Digression hongroise autour de Michel Onfray

24 juillet 2020 • Veronika Munk, rédactrice en chef adjointe Index.hu

Bruxellistan dimanche dernier, 36°C. La combinaison de la torpeur fournaise et de la stupeur libanaise – liée à la découverte du nouveau Sultan amiénois du pays des cèdres – fut une excellente raison de se consacrer à une vidéo pédagogique.

Mon choix s’est porté sur la dernière vidéo de Michel Onfray, celui dont tout le monde parle présentement. À noter le dysfonctionnement audio épisodique, probablement dû à un mauvais paramétrage du microphone, rien à voir avec une censure média au détriment du Cercle des poètes réapparus.

17 juillet 2020 • Où en est la France ?

https://www.youtube.com/watch?v=txl6l5ORhzo 02:30:00

J’ai apprécié la figure de style du choc des plaques tectoniques chinoise, islamique et judéo-chrétienne, de même que la réduction de l’analyse sociétale via LIKE et DISLIKE, c’est hélas exactement ça. Le constat général est pessimiste voire fataliste : la France coule comme le Titanic mais il resterait certains esprits résistant avec élégance, comme les contributeurs indépendants de frontpopulaire.fr. La collision de front national entre les valeurs de l’Oumma et les nôtres à savoir « Liberté égalité fraternité laïcité féminité » est parfaitement commentée.

Cela ne plaira pas à tout le monde, mais Onfray juge l’immigration inévitable et estime qu’il faut la repenser (01:14:00). On pourrait évoquer ici le cas de la Pologne et de son million d’Ukrainiens ou gestion saine d’une immigration, initiée soit dit en passant par les libéraux-conservateurs du PO. 01:27:30 : « Il faut distinguer l’islam, l’islamisme et l’islam politique ». 01:27:35 : « Le problème n’est pas l’islam », tous propos à contextualiser dans le déroulé complet de l’interview.

À noter que la culture française s’exporte bien en Pologne.

Décadence
Vie et mort du judéo-christianisme

24 juillet 2020 • Où en est la Hongrie ?

Déconstruisant la mécanique propagandiste des médias français, Onfray se réfère également aux médias russes, jugés non libres (01:00:25). De même, nous pouvons établir une corrélation avec le monde médiatique hongrois contemporain. Je ne parle pas à la légère étant donné les similitudes évidentes avec le cas polonais et sa chaîne TVP 110 % progouvernementale et partisane, parfois terriblement efficace.

Début mars 2020, Miklos Vaszily acquiert 50 % des parts d’Indamedia Network Zrt, la société possédant l’exclusivité de la pub diffusée sur Index.hu et donc structure clé de ses ressources. Avec son million de visiteurs par jour, Index.hu est/était le premier portail de news indépendant hongrois. Vaszily est un businessman, le killer médiatique au service de Viktor Orban : il a par le passé remis au pas Origo www.origo.hu/index.html et la chaîne privée TV2 sur orbite Fidesz, tous deux initialement indépendants et critiques envers Orban. Ils devinrent ainsi les porte-paroles du gouvernement Fidesz. Avec Vaszily tout est clair : la ligne éditoriale des médias hongrois doit être progouvernementale, point barre.

Miklos Vaszily

Ainsi, le rédacteur en chef Index.hu Szabolcs Dull a été licencié en juin dernier pour avoir refusé de se voir dicter la teneur des articles en ligne. De ce fait, ce dernier bastion du journalisme indépendant cesse d’exister puisque la grande majorité de l’équipe a démissionné. Peut-être continuera-t-il d’opérer en outsourcing ou sous toute forme de financement participatif mais sa réputation est d’ores et déjà ternie. Le 24 juillet 2020 entre dans l’Histoire de la Hongrie médiatique puisque, dans un geste de solidarité, la quasi-totalité des journalistes et rédacteurs ont décidé de quitter Index.hu, parlant d’Orbanistan à propos de leur pays.

Szabolcs Dull quitte Index.hu, un choc pour la presse indépendante

Il faut savoir que la majorité des lecteurs Index.hu vivent à Budapest – où le Fidesz est minoritaire – et dans les grandes villes comme Miskolc, Debrecen et Pecs. Il s’agit essentiellement d’intellectuels et de classes moyennes parfois fort hostiles à Fidesz. C’en était visiblement trop pour un Orban souhaitant discipliner à sa manière ces incorrigibles citadins via leur Index.hu : il serait de bon ton de revoir un jour un bourgmestre Fidesz en lieu et place de l’actuel Gergely Karaksony du Párbeszéd, parti de centre-gauche à vocation écolo. Contre toute attente, Karacsony est parvenu en 2019 à battre Fidesz en la capitale. Plutôt agaçant quand on s’appelle Viktor…

Gergely Karaksony, sociologue universitaire
Bourgmestre de Budapest 2019-2024

Le second site d’information indépendant 24.hu pourrait suivre, affaire à suivre… https://24.hu/. Les petites rédactions de gauche tirant à plusieurs milliers d’exemplaires ne constituent pas un problème pour Orban, tant le socialisme est marginal en terre magyare tout comme en Pologne. Cela vous donne même des airs de pluralisme politique et ça calme un peu les choux de Bruxelles.

