Ah ! La place de Grève, ses charrettes de condamnés conspués par le peuple impatient d’assouvir sa vengeance ! Tous ces supplices censés noyer dans le sang le cynisme des grands et moins grands de ce monde : nobles d’autrefois, riches trop riches, mais aussi grands et moins grands commis de l’Etat, sans compter tous ceux qui se goinfrent en détournant les fonds publics alloués à des administrations territoriales pléthoriques et souvent inutiles…
J’avoue avoir la nostalgie de cette justice expéditive à défaut d’être immanente, à l’heure où la très relative bonne morale d’autrefois a fait place à la sauvagerie et à la barbarie mondialisées de nos criminels en col blanc.
Certes, cela a toujours existé. « Cela », c’est l’immense armée de salauds qui, en trichant pour ne pas se soumettre à la règle de légitime et humaine redistribution des richesses, les pillent en les détournant à leur seul profit.
Des salauds ? Oui, mais surtout des drogués de la pire espèce. Sniffeurs de pouvoir, ils se shootent aux dollars et aux euros. Ils sont pathétiques. Ont-ils encore la notion de la valeur d’un billet de 50 euros ? Que nenni ! A se demander si dans leur manoir de campagne ils n’allument pas le feu avec des brassées de billets de banque. Ils en ont tant, de cet argent qui les pourrit jusqu’à la moëlle.
Aux dernières nouvelles, Jérôme Cahuzac aurait planqué 15 millions d’euros à Singapour. Quinze millions, c’est le ticket d’entrée pour les paradis fiscaux.
On s’en doutait. Il nous faisait doucement rigoler avec ses 600 000 euros avoués. Pensez, 600 000 euros ? Même pas le prix d’un 40 mètres carrés dans un immeuble parisien de grand standing.
Si j’étais Monsieur Cahuzac et s’il me restait un soupçon d’honneur, j’investirais dans une arme à feu en or massif, incrustée de diamants, gravée à mes initiales et à ma devise « Je suis un pourri et un parjure ». Et je me ferais sauter le caisson après avoir rédigé pour la postérité une lettre de déchirants aveux en n’oubliant pas le post-scriptum : « Je veux que la totalité des biens détournés ne soit pas reversée à Bercy (là aussi, beaucoup de ménage à faire) mais directement à une ou plusieurs associations connues pour leur probité et leur engagement sans faille au service du bien-être de mon peuple ».
Quel panache !
Hélas, c’est mal connaître ceux qui nous font les poches en riant du malheur des pauvres et des gens stupidement honnêtes : ils n’ont aucun sens de l’honneur, ils sont indignes de servir leur patrie. D’ailleurs, en ont-ils une ? Je ne le crois nullement. Ils sont à l’image de cet argent qu’ils ont planqué ailleurs : ce sont des apatrides. Ils méritent la mort civile, la mort sociale, la mort tout court.
Car ce serait un comble que ces pourris, pris la main dans le sac, purgent une peine de prison aux frais du contribuable qu’ils ont si largement spolié.
Ces gens sont des malpropres, des parasites.
Sur France Inter ce matin, Antoine Peillon, journaliste à « La Croix », était l’invité : son livre « Ces 600 milliards qui manquent à la France » va sans doute faire un tabac. Ce journaliste sera, aujourd’hui et dans les jours qui viennent, l’ invité de plusieurs chaînes de télévision. Ses révélations sont à proprement parler fracassantes.
Il est vrai que nous nous devons de faire la part des choses, nous qui sommes les spectateurs de cette déliquescence : nous sommes loin d’être parfaits, tous un peu tricheurs et/ou menteurs. Ce qui nous différencie des gros prédateurs, c’est notre incapacité à faire le mal à grande échelle.
La Place de Grève n’est plus. Exeunt les charrettes de condamnés.
Depuis, « ils » ont trouvé la parade, « ils » ont mis en place ce qu’ils appellent « la démocratie ».
« Ils » nous ont fait cadeau du droit de grève, du droit de manifester (pas toujours et pas n’importe où), et du droit de vote. Ne parlons pas du référendum : nous autres Français savons trop bien le peu de cas qu’en ont fait nos politiques il n’y a pas si longtemps.
A ceux qui se font encore des illusions sur nos institutions comme sur ceux qui ont à charge de les représenter, les défendre et les respecter, je rappellerai cette belle affiche vendue en 1989 à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française :
«La dictature, c’est ferme ta gueule,
La démocratie, c’est cause toujours ».
Les pourris ont de beaux jours devant eux. Qu’ils n’oublient pas, cependant, que les peuples ont de la mémoire.
« J’ai toujours pardonné à ceux qui m’ont offensé
Mais j’ai la liste ».
Et l’on sait le bon usage qui peut être fait des listes.
Eve Sauvagère