Critique des bobos : je préfère Matthieu Baumier à François Bégaudeau

François Bégaudeau vient de publier Histoire de ta bêtise. Le bobo Bégaudeau s’en prend à ses frères et sœurs bobos en affirmant que s’il a tous les attributs de sa tribu, il n’en fait pas partie parce qu’il pense autrement. « J’ai accédé à un patrimoine bourgeois sans en emprunter le cadre de pensée » dit-il avec sa gueule de bien-pensant goguenard. La force de l’esprit est au-dessus du matériel : « Je suis propriétaire mais je délégitime la propriété ». Comme faux-cul, il fait dans l’excellence, Bégaudeau.

À celui qui magnifia les crasses de meules de nos établissements scolaires dans Entre les murs, j’avais préféré La Journée de la jupe, un peu plus réaliste sur ce que vivent les enseignants.

Aujourd’hui à Histoire de ta bêtise, j’oppose Voyage au bout des ruines libérales libertaires de Matthieu Baumier (éditions Pierre-Guillaume de Roux, 17 €).

Matthieu Baumier a radiographié l’idéologie au pouvoir, celle qui unit les principales idées du libéralisme économique et les principales idées du libéralisme sociétal. Union dont Macron est la parfaite progéniture.

La société lib-lib se dit progressiste. Elle incarne le Progrès. Elle est la Modernité.
Pour l’auteur de Voyage au bout des ruines libérales libertaires, l’acte de naissance de la Modernité a été rédigé par la Révolution française et elle est aujourd’hui tout entière dans l’idéologie libérale-libertaire, idéologie qui est celle de l’oligarchie au pouvoir, autrement dit la réunion des mondes politique, médiatique, économique, culturel. Cette faible partie de la population qui vit bien en profitant du travail de la majorité de la population.

L’idéologie libérale-libertaire est une déréalisation de nous-mêmes et de notre quotidien, un processus d’inversion du réel. Ainsi, nous ne sommes pas en démocratie mais dans un totalitarisme soft car l’idée démocratique n’est agitée qu’à l’intérieur de l’idéologie lib-lib. Critiquer la notion de démocratie qui nous est imposée avec la complicité des médias est interdit sous peine d’être aussitôt affublé d’une chemise brune.

Cette démocratie unidimensionnelle ne veut pas que s’exprime la volonté du peuple – volonté estampillée “danger populiste”. Elle l’exclut, la diabolise, fait par exemple des catholiques de la Manif pour tous, des nazis, des Gilets jaunes au mieux des cons, au pire des Sections d’assaut hitlériennes.

Ah ! Le danger populiste ! « Mais qui voit un danger dans le réveil des peuples ? Sinon ceux qui ont un intérêt clair à ce que les peuples ne s’éveillent pas » souligne Matthieu Baumier.

Le vrai danger pour l’oligarchie est que les peuples – comme l’a montré le mouvement des Gilets jaunes dans les premières semaines de la révolte – disent qu’il y a plus important que ce que les gouvernements leur mettent devant les yeux. Sur les ronds-points, les Gilets ont lancé à Macron, dernier représentant en date de l’idéologie lib-lib : « On en a marre du faux monde dans lequel vous nous cloîtrez ! ».

Pour Baumier, nous sommes au milieu des ruines de la société lib-lib sans encore nous en apercevoir. Cependant, dit-il, les élections européennes de mai seront sans surprise, Macron arrivera en tête tant l’idéologie lib-lib a encore une forte emprise sur nous.

Il a beau se ridiculiser tous les jours depuis sa prétention jupitérienne à la sordide affaire Benalla, de l’exhibitionnisme transsexuel de la Fête de la musique sur le perron de l’Élysée au pelotage intensif de deux canailles à Saint-Martin, de ses péroraisons dans le Grand Débat à ses amitiés avec Yassine Belattar, pour l’instant, il existe encore. Même si ce n’est qu’un fantôme.

Nous sommes la première civilisation, nous dit Matthieu Baumier, qui est incapable de se poser des limites. Cette absence, le limes romain qui séparait la civilisation de la barbarie, domine en Europe occidentale et principalement en France.

Massacres dans nos rues, c’est normal ; pauvreté d’une part de plus en plus importante de la population, c’est normal ; invasion migratoire avec traque de la femme « blanche comme une lapine dans les rues des métropoles européennes », c’est normal ; écriture inclusive, c’est normal ; chacun choisit son genre, c’est normal ; mariage pour tous, c’est normal ; baratin (bullshit) à tous les étages, c’est normal… « Nous avons perdu le réel et cependant nous sommes quotidiennement dans ce réel que nous avons perdu. Autrement dit nous ne voyons plus le réel dans lequel nous vivons », écrit l’auteur.

