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Fanny Truchelut : "mon procès en appel sera déterminant pour la suite de ma vie"

Riposte Laïque : Lors de ton premier procès, le 2 octobre 2007, tu as été condamnée à quatre mois de prison avec sursis, et à 8.490 euros d’amende. Tu as décidé de faire appel. Aujourd’hui, avec le recul, comment vis-tu ce verdict ?
Fanny Truchelut :
Sur le moment, j’ai vécu ce verdict comme une injustice parce que l’on ne m’a pas entendue. Pendant le procès, la partie adverse n’a eu de cesse que de m’insulter et me traîner dans la boue, ce fut difficile à entendre et à vivre. Me faire traiter, moi qui n’ai baptisé aucun de mes 4 enfants, d’intégriste catholique m’a été insupportable. J’ai été stupéfaite de la violence verbale à mon égard des Avocats du MRAP, de la LDH et de la Licra. Les journalistes ont pris le relai avec des articles peu sympathiques pour moi.
Et puis, à travers votre site, il y a eu la grande solidarité des internautes, que je remercie encore très sincèrement, grâce à vous, je suis restée debout.
J’ai compris que je n’étais pas seule et que le « racisme » dont on voulait m’affubler n’était qu’une stratégie des islamistes pour imposer leur volonté.
Les messages qui sont arrivés de partout, de France, d’Europe, au-delà de l’Atlantique, montrent la crainte que beaucoup de femmes et d’hommes ressentent face à cette offensive sournoise.
18 mois sont passés, j’ai essayé beaucoup de choses, j’ai interpellé des femmes, des Associations, des Philosophes, des journaux, pour finir les élus. Les réponses en retour ne dépassent pas les 10 doigts de la main. Cependant, je remercie celles et ceux qui ont pris une position franche. Je ne manquerai pas de les tenir informé régulièrement.

J’ai lu aussi, beaucoup, surtout des témoignages et des analyses de personnes qui ont étudié vraiment le Coran. Qu’est-ce que j’ai retenu de toutes ces lectures. L’Islam n’est pas seulement une religion, c’est un système où la Société est contrôlée sans espoir de liberté individuelle.
Le but de l’Islam est d’étendre son empire dans le monde. Un Musulman ne peut pas être réformateur parce que l’Islam l’interdit, ceux qui prétendent le contraire, nous leurrent.
Je ressens une grande passivité de la part des femmes vis-à-vis du voile. Lors de mon procès, j’étais allée distribuer des tracts, surtout aux femmes (1000), beaucoup d’entre elles me disaient venir. Où étaient-elles le jour du procès ? Où étaient ceux qui se disent laïques et féministes.
Riposte Laïque : Peux-tu nous dire ce que tu es devenue, personnellement, depuis ce verdict ?
Fanny Truchelut :
Vaste sujet. Depuis, je vis seule, le gîte est en vente. Je fais une thérapie. Horia Demiati et son voile, face à moi, cela a été l’électrochoc sur les conditions de ma vie personnelle. Elle m’a renvoyé cette image que je n’étais pas une femme libre et respectée.
En 10 secondes, j’ai eu un film qui a défilé dans ma tête, il paraît que quand on meurt, il arrive la même chose. Sans doute étais-je en train de mourir un peu et c’est en donnant un grand coup de pied au fond que remontée à la surface j’ai engagé cette discussion avec Horia, plus je la regardais, plus mes convictions se renforçaient, plus je pensais à moi d’abord en tant que femme et à mes enfants ensuite – que serait leur avenir si ….- On leur laisse le chômage, le sida, le réchauffement de la planète, le déficit extérieur, la mal bouffe, j’en oublie. Nous, cette génération qui a bien ou pas trop mal vécu, nous n’avons pas de quoi être fiers, alors il serait temps de ne pas en rajouter et de se battre pour eux. On n’a pas le droit de fermer les yeux sur ce que signifie l’offensive du voile, dans toute la Société.
Riposte Laïque : Que réponds-tu à ceux qui te reprochent d’avoir pris Alexandre Varaut comme avocat, considérant ce choix incompatible avec les valeurs féministes que tu prétends défendre ?
Fanny Truchelut :
J’ai compris que ceux qui me reprochent cela cherchent des excuses pour ne rien faire, voire m’insulter. C’est tellement facile de salir, à Riposte Laïque, vous en savez quelque chose, les donneurs de leçons et les calomnies existent.
J’ai constaté, lors du procès, qu’Alexandre Varaut, dont je ne partage pas les engagements politiques, a su faire une plaidoirie pleine de dignité. A ma connaissance, personne n’a été capable de la critiquer, dans les rangs de ceux qui me reprochent de l’avoir pris comme Avocat.
Il suffit de voir comment les critiques sont faciles, sans aucune honte d’ailleurs de la part des « critiqueurs ». Par exemple, un sujet d’actualité, le non au traité de Lisbonne des Irlandais ! Nos politiques s’insurgent, comment peuvent-ils dire non ! alors que nous, le peuple, nous avons dit non aussi et que nos politiques sont passés par-dessus pour dire oui.
Je l’ai déjà dit aussi, le véritable courage c’est d’affronter ensemble, de toutes nos forces, ce qui nous semble être incompatible avec la LIBERTE. Ensuite, « ils » pourront, nous pourrons discuter des modalités en fonction des courants politiques, philosophiques qui sont les leurs et les nôtres. Les lois doivent évoluer avec la Société, sinon nous régressons.
Riposte Laïque : Quelles sont donc pour toi les prochaines échéances ?
Fanny Truchelut :
Le procès en appel évidemment, il va être déterminant pour la suite de ma vie personnelle et professionnelle. Je crois savoir que la date approche, dès que j’en serai informée avec certitude, je vous le dirai immédiatement, bien sûr.
Riposte Laïque : Tu étais à Paris, lors du dernier passage d’Ayaan Hirsi Ali. Comment as-tu vécu cela, depuis la salle ?
Fanny Truchelut :
J’ai vraiment ressenti de la colère. J’étais tout à fait d’accord pour qu’elle soit protégée.
Ce qui était à la limite de l’indécence pour moi, c’est la manière dont se comportaient les intervenants. Il fallait être là, être de celles et ceux dont on allait citer les noms avant l’intervention d’Ayaan.
J’ai de l’admiration pour le combat de cette femme, et sa façon d’appeler un chat un chat. Mais comme je l’ai dit sur ma lettre aux députés, je ne suis pas issue d’une famille musulmane, intellectuelle de la grande bourgeoisie, je n’ai pas eu à souffrir d’un mariage forcé, ou d’autres choses pires encore, comme l’excision. C’est sans doute ce qui fait la différence en France pour être soutenue ou attaquée. Moi, quand je demande à Horia Demiati de retirer son voile dans les parties communes de mon gîte, je suis une modeste vosgienne qui, du fin fond de sa montagne ne peut-être que xénophobe d’extrême droite.
Riposte Laïque : Une dernier question, un peut brute : sachant tout ce qui t’est arrivé par la suite, si tu reviens à cette fameuse journée de juillet 2006, qui a bouleversé ta vie, ne te dis-tu pas que tu aurais mieux fait de fermer les yeux, et d’accepter la présence d’Horia Demiati dans ton gîte, même avec son voile ?
Fanny Truchelut :
J’ai eu parfois cette pensée, si je n’avais rien dit, si elle était restée, après tout, ce n’était que 4 jours à supporter. J’aurai pu m’en aller ailleurs et les laisser.
Si j’avais fait cela, je ne serai pas la femme que je suis aujourd’hui, même si j’enfante de moi dans la douleur, après tout, les 4 accouchements de mes enfants n’ont jamais été une partie de plaisir. Mais le résultat, leur réussite, est bien plus à la hauteur que mes espérances. Aussi je crois dur et fort en des jours meilleurs et à une nouvelle vie. Si cela était à refaire, je recommencerais, bien sûr !
Propos recueillis par Pierre Cassen
Lire comptes-rendus du premier procès
http://www.ripostelaique.com/Nous-etions-au-proces-de-Fanny.html
http://www.ripostelaique.com/Analphabete-et-raciste.html




