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Michèle Vianès, présidente de "Regards de Femmes"

Riposte Laïque : L’association que tu présides, « Regards de Femmes », mène en ce moment une bataille, avec une vingtaines d’autres associations, contre une décision de la Halde, donnant raison, contre des équipes enseignantes, à des mères accompagnatrices voilées, lors de sorties scolaires. Peux-tu nous faire un historique de ce regroupement ?
Michèle Vianès :
Regards de femmes avait dénoncé les délibérations de la Halde du 5 juin 2006 concernant le port de « tenues vestimentaires imposées par ou encouragées par une religion ».
Lorsque la Halde a montré, par une délibération du 14 mai 2007, son acharnement à promouvoir cette atteinte majeure à la dignité des femmes, cette fois-ci, en milieu scolaire, pour les parents accompagnant les activités scolaires, nous avons vivement protesté auprès du président de cette institution. Nous avons rendu public notre courrier. (Voir http://regardsdefemmes.com)
D’autres organisations ont été aussi scandalisées. Sur proposition de la Licra, des associations et des syndicats se sont réunis pour protester contre cette nouvelle attaque contre les enfants, élèves de l’Education nationale, cible des obscurantistes.

Des directrices d’école, un grand nombre d’associations amies étaient à nos côtés: Ni putes ni soumises, Histoires de mémoire, Elele, Laïcité écologie association, Mouvement pour l’abolition de la prostitution et la commission contre les extrémismes religieux de la Clef, le Comité laïcité République, des syndicats enseignants, etc.
Riposte Laïque : Sur quelles bases repose votre accord, et quelles actions proposez-vous ?
Michèle Vianès :
L’objectif était double.
1°Rédiger une tribune pour alerter contre cette atteinte à la neutralité de l’école
2°Intervenir auprès du ministre de l’Education afin qu’il rappelle clairement le statut des parents accompagnateurs, auxiliaires bénévoles de l’Education nationale. A ce titre, ils sont soumis, comme tous les intervenants dans l’espace scolaire, aux règles de neutralité ainsi qu’au respect de tous les enfants, des autres parents et des personnels de l’Education nationale.
Après échanges et débats, nous avons abouti à un consensus clair :
• La mission spécifique de l’Education nationale : former les élèves, citoyens en devenir, nécessite que les enfants soient protégées en son sein de toute idéologie, politique ou religieuse ;
• L’obligation de neutralité, politique ou religieuse, concerne tous les intervenants qu’ils soient bénévoles ou non.
• Le voile n’est pas neutre. « Il s’agit d’un affichage ostensible de codes vestimentaires qui clament, plus qu’un discours le contraire du principe constitutionnel d’égalité entre les femmes et les hommes. »
• Le choix des intervenants dépend de l’approbation du directeur
• Les délibérations de la Halde n’ont aucune portée juridique
Nous avons été reçu à l’Elysée par Rachid Kaci, conseiller technique du Président de la République, à la suite de la publication de la tribune dans Libération, http://w4-web75.nordnet.fr/rdf/documents/halde_libe.doc
Nous organisons une réunion publique le 15 janvier 2008 à la mairie du XX°. Nous espérons la présence d’un grand nombre de lecteurs de Riposte Laïque. L’école de la République est en danger si les futures générations n’y apprennent plus à vivre ensemble, en respectant les principes républicains.
Riposte Laïque : Tu as initié, avec des membres de notre rédaction, une pétition demandant l’extension de la loi du 15 mars 2004. Quel premier bilan tires-tu de cette action, et penses-tu que la nouvelle majorité et le président de la République soient sensibles à la question laïque ?
Michèle Vianès :
Le discours au Latran du Président de la République prouve la nécessité de rappeler les fondamentaux républicains. Rechercher une morale comportementale par l’obéissance passive à une autorité transcendante et par la crainte d’un châtiment dans l’au-delà est contraire à la notion de République qui exige des citoyen-ne-s éclairé-e-s, aptes à comprendre et capables de vouloir.
La clarification entre les laïques et les compassionnels, alliés des obscurantistes, est indispensable. La ligne de partage n’est pas droite/gauche, mais républicains/différentialistes. Dans la majorité, comme dans l’opposition actuelle, nous trouvons des adeptes d’une laïcité « ouverte » à la fragmentation communautariste et celles et ceux qui n’utilisent pas d’épithètes ou de contorsions pseudo-intellectuelles pour la dénaturer.
Comme d’habitude Yvette Roudy, Corinne Lepage et Françoise Hostalier ont signé notre pétition. Des député-e-s de gauche et de droite. A gauche, Pascale Crozon, nouvelle députée du Rhône, responsable des femmes du groupe socialiste à l’Assemblée, Catherine Quéré et Marc Dolez, pour le PS, André Gerin, (PC) fidèle défenseur des combats laïques et féministes qui connait la situation vécue par ses administrées dans sa commune, à droite outre Françoise Hostalier, Jacques Myard et Nicolas Dupont-Aignan. D’autres élu-e-s républicains, de nombreuses responsables d’associations de droits des femmes, des philosophes, des écrivains, des cinéastes, et surtout des citoyens et citoyennes attachées aux principes républicains, garant du lien social.
Il convient de noter le nombre significatif de personnels de santé signataires. Le suivi de manière stricte des prescriptions de l’islam politique par des usagers ou des personnels soignants, crée des situations conflictuelles. Les plus graves ont lieu avec les personnes de filiation ou de confession musulmane attachées à l’indispensable neutralité des services collectifs et qui refusent de faire passer croyances ou convictions personnelles au dessus des lois communes.
Outre le nombre de personnes qui réclament une extension de la loi de 2004, l’autre point positif vient des parlementaires qui travaillent à une extension de la loi.
Le plus inquiétant est le silence des médias, excepté Marianne 2 et France O. Parler du voile serait troubler l’ordre public, il serait plus sage de laisser l’islam politique opprimer les musulmans, à commencer par les femmes.
Riposte Laïque : Ton association, d’autre part, a engagé un recours auprès du tribunal administratif, suite à une délibération du conseil municipal de Lyon, proposant des repas sans viande dans les cantines scolaires. Peux-nous nous retracer les épisodes ayant amené cette situation ?
Michèle Vianès :
L’adjoint aux écoles de la ville de Lyon a, durant l’été, réuni les responsables religieux, le président du conseil régional du culte musulman et des associations (Mrap, Licra, Sos racisme,..) pour décider de la composition des repas à proposer aux élèves des écoles maternelles et primaires de Lyon. Les religieux sont invités à la table de la République. Seuls les Protestants ont décliné l’invitation.
Résultat : 2 types de repas vont être proposés aux enfants dès la rentrée de septembre 2008 avec ou sans viande « impie ». La séparation des enfants selon la religion de leurs parents est organisée dans l’espace scolaire par la municipalité. Leur conditionnement à considérer la viande de l’école « impure » parce que les religieux n’ont pas perçu les revenus de la « taxe purificatrice », est conforté.
Nous avions réagi immédiatement, selon notre habitude. Les médias ont relayé, nous avons été interviewées par France Info, M6, diverses radios. Alors que nous dénoncions cette atteinte grave au vivre ensemble à l’école de la République, sur les mêmes antennes, le président du Conseil régional du culte musulman félicitait l’adjoint de sa décision.
La ville de Lyon avait inscrit la délibération à l’ordre du jour des conseils municipaux d’octobre et de novembre, mais l’avait retiré avant les conseils.
Dans le même temps, nous apprenions qu’un père d’élève avait attaqué la ville de Lyon et le directeur d’une école. Il voulait que des légumes « non souillés » par la viande « impure » soient servis à ses enfants. Le tribunal administratif de Lyon lui a donné tort début décembre.
La ville de Lyon venant d’être reconnue dans son droit de ne pas fournir aux enfants des repas sans viande, nous pensions que la délibération était passée aux oubliettes. Erreur, lors du conseil municipal du 17 décembre, la délibération a réapparue et a été votée par la majorité et les millonistes. L’UMP a voté contre, en faisant référence à la dénonciation de cette mesure par les DDEN (Délégués départementaux de l’Education nationale).
Pour “Regards de Femmes”, c’est une nouvelle attaque contre l’école de la République, cible des obscurantistes qui veulent ériger des murs entre les ethnies pour fragmenter la société au lieu d’apprendre à partager les savoirs de l’humanité, la culture, les jeux et la nourriture.
Le restaurant scolaire étant dans l’espace scolaire, ses usagers doivent accepter les règles des services publics. Nous allons donc saisir le tribunal administratif. Cette décision n’est pas d’intérêt général. Elle est contraire à l’objectif de l’école de la République : apprendre à vivre ensemble par delà les différences.
Comment vont être réglés les problèmes du service? Il s’agit d’écoles maternelles et primaires. Les contraintes de mise en place des protocoles pour les enfants allergiques, sont acceptables puisqu’ils permettent à tous les enfants, même ceux souffrant d’un handicap, d’avoir accès à la cantine scolaire. Ici, la réclamation est fonction du goût des parents et aboutira inéluctablement à séparer quotidiennement, selon la religion de leurs parents, les enfants mangeant ou non de la viande « impure ». Les personnels vont être amenés à expliquer aux enfants les raisons du « tri ».
Nous sommes bien dans la stratégie de faire reculer la République, pas à pas. D’abord des repas sans porc, puis des repas sans viande. Le rapport sur le refus de la mixité dans les services collectifs alertait sur les dangers d’accepter des demandes dérogatoires aux principes et modes de vie républicains. Les demandes deviennent de plus en plus importantes, aboutissent à des situations conflictuelles difficiles à résoudre puisque le rappel indispensable à la loi n’a pas été fait dès la première entorse.
Si des personnes refusent de respecter les règles et usages des services collectifs, pourquoi lesdits publics devraient-ils se plier à leurs exigences?
Propos recueillis par Pierre Cassen




Interview de Martine Ruppé, présidente du Comité Ornais de Défense de la Laïcité

Riposte Laïque : Peux-tu nous présenter le Comité Ornais de Défense de la laïcité (C.O.D.L) que tu présides, et nous parler des circonstances qui ont amené votre création ?

Martine Ruppé : La création du C.O.D.L., association régie par la loi du 1er juillet 1901, remonte au 4 février 1999. Des atteintes graves à la laïcité secouaient alors le collège Jean-Monnet de Flers où un père de famille voulait imposer ses choix politico-religieux à l’ensemble de l’établissement à travers l’inscription de sa fille voilée en classe de 6ème. Ces atteintes étaient pour nous inacceptables au nom de la laïcité et au nom de l’égalité homme-femmes.