En 2020, près de 85 % des médias hongrois – TV et radio, presse, e-presse – sont contrôlés par Orban et son entourage. Chaque jour, nous apprenons que la Hongrie se porte très bien économiquement, que sa position politique est forte au sein de l’UE et que Viktor tient tête au Premier batave en rut Mark Rutte. Il fallait s’y attendre, l’ennemi public N°1 est Soros (né le 12 août 1930 à Budapest), Bruxelles et le libéralisme occidental sont les agents corrosifs à l’encontre du peuple hongrois. Au matin, le lambda hongrois entend une info à la radio, le journal papier la relaye l’après-midi et elle est confirmée au soir devant son poste de télé. Comme en France…

C’est probablement suite à son échec électoral de 2002 que Viktor Orban a compris l’importance décisive des médias et il retiendra la leçon dès son retour en 2010 après la très regrettable période socialiste de Ferenc Gyurcsany, encore pointé de l’index.hu aujourd’hui.

Résultat des courses, la Hongrie occupe une bien peu glorieuse 89e place au RSF. On ne dégringole pas de la 23e place de 2010 sans raison… https://rsf.org/en/ranking. La France conserve une position des plus honnêtes, de même qu’en termes de perception de la corruption 2019 où notre Hongrie vivote dans le ventre mou du classement, à la 70e place. https://transparency-france.org/wp-content/uploads/2020/01/2019_CPI_GlobalMapResults_JPG_EN.jpg

Michel Onfray, mon psyché au frais

Onfray nous invite à la réflexion et au questionnement, c’est parfait. Par contre, Zemmour est plus pragmatique et propose des solutions d’urgence concrètes. Selon lui, le Titanic français n’a pas encore coulé.

Richard Mil+a

Index.hu : 80 rédacteurs et journalistes démissionnent spontanément
https://www.youtube.com/watch?v=Ti-Qj6ufN6k

La rédactrice en chef adjointe Veronika Munk s’exprime
https://www.youtube.com/watch?v=faKBfU5bvNw

Index.hu continue en roue libre via une dizaine de collaborateurs
Capture d’écran 9 août 2020 https://index.hu/

« Veszélybe kerülhet az amerikai elnökválasztás »
L’élection présidentielle américaine pourrait être menacée

 

image_pdfimage_print

5 Commentaires

  1. Fidèle à lui-même, Mil fait un charabia incompréhensible au français moyen. Sans doute s’adresse t’il à l’élite? Mil s’annonce donc comme le nouveau BHL, puisque ce dernier serait atteint d’une maladie dite “honteuse” en stade bien avancé… Allez Mil, faites nous un pamphlet sur l’Allemagne de Merkel, sur ce sujet votre lyrisme n’est plus à démontrer!

  2. Votre article est très intéressant mais au risque de vous paraître peu informée, j’aimerai bien savoir ce que Saint Onfay a fait de si exceptionnel pour que son nom soit cité et vénéré tous les jours. Ca fait un peu culte de la personnalité.

  3. Non Karácsony Gergely, le président du minuscule parti de centre-gauche à vocation écolo, n’est pas devenu maire de Budapest contre toute attente. Lors des précédentes élections municipales, l’opposition se présentait désunie, ce qui était mortel dans un scrutin à un seul tour. En 2019 on a assisté à l’union des deux factions socialisantes (la libérale et l’ultralibérale), des deux partis écolos (de centre-gauche et conservateur) du Momentum (un partis de jeunes surnommés les bébés-Macron) et du Jobbik, parti d’extrême-droite recentré (à l’origine antisémite, anti-tzigane et islamophile, proche des loups gris turcs) suite à l’exclusion de ses éléments les plus radicaux. C’est cette alliance qui a permis à l’opposition d’emporter le poste de maire à Budapest et dans plusieurs grandes villes

  4. NON index.hu n’était pas le premier portail indépendant. Il était le premier portail d’opposition. Oui un actionnaire de la société de pub d’index.hu a vendu ses parts à un hommes d’affaires considéré comme un proche d’Orbán. Il faut dire que la pub ne rapporte plus beaucoup en cette période de crise. Mais le site index.hu a des propriétaires qui ont décidé de réorganiser leur entreprise pour faire face à la crise qui touche aussi les médias. Le rédacteur en chef s’est opposé. Il a été licencié. Normal. 80 des 90 rédacteurs ont démissionné espérant faire crouler le site index.hu et laisser la place à un autre site “indépendant”, c’est-à-dire d’opposition.

Les commentaires sont fermés.