Jean-Marie Bonnemayre, président du Cnafal

Riposte Laïque : Peux-tu expliquer, pour nos lecteurs, la réalité du mouvement familial, en France, ses différentes composantes et leur sensibilité ? Que réponds-tu à ceux qui disent, à gauche, que le mouvement familial a une tradition pétainiste incompatible avec les valeurs de progrès ?
Jean-Marie BONNEMAYRE :
On ne peut nier aujourd’hui l’enracinement du mouvement familial en France. Son existence remonte quasiment à 140 ans. Il nait d’une réaction au contexte historique créé après la défaite de 1870 contre l’Allemagne, l’insurrection de la Commune et l’instauration de la IIIème République en 1875 ; il se caractérise par une affirmation de la conception de la famille et de la Nation datant de l’Ancien Régime avec le pouvoir au « pater familia » ; il y a aussi la crainte de l’effondrement démographique de la France face à l’Allemagne et envers la peur des idéaux progressistes de la République, de la laïcité qui s’affirme et de la question sociale qui à la fin du XIXème siècle devient prépondérante avec la grande misère dans les villes.
A partir de là, des sociétés d’entraide s’organisent à base confessionnelle, mais aussi avec l’irruption de la médecine scientifique, des associations « populationnistes » natalistes se créent. Elles revendiquent le vote au suffrage familial opposé au suffrage universel. Au lendemain de la première guerre mondiale qui a saigné la France, ils ont le vent en poupe et une majorité de parlementaires à l’Assemblée Nationale adoptent un projet de loi visant à mettre en place le suffrage familial.
Ferdinand Buisson en faisait partie et on sait que la situation politique de l’époque rend complexe l’analyse et la portée du familialisme.
A l’approche de la deuxième guerre mondiale, la poussée familialiste, la peur de la guerre inciteront DALADIER à mettre en place un Code de la famille laïcisé et des mesures en faveur des familles.
En 1943 à l’Assemblée d’Alger du gouvernement provisoire de la République Michel Debré représentant du Général DE GAULLE proposera à nouveau la mise en place du suffrage familial.
DE GAULLE tranchera en 1944 en maintenant le suffrage universel mais en structurant autrement le mouvement familial, en l’institutionnalisant par la création de l’UNAF par l’ordonnance de 1945.
Je rappelle intentionnellement ces faits pour montrer que le slogan travail, famille, patrie était la récupération d’un mouvement de fond présent dans la société française des décennies auparavant et avec une certaine perméabilité à gauche. La « Révolution Nationale », on le sait tente d’abolir la République ; rien d’étonnant à ce qu’elle s’appuie sur une partie du mouvement familialiste.
Mais le deuxième courant qui structure la France et l’opinion publique de 1880 à 1940 c’est aussi la laïcité, la République sociale, le courant scientiste qui portent les idées de progrès et d’émergence de l’individu comme acteur de l’histoire (ces éléments sont longuement développés dans l’histoire du mouvement familial, publication du CNAFAL disponible sur notre site internet : www.cnafal.org).
Aujourd’hui, il reste une institution, l’UNAF, qui est chargée de représenter toutes les familles auprès des pouvoirs publics, qui en a même le monopole.
Dès lors, il n’y avait aucune raison de laisser cette institution de la République aux mains des conservateurs. C’est la raison de la création en 1967 du CNAFAL mais déjà la question était posée dès 1947 dans les milieux laïques (FCPE et Ligue de l’enseignement) de l’entrée des laïques à l’UNAF. Depuis nous avons fait du chemin (on peut consulter sur le site internet l’histoire du CNAFAL produite à l’occasion du congrès de Saint Martin de Crau).
Il est clair que nous avons une conception de la famille égalitaire, souple, respectueuse des personnes. Pour les laïques, il n’y a pas de famille standard. Le projet institutionnel actuel de l’UNAF balaie l’historique du mouvement familial. Dans les références citées, il y a la réforme de l’UNAF de 1975 qui a marqué une avancée incontestable par la reconnaissance des familles monoparentales et la représentation aussi des familles étrangères.
Souvenons-nous du contexte des années 60 où l’égalité homme/femme dans le droit civil n’était pas encore consacrée, où l’avortement était un délit, où les femmes séparées, divorcées et à plus forte raison celles qu’on appelait à l’époque « filles mères » étaient considérées comme étant de « mauvaise vie ».
Les laïques étaient engagés depuis longtemps dans ce combat pour l’égalité et la liberté au cœur de la famille. On peut déplorer le décalage entre les aspirations de l’époque, l’évolution sociologique et politique de la société et le retard dans la traduction institutionnelle de l’UNAF. Il est vrai que le poids de la tradition catholique réaffirmant toujours le caractère sacramental du mariage était prégnant ; jusqu’au jour où leurs propres enfants s’émancipant se mirent à vivre maritalement…
Aujourd’hui, le même décalage existe dans la reconnaissance des familles recomposées et des familles homoparentales. Le CNAFAL, tout comme il a soutenu le PACS il y a plus de 10 ans, demande cette reconnaissance. Nous entretenons depuis de longues années des liens forts avec l’APGL (Association des parents gay et lesbiens) ; nous les soutenons pour leur agrément à l’UNAF et au-delà pour la reconnaissance des liens entre parents homoparentaux et les enfants qu’ils élèvent.
Riposte Laïque : Depuis l’arrivée du nouveau gouvernement, penses-tu que la situation des familles s’est détériorée ? Quels sont les principaux reproches que ton mouvement fait à l’équipe de Nicolas SARKOZY ?
Jean-Marie BONNEMAYRE :
La situation des familles s’est considérablement détériorée avec l’arrivée de Sarkozy au pouvoir.
Les familles sont de plus en plus maltraitées !
Après l’épisode de la « carte famille nombreuse » de la SNCF pour laquelle l’Etat voulait récupérer 70 millions d’euros, c’est le tour de la majoration unique des allocations familiales à partir de 14 ans qui va affaiblir un peu plus le pouvoir d’achat des familles : 138 millions d’euros vont être économisés sur leur dos.
Faut-il rappeler que cet argent là émane des cotisations des salariés ; c’est donc du salaire différé qui doit revenir aux familles ; c’est donc une spoliation !
Déjà la faible revalorisation des prestations de 1% seulement au 1er janvier 2008 représente un recul par rapport à ce que les familles avec enfants étaient en droit d’attendre ne serait-ce qu’avec l’envolée des prix alimentaires, de l’essence et du fuel, du gaz, des biens et des services.
L’inflation qui repart à la hausse va paupériser de plus en plus de familles. Faut-il rappeler la lente dégradation du pouvoir solvabilisateur des aides personnelles au logement (les organisations de locataires estiment cette perte à 10 points en 8 ans !). Faut-il rappeler aussi l’érosion du taux d’intérêt servi pour le livret A de la Caisse d’Epargne pour lequel l’Etat a bafoué ses propres règles d’actualisation indexée sur l’inflation (-0,25% pour les familles).
Déjà l’Etat veut la mise sous condition de ressources des allocations familiales, veut réserver les allocations logements qu’à la tranche la plus basse des revenus sans considérer le taux d’effort pour le paiement des loyers lesquels se sont considérablement envolés ces dernières années.
Déjà des menaces existent sur les modalités de versement de l’ARS (allocation de rentrée scolaire) et sa modulation par cycle d’enseignement. Faut-il rappeler que 14 % des assurés sociaux selon d’IRDES déclarent avoir renoncer à se soigner pour des raisons financières !
Alors que 25% des enfants présentent un trouble visuel en classe primaire, la Ministre de la Santé envisage le désengagement complet de la Sécurité Sociale sans compter les problèmes de vision liés à l’âge.
L’avalanche de mesures est telle que l’on oublie les multiples franchises médicales et autres forfaits hospitaliers ; à l’année, le prélèvement se situe entre 350€ et 600€ pour un malade « moyen ». C’est 850 millions d’euros qui vont être récupérés à l’année sur les malades !
L’inflation évolue à un rythme de 3% mais les retraites ne sont revalorisées que de 1% et il en est de même pour les minimas sociaux. Chercher l’erreur !
Faut-il aussi rappeler que l’AAH reste en dessous du seuil de pauvreté et le restera malgré les 3,9% de revalorisation annoncée pour septembre prochain !
Les inégalités sociales que le CNAFAL n’a cessé de dénoncer depuis 2 ans sont devenues explosives :
 Un Français sur deux gagne moins de 1500€ par mois mais les dividendes versés aux dirigeants des entreprises cotées au CAC 40 ont doublé en 7 ans ;
 Chaque année 180 000 dossiers de surendettement sont déposés auprès de la Banque de France et ce nombre augmente de plus en plus ; la cause essentielle est la baisse du pouvoir d’achat et « les accidents de la vie » ;
 Une étude de l’OCDE fait apparaître que ce sont 20% des foyers français les plus riches qui vont bénéficier de 70% du paquet fiscal ;
 28 milliards d’euros, c’est le bénéfice net cumulé des grandes banques françaises en 2006 mais pendant ce temps en un an le février 2007 à février 2008, le prix de l’énergie a augmenté de 12,3% ; le prix des produits pétroliers a augmenté en 2007 de 19,7% et les prix alimentaires en seulement 3 mois de novembre 07 à janvier 08 de 5% à 48% selon les produits !
 On estime le montant de la fraude fiscale à 40milliards d’euros par an mais dans le même temps, on va faire la chasse à la fraude aux prestations qui est résiduelle et se situe à 1% des allocataires et la commission des fichiers informatiques va régler le problème. Fort avec les faibles, faible avec les forts, tel est le constat malheureusement à tirer.
Nous pourrions continuer ainsi très longtemps tant la situation se détériore. Le CNAFAL comme l’UNAF par ordonnance du 6 mars 1945 est chargée de défendre les intérêts matériels et moraux des familles. Les deux dimensions ne sont pas séparables. Quand, la situation économique et sociale se détériore dans une famille, c’est tout son équilibre qui est remis en cause et bien souvent au bout du chemin, il y a l’éclatement de la famille, la perte de logement et des enfants en déshérence.
Lorsque le bien être essentiel des familles n’est plus assuré : logements, alimentation, santé, les dégâts sociaux sont de plus en plus grands. Nous sommes bien placés dans les UDAF pour dénoncer l’engorgement des commissions de surendettement, dans le domaine de la protection de l’enfance, pour le nombre de signalements d’enfants en danger, leur nombre augmente de 10% chaque année dont de plus en plus du fait des problèmes de précarité ; la délinquance de plus en plus juvénile des mineurs a quand même à voir avec la question sociale. Lorsque les familles sont ballottées d’hébergement temporaire en hébergement temporaire lorsque des familles éclatent du fait des conditions de précarité, c’est aussi des problèmes d’échec scolaire, d’absentéisme scolaire. Le discours de l’UNAF doit être rectifié, politique sociale et politique familiale vont de pair. La famille ne peut se substituer à la première. N’oublions pas que c’est l’extrême misère des familles populaires et à l’époque nombreuses, la peur de révoltes sociales violentes qui ont aussi provoquer la création de ce que l’on a appelle à la fin du XIX siècle le mouvement familial.
Aujourd’hui comme hier, la question sociale est primordiale, elle est sur le devant de la scène et le CNAFAL doit s’en emparer sans complexes pour la porter à la fois à l’intérieur de l’institution et à l’extérieur dans un seul et même discours.
Le projet « sarkoziste » vise à placer la France comme un acteur important du capitalisme financier mondial d’où la mise en œuvre du démantèlement systématisé de l’Etat social et républicain : c’est seulement le moins d’état qui est prôné pour faire des économies, c’est aussi les attaques frontales contre les institutions de la République. L’école en premier et son corollaire la laïcité, la justice et son indépendance, les grands systèmes de solidarité : retraites, assurance maladie, assurance chômage, le code du travail, le statut de la fonction publique, la durée légale du travail, l’hôpital transformé en entreprise mise en concurrence avec le secteur privé. Le tout parachevé par la mise en coupe réglée des médias.
Riposte laïque : Quelles sont aujourd’hui les principales revendications des laïques, au sein du mouvement familial ? Avez-vous vraiment l’impression de peser suffisamment dans un mouvement marqué fortement par la tradition catholique ?
Jean Marie BONNEMAYRE :
Nos revendications sont de trois ordres :
– La première découle de la situation décrite précédemment ; le contexte social est tel qu’il faut défendre pied à pied le pouvoir d’achat des familles, la protection sociale dans son ensemble avec les 3 branches familles, assurance-maladie vieillesse, les services publics et une certaine conception de l’Etat républicain et laïque.
– La reconnaissance des formes plurielles de la famille mais aussi le combat pour la protection de l’enfance.
– La rénovation du fonctionnement de l’institution UNAF qui doit revoir sa gouvernance et sortir de l’immobilisme sur certains sujets – qui sont bloqués actuellement du fait de l’alliance qui date d’Hubert BRIN entre AFC et la CSF, (les deux branches du catholicisme) à l’intérieur de l’UNAF mais la CSF n’a plus rien à voir avec ses pères fondateurs et notamment les APF/syndicales.
Ces trois éléments militent pour un renforcement du mouvement familial laïque.
Ce n’est pas seulement vrai, sur le plan numérique même si ce ne serait pas négligeable.
Le CNAFAL à l’heure actuelle en effectifs déclarés est dans un mouchoir de poche avec les AFC et le CSF et nous pouvons devenir le 3e mouvement familial derrière les AFR et Famille de France.
C’est surtout l’impact politique, le retentissement que cela aurait à la fois à l’intérieur de l’institution, mais aussi à l’extérieur auprès des grandes organisations laïques et puis bien sûr dans le champ politique tout court car le CNAFAL se veut mouvement social et a son mot à dire, à sa place spécifique dans la nécessaire reconstruction d’une vraie gauche…
Riposte Laïque : Penses-tu que le mouvement familial soit à l’abri de l’offensive communautariste qu’on constate dans l’ensemble de la société ? Ne crains-tu pas l’arrivée d’associations familiales confessionnelles qui multiplient les revendications particulières ?
Jean Marie BONNEMAYRE :
Pour l’instant je n’ai pas d’inquiétude sur l’irruption d’associations familiales sur des bases confessionnelles même si le mouvement familial de par ses racines n’est pas exempt de certaines résurgences.
Ce qui est plus préoccupant pour moi c’est la persistance y compris au niveau individuel de revendications identitaires fortes.
Vingt ans de libéralisme ont effacé beaucoup « d’esprit collectif » et de solidarités.
Ce qui est préoccupant pour l’avenir de notre société c’est la perte du lien social qui a à voir avec le collectif et les menaces sur la démocratie sociale qui participent de cette désagrégation tout comme le démantèlement des services publics ; mais l’affaissement des partis, des syndicats et des associations en est aussi le symptôme tout comme l’immense défiance de nos concitoyens à l’égard de toutes les institutions. La gauche et particulièrement les laïques doivent poser clairement le diagnostic et faire des propositions pour restaurer un vrai esprit républicain, civique et solidariste. Il y a urgence car nous sommes au seuil de rupture ; tout n’est que rapport de forces dans notre société et l’école est gangrénée par l’esprit de la compétition, la réussite individuelle. Je pense aussi qu’un espace s’ouvre à nouveau pour promouvoir une morale laïque et universelle. Ce sera le mot provisoire de la fin de cette interview.
Propos recueillis par Pierre Cassen
Jean-Marie BONNEMAYRE est Président du CNAFAL (Conseil National des Associations Familiales Laïques) et Vice Président de l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales




Jacques Nikonoff : bouger l'Europe, ou sortir de l'Union européenne ?