Le désarroi des personnels, le laxisme et l’angélisme ambiants de l’époque, le silence assourdissant de nombreux responsables politiques, l’absence de soutien de la hiérarchie face à ces attaques portées à l’un des principes fondateurs de la République nous ont conduits à créer cette association.

A partir de ce jour, nous avons travaillé, milité, combattu, en partenariat avec le Comité Vendômois de Défense de la Laïcité (C.V.D.L.) et d’autres associations afin d’obtenir une loi qui réaffirme et clarifie la laïcité dans les établissements d’enseignement public. Cette loi, les défenseurs de la laïcité l’ont obtenue le 15 mars 2004. Nous étions d’ailleurs à l’Assemblée Nationale lors du vote le 10 février 2004. Pour nous, l’Ecole doit se consacrer au savoir et aux valeurs qui rassemblent et non à ce qui divise ou mène au communautarisme et à l’éclatement de la République.

Riposte Laïque : En 2003, avec Roland Clément, ancien porte-parole des personnels du collège Jean Monnet et aujourd’hui vice-président du C.O.D.L. , tu as témoigné à la commission Stasi. Tu as ensuite été invitée à l’Elysée, lors du discours de Jacques Chirac, sur la laïcité. Qu’as-tu retenu de ces
expériences ?

Martine Ruppé : L’audition devant la Commission Stasi, l’invitation à l’Elysée lors du discours du 17 décembre 2003 du Président Chirac ont été des moments forts tant pour la citoyenne que pour le professeur et la militante. En tant qu’enseignante car cinq professeurs seulement ont été entendus publiquement par la Commission Stasi : trois du lycée La Martinière de Lyon et donc deux de Flers. Il était important de témoigner, concrètement, de ce qui se passait dans les établissements publics de Flers, des assauts insidieux et répétés contre la loi de 1905 et de mettre aussi en évidence ses limites dans le cadre scolaire.
La citoyenne ne pouvait qu’être honorée de l’invitation à l’Elysée et la présidente d’association y a vu un aboutissement de ce combat. En effet, nous avons ce jour-là remporté une victoire pour la liberté et la démocratie contre l’obscurantisme et le fondamentalisme.

Riposte Laïque : Vous ne vivez pas dans de grandes agglomérations, vous avez plutôt une implantation rurale. Quelles sont vos principales inquiétudespour la défense des principes laïques ?

Martine Ruppé : Le fait de vivre dans le pôle d’une zone essentiellement rurale ne nous met pas à l’abri des assauts communautaristes ou fondamentalistes. Nous en avons eu l’exemple en 1999. Ceux qui s’attaquent à la laïcité le font partout, espérant trouver une brèche pour parvenir à leurs fins : l’émiettement de la République. C’est pourquoi la vigilance reste de mise. Elle est absolument nécessaire d’autant que les sujets d’inquiétude sont nombreux en France et ailleurs. Pour en citer quelques-uns :

– la laïcité, principe fondateur de la République, a été absente des récentes campagnes électorales et le vote “religieux” a été très courtisé.

– la conception anglo-saxonne des plus hautes autorités de l’Etat et de certains députés qui souhaitent une loi réintroduisant le délit de blasphème ou le retour à certains principes du concordat napoléonien appliqués en Alsace-Moselle…

– l’attitude d’un certain nombre de maires qui n’appliquent pas la loi de 1905 dans leurs communes, etc…

– l’article 89 de la loi de décentralisation d’août 2004…

– l’accompagnement scolaire, etc…

Riposte Laïque : Quels sont vos projets, pour cette année ?

Martine Ruppé : Continuer de s’investir pour le respect de la laïcité. Pour ce faire, nous surveillons étroitement l’actualité pour réagir aux atteintes portées à la laïcité et à l’égalité homme-femme, voire anticiper.
Comme un tel combat ne peut se mener seuls, le C.O.D.L. reste en contact avec les associations amies, participe aux Laïques en réseau et prépare le bulletin n°9. Une conférence-débat aura lieu le 28 mars 2008 sur le thème “Faut-il une riposte laïque ?”. Nous sommes ravis que tu aies accepté de l’animer et de te recevoir à Flers.

Propos recueillis par Pierre Cassen




Interview de Rajaa Berrada, féministe marocaine

Riposte Laïque : Peux-tu nous présenter l’association CIOFEM: centre d’information et d’observation des femmes marocaines ?

Rajaa Berrada : je suis membre du bureau du CIOFEM, chargée des activités culturelles. Le Ciofem est un centre d’information et d’observation des femmes marocaines qui fait partie de la ligue démocratique des droits des femmes : LLDF. La ligue est une grande association qui a plusieurs structures de différentes activités : espace jeunes, Ecole de l’Egalité et la Citoyenneté, Fondation de l’Action solidaire, centres d’écoute.

Le CIOFEM s’occupe de la documentation, de la formation aux formateurs en matière d’écoute, d’alphabétisation, d’organisation des ateliers d’écriture, de la mise en place des tables rondes, des journées d’étude et des colloques dont les thématiques s’inscrivent dans le cadre du renforcement des dossiers revendicatifs et de plaidoyer. La dernière manifestation culturelle est le colloque qui a eu lieu le 3 novembre ici à Casablanca portant sur genre, culture, société au Maghreb. Le prochain colloque est programmé pour le 24 Novembre sur : la violence à l’encontre des femmes et la loi cadre.

Riposte Laïque : Quelle analyse as-tu sur les premières mesures prises par le nouveau roi du Maroc, Mohamed VI, au lendemain de son couronnement, qui sont apparues comme un progrès vis-à-vis des droits des femmes marocaines ? Quelles autres mesures attends-tu ?

Rajaa Berrada : Il est indéniable que le premier discours du roi Mohamed VI au lendemain de son couronnement a été salué par toutes les femmes en général et par les associations de lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes en particulier. Dans ce discours, le roi a appelé les partis politiques, le gouvernement et la société civile à oeuvrer pour le développement des femmes qu’il a lié à celui du pays.

Dans ce sens, le code de la famille qui a fait l’objet de contreverse entre :

– les partis politiques se réclamant de la modernité, les associations de femmes réunies dans ;Le Printemps de l’Egalité et le gouvernement dit d’alternance conduit par un socialiste ; M. El Youssefi d’un côté,

-les partis islamistes, les conservateurs de l’autre,et tous ceux qui résistent au passage à la démocratisation réelle de la société.

s’est retrouvé confié au roi pour avoir l’ultime arbitrage. La monarchie tiraillée entre la tradition et la modernité a constitué une commission composée de 12 hommes et de 3 femmes en mars 2001 afin qu’elle prenne le temps de cueillir les doléances des associations et des institutions concernées par la question. Cette commission a apporté une modification des lois concernant le statut de la femme dans tous les arrêts relatifs aux : mariage, divorce, garde d’enfant…

A mon avis, le roi a composé avec les éléments disparates de la société marocaine qui oscille entre modernisme prônant la démocratie et traditionalisme qui s’appuie sur l’Islam. Il a pu décidé des lois novatrices qu’il a soumis au parlement, concernant la majorité des femmes qui étaient avant mineures dans l’acte de mariage qui se concluait entre deux hommes : le père ou le tuteur et le mari. Cette majorité est fondamentale dans la mesura où la femme devient responsable de la famille au même titre que l’homme.

Quant à la polygamie, elle est devenue difficile par la mise en place d’un certain nombre de contraintes dont la principale est l’autorisation dûment signée par l’épouse.
Par contre le divorce juridique est nouveau au Maroc puisqu’il n’ y avait que la répudiation auparavant qui était unilatérale c’est à dire entre les mains de mari sauf dans des cas hautement justifiés où l’épouse peut demander le divorce.

Notre combat futur va être orienté vers deux axes principaux à savoir l’interdiction de la polygamie et l’abrogation de toute loi discriminatoire. Ce sont deux points essentiels qui touchent l’égalité de la femme dans la famille vu que la polygamie donne lieu à des marchandages insupportables de la part du mari et dans la société puisque la femme y a une image de subalterne.

Riposte Laïque : Beaucoup pensaient que les islamistes allaient faire un score beaucoup plus important, lors des dernières élections marocaines. Leur semi échec te rassure-t-il ?

Rajaa Berrada : Tout d’abord, tous les Islamistes ne se sont pas présentés aux élections. Le parti Adl Wal Ihssan: Justice et Probité ; parti non reconnu, a boycotté les élections. Ensuite, les partis islamistes qui ont participé aux élections sont tous pour la monarchie et se déclarent pour la démocratie. Par conséquent, les Islamistes voulaient devenir plus visibles sur l’échiquier politique et arrivaient à influencer l’Etat par leur idéologie.

Pour moi, le PJD n’a pas connu aucun échec, ni petit ni grand. Ce sont les Occidentaux et particulièrement les Américains qui ont donné l’illusion aux Islamistes qu’ils pouvaient remporter les élections. En réalité, les Islamistes sont loin de constituer une force majoritaire dans la société, sachant que seulement 35pour cent ont participé aux élections dont 10pour cent ont voté blanc.

A mon avis, c’est un parti qui n’offrait aucun programme qui pouvait le distinguer des autres. IL se réclamait de la mouvance islamique qui ne le démarquait pas non plus de l’Autorité religieuse du roi et ne répondait pas aux aspirations du peuple marocain musulman dans sa grande majorité mais sans extrémisme.

Riposte Laïque : Ce parti, le Parti de la Justice et du Développement, apparaît modéré. Nadia Yassine, une des figures de ce parti, se dit même féministe. Qu’en penses-tu ?

Rajaa Berrada : Il y a une petite confusion qu’il faut lever. Nadia Yassine est la fille de Cheikh Yassine du parti ADL WAL Ihsaan : parti de Justice et de Probité non reconnu.

Le PJD : parti Justice et Développement est parti reconnu et a participé aux élections, est considéré comme parti modéré par rapport au premier et à certains mouvements islamistes.
Nadia Yassine ne parle au nom d’aucun parti. Elle est concernée par la question de la femme et s’en fait le porte parole. Cependant, elle ne présente pas de projet d’égalité et de citoyenneté, elle a manifesté contre le projet de la réforme du code de la famille dont j’ai parlé plus haut, faisant partie du mouvement conservateur.

Riposte Laïque : Tu es enseignante à l’université. Il t’arrive de faire cours devant des élèves voilées. Comment réagis-tu ?

