Doctolib : un ami qui vous veut vraiment du bien ?
Doctolib, c’est très pratique ! Vous cherchez un rendez-vous à proximité de chez vous pour un problème médical ? Pas au point d’aller aux urgences, quand même…
Alors vous vous inscrivez sur la plateforme (c’est gratuit), vous tapez ce qu’il faut là où il faut, et vous avez immédiatement une kyrielle de réponses qui s’affichent, avec la date de la plus proche consultation, praticien par praticien.
Vous avez même (souvent) leur photo si ça peut vous aider à faire votre choix : jeune et jolie frimousse ou médecin chenu, à vous de voir.
En quelques clics, le rendez-vous est pris. Vous recevez une confirmation immédiate par SMS, puis un rappel la veille ou l’avant-veille du jour-dit.
Génial, non ?
Depuis début 2019, vous pouvez aussi bénéficier d’une téléconsultation s’il ne s’agit que de renouveler vos traitements habituels auprès de votre généraliste (s’il est sur Doctolib, naturellement)
***
Créée en 2013 par Stanislas Niox-Château, Doctolib est dorénavant archi-leader sur le marché de la prise de rendez-vous médical. Maiia et Keldoc sont loin derrière.
En novembre 2014, Doctolib lève 4 millions d’euros de fonds, entre autres auprès de PriceMinister.
En octobre 2015, nouvelle levée – 18 millions d’euros – auprès du fonds d’investissement Accel Partners.
En novembre 2017, 35 millions d’euros sont levés auprès d’Eurazeo.
En juillet 2018, Doctolib acquiert MonDocteur et devient le premier service de e-santé en Europe.
Sa valorisation boursière dépasse actuellement le milliard d’euros, elle compte quelque 50 millions de patients utilisateurs (dont 5 millions en Allemagne…), 140 000 professionnels de santé partenaires et 1700 salariés.
Un tableau d’excellence qui lui permet d’entrer dans le cercle très fermé des licornes.
Il y a deux mois, Doctolib annonçait le lancement d’un logiciel, Doctolib Médecin, qui cible les médecins généralistes. Sa fonction est de faciliter les tâches administratives des généralistes (gestion de leur agenda, historique des patients, édition d’ordonnances…). Bref, adieu les bonnes vieilles secrétaires médicales : Doctolib s’occupe dorénavant de tout, et pour beaucoup moins cher…
Dès 2016, fort de son succès en France, la start-up lance une succursale en Allemagne.
***
Alors, cocorico ?
Oui mais, ça, c’est le côté pile. Le côté face est un peu moins aguichant. Quelques points à méditer :
- Doctolib bénéficie de fait d’une situation de quasi-monopole sur le marché, ce qui n’est jamais très bon pour le consommateur. C’est ainsi qu’en 2017, l’entreprise s’est arrogé la totalité du système de prise de rendez-vous des hôpitaux publics de Paris-Île-de-France (AP-HP)
- En janvier 2021, le gouvernement décidait d’un partenariat officiel avec Doctolib pour gérer les centres de vaccination anticovid. Banco pour l’entreprise qui à l’heure actuelle, gère 90% des accès à ces centres… Vous avez dit monopole ?
- Doctolib est dépendant du pouvoir étatique : la banque publique d’investissement de l’État (BPI France) participe en effet à son capital à hauteur de 10%.
- En 2019, le fonds d’investissement américain General Atlantic – pas vraiment connu pour sa philanthropie, comme tous les fonds d’investissement… – abonde l’entreprise pour quelque 150 millions d’euros.
- Doctolib a subi l’an dernier un piratage qui a entraîné la fuite des données administratives concernant 6000 patients. Qui sont tombées dans les mains de qui ? Mystère et boules de gomme…
- Doctolib est hébergé sur le cloud de l’américain AWS (Amazon Web Services). Les données de l’entreprise stockées chez Amazon peuvent-elles atterrir un jour dans les mains des autorités américaines en vertu des lois d’extraterritorialité des États-Unis ? Le PDG Niox-Château jure ses grands dieux que non. Doctolib et AWS ont en effet signé un avenant spécifique permettant précisément de protéger ces données de la mainmise des autorités américaines. Vous n’êtes pas convaincu ? En tout cas, le Conseil d’État l’est pour sa part, puisque c’est lui qui a donné son accord pour la création du partenariat de Doctolib avec les centres de vaccination anticovid… Niox-Château assure par ailleurs que toutes les données personnelles des patients sont chiffrées de bout en bout, qu’aucune n’est revendue aux laboratoires pharmaceutiques et que Doctolib se finance exclusivement par les forfaits rendez-vous et téléconsultations, payés par les médecins. Si c’est le patron lui-même qui le dit, aucune raison d’en douter, non ? Sauf que, si l’on en croit le Pr Raoult, le monde de la médecine, c’est peut-être le bien du patient d’abord, mais c’est aussi (et surtout ?) fric, corruption et compagnie…
« In girum imus nocte ecce et consumimur igni »