Dans le numéro 42 de Riposte Laïque, notre édito posait la question : “Sommes-nous condamnés à ne jamais pouvoir sortir de cette Europe anti-sociale et anti-laïque ?”. Nous ne pouvons donc que nous réjouir d’apprendre que Jacques Nikonoff, ancien président d’Attac, est aujourd’hui, en compagnie de Michèle Dessene, le porte-parole du “Mouvement Politique pour une Education Populaire”, qui prône ouvertement la sortie de cette Europe, pour offrir une alternative qui manque aujourd’hui cruellement aux citoyens. Nous remercions Jacques de bien avoir voulu répondre à nos questions.
Riposte Laïque : en septembre 2007, à propos de Nicolas Sarkozy tu as écrit que « jamais un président de la République française n’aura autant incarné la défense des intérêts de la classe bourgeoise”. Peux-tu préciser cette analyse ?
Jacques Nikonoff :
Pour se convaincre du fait que Nicolas Sarkozy est l’agent de la classe de la grande bourgeoisie, il suffit de lire les deux dernières lois de finances qui ont accordé des cadeaux somptueux aux plus riches. En outre, l’affichage indécent du président de la République avec les milliardaires français, qui lui payent ces vacances, est un symbole très lourd de conséquences.
Riposte Laïque : Peut-on parler d’une classe bourgeoise cosmopolite qui a une conscience de classe ? Peut-on parler d’une stratégie planétaire de cette bourgeoisie cosmopolite? Notamment par rapport à la force de travail tant dans les pays “plus développés” comme la France que dans les pays sous-développés?
Jacques Nikonoff :
La haute société française a une conscience très aigue de ses intérêts. Elle est d’ailleurs parvenu en partie à effacer le sentiment d’appartenance de classe parmi les ouvriers et, plus généralement, des classes populaires. Les intérêts de cette oligarchie sont nationaux – Sarkozy a été choisi pour défendre les intérêts nationaux de cette oligarchie – mais celle-ci, comme toujours dans l’histoire, cherche aussi son profit à l’étranger. Après 1968, la bourgeoisie nationale a compris qu’il fallait détruire le monde ouvrier, notamment en délocalisant. Après 40 années d’efforts ininterrompus, elle est parvenue à rediscipliner le salariats dans les entreprises.
Riposte Laïque : Pensez-vous que le cadre national est dépassé ou demeure la solution d’avenir pour le salariat, mais également pour les petites et moyennes entreprises ?
Jacques Nikonoff :
Seul le cadre national est un espace démocratique dans lequel les citoyens peuvent encore, par leur vote et leurs luttes, peser sur le cours des choses, voir l’inverser. Les « espaces » internationaux ont été survalorisés, précisément parce que le peuple n’y a aucun poids. Quant aux PME, leur vocation essentielle est le marché national. Si ce dernier est anémié, les PME le seront aussi. Mais la force interne d’une nation dépend aussi de sa vocation universaliste. C’est pourquoi il faut reprendre le flambeau de l’internationalisme, valeur de gauche, et lutter pour un nouvel ordre politique, environnemental, social, économique international.
Riposte Laïque : La mobilisation autour du contournement du vote des Français n’a pas rencontré un large écho, en dehors de quelques réseaux militants. Cela te rend-il pessimiste, et quelle est ton explication ?
Jacques Nikonoff :
Le « non » de gauche a été démobilisé après les querelles, jeux d’ego, manœuvres politiques qui se sont multipliés après le 29 mai 2005. La suite logique de cette cacophonie a été la déroute de l’élection présidentielle. Dans ce contexte, il était logique que la bataille pour un nouveau référendum soit difficile à organiser, alors que la population y était très largement favorable.
Riposte Laïque : Nous mettons les pieds dans le plat. A gauche, personne n’ose émettre l’idée de sortir de l’Union européenne. Pourquoi cette timidité ? Quel est ton point de vue ?
Jacques Nikonoff :
Le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP), en effet, se fixe l’objectif de sortir de l’Union européenne. La gauche du « non » doit oser poser le problème en ces termes. C’est ce qu’attend la population. Pour se décider, il suffit de répondre à une question simple : le bilan de la « construction » européenne est-il « globalement positif ? ». Mais sortir ne suffit pas. Il faut proposer un nouveau cadre international et européen. C’est ce que nous préconisons, voir nos textes sur notre site www.m-pep.org
Propos recueillis par Pierre Baracca et Pierre Cassen




Sylvain Gouguenheim, mis au ban de l'Université par la bien pensance

Riposte Laïque : Sylvain Gouguenheim, spécialiste du Moyen-Âge, vous venez de publier un ouvrage : Aristote au mont Saint-Michel, les racines grecques de l’Europe chrétienne, qui vous a valu les foudres d’un certain nombre de vos collègues. Pourriez-vous d’abord, en quelques phrases, préciser aux lecteurs de Riposte Laïque vos objectifs et les conclusions auxquelles ce travail vous a mené ?
Sylvain Gouguenheim :
Mes objectifs étaient de rendre accessibles au grand public un grand nombre d’articles et de travaux érudits dispersés dans des revues spécialisées, autour d’un problème assez difficile : celui de la redécouverte par les hommes du Moyen Age du savoir grec antique. J’en suis venu à la conclusion qu’à côté de l’intermédiaire arabe, indiscutable, avait existé une autre voie, celle reliant directement l’empire byzantin et le monde européen. Il y a aussi, les spécialistes le savent bien, le rôle de centres culturels comme la Sicile ou Antioche.
Mon idée est double : les lettrés du Moyen Âge (du VIIe au XIIe siècle environ) ont cherché à retrouver les textes des lettrés et des savants grecs, il y a donc une cohérence et une continuité dans l’attitude des lettrés européens de cette époque. Dans cette quête, la recherche directe de textes grecs dans le monde byzantin est plus importante qu’on ne le croit (je rappelle que Byzance était bien en partie en Europe puisque cet empire englobait la Grèce!). Dans ce processus les traductions et les commentaires effectués au Mont Saint Michel ne sont pas à minimiser. Il faut y ajouter le rôle des Arabes chrétiens, des Syriaques. Je me suis enthousiasmé pour les moines du Mont saint-Michel, fort bien connus certes, mais dont le rôle au début du XIIe siècle m’a semblé méconnu du grand public.
Riposte Laïque : Un collectif international de 56 chercheurs en histoire et philosophie du Moyen-Âge vient de rendre public une pétition vous concernant. Ils prétendent tout d’abord que vous vous appuyez sur de “prétendues découvertes”, lesquelles ?
Sylvain Gouguenheim :
D’abord, la pétition n’est pas un mode normal de discussion scientifique. Je ne prétends pas faire de “découverte”, puisque je passe mon temps à citer d’autres auteurs (il suffit de lire mon livre pour s’en rendre compte), mais j’ai vu des manuscrits, ceux du Mont Saint Michel – qui étaient déjà connus – et j’ai été convaincu, après examen, de leur importance.
Riposte Laïque : Pourquoi vous font-ils grief de faire porter votre étude sur la période du VI° au XII° siècle ?
Sylvain Gouguenheim :
Je ne sais pas car j’explique bien que le problème que j’étudie n’existe plus aux XIIIe-XIVe siècles ni par la suite : l’Europe, le monde arabe ou turc ont évolué et le problème ne se pose plus dans les mêmes termes.
Riposte Laïque : On vous reproche des erreurs, qui, aux yeux du non-spécialiste, semblent des détails, qui ne seraient des fautes que dans une thèse universitaire. Votre ouvrage se veut-il un ouvrage de référence pour les étudiants ou bien un ouvrage de vulgarisation destiné au grand public ?
Sylvain Gouguenheim :
Ce n’est pas un ouvrage de référence. C’est un essai de vulgarisation de problèmes historiques difficiles. Le sujet comporte beaucoup de problèmes annexes. La question des rapports entre les civilisations ne peut être tranchée de manière rapide, dans un sens ou dans un autre. Les chemins par lesquels l’héritage grec a circulé en Europe, à Byzance, dans le monde abbasside sont complexes. Il y a certainement des choses à découvrir encore. La vulgarisation est une entreprise difficile, qui expose à commettre des erreurs, et que l’on critique parfois un peu vivement. Pourtant elle me semble indispensable.
Riposte Laïque : On vous reproche également, et surtout, car tel semble être le noeud du problème, de déboucher sur du racisme culturel. Que pouvez-vous répondre à cette accusation ?
Sylvain Gouguenheim :
Je ne comprends pas : je souligne des points communs et j’essaye de comprendre des différences entre les grandes civilisations médiévales. A mes yeux, ces différences ne sont pas l’expression de supériorités ou d’infériorités. Après tout, la Chine ou l’Inde n’ont pas eu accès à la “raison grecque” : ce n’en sont pas moins de très grandes civilisations ! Finalement ce sont mes contradicteurs qui font de l’ethnocentrisme, comme s’ils avaient peur qu’on utilise “l’héritage grec” comme une échelle de valeur qui déboucherait sur une forme de racisme culturel. Or, pour moi ce n’est pas une échelle de valeur, mais simplement un critère de distinction.
En outre, dans les différences entre civilisations, les langues sont un facteur important, et de longue durée. Elles n’empêchent pas de communiquer puisque l’on peut traduire, mais les traductions posent des problèmes à leur tour. Il y a dans toutes les langues du monde des notions ou des concepts difficiles à traduire. Ce n’est pas un jugement de valeur mais le simple reflet de la diversité humaine et cette diversité est fascinante, son étude est enrichissante. J’ai découvert beaucoup à propos des Syriaques comme des philosophes musulmans. C’est à la pensée de Fernand Braudel que je me rattache. Enfin, ce n’est pas parce qu’au Moyen-Âge certains échanges ou certaines influences étaient impossibles, que c’est toujours le cas de nos jours, ou que ce sera le cas à l’avenir.
Riposte Laïque : Enfin, certains vous reprochent l’utilisation de certaines parties de votre livre par des sites d’extrême droite, quand on ne vous accuse pas d’avoir signé des commentaires racistes sur des sites Internet signés
Sylvain Gouguenheim :
Quelle réponse pouvez-vous donner ?
Je n’ai signé aucun commentaire raciste nulle part. L’Internet est susceptible d’un nombre infini de fabrications, on le sait pour bien d’autres domaines. Mon éditeur a même trouvé un jour sur Internet un article entier de deux pages, signé de mon nom, sur un sujet général traitant du Moyen Âge, absolument pas polémique d’ailleurs, mais que je n’avais jamais écrit !. J’exprime par ailleurs fermement mon rejet de toute forme de racisme ou d’intolérance religieuse. J’ai expliqué aussi que mon manuscrit entier, ou des parties, avaient circulé auprès de nombreux relecteurs ou simplement amis. J’avais même déposé une première version chez un autre éditeur il y a 3 ans. Je n’estimais pas avoir à prendre de précautions particulières en traitant de l’impact d’Aristote sur les civilisations médiévales… mais il y a eu fuites, sur lesquelles non seulement je m’interroge mais j’enquête.
Riposte Laïque : Comment expliquez-vous le lynchage dont vous êtes l’objet ? Pensez-vous que, comme on l’a vu avec Redeker, l’affaire des caricatures de Mahomet, ou le procès qui a été fait à l’historien Olivier Pétré-Grenouillot à propos de son livre sur la traite négrière, la liberté d’expression soit muselée en France dès que l’on évoque des sujets sensibles comme l’islam, l’esclavage ou la colonisation ? Comment l’expliquez-vous ?
Sylvain Gouguenheim :
Je crois que certaines personnes sont devenues très sensibles à certains sujets, au point que le fait d’en parler devient d’emblée suspect. Il faut lire les livres, les articles, mais ne pas prêter à leurs auteurs des pensées qu’ils n’expriment pas. Et si l’on a un doute, mieux vaut dialoguer que lancer une pétition. La phrase de Voltaire sur la tolérance est inversée, on en est à quelque chose du genre : “je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites et je me battrai pour que vous ne puissiez pas le dire” !
J’admets être critiqué, mais pas être déformé. J’ai l’impression que beaucoup de personnes ont lu certains passages, sans lire le livre en entier, ni s’attarder sur les mises en garde que je faisais figurer en introduction. C’est dommage. Je tiens à signaler que je reçois de nombreux soutiens de la part de collègues, d’étudiants et d’anciens étudiants. Sans se prononcer sur le contenu scientifique de mon livre, tous dénoncent la méthode utilisée contre moi. Ceux qui ont lu mon livre disent ne pas comprendre la violence des réactions. J’aimerais qu’un vrai débat scientifique soit lancé, poursuivi et que la connaissance progresse. Je suis, comme pour tous mes écrits, prêt à reconnaître des erreurs !
Propos recueillis par Christine Tasin