Rajaa Berrada : Devant les élèves voilées, je fais cours d’une manière ordinaire vu que le Maroc est un Etat musulman par ses institutions. Les jeunes de 18 ans, 20 ans se voilent et se dévoilent selon des facteurs multiples mais ne sont pas pour autant islamistes. Souvent, elles portent le voile comme un effet de mode, par une pression exercée de famille, de voisins, etc.
Le port du voile fait objet de débat partout dans le monde ici au Maroc, dans les différents espaces associatifs et culturels. Il suscite de nombreuses polémiques :
Il soulève d’abord la question de la liberté de la femme ; est-ce que le voile diminue, entrave son émancipation ? Faut-il interdire aux voilées certains espaces publics et de fait les condamner à l’exclusion ? Et de là découle le débat sur la laïcité des espaces.

Propos recueillis par Pierre Cassen




André Bercoff, journaliste et romancier

Riposte Laïque : Qu’est-ce qui, dans ton parcours de journaliste et d’écrivain, t’a convaincu de l’intérêt de défendre les principes laïques ?

André Bercoff : Je suis né et j’ai grandi au Liban, pays qui comprend dix-sept communautés et dont l’équilibre constitutionnel est bâti depuis son indépendance, sur l’équilibre communautaire. Mais, c’est paradoxalement dans l’observation des ravages qu’a exercé, au Liban, l’affrontement des religions, et surtout leur utilisation par des manipulateurs patentés, que je me suis persuadé, non seulement de la nécessité d’un système laïc, mais surtout de son universalité. Quand on assiste aujourd’hui, un peu partout dans le monde, aux crimes commis par les intégristes et les fanatiques, il faut être débile pour ne pas voir que tout commence dans la séparation absolue de la synagogue, de l’église et de la mosquée d’avec l’Etat. Il ne faut pas s’étonner que, chez les aveugles bien pensants du relativisme culturel, l’arbre du communautarisme continue de cacher la forêt des madrassas.

Riposte Laïque : Tu as signé immédiatement la pétition impulsée par Riposte Laïque et des organisations féministes. Qu’est-ce qui a motivé ta signature ?

André Bercoff : L’urgence. L’on ne peut pas accepter que se multiplient en France, en 2007, des manifestations devenues quotidiennes d’intolérance, de discrimination, voire de violence fanatisée. L’on ne peut accepter de voir des intellectuels, des artistes, des hommes et des femmes politiques, poursuivis, condamnés à mort, voire égorgés en pleine rue, des caricaturistes obligés de se cacher sous le simple prétexte qu’ils pensent autrement. Le totalitarisme sous toutes ses formes est insupportable. Ce qui en dit long sur les béances de l’esprit humain, c’est que Hitler et Staline n’ont pas suffi, loin s’en faut, à vacciner les cerveaux contre l’instinct de mort. Faudra-t-il encore des millions de cadavres pour venir à bout des nouveaux fascismes ? C’est contre cette résignation à la violence, à cette lâcheté d’autruche qu’il faut aussi se mobiliser.

Riposte Laïque : Pour une reconquête laïque, vois-tu quelques pistes qui te tiennent à cœur ?

André Bercoff : L’éducation, l’éducation, l’éducation. Dans toutes les écoles de France et de Navarre, y compris les écoles privées – qui, je le rappelle, sont en partie subventionnées par l’Etat – faire chaque semaine cours et conférences sur la formidable avancée civilisationnelle que demeure la notion de laïcité. Tous les jours, on entend parler de professeurs contestés dans leurs cours d’Histoire parce qu’il ne faut plus, n’est-ce pas, parler de l’Algérie, de la seconde guerre mondiale, ou des croisades. Il serait peut-être temps d’essayer de regagner « les territoires perdus de la République ».

Deuxième piste : l’audiovisuel. En 1989, (près de vingt ans, déjà), à la suite de l’affaire des foulards de Creil, j’avais initié une pétition signée par une dizaine de personnalités, pétition qui avait paru dans « Le Monde » et qui a recueilli par la suite des milliers de signatures. Nous partions du principe qu’étaient légitimement diffusées sur le service public, chaque semaine, des émissions juives, catholiques, protestantes, musulmanes et bouddhistes.

Nous demandions – cela nous paraît la moindre des choses – que le service public consacre également une émission hebdomadaire à la laïcité – de même qu’à la libre pensée – totalement absentes toutes deux du petit écran, alors que la France est paraît-il, une république laïque, dont, si je ne m’abuse, la devise reste « Liberté, égalité, fraternité. » Je propose aussi que l’on ajoute le très beau mot de « laïcité » sur tous les frontons des édifices publics. En ces temps d’orages communautaires présents et à venir, il n’est vraiment pas superflu d’afficher partout nos couleurs.

Propos recueillis par Pierre Cassen




Interview de Chantal Terrieux, présidente de l’UFAL du Finistère

Riposte Laïque : Le 16 janvier 1994, 300.000 Bretons menaient la manifestation laïque parisienne, pour protester contre les projets de financement des écoles privées du ministre de l’époque, François Bayrou. Treize ans plus tard, qu’en est-il aujourd’hui de la force des laïques en Bretagne, et quels sont les axes de bataille ?

Chantal Terrieux : J’avoue me demander s’il existe encore aujourd’hui une force laïque en Bretagne.

Les gens sont ici, comme ailleurs je pense, prêts à accepter certaines choses au nom de la tolérance. Les vrais défenseurs de la laïcité où pour le moins ceux qui ne veulent aucune concession et souhaitent l’application de la loi du 9 décembre 1905 sont considérés comme des “dinosaures” menant un combat d’un autre âge, des “laïcards” (insulte suprême!) incapables d’évoluer.

Au nom d’une pseudo tolérance nous devrions tout accepter, mais comme le disait Jean Rostand, et comme aime à le répéter notre camarade Pierre Le Gall, vice-président de l’UFAL du Finistère: “Avoir l’esprit ouvert n’est pas l’avoir béant à toutes les sottises”.

Aujourd’hui on se proclame laïque mais pas anticlérical (moi je me revendique anticléricale, mais pas antireligieuse car je laisse à chacun le libre choix d’avoir où pas une religion, mais je refuse qu’une religion quelconque me dicte ma façon de vivre et je refuse le droit à l’Etat ou à ses représentants de favoriser une religion quelle qu’elle soit)

Les forces laïques en Bretagne n’ont pas été assez soudées pour empêcher certaines dérives, il n’y a qu’à voir, par exemple la statue de Jean-Paul II érigée à Ploërmel !

C’est par choix politique que les grandes associations laïques font de la laïcité “ouverte” et quand les associations “laïcardes” veulent mener des combats communs elles refusent de peur de heurter les pouvoirs politiques et de perdre leurs subventions ou autres avantages.

Nous avons toujours vécu dans un Etat laïque et ne mesurons peut-être pas tous les enjeux. Il est difficile de faire le lien avec ce qui se passe dans des pays lointains.

Peut-être faudrait-il essayer de faire réfléchir les jeunes sur ce que serait notre pays sans la laïcité. Pour cela encore faudrait-il qu’on explique ce qu’est la laïcité réellement.

Riposte Laïque : En Bretagne, toutes les communes ne sont pas pourvues d’écoles publiques. D’autre part, les écoles publiques sont l’objet d’importantes pressions du catholicisme. Peux-tu nous préciser ces deux points ?

Chantal Terrieux : Il est vrai que la Bretagne a gardé longtemps une tradition catholique et il n’y a pas si longtemps encore (moins de 30 ans) on parlait de “l’école du diable” en évoquant l’école publique; notion qui est restée tenace dans l’esprit de beaucoup. Alors l’important était d’avoir une école catholique, et dans certaines communes rurales l’implantation de l’école publique et laïque a été source de conflits importants et au début des années 80 on voyait encore dans certains bourgs les tonnes à lisier et les fourches former des barrages pour empêcher l’accès à une école publique ouverte contre l’avis général. Combien de mairies recevant des nouveaux habitants leur mentaient sur les services (pas de transport scolaire, pas de cantine, pas de garderie,…), voire l’existence d’une école publique et soutenaient l’école “privée”. Il existe donc encore des communes sans école publique

Il a été ajouté dans les programmes scolaires un enseignement du fait religieux et ce dès l’école élémentaire. De plus, au programme de français des classes de 6ème a été ajouté un chapitre sur les “textes fondateurs”, dans lequel on fait étudier des textes de la bible aux enfants, ces textes sont évidemment très choisis, ce qui, dans le Finistère, nous a amené à concevoir une plaquette dans laquelle nous reprenons des textes de la bible également mais d’un tout autre choix! expliquant aux enseignants de français que si cet enseignement fait partie de leur programme ils doivent alors aussi montrer ces textes de l’ancien et du nouveau testament et que sans cela ils font de la catéchèse ce qui est totalement illégal

[http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=552->http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=552 ]

On peut aussi noter l’existence dans les BCD des écoles publiques d’un rayon religion symbolisé sur la marguerite de classement par un enfant agenouillé semblant prier. Quand un DDEN ose demander comment il se fait que l’on trouve des ouvrages sur les religions on lui précise qu’il est important que les enfants aient connaissance de ces textes mais si l’on demande alors où sont les ouvrages parlant de l’athéisme ou de la laïcité alors là on a une singulière réponse: nos élèves sont bien trop jeunes pour comprendre ces notions!

[http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=1->http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=1]

[http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=128->http://www.ufal29.infini.fr/article.php?id_article=128]

Bien sûr quand on s’offusque de ce genre de choses on fait preuve d’un sectarisme laïcard incroyable!!!

Riposte Laïque : Les écoles Diwan, où on ne doit parler que Breton, sont l’objet de subventions importantes de la part du conseil régional, et de certaines communes. Qu’en penses-tu ?

Chantal Terrieux : Pour moi les écoles Diwan sont des écoles privées et ne devraient donc bénéficier que de financements privés, d’autant qu’on y entretient un communautarisme élevé.

Il s’agit d’un enseignement par imprégnation on n’y parle donc que breton, certaines de ces écoles sont allées jusqu’à refuser que leurs élèves ne déjeunent dans la même cantine que les enfants de l’école publique voisine, rendez-vous compte: les enfants de l’école publique parlent français!!!

Tout le personnel doit être bretonnant, interdit de parler français dans les écoles bretonnes!

Comment oser alors réclamer les subventions d’une république dont on refuse d’utiliser la langue et que l’on ne reconnaît pas?

Toutes ces subventions attribuées à des écoles privées, confessionnelles ou régionales, diminuent d’autant les budgets des écoles publiques, laïques, seules écoles de la république.

