Citoyenneté, nationalité, deux mots, deux concepts

Tout est à refonder, à repenser, en commençant par le commencement. Rien ne va, parce que rien n’est cohérent de bout en bout. Qui fait de la politique sans projet de société, sans savoir ce qu’est une société digne de ce nom, en est réduit à proposer des mesures au mieux incomplètes, au pire contradictoires. Ses ambitions sont limitées à remporter le prochain scrutin ou, pour les plus sincères, à œuvrer dans l’intérêt général sans toutefois pouvoir parvenir à un résultat satisfaisant.
Les idées ci-après sont tirées d’une théorie globale, révolutionnaire, dite le Civisme. Elles sont donc liées à un tout indivisible, bien que le cadre de cet article oblige à les isoler, d’où des lacunes apparentes.
Le premier postulat de cette théorie, dont tout découle, est que les Sociétés ou Cités sont constituées d’individus unis librement dans le but d’accroître leurs chances de survie, leur sécurité, comparé à ce qu’elles seraient s’ils vivaient séparément. Comme la sécurité que procure la Cité en tant que Droit est nécessairement le fait des Citoyens, cela implique que ces derniers ont le Devoir de se défendre mutuellement, de sorte qu’ils sont égaux en Droits parce qu’ils sont égaux en Devoirs. Le principe d’Egalité est donc la clé de voûte de l’ordre social. En développant, on parvient à cette conclusion : est Citoyen tout individu admis à faire partie de la Cité, qui participe effectivement à la vie de la Cité selon ce qu’elle considère comme une participation, qui la défend au besoin, et qui, en retour, jouit de tous les bienfaits de sa Cité.
La notion de Citoyenneté pourrait suffire si les hommes naissaient, vivaient et mourraient au même endroit. Mais ils se déplacent aujourd’hui plus que jamais. Immigration et émigration rendent la population si changeante, les idées gauchistes et capitalistes la rendent si inconstante, que la fidélité des Citoyens envers la Cité ne va plus de soi et que celle-ci ne sait plus à qui se fier. La définition de la Citoyenneté reste valable, mais une autre notion devient indispensable : la Nationalité.
Une Cité a besoin, pour exister, pour fonctionner, pour être dirigée, de Citoyens en qui elle puisse avoir une confiance totale, de Citoyens d’un dévouement à toute épreuve, prêts à la servir au moindre appel, à sacrifier leurs intérêts personnels voire leur vie pour elle. Il est clair que la Citoyenneté, reconnue à quiconque participe à la vie de la Cité ne témoigne pas d’une réelle affection pour la Cité. Il s’ensuit que certains droits, principalement les droits politiques, ne peuvent être mis à la portée de tous les Citoyens, qu’ils ne peuvent être attachés à la Citoyenneté, mais doivent être mérités par l’accomplissement de devoirs particuliers qui assurent la Cité, autant que faire se peut, des sentiments à son endroit. Ces devoirs et droits particuliers sont alors attachés à la Nationalité qui s’ajoute à la Citoyenneté sans se confondre avec elle.

Une telle conception de la Nationalité exclut qu’elle s’obtienne à la naissance, sans le vouloir, sans même le savoir. Ni droit du sol, ni droit du sang. Seuls le cœur et l’esprit comptent. Plus d’hypocrisie, plus d’ambiguïté. Tous ceux qui prétendent à la Nationalité, quel que soit leur pedigree, doivent satisfaire aux mêmes conditions et remplir ensuite les mêmes devoirs pour l’obtenir et la conserver. Sans ces exigences, Nationalité et Nation sont des mots creux.
Cette conception implique en outre le rétablissement d’un véritable Service national volontaire — parmi d’autres devoirs. Il va de soi que, si la Cité fait de la Nationalité un brevet de patriotisme, le Service national qui est le moyen de l’obtenir ne peut être obligatoire, sans quoi la Nationalité serait décernée à tous les Citoyens, parfois contre leur gré, et le but recherché, à savoir distinguer les patriotes en leur donnant l’occasion de prouver leur patriotisme, serait manqué.
Cette conception de la Nationalité induit par ailleurs deux conceptions de la Cité : la Cité au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des Citoyens, et la Cité au sens strict, la Nation, le Peuple souverain, c’est-à-dire l’ensemble des Citoyens nationaux.
A ceux qu’une telle distinction pourrait choquer, rappelons tout d’abord qu’elle est la conséquence du choix des uns et des autres et de leur état d’esprit. Remarquons ensuite que cette distinction ne porte pas atteinte au principe d’Egalité qui ne s’applique qu’aux Devoirs et Droits fondamentaux, nécessaires et suffisants au quotidien, alors que la différence entre les uns et les autres concerne ici des droits particuliers que ne peuvent revendiquer ceux qui ne veulent pas remplir les devoirs particuliers qui les confèrent. Dans la Cité, « pas de droits sans devoirs, pas de devoirs sans droits » n’est pas un slogan de campagne. Observons enfin que cette distinction est nécessaire pour garantir que la Cité soit dirigée par les Citoyens ayant à cœur l’intérêt national, non par des individus pensant en étrangers. Elle existe d’ailleurs aujourd’hui pour les immigrés non-naturalisés qui ne sont ni Français ni citoyens, qui n’ont donc aucun statut si ce n’est celui d’étrangers, alors qu’ils seraient au moins Citoyens dans la Cité, fut-ce temporairement, puisqu’ils travaillent et que travailler serait une des conditions de leur venue. En revanche, la confusion actuelle entre citoyenneté et nationalité oblige à élargir inconsidérément la nation, permet à des forces antinationales, donc illégitimes, non seulement de s’exprimer mais encore de paralyser la souveraineté nationale, bref ramollit ce qui devrait être le noyau de la Cité.
Ainsi, confondre la citoyenneté avec la nationalité crée à la fois un vide sémantique concernant les immigrés qui sont d’autant moins portés à s’assimiler qu’ils ne sont rien dans la Cité, et un abus de langage concernant tous ceux qui, quoique nés avec la nationalité ou l’ayant prise par intérêt mais sans amour pour la patrie, ne la méritent pas, voire ne méritent pas même d’être Citoyens. Au contraire, distinguer ces deux notions, redonner du sens à chacune, complique les choses de prime abord mais évite les injustices et les scandales qui minent les Nations ; cela clarifie tout. Le salut des Nations qui se respectent commence là.
Philippe Landeux