Simon Archipenko, candidat républicain dans la 11e circonscription du Rhône

Riposte Laïque : Dans la 11e circonscription du Rhône, on votera à nouveau, pour les législatives, les 25 mai et 1er juin. Que s’est-il passé ?
Simon Archipenko :
Le député UMP Georges Fenech a été invalidé par le Conseil constitutionnel pour de gros problèmes de comptes de campagne non validés. Je note que ce magistrat à tout de suite fait appel à l’occupant de l’Elysée, ce qui est un comble!
Riposte Laïque : Tu as annoncé ta candidature, au nom de l’Arc Républicain. Pourquoi cette candidature, et quelles sont les forces en présence, et que mets-tu derrière ce nom ?
Simon Archipenko :
Dabord les forces en présence. 9 candidats en lice; c’est beaucoup mais moins que l’an dernier où il y en avait 12 . G. Fenech étant inéligible, c’est son suppléant LNC, le faux nez de l’UMP, qui s’y colle. Ce maire d’une petite commune, par ailleurs conseiller général, a d’entrée de jeu annoncé qu’il démissionnerait dans un an pour laisser la place à Fenech. C’est dire le haut niveau de conscience politique de ce monsieur.
Ensuite nous avons un candidat du PS qui revient de façon récurrente récolter les voix du système UMPS. Le PC aura comme candidat le maire de Givors, plutôt proche de l’équipe du maire de Lyon, Gérard Collomb. Les Verts présentent un candidat habituel. L’ UDF MODEM aura sa candidate ainsi que la LCR, le FN, le PRG.
Je suis candidat sous le signe de l’Arc républicain. Pourquoi ce nom? Il regroupe les républicains des deux rives ainsi que des organisations gaullistes: le Comité Valmy – Debout la République – Mouvement Démocrate Français – Union du Peuple Français
Union Gaulliste et Voltaire République. J’avais sollicité le soutien du MRC. Jean Pierre Chevènement m’a écrit que pour des “raisons d’opportunités”, il ne pouvait me soutenir. Mais, au regard des nombreux témoignages de sympathie, je peux dire que des militants de ce mouvement me soutiennent également. Mais au delà des soutiens conventionnels, ce qui est important dans cette élection, même “partielle”, c’est la très forte mobilisation de miltants venus de tous les horizons et qui, sur le terrain, mouillent la chemise tous les jours dans du collage d’affiches, de la distribution de tracts. En discutant avec nos concitoyens, on peut sentir le refus du bling bling pour reprendre une expression maintenant admise. Mais également refus de voir ce qui fonde le contrat social depuis 1789 jusqu’au programme du CNR remis en cause par le président de l’Arépublique. Cela va des “petites gens” dont les retraites sont bouffées par l’augmentation des prix jusqu’à des gens qui me disent avoir voté pour l’occupant de l’Elysée et regretter ce choix. Alors ma candidature, c’est aussi le tir à vue sur ce système UMPSMODEM qui conduit le pays à la faillite et les gens au désespoir.
Riposte Laïque : Quel type de campagne comptes-tu mener, et quels seront tes axes ?
Simon Archipenko :
une campagne de terrain et de proximité, axée sur les problèmes locaux, notamment les besoins de reconversions industrielles, les transports autour de l’agglomération lyonnaise ainsi que, pour une circonscription semi rurale, tous les problèmes liés aux OGM et à la suppression progressive de la PAC.
Les problèmes internationaux et nationaux ne sont pas absents du paysage. Je mène une campagne résolument hostile à l’ultra fédéralisme du candidat du PS. Une campagne qui prend en compte aussi le vote à 55% pour le NON le 29 mai 2005.
Une campagne où la laïcité est abordée très fortement. Je déclare notamment préférer perdre cette élection que mes convictions laïques. Cela change quelque peu des discours convenus.
Riposte Laïque : Es-tu en mesure de nous dire, des fois que tu ne sois pas au second tour, quelle sera ton attitude ? Considères-tu que la priorité est de battre le candidat de l’UMP, et es-tu prêt à appeler à voter pour un candidat de gauche qui lui serait opposé ?
Simon Archipenko :
J’espère bien être non seulement au second tour mais vaincre le système établi UMPSMODEM. Ma priorité n’est pas de battre la droite ou la gauche, ma priorité c’est de mettre à bas cette chienlit secrétée par les amours contre nature entre les 2 partis (je n’ose dire grand!).
J’ai déjà annoncé que dans un cas de figure où je ne serais pas présent au second tour je ne me désisterais pour personne, ni le candidat UDFLNC faux nez de l’UMP ni le candidat PS, ultra fédéraliste européen. Je réponds avec force à ta question car, quoiqu’il arrive, nous avons déjà remporté une immense victoire: celle du rassemblement républicain.
Propos recueillis par Pierre Cassen




Jean-François Chalot, président de l'Ufal de Seine-et-Marne

Riposte Laïque : Tu te présentes comme un militant de terrain. Tu es président de l’Ufal du 77, qui compte plus de 300 adhérents. Comment une association familiale défend-elle la laïcité, sur le terrain ?
Jean-François Chalot :
L’UFAL 77 regroupe 400 adhérents et compte dans ses rangs près de 50 bénévoles actifs.
Dans son champ de compétence, l’UFAL intervient en toute indépendance par rapports aux partis et refuse toute instrumentalisation, c’est d’ailleurs pourquoi notre association ne donne implicitement ou explicitement aucune consigne de vote… D’ailleurs certains commentateurs ont été étonnés de voir que des adhérents de l’UFAL pouvaient-à titre individuel bien entendu- se retrouvaient à Vaux le Pénil sur trois listes municipales différentes…
Il peut nous arriver de prendre des positions « politiques » non partisanes quand il s’agit de défendre l’intérêt des familles et la laïcité. Nous n’avons pas hésité à dénoncer l’annonce faite par le gouvernement de supprimer le financement des réductions familles nombreuses.
L’UFAL est une association familiale laïque et rien d’autre
Nous sommes à la fois une association familiale de terrain, menant une action sociale de proximité et à la fois une association laïque, ces deux identités étant indissociablement liées.
Je vais illustrer mon propos par deux exemples : Champs et Vaux le Pénil.
Quand sur Champs-sur-Marne, l’UFAL a été contactée par des habitants refusant l’implantation d’une mosquée salafiste illégale, je suis allé sur place pour apporter le soutien de notre association et nous avons mené avec ceux de Champs le combat jusqu’à la fermeture de cette mosquée.
A Vaux le Pénil, dans le cadre de l’alphabétisation, l’association accueille tous les publics sans distinction. Des femmes voilées sont venues à notre rencontre. Nous avons discuté avec elles et toutes retirent leur voile et d’ailleurs nous avons eu le plaisir de constater que ces femmes un peu réservées au départ se sont complètement décontractées.
A Vaux le Pénil, le secours catholique nous envoie des personnes et nous venons d’apprendre que la mosquée de Melun nous faisait de la publicité… Ce qui prouve que le respect des principes n’empêche pas l’ouverture à tout public.
Riposte Laïque : Tu es d’autre part conseiller municipal à Vaux-le-Penil, dont le maire, Pierre Carassus, a la réputation d’être un élu laïque et républicain. Etes-vous confrontés, en tant qu’élus, à des demandes de subvention de lieux de culte, ou à toute autre dérogation aux principes laïques ? Quelle est, concrètement, l’action de ta commune en faveur de la laïcité ?
Jean-François Chalot :
La commune ne subventionne pas les lieux de culte, respectant par là-même la loi de séparation des églises et de l’Etat.
Conseiller municipal, délégué général aux associations, je viens d’être saisi d’une demande de salle pour une organisation africaine désirant organiser entre autres des activités sportives.

En accord avec le Maire, je vais rencontrer les responsables associatifs pour leur préciser que notre réponse ne peut être positive que si les activités sont ouvertes à tous et non pas seulement aux membres de la communauté. Il n’est pas question d’installer sur notre commune une ségrégation.
Ceci étant précisé, je garde toute mon indépendance . La droite d’ailleurs n’a pas hésité à distribuer un tract dénonçant le nouveau Péponne : après une explication de vote que j’ai formulée au conseil municipal, onze conseillers se sont abstenus au moment du vote d’une subvention pour des travaux dans l’église de la ville(- « d’accord pour des travaux mais l’église, bâtiment public doit pouvoir être utilisé par tous »)
Riposte Laïque : Tu es un ancien enseignant, et un ancien syndicaliste. Comment vis-tu le bilan de l’école publique laïque, ces trente dernières années, et l’état des forces syndicales de l’Education nationale ?
Jean-François Chalot :
Je suis toujours syndiqué et même si par principe j’ai quitté tous mes mandats syndicaux le jour où j’ai pris ma retraite, je m’intéresse toujours à l’école publique laïque et à son avenir.
Notre école subit des attaques de la part d’un gouvernement qui veut la privatiser et favoriser le développement de l’école privée et aussi de la part de communautaristes et d’intégristes qui n’ont ni accepté, ni digéré la loi laïque du 15 mars 2004.
Les forces syndicales enseignantes sont dispersées, cette division exacerbée profite à toutes celles et à tous ceux qui veulent briser l’école laïque et remettre en cause les acquis des enseignants.
La scission de la FEN du début des années 90 a conduit à un morcèlement et à la confusion.
La FSU a eu une position plus qu’ambigüe au moment de « l’affaire du voile » en 2003-2004, alors que l’UNSA, plus claire et plus cohérente en est restée au niveau des déclarations de principes
Riposte Laïque : Tu te prétends un militant de l’éducation populaire. Peux-tu expliquer à nos lecteurs ce que cela signifie, et comment cela se traduit-il dans tes engagements ?
Jean-François Chalot :
Depuis plus de quarante ans je milite dans des mouvements de jeunesse: les Eclaireuses-Eclaireurs de France et les Francas.
Me réclamant de l’éducation populaire, mouvement se réclamant de la transformation sociale, j’agis au quotidien contre l’exclusion sociale , pour l’accès de tous à la culture et pour une citoyenneté active.
Depuis plusieurs années les grandes fédérations enfance jeunesse risquent de perdre leur identité, beaucoup d’entre elles et notamment celles qui organisent des formations et gèrent des séjours de vacances sont sur la voie de la marchandisation.
Avec les syndicalistes de la CGT, de l’UNSA, de la CFDT, de la FSU et de FO nous menons une action de défense du personnel souvent malmené et alertons les militants des associations afin qu’ils metttent fin à la dérive des grandes associations…
J’essaye de lier ce combat à des actions sur le terrain, c’est pourquoi je continue à encadrer bébévolement un ou deux BAFA par an.
Riposte Laïque : Penses-tu aujourd’hui, devant les attaques contre la laïcité de Nicolas Sarkozy, que les conditions sont réunies pour une grande mobilisation des laïques ? Quels obstacles vois-tu ? Comment ressens-tu l’éparpillement des forces laïques ?
Jean-François Chalot :
Il est indispensable de dépasser le cadre des jérémiades et des commentaires. Le temps des pétitions est dépassé, il nous faut frapper très fort et tous ensemble. Seule une grande manifestation nationale est capable de stopper l’offensive anti laïque de Sarkozy.
Ce sont les appareils qui font écran, qu’ils s’agissent des grands, appartenant au Conseil National d’Action Laïque ou qu’il s’agisse des clubs et associations nationales plus modestes.
Je pense qu’il faut prendre des initiatives : localement en regroupant les laïques dans le cadre de comités unitaitres d’action laïque ouverts à tous et nationalement en proposant que toutes les organisations qui défendent la loi du 9 décembre 1905 et qui combattent toutes les lois anti laïques se réunissent et préparent l’intitiative structurante que chacun attend : la manifestation centrale…
Ce qui paraissait hieu un voeu pieux, devient pour beaucoup une nécessité
Riposte Laïque : Penses-tu que les forces de gauche, et d’extrême gauche, sont aujourd’hui suffisamment armées, au niveau du discours, pour contrer efficacement la « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy ?
Jean-François Chalot :
Les forces politiques qui se réclament du mouvement ouvrier n’ont pas mené le débat en leur sain et entre elles sur la question laïque mais tout est possible. En 2003, peu d’organisations ont pris clairement position pour l’interdiction du port de signes religieux visibles dans l’école, un an à peine plus tard, les communautaristes et leurs alliés ont perdu. Aujourd’hui, seuls quelques gauchistes coupés du monde du travail s’opposent à la loi du 15 mars 2004.
Menons le débat dans les syndicats et dans les partis de gauche contre la liquidation de la loi de séparation que nous prépare Sarkozy au nom d’une laïcité positive que certains prônaient encore il y a peu.
Mais je voudrais ajouter ceci, sur une question qui m’est chère, le refus de tout sectarisme chez les laïques. Je suis étonné que tu ne me poses pas la question « qui pourrait me tuer » : « pourquoi un militant comme toi, plutôt classé très à gauche, écrit dans Riposte laïque » ?
Je vais donc répondre à cette question éludée : je suis en désaccord sur certaines positions défendues par « Riposte laïque » et d’ailleurs j’ai exprimé déjà mes réserves.
Ceci étant rappelé, plusieurs raisons ont motivé ma décision d’envoyer des contributions sans appartenir à la rédaction de ce journal :
– il s’agit là d’un média laïque et non politique ouvert à un débat parfois contradictoire mais tournée vers l’action : lutter contre l’intégrisme et pour la défense de la laïcité;
– les articles qui paraissent sont originaux et il y a là un travail éditorial de qualité;
– des amis m’ont demandé, voire sommés de ne pas écrire dans un journal « raciste » et cela je ne l’ai pas accepté car je refuse que l’on puisse galvauder ce qualificatif de raciste et en plus-comme tout libertaire qui s’ignore-je refuse que l’on me dicte ma conduite… Riposte laïque n’est ni un journal sectaire, ni un journal raciste, prétendre le contraire c’est calomnier.
Propos recueillis par Pierre Cassen