Et puis honnêtement n’est-ce pas cela qui est d’un autre âge: faire parler une langue qui est très locale, qui peut s’apparenter à une langue morte en ce sens qu’elle est incapable d’évoluer avec la société il n’y a qu’à écouter parler breton pour s’en convaincre tout le vocabulaire “moderne” n’a aucun équivalent en breton.

D’autre part, comment pouvoir concevoir qu’il y a une volonté d’ouverture sur les autres avec l’apprentissage de cette langue quand on sait qu’elle permettait aux personnes la parlant de discuter sans être compris des autres, dans les commerces des zones rurales par exemple, mais aussi au sein même d’une famille quand les sujets abordés ne devaient pas être “entendus” des enfants!

Je ne peux, pour ceux qui s’intéresseraient aux écoles Diwan, que conseiller la lecture de l’excellent ouvrage de Françoise Morvan “Le monde comme si”, ils y auront tous les éclaircissements sur raisons fondamentales de la création de ces écoles et sur la personnalité de ceux qui les défendent!

Il est bon d’ajouter, pour ceux qui regretteraient le manque de culture régionale, si tant est que la culture régionale soit l’apprentissage d’une langue régionale, que l’éducation nationale a créé des classes bilingues dans les écoles publiques.

Je conclurai cet entretien en précisant qu’en dehors du problème spécifique des écoles Diwan, je pense que les autres réponses pourraient sans doute s’appliquer à l’ensemble du territoire et ne sont pas forcément une spécificité régionale.

Par contre il est vrai que lorsque l’on discute avec des personnes arrivant en Bretagne pour la première fois il y a une constante dans leur regard qui est de ne pas comprendre l’attitude qui peut exister de la part de la majorité vis-à-vis des laïques et plus précisément vis-à-vis des défenseurs de l’école publique face à l’école privée confessionnelle. Comment on peut démollir une association quelconque si l’un (ou plusieurs) de ses dirigeants ose mettre ses enfants à l’école publique (ou pire y travailler!). La pression qui est, encore de nos jours, faite auprès de certains, (commerçants, médecins,…) en leur signalant bien que s’ils s’avisent de mettre leurs enfants à l’école publique ils n’auront pas leur clientèle!

Ailleurs on aura peut-être du mal à trouver l’école privée confessionnelle, ici c’est l’école publique qui sera bien cachée; et même les associations de parents d’élèves de ces écoles n’osent plus se proclamer comme telles et quand elles organisent une animation elles préfèrent utiliser le nom de l’école sans préciser école publique (alors ne parlons pas d’école laïque)! Et combien d’amicales laïques ont perdu cet adjectif pour garder des adhérents? Merci quand même à celle de Concarneau de se rappeler pourquoi elle s’appelle ainsi et d’avoir créer une section travaillant sur le thème de la laïcité, justement pour que ses adhérents sachent ce qu’est une amicale laïque http://laicite-aujourdhui.fr/ , la militante laïque que je suis, arrière-petite-fille du premier président de la Fédération des Oeuvres Laïques du Finistère, ne peut qu’être en accord avec cette démarche.

Propos recueillis par Pierre Cassen




Azar Majedi, présidente de l’Organisation pour la Libération des Femmes en Iran

Riposte Laïque : Depuis les attentats de Londres, as-tu senti une prise de conscience nouvelle, en Grande-Bretagne, du danger du communautarisme ?

Azar Majedi : Il est difficile de juger l’opinion publique britannique étant donné qu’elle est généralement manipulée par les medias. Pour ce qui concerne l’arène politique britannique, je dois dire qu’elle n’a pas changé. Le gouvernement britannique continue sa politique d’apaisement de ceux qui s’autoproclament leaders musulmans. La consultation des ces religieux afin de « vaincre le cœur de la communauté musulmane » est la politique clé du gouvernement britannique.

Malheureusement, il s’est crée un climat de méfiance entre la communauté musulmane et l’opinion publique. La communauté musulmane se sent isolée et discriminée. Elle a été stigmatisée. C’est le résultat négatif de la tension actuelle. Certains britanniques soupçonnent ceux qui se considèrent musulmans, ont leurs origines dans une région du monde associée avec l’Islam ou bien ont les traits d’un « musulman »,d’être des terroristes. Cette attitude intensifie les tensions et la friction à l’intérieur de la société et creuse le fossé.

La position adoptée par la gauche, qui croit peut-être bien faire, pour combattre le racisme et la stigmatisation de la communauté musulmane, est de soutenir le mouvement islamique, le voile, l’apartheid des sexes, et toutes les valeurs islamiques, qui sont profondément réactionnaires, discriminantes et misogynes. Tout cela est mauvais. C’est cela qui s’appelle du racisme ! Dire en effet que l’apartheid des sexes et la discrimination sont bons pour les « musulmans », c’est adopter une politique de deux poids deux mesures. Il faudrait avant tout faire la distinction entre « musulmans ordinaires » et le mouvement islamique.

Puis on devrait prendre la liberté de critiquer l’Islam tout comme on prend la liberté de critiquer n’importe quelle autre religion, idéologie ou croyance. Cependant , une partie du mouvement de gauche ne fait pas la distinction entre ces catégories et accepte l’autoproclamation des « leaders musulmans ». Le mouvement islamique ne représente ni les musulmans ni les souffrances du peuple palestinien ou irakien. Il faut le souligner.

Je crois qu’on a besoin d’un débat sain. Il faut critiquer l’Islam et le mouvement islamique et en même temps combattre le racisme, la stigmatisation et défendre les droits individuels. Depuis les événements tragiques du 11 septembre, on a sapé les libertés civiles à l’intérieur de la société au nom de la sécurité. Il faut essayer d’inverser la tendance.

Riposte Laïque : Que penses-tu du projet de Grande Mosquée du maire de Londres, Ken Livingstone ?

Azar Majedi : Je m’y oppose complètement. On n’a pas besoin d’autres mosquées. Il y en a déjà trop. Ce qu’il faut c’est davantage d’écoles de qualité pour les enfants et les adolescents de la communauté musulmane, plus de subventions pour améliorer leur instruction, plus de centres de loisirs et d’équipements sportifs. Il faut investir beaucoup plus dans ces communautés afin d’améliorer leur environnement social.

Les mosquées sont le lieu où l’on pratique un lavage de cerveau des enfants et des jeunes. Généralement les jeunes défavorisés et marginaux sont attirés dans ces mosquées, où on leur inculque la haine ainsi que des valeurs réactionnaires et misogynes. On a prouvé que certaines de ces mosquées, par exemple celle de Finsbury, ont été utilisées pour former les terroristes. Il faut aussi savoir que les gouvernements islamiques comme celui d’Iran ou d’Arabie Saoudite, soutiennent ces projets monumentaux. Ceci en dit long sur les objectifs de construction de tels monuments.

Riposte Laïque : Quelle est ta position, toi qui combats l’Ian des ayatollahs, sur les menaces de guerre, relayées par Bernard Kouchner ?

Azar Majedi : Oui, je suis une fervente opposante du régime islamique d’Iran. C’est un régime brutal qui a exécuté plus de cent mille personnes. C’est une dictature brutale qui opprime le peuple et qui est misogyne dans l’âme. Je combats ce régime depuis sa naissance.

Ceci dit, je dois admettre que je suis complètement opposée à la guerre. Les attaques militaires seraient catastrophiques. C’est le peuple iranien et la région qui souffriraient à cause de cette guerre. A mon avis, il s’agit d’une guerre de terroristes.

Il existe deux pôles du terrorisme : le terrorisme d’état et le terrorisme islamique. Ce sont ces deux pôles qui veulent mettre le feu aux poudres. Une telle guerre n’aurait aucun impact positif, ni pour le peuple iranien, ni pour la région, ni pour la paix. Cette guerre renforcerait le régime islamique, de même que la guerre en Irak renforce les islamistes et le régime islamique d’Iran, de même que la guerre au Liban renforce les Hezbollah et le mouvement islamique.

Dès que la menace se fera imminente, le régime imposera des restrictions dont le peuple souffrira. Il réprimera toute forme de protestation. Il exécutera les gens de manière toujours plus impitoyable. La guerre serait aussi une catastrophe pour l’environnement. Si on attaque les sites pétroliers, ce sera l’enfer nucléaire dans la région. Ceci favoriserait le terrorisme. Il suffit de tenir compte de la situation en Afghanistan, en Irak et au Liban.

Il y a des gens en Iran qui s’opposent au régime. Il y a un grand mouvement de protestation en Iran : ouvriers, féministes, jeunes luttent pour mettre fin aux restrictions et pour une liberté culturelle. Il existe un mouvement laïque considérable en Iran. La guerre aurait des effets dévastateurs sur ces mouvements progressistes. Le slogan devrait être : « Non à la guerre et non au régime islamique ! ». Les mouvements de gauches et progressistes du monde entier devraient soutenir les mouvementsprogressistes d’Iran.

Il faudrait aussi dénoncer la propagande belliciste des USA. Le démentèlement de l’arsenal nucléaire iranien n’est qu’un prétexte pour justifier la guerre, de même que la destruction des armes de destruction massive en Iraq était un pur mensonge. Le gouvernement des USA a été défait en Iraq. Pour reconquérir sa place de leader mondial, il a besoin d’une autre guerre. C’est le régime islamique qui a en réalité gagné la guerre en Irak. En attaquant l’Iran, les USA montreraient au monde qu’ils sont encore suffisamment puissants pour s’attaquer à leur régime et à n’importe quel pays, tant qu’à faire.

Riposte Laïque : Comment as-tu réagi à l’affaire des Vosges ? Face à l’offensive du voile sur toute l’Europe, penses-tu que l’interdiction est la bonne réponse ?

Azar Majedi : C’est un vaste sujet. Je dois tout d’abord dire que je suis contre le voile, qui est l’outil et le symbole de l’oppression et de l’asservissement de la femme. De plus aujourd’hui le voile est devenu la bannière du mouvement islamique. Beaucoup de femmes en occident, au Moyen Orient et en Afrique du Nord portent le voile pour afficher leur position politique. L’oppression américaine, la guerre en Irak et au Liban, le soutien d’Israël contre les palestiniens ont poussé beaucoup de femmes à porter le voile pour protester contre la politique américaine et occidentale.

Je me bats contre le voile et dénonce sa nature. De plus je suis pour l’interdiction du port du voile par les mineurs. Je pense qu’aucune fillette ne doit être obligée de porter le voile. Un enfant n’a pas de religion. C’est la religion de ses parents qu’on lui inculque. Le voile limite le développement physique et intellectuel d’un enfant et doit être interdit. Je suis aussi favorable à l’interdiction de la burka partout. Cependant je ne pense pas que le port d’autres styles de voile par les adultes doive être interdit, sauf dans les lieux et institutions publiques, sinon on limiterait le droit des individus à choisir leur religion et leur tenue vestimentaire.