Nos esprits sont sous l’emprise du bavardage vide sur la liberté, la fraternité, l’égalité, la tolérance, le vivre-ensemble, la démocratie, les valeurs de la République, le pas d’amalgame : un blabla grâce auquel nous évitons soigneusement de penser, c’est-à-dire d’appréhender le réel tel qu’il est sous nos yeux. Un refus de lucidité.

Il y a quelque chose de la secte dans la façon dont le groupuscule oligarchique mondialisé imprime en nous ses croyances économiques, écologiques, cosmopolites, universalistes, sans frontiéristes, multiculturalistes, « ses impératifs en forme de credo (croissance, rigueur budgétaire, réforme, 3 %, restructuration, plus-values, parachutes couleur or) », ses sermons télévisés sur les bienfaits de la différence et de l’accueil de l’Autre, sur la société ouverte, « liquide » et la fin de l’Histoire, sur le malheur d’avoir des racines et le bonheur d’être de partout et de nulle part. Tout le monde doit penser la même chose sur le Bien et le Mal en économie, en politique, dans l’information, sur les livres qu’il faut avoir lus, sur ce qu’il faut implanter dans les cerveaux depuis la maternelle.
L’oligarchie contrôle le fonctionnement de ce monde faux dans lequel nous vivons, un simulacre qui apparaît comme vrai. Un empire du Bien, pour reprendre une expression de Philippe Muray, empire culturel, médiatique, politique dont toute personne en désaccord est immédiatement exclue. Renaud Camus et Richard Millet en savent quelque chose.

Et les collabos sont nombreux. Depuis l’extrême gauche des Antifas, des No Borders jusqu’au pauvre type qui veut avoir sa petite minute de célébrité sur le plateau de BFM sans oublier les vedettes du show-biz à l’indignation si sélective, les philosophes qui demandent que la police tire sur les vrais gens, les médecins cathodiques comme Cymes à l’insulte macronienne.

Mais la dissidence s’organise. Pour Baumier, « elle inquiète le pouvoir. Comme toutes les armées de l’ombre de l’histoire ».

Matthieu Baumier est optimiste : « Étant en train de mourir, le monde moderne est comme tout ce qui mort : il est déjà mort. (…) La Modernité est en train de crever et nous devons accompagner son trépas. Non pas “En Marche”, plus simplement En ordre ».
La Contre-Modernité est à l’œuvre.
La Contre-Modernité c’est lutter sans relâche pour la victoire du peuple sur les élites mondialisées, pour l’établissement de limites, pour l’existence d’un Occident charnellement ancré, pour un réenchantement de notre civilisation.

Les élites ne peuvent comprendre cela. Pour elles, comme le dit Michel Maffesoli « le peuple pue du cul ».
Le feu couve dans la tourbe. Matthieu Baumier note que les opposants à l’idéologie lib-lib ne sont pas de simples opposants, mais des dissidents comme ceux qui luttaient contre le totalitarisme soviétique.

À chacun de choisir son camp face à l’idéologie libérale-libertaire : collabo ou résistant ?

Marcus Graven

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7 Commentaires

  1. La société actuelle, seule qui ne s’accorde aucune limite? L’auteur est inculte ou menteur. Liste non exhaustive de ce qui n’est plus admis mais qui l’etait du temps de la chrétienté triomphante ( référence pas innocente à la LMPT) esclavage, bûchers pour les hérétiques, viol conjugal, bûchers de femmes accusés de sorcelleries, bûcher de livres, guerre de christianisation (pays baltes, cathares), vols d’enfants (Réunion, Australie pour en faire des esclaves ou des petits catho dociles). Société sans interdit? Vous avez une adresse de resto cannibal? Un livre de fantasme du « c’était mieux avant » déconnecté du réél de plus en somme.

  2. Laissons ces deux beaux esprits dans l’obscurité !
    …. Leurs lumières m’aveuglent !

  3. Vous décrivez tout à fait ce que je ressents de ce monde à l’envers.

  4. Quand on critique li faut argumenter de manière factuelle. Hélas c est assez pauvre pour se faire une opinion. Bégaudeau est précis et analytique.
    Les extraits que vous donner du livre de Baumier ne nous donne qu’ un aperçu de son raisonnement. Sinon mettre sur le même plan; la manif pour tous et les gilets jaunes c est faible et encore c est un euphémisme!

  5. Bien binaire tout ça, Marcus ! Votre analyse critique ne doit pas être du crachat au risque d’être contre productive.
    Essayez d être plus subtil svp. Vous en avez la capacité… Et là, vous ferez des adeptes !

  6. « Je suis propriétaire mais je délégitime la propriété ». Comme faux-cul, il fait dans l’excellence, Bégaudeau.

    Outrage à bobo, monsieur l’éditorialiste !

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