Eric Denécé* : les grandes entreprises françaises craignent d'être accusées de discrimination

Riposte Laïque : Eric Denécé, bonjour. Vous dirigez le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). Quels sont les objectifs de cette association (1) ?
Eric Denécé :
Nous sommes un « think tank » [laboratoire d’idées]. Nous avons trois activités. De la recherche : nous sommes un vrai centre de recherches mais totalement indépendant, nous ne sommes pas financés par l’Etat français. Beaucoup de publications. Et des actions de formation en matière de renseignement auprès des parlementaires et des universitaires. Notre but est de faire mieux connaître le renseignement en France, de dépasser l’idée que c’est soit une idée de droite soit une idée de gauche, que c’est quelque chose d’inavouable, et de montrer qu’une vraie démocratie ne peut pas ne pas avoir des moyens de renseignement efficaces afin d’éviter les crises internationales. Donc nous sommes à la fois un centre de recherche et une espèce de lobby professionnel pour défendre le métier du renseignement. Notamment, nous travaillons beaucoup sur le contrôle parlementaire des services secrets. Nous avons beaucoup agi pour que le Parlement se dote d’une commission afin de pouvoir suivre ces questions.
Riposte Laïque : Un peu sur le modèle américain ?
Eric Denécé :
Alors non, surtout pas le modèle américain ! C’est normal que vous me posiez la question parce que c’est celui dont on entend parler ou qu’on voit dans les films, mais c’est un très mauvais modèle puisque les parlementaires ont des capacités d’enquête extrêmement importantes et ce que nous leur demandons, ce n’est pas que telle source fait son travail, mais de vérifier que les fonds publics sont bien utilisés. Donc nous sommes plus sur un modèle européen, qui est un modèle beaucoup plus pertinent.

« Aucun homme politique ne s’est intéressé à la question »

Riposte Laïque : Venons-en au cœur de nos préoccupations. Si je vous ai appelé, c’est pour poursuivre la réflexion initiée par un article de Riposte Laïque du 8 avril qui revenait sur les fameuses demandes d’« accommodements raisonnables » de la part de musulmans radicaux dans les entreprises (2). Mais vous en parliez dès septembre 2005, dans un rapport qu’on appelle « Rapport Denécé » (3), qui ne traitait pas que de ce sujet, mais qui était considéré comme l’équivalent pour les entreprises du rapport Obin (4) qui portait quant à lui sur l’Education Nationale.
Eric Denécé :
Effectivement, c’est moi qui ai signé ce rapport parce qu’un certain nombre de personnes qui travaillaient avec moi n’ont pas voulu apparaître. Nous avons été parmi les premiers à s’intéresser à cette question.
Riposte Laïque : Et à l’époque, comment ce rapport a été accueilli par les dirigeants politiques, les décideurs, les entrepreneurs ?
Eric Denécé :
Si vous vous souvenez, c’est un rapport qui a été fait à la demande de trois secteurs économiques : la grande distribution, les transporteurs – transport de plis par exemple -, et le gardiennage. C’est uniquement trois entreprises, représentant chacune l’un de ces secteurs, qui nous avait demandé d’enquêter sur ces questions, parce qu’elles voyaient chacune dans leurs domaines des signes préoccupants de volonté de remise en cause de l’ordre établi. Une fois que le rapport a été rendu public, il y a eu bien sûr une grosse agitation médiatique, avec beaucoup de chefs d’entreprises qui m’ont appelé en me disant : « Ce que vous faites est très bien, très utile, je suis tout seul dans mon coin, je n’avais pas conscience que c’est un phénomène d’ampleur. » Et puis bien sûr, curieusement, à part quelques dirigeants politiques marqués à droite et dont c’est le fond de commerce, je n’ai eu aucun contact avec qui ce soit. La presse a bien sûr beaucoup rebondi dessus, j’ai eu beaucoup de contacts d’entreprises qui m’ont dit : « Est-ce vous ne voulez pas venir chez nous faire une analyse similaire », mais je dirai qu’aucun homme politique ne s’est intéressé à la question.
Riposte Laïque : Deux ans et demi plus tard, est-ce que la situation est la même ? A-t-elle évolué en mieux ou en pire ?
Eric Denécé :
Nous continuons à travailler dessus, bien sûr. Disons que la situation reste globalement similaire. Je commence seulement à m’intéresser à un quatrième secteur qui est celui de la fonction publique à travers les prisons, la police et la justice. Je n’ai pas travaillé sur l’hôpital et les écoles puisqu’il y a déjà eu un certain nombre de rapports. Mais je retrouve exactement les mêmes attitudes et les mêmes paramètres. Alors on ne peut pas dire qu’en deux ans ça a explosé, mais les comportements et les signes sont exactement constants. Je suis aussi conscient que je n’ai qu’une vision parcellaire sur un certain nombre de secteurs. Mais je me rends compte de deux choses : les gens qui sont confrontés à cela ne savent pas comment réagir, et du coup ils culpabilisent. Dès qu’ils se disent : « Oh là là ! j’ai des problèmes avec des musulmans radicaux chez moi », ils ont l’impression d’avoir viré Front National en substance.

« Maintenant, est-ce que vous pouvez nous aider à aller plus loin ? »

Riposte Laïque : Au Québec, la commission Bouchard-Taylor sur les « accommodements raisonnables » ronronnait très bien, et tout d’un coup un responsable syndical de ressources humaines – qui représentait plutôt de très petites entreprises – a dit à peu près : « J’ai beaucoup d’adhérents qui discriminent les musulmans, qui refusent d’embaucher des musulmans parce qu’ils ne veulent pas, demain ou dans un mois, être confrontés à une demande de salle de prière, des aménagements d’horaires ou bien des foulards ou d’autres pratiques. » Il y a finalement une espèce de discrimination par « principe de précaution » tout à fait abusif. Est-ce que cela existe aussi en France ?
Eric Denécé :
Non. Moi je n’ai jamais vu ça en France, pour au moins deux ou trois raisons. La première c’est qu’il y a la Halde. Donc tous les efforts que fait Louis Schweitzer [président de la Halde] sur la lutte contre la discrimination marchent vraiment chez nous.
Riposte Laïque : Dans les grandes entreprises ?
Eric Denécé :
Ah oui ! Je parle vraiment de très grands groupes pour lesquels j’ai fait des interventions sur ces sujets, dans des tas de secteurs. Dans ces grandes entreprises, les gens n’hésitent pas à dire : « L’une des préoccupations de notre président, c’est justement l’absence de discriminations et la diversité sociale et ethnique de l’entreprise. » Je ne juge pas, mais je me rends compte que ça devient presque une religion. Parce qu’à compétences égales, certaines entreprises vont maintenant embaucher quelqu’un issu de l’immigration pour être dans la norme. Je ne les critique pas, mais on en arrive de plus en plus à cela. Et deuxième chose, il y a tellement d’associations soit liées culturellement à notre Histoire de gauche, soit liées à l’islam radical dans les banlieues et près des grandes villes, qui viennent faire le siège des directions de ressources humaines en disant : « Messieurs, est-ce que vous avez un nombre suffisant d’immigrés chez vous, dans votre entreprise ? » En plus, quoi qu’on en dise, même si tout n’est pas rose chez nous, les Français ne sont pas les plus racistes au monde. Honnêtement, malgré tout, la diversité fonctionne. Mais la situation canadienne serait impossible : il y aurait des procès, il y aurait des plaintes, ce n’est pas possible.
Riposte Laïque : Justement, toujours devant la commission Bouchard-Taylor, ces patrons qui faisaient amende honorable pour leurs « discriminations », appelaient à l’aide d’une manière très désespérée cette commission et les gouvernants en disant : « Il faut nous aider à gérer ces situations de demandes excessives de communautaristes. » Est-ce qu’on vous a transmis le même genre de demandes : « Est-ce que vous pouvez nous aider, est-ce que les pouvoirs publics, est-ce que quelqu’un peut nous aider à faire quelque chose » ?
Eric Denécé :
Bien sûr. Moi, c’est ce que je continue à faire. Ce n’est pas notre activité principale, vous l’avez bien compris. Nous travaillons au sens propre sur les questions de renseignement, de terrorisme et d’espionnage économique. Mais les entreprises qui nous ont contactés il y a trois ans sont venus nous voir en nous disant : « Ecoutez, nous on a des problèmes avec des islamistes radicaux, est-ce que ça ne va pas se transformer en risque terroriste ? »
C’est comme ça qu’on en est venu au conseil. Alors je ne suis pas un spécialiste des questions sociales ou des ressources humaines. Mais il se trouve que je connais bien les questions d’islam et les questions terroristes, et vu qu’il n’y a pas de cabinets de consultants, qu’il n’y a pas de sociologues qui travaillent sérieusement là-dessus, nous sommes parmi les rares personnes au cœur du sujet. Alors bien sûr, certaines entreprises pour qui nous avons commencé à faire des études nous ont dit : « Maintenant, est-ce que vous pouvez nous aider à aller plus loin ? »
Le type d’actions qu’on peut avoir est double. D’abord c’est un travail sur la connaissance de l’autre : expliquer aux dirigeants d’entreprises françaises que le musulman n’est pas un danger. Mais en même temps, il faut leur apprendre à reconnaître parmi tous les musulmans qui travaillent avec eux, quels sont les signes qui vont leur permettre de détecter un islamiste radical qui, lui, va foutre le bazar. Parce que le danger, c’est que ces dirigeants se braquent et assimilent tous les musulmans à des radicaux. Et pour arriver à ce travail, j’ai monté des séminaires où on va expliquer ce qu’est la laïcité. Vous connaissez cela très bien, mais nous avons tous en France une idée relativement confuse, pour la majorité des gens, de ce qu’est la laïcité. Et Il faut parfois leur rappeler ce que c’est, et leur redonner finalement les armes morales et intellectuelles qui leur permettent de réagir.
J’ai eu le cas l’année dernière, dans un hypermarché en France, où le directeur se disait : « Je suis très embêté, mes salariés d’origine immigrée – et même certains sont des islamistes radicaux -, ne parlent qu’arabe entre eux dans le magasin. Est-ce que j’ai le droit de leur interdire l’usage de la langue arabe ? » J’ai trouvé cela extraordinaire. On n’imagine pas que ce sont des cadres supérieurs qui ne connaissent pas toujours grand chose à notre Histoire. Je leur ai dit : « Ecoutez, je connais des entreprises qui, en Alsace, interdisent le dialecte alsacien dans l’entreprise. » Et ils me disent : « Ah d’accord, hé bien je vais dire cela. » Si vous voulez, ils vivent aussi dans la crainte de se dire : « Si demain, on interdit le foulard ou le voile – parce qu’on revient à ces vieilles affaires ! -, on va avoir sur le dos non seulement la Halde, mais aussi 2000 musulmans radicaux qui vont venir faire le siège de l’hypermarché en disant qu’on est des salauds, et on va perdre 10% de notre chiffre d’affaire. »