Une interdiction totale aurait un effet négatif plutôt que positif, ne permettrait d’atteindre ni les objectifs d’une liberté libre et laïque ni la concrétisation des droits et libertés des femmes. Au lieu de faire campagne contre l’intediction totale du voile, il faut se battre contre le voile, le mouvement islamique et l’agression américaine. Il faut s’opposer aux deux pôles du terrorisme afin d’ouvrir les yeux des femmes qui ont soi-disant choisi librement ce symbole comme prise de position politique. Le mouvement islamique essaie de se faire passer pour le libérateur des peuples de Palestine, du Moyen Orient et d’Irak. C’est un mensonge éhonté qu’il faut dénoncer. Il faut lutter contre les islamistes et leur bannière, le voile, sur le plan idéologique et politique.

Propos recueillis par Rosa Valentini




Jean-Paul Scot, historien

Riposte Laïque : Tu es l’auteur de l’ouvrage « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle » (éditions Points Histoire au Seuil). Tu y expliques que la France est le modèle le plus achevé du monde quant à la séparation de religieux et du politique. Es-tu toujours aussi affirmatif ?

Jean-Paul Scot : Je ne dis pas exactement cela. Dans mes recherches historiques j’ai toujours rejeté les notions de « modèle » et d’« exception » ; j’ai étudié les « caractères originaux » de la « voie française » de conquête de la laïcité entre 1789 et 1905. C’est par un combat particulièrement dur et résolu contre le cléricalisme catholique et la réaction monarchiste que les républicains français, anticléricaux mais pas forcément antireligieux, ont fait triompher la République et consolidé la démocratie par la laïcisation de l’école et des services publics et par la séparation des Eglises et de l’Etat qui parachève la « laïcité à la française ».

Les pères de la loi de 1905 ne pensaient pas que la laïcité était une exception française car ils voyaient en elle un principe universel, « l’idéal de toutes les sociétés modernes » selon le mot de Briand. La sécularisation des sociétés leur apparaissait inéluctable avec l’émancipation des mœurs et la remise en cause des autorités établies et des inégalités sociales. Jaurès disait : « la démocratie doit fonder en dehors de tout système religieux toutes ses institutions, tout son droit politique et social, famille, patrie, propriété, souveraineté ».

La séparation des Eglises et de l’Etat n’est pas non plus une exception française car les Etats-Unis, la Belgique, le Mexique et le Brésil l’ont proclamé officiellement avant la France, mais sans rompre pour autant tous liens entre religion et politique. En France, selon la définition de Ferdinand Buisson en 1904, la « laïcité intégrale consiste à séparer les Eglises de l’Etat, non pas sous la forme d’un partage d’attributions entre deux puissances traitant d’égal à égal, mais en garantissant aux opinions religieuses les mêmes libertés qu’à toutes les opinions ».
Liberté de conscience, égalité de droit de toutes les options spirituelles et philosophiques, religieuses, agnostiques et athées, et séparation de la sphère privée et de la sphère publique ont donc bien été et demeurent en France les fondements spécifiques de la laïcité devenue un principe constitutionnel de la République depuis 1946.

Mais, toutes les divisions des laïques ont été exploitées dès 1919 et 1940, et surtout après 1958, par l’Eglise catholique et toutes les autres religions pour contourner la loi de 1905 et faire reculer la laïcité. Aujourd’hui, une étrange coalition réunit les champions catholiques d’une « saine et légitime laïcité » aux protestants adeptes d’une « laïcité d’intelligence » et les partisans de gauche d’une « laïcité ouverte » aux islamistes rejetant les « prétentions universelles de la laïcité ». Ils réclament tous le « toilettage » de la loi de 1905 et la reconnaissance officielle du rôle social des religions dans l’espace public.

Riposte Laïque : Tu signales souvent que l’Union européenne, et le poids du Vatican, menacent la spécificité du modèle laïque français. Dans ces conditions comment interprètes-tu la situation, suite à ce qui est appelé le « mini-traité européen » ?

Jean-Paul Scot : Cette remise en cause traduit la volonté d’aligner la « laïcité française » sur une prétendue « laïcité européenne ». S’il n’y a plus en Europe de religion d’Etat, si le pluralisme religieux a été partout plus ou moins admis, la plupart des Etats européens en sont restés au stade des Eglises établies et des cultes reconnus.

Les anciennes Eglises y ont obtenu des statuts de « piliers constitutionnels » ou de « partenaires de l’Etat » leur permettant d’assurer des fonctions privilégiées de services publics en matière d’éducation, de santé, d’assistance et de culture. Jean-Paul Willaime, directeur de l’Institut européen des sciences religieuses, ose affirmer que « L’Europe est plus laïque qu’on ne le pense », mais à condition d’accepter que « les principes fondamentaux de la laïcité peuvent être compatibles avec différents modes de relations Eglises/Etats ».

Ainsi serait définie une « laïcité de reconnaissance, (…) un modèle dans lequel la religion peut jouer pleinement son rôle en tant que ressource spirituelle, éthique, culturelle et même politique au sens large. » (Europe et religions. Les enjeux du XXIe siècle). Et cela bien que les sociétés européennes se sécularisent de plus en plus !
Cette « laïcité européenne » se définirait donc par les principes de « liberté de religion » et d’« autonomie respective du politique et du religieux », l’Etat étant certes incompétent en matière de religion mais devant mettre ses moyens à la disposition des besoins religieux des croyants. Autonomie et non séparation !

D’où la généralisation en Europe du financement public des cultes par des impôts de religion et des subventions aux écoles confessionnelles ainsi que l’intégration de l’enseignement religieux dans les programmes des écoles publiques. Tout cela au nom de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales adoptée par le Conseil de l’Europe en 1950 et ratifiée par la France en … 1986 !
Les Etats européens autres que la France réduisent la laïcité à la simple reconnaissance de la « liberté de religion ou de non-religion ». Le principe de l’égalité des droits entre croyants, agnostiques et incroyants est bafoué, y compris par la discrimination des cultes minoritaires. Les Eglises dominantes sont traitées en partenaires privilégiés des Etats.

Depuis 1991, la Commission des épiscopats (catholiques) de la Communauté européenne et la Conférence des Eglises chrétiennes européennes (protestantes) sont reçues comme des interlocuteurs attitrés de l’Union. Rien d’étonnant que le projet de constitution européenne ait prétendu reconnaître aux Eglises un statut d’« associations représentatives de la société civile » ayant la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions sur tous les domaines d’action de l’Union » (article 1-47) en raison de « leur compétence spécifique » et que l’Union se soit engagée à « maintenir un dialogue ouvert, transparent et régulier » avec elles (article 1-52). Au nom de la démocratie participative ! Même si ces articles ne seront pas forcément repris dans le « traité simplifié », l’activisme des groupes de pression religieux à Bruxelles n’en sera pas réduit pour autant.

Riposte Laïque : Avant son élection, Nicolas Sarkozy parlait de toiletter la loi de 1905, avant de se rétracter à quelques jours du premier tour. Quel type d’offensive crains-tu, aujourd’hui, au lendemain de son élection ?

Jean-Paul Scot : Je doute que Nicolas Sarkozy ait renoncé à réformer la loi de 1905 même s’il feint de respecter ce « monument ». Dans son livre La République, les religions, l’espérance paru en 2004 il a clairement exposé sa volonté de « réorganiser la laïcité » pour fonder « une laïcité moderne enfin débarrassée des relents de sectarisme hérités de l’histoire tumultueuse des relations entre l’Etat et les religions dans notre pays ».

Se disant hostile à tout « intégrisme laïque », il réduit la laïcité à « la pleine liberté de religion ». « La laïcité, c’est le droit de croire et de pratiquer sa religion de manière libre, publique et égale pour tous les cultes » (p. 168). Pour lui « la République ignore le bien et le mal. La République défend la règle, la loi, sans les rattacher à l’ordre moral. (…) La religion peut en revanche apporter cette distinction » (p. 164). Affirmant que « l’esprit religieux et la pratique religieuse peuvent contribuer à apaiser et à réguler une société de liberté », il entend réintégrer les religions dans l’Etat car elles seraient les véritables fondements de la morale et les garantes de l’ordre social.

Voila pourquoi il demanda en octobre 2005 à la commission Machelon, dont Willaime faisait d’ailleurs partie, de « prendre en compte les attentes des grandes religions de France ». Celle-ci a proposé de « faciliter la construction de nouveaux édifices du culte » par des aides publiques « sans discrimination ni plafonnement » et d’accorder des avantages fiscaux aux « activités complémentaires à l’exercice du culte » afin d’« accroître l’attractivité » des associations cultuelles. Cela remet en cause l’article 2 de la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » et les « principes » de la laïcité française. Mais la révision de la loi ne sera pas engagée ouvertement à court terme.

Nicolas Sarkozy semble attendre les élections municipales pour que ces exigences soient émises localement par des groupes de pression religieux. Il compte ainsi diviser les majorités de gauche des conseils municipaux et continuer sa politique d’« ouverture » avec la caution de socialistes comme Manuel Vals, au risque d’opposer les communautés entre elles. Dans l’immédiat, il s’est contenté de demander à la ministre de l’Intérieur de rencontrer régulièrement les représentants des diverses confessions (l’usage en est acquis depuis 2002) « afin que tous les croyants de notre pays puissent pratiquer et transmettre leur religion dans des conditions dignes ». Il est déjà dans la logique bonapartiste et concordataire quand il entend que l’Etat accompagne la formation des imams. La séparation de l’Etat et des Eglises n’existe déjà plus à ses yeux et son objectif à long terme est bien « une forme particulière de reconnaissance d’utilité publique pour les activités religieuses ».

Riposte Laïque : Penses-tu qu’-un nouveau 16 janvier 1994 soit encore possible aujourd’hui ? Penses-tu que le simple mot d’ordre « Ne touchez pas à la loi de 1905 » soit suffisant ?

