Riposte Laïque : Pourquoi avoir créé l’association que vous présidez, l’Observatoire des Journalistes et de l’Information Médiatique, et un site, il y a six mois à présent ?
Claude Chollet : Nous sommes partis d’un quadruple constat. Le quatrième pouvoir, celui des médias en général quel qu’en soit le type, est devenu le premier pouvoir. Ensuite, ce pouvoir est de moins en moins pluraliste. Un exemple, le vote virtuel organisé au CFJ (Centre de Formation des Journalistes de Paris) au deuxième tour de l’élection présidentielle : 100% des voix pour François Hollande. Troisième constat, avec l’appauvrissement des rédactions la confusion des genres et les conflits d’intérêt se multiplient. Là aussi un exemple frais dans le quotidien Le Monde, un intéressant article en page 3 sur les gaz de schiste, mais car il y un mais … rien n’indique que cet article a été rédigé au cours d’un voyage de presse organisé par le pétrolier Total… Enfin – et c’est un paradoxe – le public des médias n’est jamais associé à leur environnement, par exemple aucune association représentant le public n’est représentée au CSA. Pour répondre à ces quatre constats nous avons créé l’OJIM pour analyser les médias sur le thème « soyez informé sur ceux qui vous informent » et aussi représenter une partie du public auprès des instances associées à la vie des médias. Un outil : un site internet grand public gratuit www.ojim.fr (nous sommes financés par donateurs) réalisé par des professionnels.
Riposte Laïque : Etes-vous journaliste vous-même ? Et les mettez-vous tous dans le même sac ?
Claude Chollet : Je ne suis pas journaliste mais je me suis toujours intéressé aux médias en particulier à la presse écrite. Je suis entouré de professionnels du monde des médias, universitaires, analystes et … journalistes. Je ne formulerai sûrement pas votre deuxième question en parlant de « mettre dans le même sac », la question me semble péjorative. Il y a par ailleurs une grande hétérogénéité de la classe journalistique. A côté des vedettes (qui font l’objet des « portraits » dans notre site, de Denis Olivennes à Alexis Brézet, 26 portraits à fin octobre 2012, une cinquantaine fin 2012, rapidement plus de cent en 2013) connus et très bien payés, des quelques milliers de journalistes en CDI, il y a une majorité de CDD et de plus en plus d’auto entrepreneurs forcés, véritable nouvelle classe intellectuelle prolétarisée. Un grand nombre de journalistes sont dans ce que Bourdieu appelle « l’habitus », les règles inconscientes de la vertu satisfaite, du politiquement correct, du prêt à penser. Pour des raisons culturelles c’est un milieu qui tend à pratiquer l’entre soi et à exclure de manière quasi automatique ceux qui pourraient penser différemment. Bien entendu toute règle comporte de nombreuses bonnes exceptions et les journalistes pratiquant leur métier avec passion et sans esprit de secte ne manquent pas… même s’ils sont de moins en moins nombreux.
Riposte Laïque : Avez-vous des retours sur la réaction du milieu journalistique, suite à la création de votre site ?
Claude Chollet : Il y a eu pour le moment trois sortes de réactions. Des réactions officieuses qui nous sont remontées sur le ton « comment osent ils ? », « qui leur a permis ? » ce qui indique que nous sommes sur la bonne voie. Une réaction de diabolisation, hélas attendue l’habitus ne se perd pas facilement, du Monde. Et quelques jours après une lettre curieuse de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI nouvellement créé) informant l’OJIM qu’il ne pouvait adhérer à l’ODI car « les publications de votre site… sont en contradiction totale avec les principes fondateurs de l’ODI ». De manière amusante cette « exclusion » avait été annoncée quelques jours AVANT par Abel Mestre du Monde (voir son portrait sur le site de l’OJIM). Il y a là une relation de cause à effet, un organisme qui se réclame de la déontologie – ce qui est une excellente chose – obéit à la première injonction impérative d’un journaliste (ou supposé tel) et signe sa naissance par une mesure de repli sur l’entre soi dont nous avons parlé. Cette affaire n’est pas terminée, nous y reviendrons.
Riposte Laïque : Confirmez-vous ce qui a été dit, aux dernières journées de Polémia, sur le déclin inévitable de la presse papier, au profit de la presse internet ?
Claude Chollet : Hélas oui, tous les signes convergent, le papier va mal. Le grand magazine Newsweek a renoncé à sa version papier se repliant sur la toile. The Guardian, sûrement le meilleur quotidien britannique, a perdu plusieurs dizaines de millions d’euros en 2011. Les quotidiens nationaux en France ne vivent qu’à coup de subventions directes ou indirectes. Le papier ne disparaîtra pas mais le nouveau modèle économique liant papier, internet et services dérivés est encore à trouver.
Riposte Laïque : Qu’avez-vous pensé du traitement médiatique de l’affaire de la mosquée en construction de Poitiers, et de l’action de Génération Identitaire ?
Claude Chollet : L’OJIM n’a pas à se prononcer sur le fond de cette action. Sur son traitement médiatique et en prenant un peu de recul le tableau ressemble étrangement à ce qu’Orwell dans son livre prophétique 1984 appelait « le quart d’heure de la haine » où sur commande les citoyens sont invités à haïr un objet de détestation pré choisi.
Riposte Laïque : Encouragez-vous les lecteurs de Riposte Laïque, et tous les citoyens de notre pays, à vous signaler des comportements de journalistes contraires à la déontologie de cette profession ? Que répondez-vous à ceux qui vous diraient que cela ressemble à de la délation ?
Claude Chollet : L’OJIM n’est pas dans le camp des sycophantes, nous ne sommes pas et ne serons jamais dans la dénonciation mais dans l’énonciation. Nous observons le monde qui nous entoure, nous y réagissons, y participons. Nous sommes une petite équipe et ne pouvons être partout, nous encourageons donc vos lecteurs à devenir eux-mêmes des « observateurs » en nous faisant parvenir des informations sourcées et dénuées d’esprit polémique, dans un esprit citoyen et participatif pour une meilleure démocratie de l’information. Rien de plus facile, ils nous écrivent via internet à contact@ojim ou par courrier à OJIM 48 boulevard de la Bastille 75012 Paris. Nous leur disons donc à bientôt sur www.ojim.fr.
Propos recueillis par Pierre Cassen