« Ils poussent pour essayer de changer la société française de l’intérieur »

Riposte Laïque : Toujours dans un cadre préventif, Mohamed Sifaoui – et plutôt sur les problèmes de terrorisme – approuve bien entendu la lutte policière et judiciaire, mais il reproche au gouvernement et aux médias de ne pas assez contrer les islamistes sur le terrain idéologique.
Eric Denécé :
Exact ! Je connais très bien Mohamed Sifaoui. Il a totalement raison.
Riposte Laïque : Selon lui, l’idéologie est le moteur de l’islamisme. S’il n’y avait pas cette idéologie par derrière, il n’y aurait ni islamisme ni terrorisme. Il dit qu’on s’attaque aux conséquences et pas aux causes. C’est donc aussi votre avis ?
Eric Denécé :
Evidemment, évidemment ! Quand on compare, ne serait-ce que la France et les Pays-Bas, on s’aperçoit d’une chose : une société a un seuil de tolérance plus ou moins élevé. Je prends l’exemple des Pays-Bas, société de tradition protestante, beaucoup plus libérale que ne l’est la France en matières de droits individuels. Le jour où ils ont assassiné Théo Van Gogh, il y a eu une réaction extrêmement violente de Néerlandais qui ont brûlé des mosquées en se disant : « Nous ne voulons pas que notre système soit remis en cause par des radicaux. »
En France, notre seuil de tolérance est beaucoup plus élevé que celui des Néerlandais. Et puis nos liens avec le Maghreb, avec le monde islamique sont très anciens, ce sont des cultures que l’on connaît bien. Et je suis convaincu que les islamistes radicaux de France sont dans une logique de ne pas faire d’actions trop engagées de manière à ne pas provoquer cette situation de rejet. Dans l’ombre, discrètement, ils poussent, ils poussent, ils poussent pour essayer de changer la société française de l’intérieur partout où ils se trouvent, même si c’est encore à de petits niveaux. Et si Mohamed Sifaoui dit cela, c’est qu’il a lui aussi totalement perçu cette démarche qui est de faire des micro avancées permanentes, mais qui au bout d’un moment ont de vrais effets.
Riposte Laïque : Justement, ces noyaux intégristes dans les entreprises, mais également dans les services publics, ne font-ils pas craindre des risques au moins de sabotage économique et au pire de terrorisme ? Par exemple l’employé qui refuse de pousser un caddy parce qu’il contient des bouteilles d’alcool, n’est-ce pas le début d’un sabotage économique ?
Eric Denécé :
Vous savez, quand on traite du problème de l’islam dans la société, dans les administrations publiques, dans les entreprises, on est face à un problème sectaire. Et il faut le traiter comme le fait la Mivilitude, comme un problème sectaire. C’est une minorité d’individus – pas énorme – qui veulent absolument faire gagner leur idéologie, qui font du prosélytisme permanent, et qui essaient de faire changer les règles du jeu. Je pense qu’il faut vraiment le voir comme ça.
Effectivement, il pourrait y avoir un lien avec le terrorisme, mais il est tellement infime que pour moi – je ne dis pas qu’il n’existe pas -, je dis qu’il faut traiter ce problème comme un problème sectaire. Je dis souvent : il y a 10% de musulmans en France, parmi ces 10% de musulmans français il y a peut-être 5% d’extrémistes radicaux, et parmi les extrémistes radicaux qui nous embêtent dans les entreprises, il y a 1 ou 2% de gars prêts à passer à l’action. Bien sûr qu’il y a un lien entre le fait d’être musulman radical et le fait de passer un jour au terrorisme. Mais le lien est tellement ténu qu’il faut traiter les problèmes séparément.

« Nous nous sommes suffisamment battus contre les prêtres et les curés »

Riposte Laïque : A gauche, nous constatons que de nombreux militants de la laïcité se refusent également à toute approche idéologique de l’islam radical, en arguant que nous n’avons pas à entrer dans des considérations religieuses. Ces militants dénoncent des « accommodements raisonnables » dans les services publics, mais ils ignorent souvent ceux du secteur privé. Non seulement ils ont une défiance culturelle envers ce monde économique, mais selon eux la laïcité doit régir seulement l’espace public, pas l’espace privé. Selon vous, faut-il mettre en place une espèce de « droit d’ingérence » pour faire respecter nos valeurs dans tous les secteurs de la société ?
Eric Denécé :
Je suis assez d’accord avec ça, mais il n’y a pas de « droit d’ingérence » à mettre en place. Il y a tout simplement à faire respecter et la loi, et les principes fondateurs de la République. Ce qui me sidère, c’est la façon – qu’on soit de droite ou qu’on soit de gauche – dont les gens sont marqués par l’Histoire de France et les affrontements autour des religieux, et qu’on n’arrive pas à se rendre compte qu’on peut tout à fait avoir une vision dédramatisée des choses, et faire appliquer pour l’islam radical dans l’entreprise, la même chose que ce que nous avons fait pour le christianisme. Nous nous sommes suffisamment battus contre les prêtres et les curés à une époque de notre Histoire où l’on pensait qu’ils avaient une influence nocive sur notre jeunesse. Aujourd’hui, nous n’acceptons pas de prières dans nos entreprises, il n’y pas de temps de travail pour qu’un chrétien pratiquant aille faire ses vêpres ou je ne sais quoi, il est donc tout à fait inacceptable qu’un musulman ait une dérogation pour le faire.

« On passe de l’extrême gauche contestataire à l’extrême gauche violente »

Riposte Laïque : Pour terminer, une question sans rapport avec les précédentes, mais qui peut intéresser nos lecteurs. Récemment, la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie a évoqué des réseaux d’extrême gauche qui pouvaient représenter une menace terroriste ou au moins antidémocratique, et qui chercheraient même à s’armer. Ce que je constate c’est que l’élection présidentielle, il y a un an, a soulevé beaucoup d’espoirs tant chez les électeurs de Madame Royal que chez ceux de Monsieur Sarkozy ; et aujourd’hui, je constate une double déception : à gauche mais aussi à droite.
Eric Denécé :
Absolument.
Riposte Laïque : Alors, face à cette déception, ne sommes-nous pas dans une situation où des groupes seraient davantage tentés de passer à des solutions radicales et antidémocratiques ?
Eric Denécé :
Je vais vous répondre, mais ça n’a rien à voir avec l’islam. Je pense qu’il y a deux choses. Il y a un phénomène international et il y a un phénomène français. Il y a un phénomène international et là nous sommes un peu en retard – et heureusement – par rapport à nos amis anglo-saxons : au sein de tout le monde capitaliste et libéral, il y a effectivement une résurgence des mouvements anticapitalistes. Comparé à eux, José Bové est un gentil, ce n’est pas quelqu’un de violent. On apprécie ou non ses idées. Mais partout aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, on commence à voir des tas de mouvements qui refusent la société libérale et qui s’opposent de plus en plus violemment à elle, des mouvements comme les anti-marques ou les anti-pubs. Et petit à petit, certains de ces groupes passent de plus en plus à l’action terroriste. Ca n’a rien à voir avec l’islam, mais c’est vraiment la manifestation d’une société capitaliste ou post-capitaliste. Ce phénomène est en train d’arriver en France, petit à petit.
Riposte Laïque : Ce n’est pas un phénomène français ? Nous ne sommes pas des contestataires nés ?
Eric Denécé :
Non, il y a vraiment un phénomène au niveau mondial et des pays occidentaux qui est d’inspiration anglo-saxonne.
Riposte Laïque : Remarquez que c’est dans les pays anglo-saxons qu’est née cette notion d’« islamogauchisme », c’est-à-dire cette alliance…
Eric Denécé :
Je ne parle pas d’islamogauchisme. Michèle Alliot-Marie en a parlé ? Honnêtement, je n’ai pas d’éléments là-dessus.

« Qui peuvent être nos meilleurs alliés ? Les islamistes radicaux »

Riposte Laïque : Moi je pense que l’islamogauchisme est mort-né, car c’est une alliance contre-nature.
Eric Denécé :
La seule chose que je note, c’est qu’effectivement aujourd’hui, dans le cadre de cette lutte farouche contre les sociétés capitalistes, dans laquelle est entrée une certaine frange d’extrême gauche, certains commencent à se dire : « Qui peuvent être nos meilleurs alliés, pour foutre en bas cette société occidentale qui ne nous plaît pas ? Eh bien ce sont les musulmans radicaux. » Je n’ai pas d’éléments de preuve là-dessus, mais je suis cela parce qu’on voit une évolution similaire chez les mafias italiennes. Pourtant la mafia italienne est une société fermée, catholique, en Sicile. Ils finissent malgré tout par commencer à nouer des contacts avec les islamistes radicaux en pensant que de cette façon ça leur permet de mieux faire leur business du crime.
Riposte Laïque : Il y a d’autres groupes terroristes – comme l’ETA en Espagne par exemple – qui ont noué des liens avec les islamistes, ne serait-ce que sur le plan logistique.
Eric Denécé :
Absolument. Comme on l’a vu, je me souviens, en 1980-82 au moment de l’affaire du Liban. Lorsque j’étais étudiant – je n’étais pas encore dans le renseignement à l’époque – à la Sorbonne, on voyait autant l’extrême droite la plus farouche que l’extrême gauche la plus contestataire aller s’entraîner au Liban pour aller tuer des Juifs, parce que les uns étaient antisémites et les autres antisionistes. On pourrait avoir des phénomènes de même nature avec l’islam radical, où certains se disent, venant de l’extrême droite : ça va nous permettre de faire bouger les choses. Et ceux d’extrême gauche se disent la même chose.
Riposte Laïque : Vous avez évoqué des mouvements contestataires d’extrême gauche. Est-ce qu’à l’opposé, à l’extrême droite, on voit aujourd’hui en France des « déçus du sarkozysme » si l’on peut dire, qui pourraient passer à des actions plus violentes ?
Eric Denécé :
Non. Je n’en vois pas. D’abord l’extrême droite est traditionnellement moins organisée en France que l’extrême gauche, et elle ne puise pas dans la crise économique de manière aussi puissante qu’une certaine frange de l’extrême gauche avec des raisons d’agir, comme les fermetures d’usines ou toute une série de choses. Donc il me semble que le danger est en ce moment nettement moindre. Et heureusement !

« Il y a vraiment une trouille de se faire taxer d’islamophobe »

Riposte Laïque : Voyez-vous d’autres points à ajouter ou à préciser à l’attention de nos lecteurs ?
Eric Denécé :
Je reviens sur l’islam, sur les problèmes radicaux en entreprises. Je commence à voir très souvent une chose qu’il faut signaler, c’est que ceux qui sont confrontés aux problèmes – les chefs de service, les directeurs de filiale – font remonter l’information, mais qu’au niveau hiérarchique, il y a beaucoup d’inconfort à parler de ces questions-là.
Riposte Laïque : Plus vous montez dans la hiérarchie…
Eric Denécé :
Oui. un patron de division qui couvre la moitié de la France, qui a trois-quatre de ses directeurs de région qui lui disent : « On a des problèmes » ; il va gérer en leur disant : « Essayons de faire quelque chose », mais il y a vraiment une trouille de voir la presse débarquer, de se faire taxer d’« islamophobe » et autres. Il manque une armature morale et intellectuelle des dirigeants d’entreprises face à ce genre de choses pour comprendre ce qu’ils doivent respecter en termes de non-discrimination, de pluralité, de laïcité, mais aussi ce qu’ils ne doivent pas accepter parce que justement, la laïcité même est remise en cause par les islamistes radicaux.

