Dominique Voynet au tribunal pour un Signac de 9 millions vandalisé

Dominique Voynet, en sa qualité de députée et maire de Montreuil-sous-Bois, est convoquée le 17 juillet prochain par le juge des référés du Tribunal de Paris à la demande de la famille du peintre Paul Signac afin de répondre des dégradations subies par son tableau « Au temps d’Harmonie » ornant depuis de nombreuses années l’escalier de la mairie.

En effet, à l’heure où Paris se targue d’enrichir à grands frais les salles du Louvre de peintures arabo-musulmanes afin de les offrir aux yeux émerveillés des gentils bobos, en janvier dernier Montreuil s’était couvert de honte en offrant en pâture à la jeunesse locale en mal de vandalisme ce trésor de notre patrimoine.

Ce tableau confié en dépôt à la ville en 1938 par Berthe Signac, veuve du peintre, avait été saccagé de la plus vile manière par des graines de racailles gracieusement invitées par la ville pour les festivités du réveillon solidaire qui réunit tous les ans plusieurs centaines de personnes via les associations caritatives du coin.

D’une valeur de 9 millions d’euros, cette toile qui trônait dans l’escalier d’honneur de la mairie depuis 74 ans et devait être prêtée pour une exposition à Philadelphie a donc connu l’outrage inqualifiable d’être crevée de plusieurs entailles et maculée de papier hygiénique dont l’humidité a causé des décolorations de peinture sur plusieurs centimètres, des dommages irrespectueux et très coûteux qu’un policier avait qualifié de « blague de potache », comme si la destruction d’une œuvre majeure du pointillisme ne valait pas plus de considération qu’une vulgaire gerbe de poivrot aviné sur une porte de commissariat.

On peut se demander comment il se fait que ce tableau n’ait pas été mieux protégé alors que des « adolescents » étaient amenés à batifoler dans une salle proche, et pourquoi des adultes n’étaient pas présents pour leur prise en charge lors des ateliers organisés pour eux.

L’enquête mentionnait la présence de vigiles qui auraient réclamé que cessent les jets de boulettes de papier toilette mouillées sans toutefois que ces admonestations soient suivies d’effet, lesdits vigiles ayant semble-t-il omis de joindre le geste à la parole.

La mairie soucieuse de ne pas stigmatiser ces petits garnements avait refusé de « tirer des conclusions hâtives » car bien sûr il restait toujours l’éventualité que le tableau se soit automutilé.

Le cabinet de Mme Voynet avait ajouté que « les enfants étaient sous surveillance et nous avions sur place un service de sécurité extrêmement précautionneux ». On n’ose imaginer ce qui se serait passé si la sécurité avait été laxiste.

Quant à son adjoint Emmanuel Cuffini, il s’était empressé d’ouvrir les parapluies en prétextant la fameuse inexistence du risque zéro : « nous ne serons jamais à l’abri d’une bêtise ». Une bêtise… voilà donc tout ce qu’inspire à ces élus la dégradation d’un tableau de 9 millions d’euros créé par l’inventeur du pointillisme, lequel a d’ailleurs donné son nom à un quartier de Montreuil. Comme reconnaissance posthume Signac aurait pu espérer mieux.

Charlotte Liebert-Hellman, petite fille du peintre et fille de Françoise Cachin ancienne directrice du musée d’Orsay, est toujours propriétaire du tableau puisque sa mère avait fait état du dépôt de la toile – et non de sa donation – à la mairie de Montreuil. Après plusieurs courriers restés sans réponse demandant à Mme Voynet des explications, elle a donc décidé d’en passer par la Justice. Elle réclame en priorité la mise en sécurité de la toile de son grand-père qu’elle souhaiterait voir transférée au musée d’Orsay.  

Pour la petite histoire, ce tableau devait à l’origine s’appeler « Au temps d’anarchie » puisque son thème est l’idéal d’une communauté libre. L’idéal anarchique vient de rejoindre brutalement la triviale réalité.

Caroline Alamachère

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