Jean-Paul Scot : J’ai montré que la loi de 1905 n’avait pu être adoptée que par l’union de tous les laïques, unis quelles que soient leurs différences de sensibilités anticléricales. Jaurès, Briand et Buisson avaient su rallier autour d’une minorité de socialistes et de radicaux-socialistes pleinement laïques des libres penseurs très antireligieux, des radicaux intolérants, des républicains libéraux et des néo-gallicans. Aujourd’hui, la division des forces laïques est trop profonde pour espérer une réaction rapide comme en 1994. Il est ainsi navrant de voir le président de la Libre Pensée, Marc Blondel, se présenter en héritier des pères de la Séparation et se proposer seulement d’entretenir Madame Alliot-Marie des raisons de ne pas réviser la loi de 1905. La simple défensive n’est pas mobilisatrice.

C’est un nouveau rapport de forces pour la laïcité du XXIe siècle qu’il faut créer. D’abord au plan idéologique car ce terrain a été quasiment abandonné par les laïques face aux assauts de tous les réactionnaires et néo-conservateurs. La laïcité est en jeu quand la liberté de pensée est mise sur le même plan que la liberté de religion, quand la science n’est plus distinguée de la croyance, quand la raison et la foi sont présentées comme de semblables paris. La laïcité est en jeu quand l’égalité des hommes et des femmes est contestée et que le caractère universel des droits humains est mis en cause au nom des différences culturelles. La laïcité est en jeu quand la démocratie et la République sont vidées de tout contenu social et assimilées au libre marché et à la concurrence des individus. La laïcité doit s’enrichir de tous les combats pour les libertés, l’égalité des droits, les progrès de la connaissance et le bien être commun.

Mais Il ne suffit pas d’approfondir notre conception de la laïcité aujourd’hui. Si la loi de 1905 a été adoptée par l’union de tous les laïques, elle ne fut conquise que par la mobilisation de multiples associations et comités qui multiplièrent pétitions et actions de masse. Il faut demander aux libres penseurs de renouer avec les grands débats philosophiques. Il convient d’interpeller le MRAP, la LICRA, la Ligue des droits de l’Homme et la Ligue de l’enseignement sur leur complaisance à l’égard d’une laïcité dite « ouverte ». Il faudrait demander aussi aux partis politiques (PS, PCF, LCR et Verts) de clarifier leurs positions. Ainsi la mobilisation sera possible. « Laïcité et démocratie sont indivisibles » disait déjà Jaurès.

Riposte Laïque : Ne penses-tu pas que la gravité de l’offensive de l’islam politique, en France et en Europe, soit beaucoup trop sous-estimée par la majorité des mouvements laïques ?

Jean-Paul Scot : La loi de 1905 n’a pas été appliquée dans les colonies françaises, ni même en Algérie, si bien que la rencontre entre la laïcité et l’islam a été ajournée pour longtemps. Il n’empêche que le monde arabo-musulman s’est posé la question de la « modernité » depuis le XIXe siècle. Les avatars de la décolonisation et de la domination impérialiste ainsi que le conservatisme religieux et social peuvent expliquer la radicalisation actuelle de l’islam politique. Mai, pour un historien, comprendre ne veut jamais dire légitimer à la façon des islamo-gauchistes.

L’islam politique, dans ses formes extrémistes comme modérées, relève des mêmes catégories politiques et religieuses que le cléricalisme catholique d’antan ou le mouvement born again évangélique d’aujourd’hui, même si on peut discuter de l’existence d’un clergé et d’une théologie dans l’islam. Il ne faut surtout pas voir de façon monolithique cette religion, ni assimiler toutes les écoles coraniques au fondamentalisme et à l’intégrisme. Il faut éviter de stigmatiser tous les hommes et femmes de culture musulmane comme croyants fidéistes ou fanatiques.

La sécularisation progresse parmi eux ; beaucoup sont peu ou non pratiquants, agnostiques voire athées. Aucune religion, pas plus le christianisme hier que l’islam aujourd’hui, ne porte en elle spontanément la séparation du temporel et du spirituel et la laïcité. Mais toute religion a dû et devra s’y adapter.

Ce serait, à mon avis, une erreur d’incriminer plus l’islam politique que tous les intégrismes chrétiens ou juif. Ce serait une erreur également de se focaliser sur ces extrémismes politico-religieux alors que le danger immédiat qui menace la laïcité en France et en Europe est plus subtil et plus pernicieux. En effet, l’institution d’une « laïcité européenne » est largement admise ; elle tente de freiner l’émancipation individuelle et sociale des hommes et des femmes de tout le continent. Lutter contre l’instrumentalisation de la religion par la politique et de la politique par la religion, c’est lutter contre le cléricalisme d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Pierre Cassen




André Gérin, député-maire PCF de Vénissieux

Riposte laïque : Vous faites partie des rares élus de gauche qui n’ont pas peur des mots Laïcité, République et Nation . Comment expliquez-vous cela ? Commençons par Laïcité

André Gérin : la Laïcité, c’est une notion essentielle pour vivre ensemble dans la société : elle sépare l’espace public et l’espace privé . Elle respecte la liberté de conscience et l’obligation de définir ce qui est commun pour vivre ensemble, nos valeurs, nos idéaux dans la République. La République définit ce qui est commun avec l’épanouissement de la personne, avec l’obligation du respect de l’autre, la responsabilité et même la co-responsabilité de cette laïcité . On a cru, en France, que le problème de la laïcité était définitivement réglé . Mais le combat pour la laïcité n’est jamais achevé , il est toujours à renouveler : rien n’est jamais acquis.

La République : Il faut revenir aux insurgés de 1848 . Elle doit être sociale, la devise de la République Liberté, Égalité, Fraternité dit tout cela mais là encore, il faut la faire vivre . Chaque individu est l’égal de l’autre. C’est aussi le respect de la pluralité politique, symbole du drapeau bleu, blanc rouge. La République est en perpétuel recommencement. Elle doit prolonger la révolution de 1848. J’aime beaucoup la phrase de Wolinski : ” les communistes ont voulu changer le monde sans changer les hommes; mais pour changer le monde, il faut changer les hommes”.
La République doit respecter la souveraineté populaire .
La République universelle ? Alors , il faut une révolution universelle. Notre République n’a pas toujours été un modèle. Il faut prendre le meilleur de notre République pour une justice sociale mondiale . La France capitaliste développe un sentiment de supériorité. Il y a d’autres civilisations, qui ont une autre histoire. Le fondamentalisme instrumentalise la religion ; il faut lui opposer une vision progressiste de la République .

La Nation : C’est notre socle commun de Clovis à aujourd’hui. C’est surtout le siècle des Lumières; C’est la carte d’identité d’un peuple . On veut nous vendre le TCE , mais la souveraineté populaire doit être respectée . La Nation , c’est la capacité d’un peuple à décider de sa vie, à être (les citoyens) acteurs et décideurs, à lutter contre la dictature financière sur notre économie . La Nation, c’est notre culture universelle et singulière .
Jaurès a dit ” Peu d’internationalisme éloigne de la Nation , beaucoup y ramène”
C’est très grave, on a abandonné au Front national la défense de la Nation

Riposte Laïque : Vos adversaires, à gauche, vous reprochent votre dérive sécuritaire, que leur répondez-vous ?

André Gérin : Je leur dis ” Au moins débattre! Ce n’est pas un combat “français -immigrés ” , on a des droits mais aussi des devoirs
Pas de liberté sans sécurité
Mais il y a aussi qu’il y a des gens qui n’ont pas les moyens, tout simplement ,de vivre . La réponse doit être aussi progressiste .
Que chacun balaie devant sa porte !
Ce n’est pas en niant les problèmes de l’insécurité , en pratiquant l’angélisme que l’on pourra combattre la révolution conservatrice en cours.
Dites-moi pourquoi les gens ont voté en masse pour Sarkozy ?

Riposte Laïque: Vous faites partie des rares députés communistes qui ont voté la loi contre les signes religieux à l’école ? Comment expliquez-vous l’attitude de la direction de votre parti?

André Gérin : Il faut leur poser la question ! On est toujours dans l’angélisme .

Riposte Laïque: La pétition : ” Les indigènes de la République : comment expliquez-vous l’attitude de nombreux responsables qui ont signé cette pétition?

André Gérin : J’assume de manière fière mon passé , j’ai fait partie des forces progressistes anticolonialistes . Les hommes et les femmes en France sont les héritiers de la révolution . Je refuse ce confusionnisme qui vise à dévaloriser les combats du XX e siècle . C’est favoriser l’abandon du combat de classe .

Riposte Laïque : Vous avez écrit un livre avec Eric Raoult : est-ce que cela signifie que vous appelez de vos vœux une union des Républicains des deux rives ?

André Gérin : Pas du tout ! Mais je suis favorable à un débat sur différents sujets :
– la sécurité
-l’industrie
-l éducation
On peut établir des diagnostics ensemble mais les approches de la droite et de la gauche sont différentes . On doit être capable de diagnostics partagés . Ceux qui me critiquent ? Ce sont ceux qui vont voir les ministres de droite ! Je ne fais pas de porte à porte .

Riposte Laïque : Que pensez-vous du mini-traité de Sarkozy qui sera adopté par le parlement ?

André Gérin : C’est une fausse fenêtre qui veut nous faire avaler le TCE .

Riposte Laïque: L’immigration : Pour vous doit-elle être limitée, contrôlée ?

André Gérin : Il faut remettre en cause les lois Perben, Pasqua , Debré
Se battre pour une politique harmonisée entre les pays européens, et une politique qui prenne en compte le Maghreb . je ne suis pas pour le tri sélectif ( l’immigration choisie) . Mais là encore; il faut arrêter la démagogie et mettre en place des procédures de maîtrise de l’immigration . Il faut une volonté déterminée de participer au co-développement .
Je suis contre la régularisation de tous les sans – papiers
Il faut aussi plus de lieux d’accueil , de passage.

Riposte Laïque : A Vénissieux, vous êtes la bête noire des islamistes et de toute une partie de la gauche, qui veulent en finir avec vous . Êtes-vous, malgré tout, optimiste pour les élections municipales ?

André Gérin : Je ne pense pas être la bête noire des musulmans, avec qui j’entretiens de bonnes relations . Je suis la bête noire des islamistes ? C’est tout à mon honneur .
Je ferai une liste de gauche élargie . Il y aura 7 Français issus de l’immigration dont un adjoint .

Riposte Laïque : La France selon vous est-elle en déclin ? Sur le plan industriel ?

André Gérin : Oui. L’industrie représente 14% du PIB en France , alors que c’est 24% en Allemagne . Il faut redonner une ambition à la France sur le plan industriel. Commencer par arrêter les délocalisations, à engager les re-localisations. Produire en France n’est pas une idée ringarde! Depuis 20 ans , les privatisations massives des entreprises publiques ont offert un espace de plus en plus grand au capitalisme financier.
aujourd’hui, une nouvelle économie est indispensable pour concilier progrès économique et progès social .
Il faut renationaliser, et une politique de reconquête industrielle, des PME et des PMI .