« Une période de flottement et de mutation »

Riposte Laïque : Effectivement, pour ces radicaux, la laïcité est un ennemi. On le voit sur leurs forums Internet : la laïcité, ce n’est pas un principe pour eux, mais une espèce d’idéologie antireligieuse en général et surtout anti-islam.
Eric Denécé :
C’est vrai que la laïcité française a été anticléricale très longtemps. Quand ils l’analysent par ce biais-là, ils se disent qu’elle est antireligieuse. Or le principe de laïcité n’est pas antireligieux. Je suis en désaccord total avec eux. Mais vous savez, je trouve la même chose dans la façon dont l’Eglise de France tarde à dénoncer certains excès de l’islam. L’Eglise a tellement peur, elle est tellement imprégnée par cette Histoire de 1905 que par principe, elle va défendre tous les monothéismes. Vous voyez, le jeu est un peu faussé par toute une série de choses, mais c’est intéressant parce que nous sommes dans une période de mutation. Alors le temps que les uns et les autres s’arment moralement et que les acteurs se repositionnent, on est dans une période de flottement.
Riposte Laïque : Eric Denécé, merci.
Propos recueillis par Roger Heurtebise
*Eric Denécé est directeur du CF2R
(1) http://www.cf2r.org
(2) http://www.ripostelaique.com/Les-entreprises-francaises-de-plus.html
(3) http://www.cf2r.org/images/stories/RR/rr1-islam.pdf
(4) ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/igen/rapports/rapport_obin.pdf




Bernard Teper : l'Ufal en première ligne, face au turbocapitalisme et au sarko-bonapartisme

Riposte Laïque : L’Ufal tenait son assemblée générale, ce week-end, à Paris. Etes-vous satisfait de son déroulement ?
Bernard Teper :
J’ai été réélu pour la neuvième année consécutive, et les congressistes m’ont applaudi debout pendant treize minutes (1). Je suis un président comblé. Savez-vous que l’Ufal est la seule organisation qui progresse en effectifs, en France, alors que l’ensemble des autres régresse ? Pourquoi ? Parce que, contrairement aux sociaux-libéraux du Parti socialiste et aux communautaristes d’extrême gauche, nous avons une ligne politique juste, nous marchons sur nos deux jambes : la jambe droite pour le combat laïque, et la jambe gauche pour le combat social.

Riposte Laïque : Mais des échos nous sont parvenus d’une contestation interne assez vive, dans vos rangs, notamment suite à l’affaire Truchelut (…)
Bernard Teper :
Je ne puis vous laisser dire cela. L’Ufal, présente dans cinquante départements, forte de ses trois mille familles, est aujourd’hui en ordre de marche. Nous pilotons les Etats généraux de l’Assurance Maladie (Egsam), et c’est sur cette question que se déroulera l’inévitable affrontement capital-travail, entre le prolétariat et les forces du grand capital globalisé. Nous sommes aux manettes de cette affaire, cela inquiète le pouvoir bonapartiste de Sarkozy, relais du turbocapitalisme mondialisé. C’est pourquoi un complot a été organisé, depuis l’Elysée, pour nous déstabiliser, lors de l’affaire Truchelut, qui est une provocation montée de toutes pièces.
Riposte Laïque : Mais que répondez-vous à vos détracteurs, qui vous reprochent, à l’université, d’avoir la même position que les islamistes turcs ?
Bernard Teper :
C’est très simple, et je vais vous l’expliquer. La laïcité est très claire à ce sujet : elle sépare l’espace de la sphère publique, comme les gîtes ruraux commerciaux ou la rue, de la sphère de l’espace privé comme le domicile ou les lieux de cultes. Dans l’espace de la sphère publique, tous les citoyens sont égaux en droits et ne sauraient se prévaloir de préférences communautaires. Dans la sphère de l’espace privée, chacun est libre. Toute confusion entre les deux est anti-laïque. L’échec de l’Union Soviétique et la chute du Mur de Berlin ne peuvent s’expliquer que parce que le pouvoir public a interféré dans la liberté de conscience privée. Inversement, bannir le droit de porter le voile à l’université c’est faire prévaloir une inégalité de traitement des citoyens dans l’espace public, puisque les personnes de confession musulmane seraient traitées différemment des autres citoyens et ne seraient pas égaux en droits. Ce serait un cas flagrant de racisme cultuel, et la preuve d’une volonté d’aller au choc des civilisations voulu par…
Riposte Laïque : Excusez-moi, je n’ai rien compris, concrètement, cela veut dire quoi ?
Bernard Teper :
Je pensais pourtant avoir été clair. La seule ligne laïque reconnue par l’Ufal sera donc celle défendue par nos trois philosophes, Marie Perret, Jean-Marie et Catherine Kintzler : non au voile au collège et au lycée, oui au voile à l’université et au gîte des Vosges.
Riposte Laïque : Quelle sera votre position, lors de l’appel de Fanny Truchelut ?
Bernard Teper :
Nous sommes totalement d’accord avec Caroline Fourest, et estimons qu’il fallait accepter le premier verdict, qui nous paraissait juste. Nous ne serons jamais solidaires d’une femme qui a choisi d’être défendue par l’avocat du Mouvement pour la France. Nous pensons qu’un acquittement serait préjudiciable au combat des laïques. Je préviens quiconque qu’il ne pourra, sur cette affaire, n’y avoir qu’une seule ligne à l’Ufal : celle des trois philosophes, adoptée démocratiquement lors de notre assemblée générale de ce week-end.
Dorénavant, cette ligne s’impose à tous, ultra-laïcistes compris. Nous prendrons des sanctions contre toute Ufal locale ou départementale qui choisirait de se solidariser avec la crypto-villiériste Fanny Truchelut.
Riposte Laïque : Que pensez-vous des attaques de Nicolas Sarkozy contre la laïcité, et quelle riposte commune envisagez-vous ?
Bernard Teper :
Elles confirment que l’Ufal a eu raison d’appeler de toutes ses forces à voter Ségolène Royal, pour battre Nicolas Sarkozy, lors des présidentielles. Elles confirment la justesse de mon analyse, je veux dire de l’analyse de toute l’Ufal, bien sûr. Pour répondre à votre question, bien évidemment, dans les conditions d’une attaque sans précédent contre la laïcité, l’Ufal est prête à s’allier avec toutes les forces laïques pour organiser une grande manifestation unitaire.
Riposte Laïque : Même avec la Libre Pensée…
Bernard Teper :
Quoi ? Silence, cessez vos provocations ! J’ai dit avec tous les laïques, pas avec les voyous trotskistes-lambertistes, si vous les citez encore une fois, je mets fin à cet entretien, compris ?
Riposte Laïque : Pensez-vous qu’on puisse être de droite, et laïque et républicain ?
Bernard Teper :
C’est impossible, et je vais vous expliquer pourquoi. Depuis longtemps, nous fustigeons la dévotion de certains militants devant l’idée mortifère de rassemblement des « républicains des deux rives ». S’il y avait naguère un espace politique à droite pour organiser des républicains autour de De Gaulle, le turbocapitalisme a supprimé les conditions objectives et politiques de cet espace. S’il y a individuellement des citoyens de droite sincèrement républicains, ils n’ont plus d’espace politique car la droite a supprimé le compromis social et laïque précédent.
Il n’y a donc de possibilité d’organiser les républicains qu’à gauche. A droite, ne peuvent exister que des souverainistes de droite capables, par exemple, de soutenir la destruction des acquis sociaux. Le souverainiste de droite est donc un adversaire irréductible du républicain de gauche et…
Riposte Laïque : Excusez-moi, mais pour bien comprendre, cela signifie que vous envisagez impossible toute alliance ponctuelle, sur la laïcité et la République, avec des gens qui, d’après vous, sont obligatoirement des ennemis de classe ?
Bernard Teper :
Totalement impossible !!! Faites moi confiance pour empêcher tout rapprochement contre-nature de ce type, dans le camp des laïques, je veux seulement voir des gens de gauche et d’extrême gauche.
Riposte Laïque : Les 10 et 11 février 2007, l’Ufal organisait les journées internationales laïques, à Montreuil. Depuis, on n’a plus entendu parler de rien. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Bernard Teper :
Votre question sent bon le bougisme propre aux agitateurs gauchistes, qui n’ont aucune stratégie à long terme, contrairement à moi et à toute l’Ufal. Nous savons que la construction d’un bureau international laïque se fera sur plusieurs générations, et nécessite donc un investissement à long terme. Avec une autre de mes assistantes, Jocelyne Clarke, qui pilote le projet avec beaucoup de maîtrise, nous avons déjà des contacts dans 431 pays au monde, et nous espérons faire mieux encore. Je puis vous révéler notre calendrier. Nous ouvrirons une antenne à Bruxelles en 2013, nous lancerons notre site internet en 2017, et nous organiserons une deuxième réunion publique, en 2021, à Varsovie. Comme vous le voyez, nous refusons toute agitation spontanéiste petite-bourgeoise décadente, et continuerons à lier le combat contre le turbocapitalisme au combat contre l’ultra-laïcisme et le communautarisme.
Propos recueillis par Roussette Davril
(1) Selon nos sources, il y avait trois postulants à la présidence. Bernard Teper aurait recueilli 33 voix, Jean-François Chalot, président de l’Ufal de Seine-et-Marne, 12 voix, et Hubert Sage, président de l’Ufal de l’Isère, 2 voix.




Stéphane Arlen, responsable du site « Faire Le Jour »

Riposte Laïque : Tu animes ton site (www.fairelejour.org) depuis maintenant plusieurs années. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans cette initiative ?
Stéphane Arlen :
Au départ, une affaire avec une assurance qui avait refusé de prendre en charge un préjudice, après que ma femme s’était bien renseignée auprès de la compagnie aérienne et de l’assurance elle-même. J’en avais assez de dire à chaque fois « on ne peut rien faire ». J’ai donc fait toutes les démarches pour être remboursé (ce qui arriva), et par ailleurs j’avais lancé fairelejour.org pour dénoncer tous ceux qui le méritent. Petit à petit, fairelejour.org s’est orienté plus vers un combat anticlérical et antilibéral (pour résumer !), et nous avons décidé, pour donner plus de poids à nos actions, de créer l’association Faire Le Jour.
Riposte Laïque : Sais-tu d’où viennent tes différents lecteurs, et quels
sont les thèmes les plus lus sur ton site ?
Stéphane Arlen :
Depuis que le site a été créé, en 2003, nous avons eu des visites de quasiment tous les pays du monde, y compris du Vatican ! Nous le savons grâce aux données fournies par des instituts de mesure d’audience comme Xiti. Les articles qui attirent généralement le plus de monde sont ceux qui sont repris en page principale de Google News, ou qui s’en prennent aux dérives de l’islam (par exemple, nous avons battu tous nos records d’audience en 2006 avec l’affaire des caricatures de Mahomet), mais cela est assez varié, car des articles de politique intérieure sont très consultés, de même, étonnamment, qu’un article publié il y a très longtemps sur une tour solaire en Australie.

Riposte Laïque : Tu es enseignant depuis une dizaine d’années à La Réunion, et tu publies souvent des textes contre la place des Eglises dans cette île, et contre le communautarisme. Depuis ton arrivée, quelle évolution as-tu constaté, sur ces thèmes ?
Stéphane Arlen :
Comme partout, on sent que la jeunesse adhère de plus en plus par tradition et non pas par conviction aux délires religieux. Au niveau des institutions, on ne sent pas beaucoup d’évolution : le conseil général publie un communiqué pour déplorer la mort d’un grand homme lorsque Jean-Paul II est allé vérifier ses croyances, et on peut admirer la conception locale de la laïcité lorsque l’évêque de la Réunion est chargé de remettre la Légion d’Honneur à la présidente du conseil général, une femme musulmane. Quelle belle image de tolérance! Cela dit, l’association Faire Le Jour a lancé à la Réunion l’opération « Rue de la laïcité », et nous avons quelques retours positifs, notamment avec la création d’une rue de la laïcité à Sainte-Suzanne (en attendant d’autres créations).
Riposte Laïque : Comment se situent les forces politiques de La Réunion, par rapport à la laïcité ? Quelles sont les forces laïques, là-bas, et quelles actions mènent-elles ?
Stéphane Arlen :
La conception locale de la laïcité est « La laïcité est le respect de toutes les religions », ce qui fait que chaque croyance a pignon sur rue et que tout homme politique qui veut se faire élire doit flatter chaque communauté. Par exemple, les conseils général ou régional et les communes publient tout au long de l’année des messages de voeux lors des différentes fêtes de toutes les religions.
J’ai parlé plus haut de cette Légion d’Honneur qui passe très mal dans les milieux laïques, mais qui représente pour les croyants (et ceux qui en profitent) la preuve de la réussite de la laïcité réunionnaise. Laïcité qui ne tiendra pas longtemps, car on a déjà entendu des filles réclamer des horaires dans les piscines, les tamouls veulent leurs jours fériés et le droit d’égorger leurs cabris où bon leur semble, etc.
Les médias profitent de cela en évoquant toutes les fêtes, tous les délires (on ne compte plus les Vierges ayant suinté de l’huile première pression à froid). De temps en temps, ils publient mes textes dans le courrier des lecteurs, en coupant mes références bibliques ou coraniques. Par exemple, je critique tel ou tel aspect d’une religion, et je cite la Bible ou le Coran: on laisse mon opinion, mais pas ma citation qui sert de preuve !
Les forces laïques… sont faibles ! Il y a “Faire Le Jour”, l’Ufal, et quelques autres qui mettent en avant un côté laïque. Mais quand on voit des élus communistes ou des associations comme la Fédération des Oeuvres Laïques soutenir le droit des filles à porter le voile, on se dit qu’il y a encore du travail. Cela prendra du temps, mais on parviendra, ici aussi, à une vraie laïcité… à condition qu’entre-temps Sarkozy n’ait pas fait de la France une Réunion-bis, ou une Alsace-Moselle-bis!
Propos recueillis par Pierre Cassen




