissent même pas Socrate. Mais, surtout, Platon raconte cette scène extraordinaire de Socrate qui passe ses dernières heures en prison en compagnie de quelques amis autorisés et qui continue, jusqu’au bout, à discuter, à commenter, à pratiquer la maïeutique… qui boit la cigüe et commente la mort qui monte, sereinement, ses jambes qui s’appesantissent. Et part sereinement, se contentant de rappeler à l’un des amis présents qu’ils doit le sacrifice d’un coq à Esculape.
Certes ce n’est pas tout à fait l’euthanasie mais il y a des ressemblances. Il y a, en tout cas, cette merveilleuse liberté de l’Homme, le seul être capable de choisir sa vie dans la mesure du possible au point de choisir le moment de sa mort. Fabuleux.
En tout cas je ne suis pas sûre que la “commission sur la fin de vie” propose des solutions qui me conviennent vraiment, elles peuvent rassurer ceux qui craignent que l’euthanasie soit utilisée par un gouvernement, mais je trouve que c’est insupportable de devoir donner des gages à plein de personnes pour avoir le droit de mourir quand et comme on l’entend. Ce n’est pas le système suisse, pourtant idéal.
Christine Tasin