Riposte Laïque : Revenons à l’Europe :
Pensez-vous que les communistes pourraient être à l’origine d’un vaste mouvement pour réclamer la sortie de la France de l’Union européenne ?

André Gérin : Je suis d’accord . Mais pour l’instant, c’est une utopie .

Riposte Laïque : Que pensez-vous d’un article sur l’Huma d’Olivier Schwartz, sociologue : ” il faut renouer ( le parti communiste ) les liens avec le monde ouvrier , les ouvriers et les employés qui constituent selon lui, les nouvelles classes populaires ”

André Gérin : Absolument d’accord .

Nous remercions André Gérin qui nous a accordé cet entretien qui lui a pris plus d’une heure de son temps.

Propos recueillis par Mireille Popelin




Didier Pachoud, président du Gemppi (lutte contre les sectes)

Riposte Laïque : Peux-tu présenter l’association que tu présides, le Gemppi, votre implantation, et vos objectifs ? Avez-vous des liens avec les organisations laïques ?

Didier Pachoud : Le GEMPPI (Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée en vue de la Protection de l’Individu) est une association nationale basée à Marseille, religieusement et politiquement neutre. Il existe aussi un GEMPPI VAR. Pour comprendre les objectifs du GEMPPI on pourrait le considérer comme sorte de « Ligue des droits de l’Homme » spécialisée dans le domaine de la spiritualité ou une association d’information et de défense des consommateurs de produits religieux ou thérapeutiques holistiques.

Depuis 1988, le GEMPPI œuvre avec le soutien de conseillers pluridisciplinaires et un réseau d’organisations à endiguer les multiples problèmes d’ordre public (notamment les atteintes à la laïcité), de misères et souffrances humaines et les drames familiaux qui résultent de l’action des sectes, des thérapeutes holistiques déviants et des manipulateurs indélicats…
Nous sommes membres de la Fédération des amis de l’instruction laïque (FAIL) et nous nous impliquons actuellement dans les travaux du tout nouvel Observatoire Permanent de la laïcité à Marseille.

Riposte Laïque: Quelle est ta définition d’un mouvement sectaire ? D’après toi, en France, combien répondent à cette définition, et quelle est leur réelle influence ?

Didier Pachoud : Il est difficile, au risque de s’enfermer dans une formule, d’avoir UNE définition de la secte, du phénomène sectaire ou de la dérive sectaire. En ce qui nous concerne nous décrivons (plutôt que définissons) notamment la dérive sectaire de la façon suivante : agissements, pratiques et enseignements utilisés dans des mouvements ou groupes à prétentions religieuses, thérapeutiques holistiques ou philosophiques, portant atteinte aux différentes conventions de défense des droits de l’Homme et de l’Enfant et aux lois conformes à ces Conventions et/ou exerçant des techniques manipulatoires dommageables d’emprise qui affectent l’intégrité physique et psychique, la situation économique et relationnelle de l’individu.

Pour nous, il est essentiel d’avoir des poids et mesures bien étalonnés et de les appliquer sans tricherie, ni discrimination à tous les mouvements, groupes et personnes correspondant à notre objet. Pour cela, il faut nécessairement avoir une approche laïque du problème, donc la plus objective et équitable possible.

Il y a une douzaine d’années certains chiffres officiels (rapports parlementaires) évaluaient le nombre de personnes affectées par les dérives sectaires à environ 1% de la population française. Compte tenu de l’explosion en une multitude de micro structures des groupes à risques, il est devenu quasiment impossible de faire un dénombrement du nombre de sectes ou des adeptes. Le mal est devenu encore plus sournois. L’influence des groupes de type monothéiste est très forte dans les milieux défavorisés, et celle des groupes de type panthéistes-new age l’est dans les milieux aisés et classes moyennes. L’expansion et la banalisation de ces derniers semblent ne pas connaître de limites car ils s’infiltrent dans tous les domaines du bien-être, de la santé et du développement du potentiel humain (Formation professionnelle, universités, hôpitaux…).

Riposte Laïque: Considères-tu, aujourd’hui, que l’offensive sectaire prend de l’ampleur ? Si oui, peux-tu nous décrire différents mécanismes de cette offensive ?

Didier Pachoud : Malgré le tassement, le recul parfois de certains groupes sectaires dit classiques (témoins de Jéhovah, Etc.), le phénomène sectaires est moins visible, ou moins préhensible actuellement et incite de ce fait à baisser la garde. Cependant, le néo sectarisme, comme je le disais à la question précédente, fonctionne de manière plus confidentielle, arbore beaucoup moins d’aspects mystiques, sa présentation est habituellement pseudo-scientifique, pseudo-universitaire ou pseudo-médicale et peut ainsi s’infiltrer dans tous les rouages de la société et de ses institutions.

Ce n’est plus le sectarisme des années 70, manichéen et excluant le monde, ce nouveau sectarisme a plutôt tendance à investir le monde, à le prendre en main. Il est de nature floue, difficile à saisir, multiforme, multicarte, agit au nom des droits de l’homme, au nom de la liberté d’expression, du bien-être des citoyens, de l’humanitaire. Il est bien armé juridiquement pour faire taire tous ceux qui le contesteraient, maîtrisant à son profit le fonctionnement des institutions européennes. Des retombées et résultats globaux se font déjà sentir en France, notamment en matière de laïcité. A force de procédures, et de se proclamer victimes de discriminations, les témoins de Jéhovah devraient parvenir à obtenir la reconnaissance de leur droit d’être une association cultuelle loi 1905 avec les avantages fiscaux afférents (ce qui est une forme de reconnaissance), alors qu’ils figurent comme secte dans tous les rapports parlementaires français.

Si ce statut leur était pleinement accordé, éventuellement par une décision de la Cour de justice européenne, comment pourrait-on refuser ce statut à toutes les autres sectes qui pourront faire appel des éventuelles décisions françaises devant la Cour européenne ? Il y a de sérieuses failles légales dans les textes encadrant la laïcité en France.

Riposte Laïque : As-tu constaté une approche différente, sur cette question, entre la droite et la gauche ? Quelles mesures solliciterais-tu de la part du gouvernement ?

Didier Pachoud : Je n’ai pas vraiment constaté d’approche différente sur le sujet entre la droite et la gauche. Il semble qu’il y ait consensus sur la question. Cependant, des oppositions existent sur le sujet, mais elles sont liées plus aux personnes qu’aux partis politiques. Il est évident qu’un député, par exemple, militant dans une mouvance religieuse contestée (extrême ou fondamentalisme d’une grande religion, etc.), sera plus enclin affaiblir la position des « anti sectes » pour protéger dans le même lot que les sectes la mouvance religieuse contestée à laquelle il adhère. Il sera enclin aussi selon la même logique de lobby, mais cette fois pour donner plus de pouvoir social et légal à la mouvance religieuse auquel il appartient (et parallèlement aux sectes) à affaiblir les garde-fous de la laïcité dans notre société.

La première mesure que je solliciterais de l’Etat pour préserver au mieux notre société des dérives sectaires serait de renforcer les lois garantissant la laïcité des institutions et pas seulement celles concernant l’éducation nationale, (affaire du voile islamiques, etc.). J’entends par là que dans tous les domaines où sont concernés l’Etat, les citoyens, qu’ils soient fonctionnaires ou du privé, dès lors qu’ils sont amenés à avoir des activités publiques communes autres que l’exercice d’une religion, pour qu’ils n’aient pas à supporter le poids des croyances des autres et qu’ils n’aient pas la capacité de les faire supporter aux autres, que ce soit par une expression ostentatoire des croyances ou par d’autres moyens.

Un exemple de premier chantier à entamer serait : la notion de « trouble à l’ordre public » qui est si floue et si peu restrictive qu’elle est difficilement exploitable par les autorités françaises pour refuser les avantages fiscaux afférents aux associations cultuelles à un groupe considéré comme comportant des dérives sectaires. Nous pensons donc qu’il ne faudrait plus concéder ces avantages fiscaux à aucune autre association que celles qui l’obtinrent au départ pour des raisons historiques (deal au sujet de confiscations de biens par l’Etat) et qu’il conviendrait de préciser, sans s’enfermer dans le détail, la notion de « trouble à l’ordre public » et à la rigidifier pour se prémunir des groupes connus pour être à l’origine de dérives sectaires. De plus, si l’Etat français ne « reconnait et ne subventionne aucun culte », ces avantages fiscaux concédés aux uns, par rapport à d’autres qui ne les ont pas, peuvent être compris comme une forme de reconnaissance. Tout cela pour tendre dans l’idéal à ce qu’il n’y ait plus qu’un seul type d’association (à objet religieux ou non) ceci éviterait beaucoup d’ambiguïtés.

Propos recueillis par Pierre Cassen




Monia Haddaoui, mère de Ghofrane

Monia Haddaoui est la mère de Ghofrane Haddaoui, retrouvée morte dans un terrain vague des quartiers Nord de Marseille. Ghofrane avait 23 ans. Elle fut lapidée par trois garçons mineurs dans la nuit du 17 octobre 2004.

Riposte Laïque : “Ils ont lapidé Ghofrane”, le livre que tu as écrit avec Anne Bécart, a été publié en 2007 juste avant le procès des assassins de Ghofrane. Pourquoi as-tu écrit ce livre ? Fait-il partie de ce que tu appelles ton combat ?

Monia Haddaoui : Dès que Ghofrane a été lapidée, depuis le premier jour, parce que je voulais retrouver les assassins de ma fille, j’ai constitué mon propre dossier. Avec mes enfants et mes amis, nous avons organisé des équipes et nous nous sommes répartis les choses à faire. Jour après jour, j’ai tout marqué. Tout ce que j’assumais, tout ce que je subissais au quotidien, je l’ai écrit et je l’ai gardé. En 2005, j’ai assisté à la Marche Mondiale des Femmes et j’ai parlé devant les participants. On m’a alors proposé d’écrire un livre. On m’avais déjà contactée juste avant l’arrestation des trois garçons mais je trouvais que c’était trop tôt. Je n’étais pas prête. Je n’étais pas entrée dans mon combat à cause du poids de l’assassinat.