Malka Marcovich* : A l'Onu, la prose de Durban 1 s'écrit en pire tous les jours

Riposte Laïque : Dans un an aura lieu ce qu’on appelle Durban II. Mais Durban I, en 2001, avait fait couler beaucoup d’encre. Peux-tu nous dire ce qui s’était vraiment passé ?
Malka Marcovich :
Je ne pense pas que Durban 1 ait fait couler beaucoup d’encre. Les attentats sur les tours jumelles se sont déroulées quatre jours aprés la fin de la conférence rendant d’autant plus difficile une prise de parole sur l’ensemble des événements. Dans le forum des ONG, on a assisté à une flambée de violence antisémite invraissemblable dans une conférence organisée sous l’égide de l’ONU. Distribution de Mein Kampf, des protocoles des sages de Sion, exposition antisémite, appel au meurtre des juifs dans un stade en délire à l’issu d’un discours de plusieurs heures de Fidel Castro.
Certains ont même été jusqu’à parler du “pogrom de Durban”. Sans l’intervention de la police sud-africaine lors d’une manifestation hors de l’enceinte du forum qui se dirigeait vers le club juif de Durban, il y aurait eu certainement des blessés, voir des morts. Certes la violence antisémite était la plus visible, mais il y a eu d’autres violences dont il a été tout simplement impossible de parler. Les femmes ont été mises à silence, et le caucus (regroupement) des ONG d’Europe de l’Ouest a été putché pour avoir voulu se démarquer du langage de haine et condamner l’adoption du texte final des ONG en dehors de toutes procédures démocratiques.
Le putch du caucus des ONG européennes est extrêmement grave et représentait une attaque symbolique dont nous ne pouvons mesurer toutes les conséquences jusqu’à ce jour. Ce n’est pas un hasard si ces personnes ont cherché à faire taire et à intimider un regroupement d’ONG représentant une région politique en construction, forte d’une société civile extrêmement dynamique où le concept de démocratie participative a un sens profond.
Riposte Laïque : Comment les associations françaises présentes là-bas avaient-elles réagi ?
Malka Marcovich :
Je parlerai plutôt des ONG européennes dont les françaises, ainsi que des ONG internationales telles que la FIDH, Amnesty, mais également d’autres comme Caritas. Il y a eu plusieurs cas de figure. Il y a eu celles qui sur place ont eu certains de leurs membres qui ont participé activement aux violences et se sont démarquées de l’antisémitisme (mais pas du putch des ONG européennes) au retour, leur réputation étant en cause comme le MRAP ou ENAR (European network against racism in Europe).
Il y a eu aussi celles qui comme la FIDH ont eu des membres qui ont participé aux violences, qui sur place ont accordé avec Amnesty et Human Rights Watch une interview au Monde affirmant qu’elles quittaient le forum, alors qu’elles sont restées, et n’ont fait aucun communiqué de presse ni pendant ni aprés. Il y a eu des ONG comme le Lobby européen des Femmes ou des syndicats comme Sud PTT, qui ont eu des putchistes en leur sein et ont préférer se taire au retour, faire comme s’il ne s’était rien passé, voir ont nié l’événement. Il y avait une telle pagaille qu’il était difficile même de savoir qui était qui. Celles et ceux qui à la fin du forum n’arboraient pas le Keffieh étaient à priori considéré comme des ” jewish pig lover”.
Mais il y a eu aussi des personnes et des associations qui ont formidablement bien résisté comme ICARE, (Internet Center Against Racism in Europe), la LICRA, SOS Racisme, Prochoix, la CLEF (Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes), le MAPP, beaucoup d’organisation néerlandaises, l’ensemble des organisation d’Europe de l’Est pour qui le mot démocratie avait un sens profond. Après le choc de Durban, il y a eu ensuite le choc du déni. Le 14 septembre 2001, j’ai voulu, en tant que déléguée pour la France au Lobby européen des femmes, porter une motion pour que le LEF se démarque des événements de Durban.
D’autant que comme je l’ai dit, il y avait eu des putchistes au sein du bureau du LEF. Wassyla Tamzali m’a d’ailleurs aidé à rédiger un texte d’une grande sobriété puisque la terminologie “antisémitisme” n’était même pas employée. Non seulement cette motion n’est pas passée, mais on m’a ensuite accusée d’être payée par le Mossad pour détruire la société civile européenne. Parce que juive, je ne pouvais par “essence” être objective sur les événements, ni sur la mise à silence des femmes, ni sur le putch des ONG européennes. On me niait dans ma citoyenneté européenne et française. Cela m’a causé un énorme tort dans mon travail.
Mais je ne suis pas la seule à avoir subi ce déni. Fodé Sylla également, député européen à l’époque, a voulu que le parlement dénonce les événements de Durban, en vain. (voir son interview dans les actes du Colloque Durban et après). De plus, depuis 2001, il est courant d’entendre dans le milieu des ONG que les juifs cherchent à saboter et discréditer la conférence de Durban considérée comme une avancée pour le mouvement antiraciste. Encore dernièrement, lors de la première réunion préparatoire, lors d’un atelier organisé par le MRAP et Interfaith International, certains ont affirmé que les ONG juives cherchaient à saboter la conférence à venir.
Au retour, Bernice Dubois pour la CLEF et moi même pour le MAPP, espérions que nous parviendrons à transmettre et faire comprendre la gravité de la situation. Ce fut en effet une expérience traumatisante de se retrouver au milieu de clameurs et de violence pareille. Nous voulions témoigner, pour prévenir aussi et réfléchir à la suite. Nous avons alors décidé d’organiser un colloque le 7 décembre 2001 pour consigner l’ensemble des événements et réfléchir à la crédibilité de la société civile après Durban. Nous espérions qu’il y aurait encore un sursaut…Rien. Pour l’Europe comme pour l’ensemble de la communauté internationale, dés novembre 2001, après Durban et le 11 septembre, ce fut la fuite en avant.
Riposte Laïque : Penses-tu que des choses aussi graves peuvent se reproduire, à l’occasion de Durban II ? Quel est ton regard sur l’évolution de la situation, depuis 2001 ?
Malka Marcovich :
Mais les choses sont déjà aussi graves, plus diluées, confinées dans certains lieux. Je ne sais pas ce qui se passe dans les différents Forum Sociaux mais il me semble que l’esprit de Durban règne en maître. A l’ONU, la prose de Durban 1 en pire s’écrit tous les jours. On entend des diatribes de l’Organisation de la Conférence Islamique soutenue par Cuba, le Venezuela, la Chine et la Russie. L’ONU est devenue la machine de propagande totalitaire, un véritable rouleau compresseur, une machine à broyer les droits universels. Durban 2 sera la consécration fin 2009 de ce qui s’écrit chaque jour, résolution après résolution, texte après texte, rapport après rapport dans des négociations où la plupart des démocraties ont un profil extrêmement bas.
Je veux rendre ici hommage à la manière dont Louis Michel, Ministre des affaires étrangères de Belgique en 2001, qui présidait l’Union européenne, a pu débarrasser le texte gouvernemental de ce que l’on appelait pudiquement alors “le langage de haine”. Aujourd’hui la capitulation est telle, toute cette littérature se banalise, se normalise. En 2003, lorsque la Libye devint présidente de la Commission des Droits de l’Homme, David Pujadas en souriant au journal de 20h annonçait : “non ce n’est pas une blague”, et tout le monde s’en offusquait. Qui s’indigne aujourd’hui de son élection pour deux ans au Conseil de Sécurité ? Qui s’inquiète du fait qu’elle préside le Comité préparatoire à la conférence mondiale contre le racisme, que Cuba soit le rapporteur, et que l’on compte l’Iran ou le Pakistan dans le comité ?
Presque personne semble-t-il sauf le Canada qui s’est réveillé dernièrement et qui a décidé qu’il ne participerait pas à la Conférence de 2009. Mais cela va au delà de cette conférence. Le Canada, membre du Conseil des Droits de l’Homme – tout comme la France- est le seul pays à avoir dénoncé le mode de fonctionnement totalitaire de cet organe. La France qui affirme à la face du monde qu’elle incarne les droits universels reste résolument silencieuse et participe à cette mascarade, voir la promeut, au nom de la “RealPolitik”. En réalité, outre les marchés qu’elle souhaite conserver avec certaines dictatures, je pense qu’elle tente de sauver aussi son siège au Conseil de Sécurité, et peut-être espère-t-elle pouvoir éviter le terrorisme sur notre sol.
Riposte Laïque : Tu suis très attentivement ce qui se passe également à l’Onu. Penses-tu qu’il y ait vraiment des raisons de s’inquiéter, et que faire ?
Malka Marcovich :
Il faut bien évidemment s’inquiéter sur tous les plans. De nombreux sujets sont en chantier, la définition du terrorisme, du racisme, de la démocratie, la remise en question de la déclaration universelle, l’élaboration de nouvelles normes qui commencent à inclure la diffamation de l’Islam et la limitation de la liberté d’expression. Ce n’est pas juste la question de la religion, ni même de l’Islam qui est en jeu, mais bien conjonction à l’ONU de tous les totalitarismes. Pour cette raison, je prépare actuellement un livre sur la débacle de l’ONU. D’autre part, outre mon rapport pour la Licra de mai dernier, j’ai écrit un article pour les Temps Modernes 643-644 “ONU 2001-2007 : Durban ou l’éternel retour”. Enfin, je prépare un article pour “Politique International” sur l’Alliance des civilisations.
Riposte Laïque : Comment analyses-tu les « accomodements raisonnables » que certains élus prennent, en France, avec la laïcité, en finançant ouvertement des lieux de culte, souvent des mosquées ? Que penses-tu de la position de Nicolas Sarkozy, qui veut légaliser ces pratiques ?
Malka Marcovich :
Ces accomodements raisonnables ne sont pas seulement un message tournés vers la France. Ce message est évidemment essentiel pour l’extérieur. On l’a bien vu avec le discours de Ryad. Il faut savoir que la France est le seul pays a être attaqué de la sorte sur la laïcité depuis des années à l’ONU.
Seul Luc Ferry avait défendu la laïcité en 2003 face à l’Iran lors de la présidente libyenne de la Commission des Droits de l’Homme. Si non la France reste silencieuse, encaisse ou réponds sans fermeté comme en mars 2007 lorsque Azouz Begag se réfugia derrière la Halde pour montrer sa bonne volonté.
Oui la France capitule devant les attaques récurrentes de l’Iran, du rapporteur spécial sur le racisme Doudou Diène, de la rapporteure spéciale sur la tolérance religieuse Asma Jahangir, de l’experte sur les minorités Gay MacDougall, devant le Comité contre le racisme. Et la plupart des ONG droits de l’hommistes françaises ayant un statut consultatif à l’ONU capitulent également. Le cauchemar de Durban est sous nos yeux. J’ai souvent l’impression d’être comme dans la pièce Rhinocéros de Ionesco. A relire d’urgence. C’est pour toutes ces raisons que j’ai signé la pétition Halte au Voile.
Propos recueillis par Pierre Cassen
*Malka Marcovich est historienne, consultante internationale depuis 1993 sur les droits humains et les droits des femmes.
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