Christine Angot, un bon coup pour Fillon?

Je ne l’ai jamais lue. Je ne pourrais donc répondre à la question que posait un jour un critique littéraire : Faut-il lire Christine Angot?

Mais, pour mon malheur, ou mon malaise, j’ai assisté au spectacle  auquel elle s’est donnée lors de L’Emission Politique de France 2, jeudi 23 mars.

Je ne tenterai pas ici de répondre à la question de savoir si François Fillon est coupable ou non des faits qui lui sont reprochés. C’est à la Justice de se prononcer et ce n’est pas le but de ces quelques mots.

En raison de sa longueur, l’émission est découpée en séquences dont l’une consiste à placer le candidat sur la sellette devant un invité surprise, dans l’espoir qu’il le mette dans l’embarras, qu’il parvienne à le déstabiliser et jouir cruellement de sa (mauvaise) surprise.  Pour le buzz, enfin.

Soit. C’est de bonne guerre sinon de la bonne télévision : des arguments de la contradiction, du spectacle.

Le coup a partiellement réussi. Du spectacle, nous en avons eu et, à mon sens, du plus mauvais qui soit, mais de débat, point.

Le jeudi 23 mars, l’émission a choisi de faire  intervenir, en invitée surprise,  la romancière Christine Angot, qui a publié récemment dans Libération une lettre ouverte à François Hollande  pour qu’il revienne sur sa décision et présente sa candidature. David Pujadas, l’a d’ailleurs rappelé lorsque celle-ci a pris place face à François Fillon.

Madame Angot a d’emblée montré qu’elle n’était pas venue pour débattre, mais pour accuser. Tout de noir vêtue, elle se pose tout de suite en Torquemada.

Son discours est préparé, rédigé et lu, sans que l’interlocuteur ait la moindre possibilité d’interrompre,  de répondre, malgré les tentatives de Pujadas, trop molles pour ouvrir un interstice dans la logorrhée de la virago. D’ailleurs,  sans lever les yeux de ses notes, celle-ci confirme qu’elle n’est pas venue débattre mais accuser : Ce n’est pas un dialogue, ce n’est pas un dialogue, répète-t-elle, le nez plongé dans ses notes. Ce qui tracasse la romancière, c’est essentiellement qu’en ne se retirant pas, François Fillon favorise l’élection de Marine Le Pen, le mal absolu. Il n’y a pas à sortir de là.

L’auditoire subit ce réquisitoire qui n’est  pas sans laisser penser aux procès de Moscou.

Rien de neuf, dans le discours de Christine Angot. Rien d’autre que ce que tout un chacun a pu lire dans la presse. On se demande donc au nom de quelle compétence particulière, en vertu de quelle autorité,  cette personne  prétend parler, comme elle le prétend,  au nom de ceux qui ne sont pas sur le plateau mais devant leur télévision,  au nom de l’opinion publique, au nom du peuple français.

Or, les propos de Madame Angot sont entachés d’une subjectivité et d’une mise en avant de sa personne qui viennent  contredire sa prétention à parler au nom des sans voix dont elle tirerait sa légitimité. Exhibant un bracelet à son poignet, offert – dit-elle – par une amie qui espérait en échange une critique favorable, c’est ainsi qu’elle amène l’affaire des costumes offerts à Fillon.  Que vient faire là cette anecdote personnelle qui tient bien davantage de l’exhibition narcissique que de l’exemple significatif?

Le summum de la scélératesse vient  sans doute lorsque  Christine Angot  accuse François Fillon, qui plus tôt, a dit comprendre Pierre Bérégovoy, de faire du chantage au suicide. Ça, ça ne passe pas, éructe-t-elle.

Scélératesse doublée d’inconsistance quand, alors que  François Fillon intervient enfin,  elle minaude, surjouant l’ironie:  oh le pauvre, oh le pauvre ! Il est blessé, le monsieur ! On a le sentiment pénible d’une vieille petite fille qui se moque du souffre-douleur de la classe dans la cour de récréation. Ou d’une mauvaise actrice sur le retour.

Le buzz a  dépassé les espérances de l’émission mais risque bien de se retourner contre  elle. David Pujadas, s’est montré incapable de dominer la situation, d’empêcher les huées et  les invectives du public, pour au final, avoir laissé filer une situation qui risque d’avoir profité à François Fillon.

Christine Angot, précieuse ridicule qui n’arrive pas à s’extraire des tics à la mode dans les milieux littéraires et les ateliers d’écriture, croit bon de se fendre de ses considérations sur la fonction de la littérature. On ne peut qu’écrire quand on ne peut pas parler, crache-t-elle à François Fillon avant de quitter la scène, écumant de rage, dans une dernière adresse : Vous savez pourquoi ils m’ont fait venir. Car eux m’ont fait dire ce que eux ne peuvent pas dire.

Las, l’écrivain s’est montrée incapable de parler. Elle est proprement inaudible tant trop d’invectives tue la philippique.

Pas sûre que ce soit à cause de Fillon. Elle nous a déjà habitués à ce genre d’hystérisation de la parole, comme on dit dans les salons littéraires ou les cours de feu les IUFM. On se souvient sans doute de ces Mais c’est pas possible, c’est pas possible d’entendre ça, crachés à la face d’Eric Zemmour, de son refus de participer à la même émission que Houellebecq. Elle est coutumière des éructations soudaines et des caprices sur les plateaux télé dont elle semble tirer davantage de notoriété que de sa prose.

Mais sur ce point, je n’en dirai pas plus, sinon qu’elle n’a rien fait hier soir pour  me donner envie de la lire.

Florence Labbé