En 2005, j’ai fini le récit de mon histoire et nous l’avons proposé à un certain nombre d’éditeurs. Je ne voulais pas d’un éditeur qui ne voie que le côté commercial de la vente de mon livre parce que pour moi ce n’était pas l’argent qui comptait c’était un message que je voulais faire passer. D’ailleurs ce livre n’est pas cher et nous n’avons que 90 centimes par livre vendu que nous versons à notre association. En fait, je voulais que ce livre soit un témoignage de mon combat, un symbole du combat de toutes les femmes contre les violences qui leur sont faites, un appel à la lutte de tous contre la barbarie. Je voulais vraiment que ce récit touche beaucoup de femmes.
Parmi les éditeurs qui se proposaient j’ai choisi Antoinette Fouque parce qu’elle est une femme de combat. Elle a milité pendant plus de 40 ans pour les droits des femmes et a fait partie du MLF.
Ce livre est sorti le 8 mars 2007, journée internationale des femmes.

Riposte Laïque : Dans le titre de ton livre il y a le mot « lapidé ». Ce mot que tu as volontairement mis en évidence a été rejeté par un certain nombre de personnes. Peux tu nous dire pourquoi ?

Monia Haddaoui : « Ils ont lapidé Ghofrane », je l’ai dit tout de suite. Je l’ai utilisé pour l’enquête du meurtre de ma fille, je l’ai prononcé lors de l’arrestation des assassins. Je savais ce que j’affirmais. Pour connaître la vérité sur le meurtre de ma fille, j’ai employé un moyen que les journalistes appellent le système D. Je me suis débrouillée à ma manière. Toutes les informations que j’ai pu recueillir, j’en ai fait un dossier. Tout ce qui concernait l’assassinat de ma fille me revenait par mes démarches et ceux de mes proches. Les documents qu’avait la police, je les avais aussi. Je me suis retrouvée avec un dossier de 400 pages que j’ai apporté au palais de justice.

La police était venue chez moi le 20 octobre. Le lendemain, j’avais chez moi les photos de Ghofrane, la tête couronnée de pierres. Le soir même on est allés sur le terrain où avait eu lieu le crime. On a vu les grosses pierres, les cheveux de Ghofrane et le sang. Je me suis évanouie. Le lendemain, on est revenus et on a tout ramassé. Selon le Larousse, « tuer à coups de pierres » c’est « lapider » et c’est ce que j’ai dit au président de la Cour. Je lui ai dit que je ne critiquais ni l’islam ni aucune religion mais que je tenais à affirmer que ma fille avait été lapidée.
Beaucoup m’ont reproché d’utiliser ce mot. Deux organisations seulement m’ont soutenues et ont défendu le fait que Ghofrane avait été lapidée : l’Union des Familles Laïques, grâce à toi, Brigitte, et à Jocelyne Clarke, et l’Alliance des Femmes pour le Démocratie.

Les associations que j’ai contactées au début m’ont aidée à médiatiser l’affaire et aussi pour l’arrestation des coupables. L’association « Ni putes, ni soumises » et les autres organisations m’ont soutenues à ce moment là, je les remercie du fond du cœur. Au début c’était tout un collectif qui participait aux marches silencieuses dans Marseille. Le mot lapidation ne posait pas de problème. Et puis plus tard, « silence radio ». Même le Collectif 13 qui représente plus d’une trentaine d’associations s’est rétracté. Je ne comprenais pas les raisons de leurs hésitations. Bientôt, on allait me dire que Ghofrane avait été caressée par des pierres, quelle avait été amadouée par des pierres. On sait maintenant qu’elle a reçu une quarantaine de pierres. Ghofrane s’est vue mourir. Elle a eu 17 dents cassées, 2 arrachées jusqu’à la racine avant qu’elle ne meure. On a constaté 40 impacts sur son crâne. La lapidation, c’est un crime sadique, c’est un acte de barbarie.

Riposte Laïque : Les assassins de Ghofrane étaient mineurs au moment des faits. Que penses- tu de la modification de la loi sur les mineurs ?

Monia Haddaoui : Pour le procès, les jurés ont refusé d’invoquer la minorité des accusés et c’est une bonne chose. Au procès, j’ai parlé avec une grande dignité et je n’ai pas pleuré. Je suis sortie la tête haute. J’avais fait mon travail. J’avais contraint la justice à voir les faits : il n’y avait pas trois pierres mais plus de trente. Certains auraient voulu démontrer que c’était un crime passionnel, comme ils ont voulu le faire croire pour le meurtre de Sohane, morte brûlée vive à Vitry en 2002. L’un des assassins de Ghofrane a bien déclaré « on a voulu faire un coup foireux à cette fille » Il faut aller sur le terrain, là où cela s’est passé pour comprendre que Ghofrane a été amenée à cet endroit pour y être lapidée.

Il n’y a eu aucun regret de la part des assassins. « On croyait que Ghofrane était une fille de riches » ont-ils dit. Pour eux ce fut un beau film d’horreur. Ils ont eu beaucoup de plaisir à faire ça.
La lapidation de Gofrane a été reconnue par la Garde des Sceaux, Rachida Dati, qui m’a envoyé une lettre rendant hommage à ma fille. Moi, je dis qu’il ne faut pas avoir peur des mots, il ne faut pas avoir peur des sanctions. Le verdict de ce procès a été rendu au nom du peuple français, il concerne le peuple français.

Riposte Laïque : Quelle a été l’attitude du président de la République ?

Monia Haddaoui : Sarkozy est venu le 15 avril, deux jours après le procès des assassins de Ghofrane. C’était un dimanche. Je n’ai pas vu un président, j’ai vu un père. Il a été profondément troublé par les photos de Ghofrane. Il avait de la peine, un sentiment de profonde tristesse.
Je lui ai dit que dans ce pays, on ne pouvait plus assumer un code pénal datant de 1945. Ce ne sont plus les mêmes personnes qui commettent les meurtres.

Aujourd’hui certains jeunes ont installé la barbarie, la loi du silence. Ils volent, ils agressent, ils tiennent les cités. Même la police n’a plus le droit d’y aller. Ces jeunes sont des caïds.
Pendant mon drame, pendant cinq mois, j’ai fréquenté les rues et j’ai vu. Ce n’est pas comme ceux qui parlent des mineurs délinquants en restant assis sur leur chaise. Ceux qui sont contre cette loi des mineurs, je les invite à venir voir ce qui se passe dans la rue. Si avant ils arrachaient un sac avec un bras, à présent ils arrachent le sac, le bras, et ils arrachent le pied.
J’appelle cela de la destruction humaine, de la méchanceté gratuite. Ils vous volent et ils vous détruisent en même temps. Mais si on dit trop fort ce qu’ils sont, on est accusé de racisme.

Riposte Laïque : Comment expliques-tu cette délinquance de plus en plus jeune et la formation de ces bandes qui imposent leurs lois, les actes de barbarie ?

Monia Haddaoui : Moi je pense que cela vient de la démission des parents qui ne s’autorisent plus à faire preuve d’autorité. Ils n’osent pas. Aujourd’hui, pour une gifle donnée à ton gamin tu risques la prison. Il y a des enfants qui n’ont plus de repères. Ils tombent dans la délinquance. Ils subissent l’influence des grands frères, de ceux qui leur donnent l’illusion d’être important. Certains enfants sont retirés de leur famille. Ils sont placés dans des foyers. Il y a des foyers qui fabriquent des assassins. Parfois il y a des délinquants qui sortent de prisons avec l’intention de recommencer et ils replongent pour des affaires plus graves. On ferme les yeux sur cela comme sur l’influence de certains imams des prisons qui sont des salafistes. Ils prêchent une religion qui n’est pas la mienne. Il faudrait que la société prenne mieux en charge ces petits délinquants à leur sortie de prison. Qu’ils puissent repartir à zéro, avec un encadrement, un travail, un logement.

Tout cela c’est la gauche qui l’a créé. La gauche a trop fait de social. Ils ont cassé la culture de l’effort, la culture du travail. Une société ne peut marcher que s’il y a des droits mais aussi des devoirs. Si on raconte qu’il n’y a que des droits, on en arrive à une société d’assistés.
Il faut que les délinquants soient sortis de force de leur quartier, il faut les envoyer ailleurs. Il faut faire éclater les ghettos. Il faut empêcher certains imams de propager des discours de haine. Ils endoctrinent toute une jeunesse et n’ont rien à voir avec la vraie religion, celle qui enseigne la paix. Je suis musulmane même si je ne suis pas pratiquante et je dis que l’islam comme les autres religions ne dit pas qu’il faut faire le mal, qu’il faut tuer. Je ne comprends pas pourquoi certains musulmans n’aiment pas les juifs. Je peux affirmer que si des juifs m’ont aidée dans mon combat pour Ghofrane, très peu de musulmans l’ont fait.

Les assassins de ma fille, pour moi, ce sont des sortes de terroristes, ceux qui ont incendié le bus à Marseille et brûlé Mama Galledou sont de la même trempe, ils étaient des mineurs. Il faut ouvrir les yeux sur la gravité de la situation, considérer que ceux qui s’attaquent aux biens publics seront capables de faire pire. Moi, ces gamins, je les appelle des petits terroristes en puissance En tous les cas il faudrait que la justice les considère comme tels.

Riposte Laïque : Peux-tu nous dire quelques mots de l’association que tu as créée et qui porte le nom de « Ghofrane »

Monia Haddaoui : L’association « Ghofrane » est née pour défendre la mémoire de ma fille et pour que la justice reconnaisse la torture et l’acte de barbarie. A présent notre association se mobilise pour sensibiliser et aider les victimes. Nous intervenons dans les lycées, dans les collèges pour parler de la violence, du racket, de la délinquance, de cette violence au quotidien que les femmes et les jeunes filles subissent et que subissent tous les citoyens qui ne peuvent plus se promener tranquillement dans leur quartier ou dans leur ville. Nous voulons que la lapidation,encore si répandue dans les pays islamistes, soit considérée partout comme un crime contre l’humanité. Nous nous battons aussi contre l’obscurantisme et contre tous les extrémismes religieux. Nous ne comprenons pas que les responsables politiques ferment les yeux sur l’influence des imams intégristes, que j’appelle des « vampires », sur les jeunes musulmans. Comme d’autres associations, nous n’avons pas peur de dénoncer cette violence, nous n’avons pas peur des mots.

Comme je l’ai écrit dans mon livre, je dis qu’il faut défendre les grands principes fondateurs de la République avant qu’une jeunesse sans scrupule ne détruise la liberté, l’égalité et la fraternité.
L’association « Ghofrane » a besoin de votre soutien, de vos encouragements, de vos dons.

Pour accéder au site de l’association : [http://ghofrane.ifrance.com->http://ghofrane.ifrance.com ]