Cuba était le bordel des Etats-Unis : il est devenu celui du monde entier !

prostitueescubainesCuba, vue par un quasi-Cubain.

« Cuba, tu l’aimes ou tu la quittes »

Ben je l’aime, je la quitte et j’y retourne. Depuis bientôt vingt ans.

Cuba, « la perle des Antilles », toute en contradictions.

Grand bien-être pour l’étranger, délinquance à peu près nulle, ambiance musique à tous les coins de rue, en contraste avec cette misère si pittoresque de la population.

Une population dont la dignité impressionne : toujours propre et impeccable, alors que la garde-robe d’une jeune fille peut tenir dans un tiroir, chaussures comprises.

Quand c’est pas aussi le tiroir qui manque. Le mode de rangement, c’est souvent la corde à linge.

L’auteur de ces lignes, également musicien (personne n’est parfait) est fortement attiré par la musique traditionnelle cubaine, le « Son » cher à Compay Segundo. Et se régale des « descargas » (improvisations) avec les musicos autochtones qui, en passant, sont tous militaires : fonctionnarisés, ils dépendent de l’entreprise Gaviota (Mouette) rattachée au ministère de la défense.

Quelle que soit la saison, tu arrives toujours en Père Noël. Pour les gratteux, c’est les cordes de guitare ou de « tres ». Introuvables sur place, sauf au marché noir, à 12 euros le jeu, contre 3 ici.

Comme ils en gagnent en moyenne 10 par mois, on peut les imaginer contents.

Pourtant, les musiciens ne font pas partie des laissés pour compte. La place peut s’avérer très bonne pour celui dont le groupe se produit dans un bar ou un restau bien situé. Le Sombrero peut multiplier la paie initiale par dix ou vingt.

Quant aux autres… c’est la débrouille. Économie souterraine à 95%. Tous magouillent. Impossible autrement : hormis quelques produits alimentaires de base, tout est importé, et effroyablement taxé. Faut bosser 500 ans pour s’acheter une bagnole d’occasion. Non, je rigole pas.

C’est à cause du « Blocus ». Humour cubain pris au premier degré par les castrophiles.

Les pénuries chroniques et inhérentes au collectivisme ? Blocus à Cuba, sabotage intérieur au Vénézuela… quid des ex-pays de l’Est ? Un embargo décrété par Andorre et Monaco ?

Sauf que lorsque manquent café, sucre, « hierba buena » (sorte de menthe entrant dans la composition du Mojito), soit autant de produits cultivés et élaborés sur place, un esprit malveillant serait tenté de chercher l’explication ailleurs.

Au demeurant, les communications nous enseignent que le vent de ce fameux « blocus », tant décrié par nos apprentis-castristes, souffle en fait de l’intérieur.

– Journal unique : Granma, organe du PC, vendu à la criée.

– Télés et radios totalement sous contrôle. Lors d’un de mes premiers séjours, je suis tombé sur une radio avec UN bouton : celui du volume. Ce poste grandes ondes était bloqué sur la fréquence de la radio d’ Etat. Saleté de bande F.M, briseuse de monopole.

– Internet interdit par Fidel pour les particuliers, autorisé mais hors de prix avec Raul. Sur les dizaines de foyers qui m’ont accueilli, un seul avait un vieux modem de 56 K, une journaliste de Radio Rebelde, « fatiguée, comme tous ses collègues, de répéter des conneries que plus personne n’écoute ».

– Paraboles ? Instruments du diable, valant la prison pour un éventuel détenteur.

Pourtant, ils y arrivent. Ces admirables Cubains, presque magiciens sur les bords, savent créer à partir du vide. Mon pote A., ingénieur brillantissime, a pu me faire passer une liste de composants électroniques à lui ramener afin de confectionner une parabole de la taille d’une assiette, invisible pour les flics.

Le bateau qui devait m’amener pêcher la langouste près de la Baie des Cochons a coulé juste avant mon arrivée. Tout part à vau l’eau, c’est le cas de le dire.

Les Castrolâtres : « Vous oubliez la santé et l’éducation ». Il y a le personnel, c’est sûr.

La brûlure est un des accidents domestiques les plus fréquents. J’ai pourtant dû envoyer en extrême urgence pommade, gaze et bandes grasses pour une copine qui avait vu l’auto-cuiseur lui exploser à la figure. « Aqui no hay nada ».

L’éducation ? Tous les cubains savent parfaitement lire, écrire et compter. Les étudiants bosseurs et méritants peuvent réussir de belles carrières, s’ils arrivent à s’expatrier. A part ça…

L’école primaire et secondaire marche surtout à la baguette, sans moyens matériels. Crayon-papier, craie-tableau noir. Tous en uniforme, prison pour les parents d’élèves absentéistes.

Un œil sur le bouquin de géographie en usage m’a appris que sur la carte de l’Afrique figurait encore… le Dahomey, devenu Bénin et indépendant en 1960. L’unique encyclopédie du groupe scolaire était antérieure à 1930.

Cuba était le bordel des Etats-Unis ? Il est devenu celui du reste du monde. Culturellement. Même dans un pays archi-pauvre comme la Bolivie, la chasse aux gringos, aux « pepes » n’atteint pas une telle intensité. Européens et Canadiens ont ouvert le bal, suivis des Russes, et maintenant toute l’Amérique latine vient s’y épancher.

A la porte de la « Casa de la Musica », haut lieu de la salsa havanaise, deux files : une pour les étrangers, entrée payable en monnaie convertible, l’autre en monnaie nationale, à l’attention des autochtones.

En soirée, première file : pratiquement que des hommes, pas forcément jeunes et beaux. Deuxième : surtout des filles, avec la panoplie intégrale, venues pour ramener en une nuit l’équivalent de trois mois de boulot de papa, qui ne posera pas trop de questions à l’arrivée dans la maison d’un nouveau frigo ou de la climatisation.

Avril dernier. Près du Malecon, deux gamines, jolies, interpellent le vieux schnock que je suis, peut-être à cause des trois premières lettres de « sexagénaire » :

-Bonjour, vous nous emmenez chez vous ?

-Pour quoi faire ?

-Ben, ce que vous voulez.

-Euh… le proprio ne va pas être content, si je rapplique avec deux filles.

-Bon, alors, vous choisissez laquelle ?

Vous voyez le genre.

Quelques petites améliorations quand même. Fidel avait dépossédé les Cubains de leurs maisons, Raul les a restituées à leurs propriétaires légitimes, lesquels peuvent dorénavant les vendre, les retaper, les louer… pour le plus grand profit de l’Etat, qui se goinfre sur les bénéfices des locations.

Idem pour les vieilles voitures américaines, splendeurs en lambeaux, patrimoines restaurés avec l’aide financière du cousin exilé politique à Miami…

Egalement, forte décrue d’une visibilité policière assez oppressante et tatillonne.

Mais peu de monde vraiment concerné, en fait. L’avenir se limite à la question métaphysique « est-ce qu’on mange ce soir ?»

Le plus difficile, c’est qu’il est absolument impossible de se mettre à la place des Cubains, matraqués, formatés par la voix unique d’un Fidel que d’aucuns ont fini par déifier. Au confluent du mythe de la caverne de Platon et du syndrome de Stockholm.

Heureusement, il leur reste la dérision. Suite à la proposition de Fidel d’envoyer du sang aux US après le 11 septembre, « les gringos à qui on va l’injecter vont devenir communistes »

Mais comme, et surtout là-bas, tout finit en musique, Cuba m’a réconcilié avec le Rap.

https://www.youtube.com/watch?v=GDoTCm4yPDw

Jacques Vinent