La récente et terrible crise économique nous rendra-telle plus méfiants à l’égard des spécialistes, il faudrait l’espérer. Rappelons-nous les champions du : « hors du libre échange et de la mondialisation pas de salut »
Il y a une autre engeance, dont on aurait dû se méfier aussi, ce sont les démographes, de ceux qui longtemps ont prétendu que : « la terre pourrait porter et nourrir sans problème 9 milliards d’individus » En déclarant cela ils ont encouragé la natalité, sans penser qu’après cet instant T des 9 milliards d’individus, il y aurait un instant T+ 1, puis T+ 2, T+ 3 etc. Que se passerait-il à ce moment là et jusqu’où irait-on ?
Nous allons atteindre les 7 milliards et on voit bien que la théorie sympathique qu’ils nous ont vendue se lézarde, famines, guerres pour les terres cultivables, les Asiatiques achètent même des territoires en Afrique. Dans un ouvrage récent Jean-Paul Charvet*précise que : « Le nombre de personnes survivant en situation de sous alimentation chronique, après avoir légèrement régressé pendant la première moitié des années 1990 est ensuite reparti à la hausse » Actuellement 965 millions de personnes dans le monde ne mangent pas à leur faim tous les jours.
Depuis le début de l’humanité, si on analyse la progression de la population planétaire, il faut attendre l’an 1800 de notre ère pour passer le cap du milliard, puis 1960, 3 milliards, et en 2000 soit quarante ans plus tard, on passe de 3 à 6. Si le taux de natalité est en baisse grâce à la contraception dans les pays occidentaux, on a, sur ces mêmes quarante années, au contraire une multiplication de la population par 2 quelquefois 3 (le Pakistan) ou 4 (le Yémen) dans d’autres parties du monde. Actuellement la démographie augmente de 200.000 par jour, soit 75 millions par an. C’est énorme ! Alors aujourd’hui on se réveille, n’est-ce pas un peu tard ?
Lors d’un entretien avec Télérama, en mai 2008, Edgard Pisani* déclare ceci : « Nous avons, fort heureusement, inventé des moyens de diminuer la mortalité infantile. Mais, ce faisant, nous avons crée une explosion démographique sans précédent. La planète n’est pas faite pour accueillir les neufs milliards d’êtres prévus pour 2050 leur donner à manger en suffisance »
Qui a entendu René Dumont alerter, dans différents ouvrages, sur le risque d’une démographie non maîtrisée qui, rapidement, déconnecterait la population de la planète de la courbe de la production alimentaire? Les spécialistes n’auraient-ils pas dû, plus nombreux, nous dire cela, nous mettre en garde depuis longtemps sur ce risque d’explosion, en nous obligeant à y réfléchir avant, afin que jamais nous n’atteignions ce chiffre ? Réflexion qui aurait dû concerner tout le monde, pays développés et pays émergeants. Maintenant, on commence à s’alarmer mais on ne sait pas comment parler de ce sujet délicat, indispensable et « politiquement incorrect »
On peut se féliciter que par des campagnes de vaccination la mortalité infantile ait bien baissé. Si l’âge moyen de durée de vie a des extrêmes toujours choquants entre les différentes régions du globe, les progrès scientifiques, l’hygiène devraient permettre aussi une progression de l’espérance de vie dans les pays du sud.
Un changement de nos modes de consommation est urgent, cependant, une meilleure répartition des richesses et l’aide aux pays en voie de développement pour indispensables qu’elles soient ne suffiront pas à améliorer le sort des populations les plus pauvres. Il faudra aussi un changement des mentalités dans ces pays là. Il faudra une modification des cultures, notamment religieuses, pour plus d’éducation des femmes, un progrès de leur condition de vie, une aide à la contraception, partout, de manière à ce que la maternité soit voulue et non subie. Combien d’enfants une famille pourra-t-elle mettre au monde au XXI ème siècle est une question dérangeante mais qu’il faudra poser sur tous les continents.
Pour avoir demandé la grève du troisième ventre, dans les pays européens, Yves Cochet, vient de recevoir une volée de « bois vert » (écolo) ! On peut regretter les mesures coercitives suggérées par cet élu, alors qu’une approche générale de la démographie de la planète eût été intéressante. Il a surtout eu tort de discriminer les enfants, en demandant aux seuls européens de faire moins d’enfants. Essayons de dépasser la maladresse du propos. Ni les politiques, ni surtout les pouvoirs religieux du monde, ne pourront faire l’économie de cette réflexion là. On peut demander à M Cochet : pourquoi la grève du troisième ventre en Europe seulement ? Si la médecine permet aujourd’hui de limiter la mortalité infantile, ce progrès doit s’accompagner d’un changement des mentalités sur tous les points du globe. Ne faudra-t-il pas vivre moins nombreux pour simplement vivre ?
Bien sûr, on peut ignorer le problème, penser qu’il faut pour obéir à Dieu , toujours « croître et multiplier » et qu’ avec une bonne guerre, quelques épidémies par-ci par-là…..
Chantal Crabère
* Jean-Paul Charvet : l’alimentation dans le monde Editeur : petite encyclopédie Larousse avril 2009
* Edgar Pisani, en collaboration avec Marc Lebiez : Une politique mondiale pour nourrir le monde. Editions Springer