Doux Jésus, le Royaume est En Marche !


Le lancement d’En Marche en avril 2016 fut l’avertissement assez clair de ce qui arriverait à notre pays. Non seulement parce qu’écrivant le nom de son mouvement au tableau noir, Emmanuel Macron annonçait qu’il se moquerait des Français en les infantilisant, mais également parce qu’« en marche » est la façon tout opportuniste dont, depuis des années, la plupart des responsables politiques et leurs alliés journalistes prenaient déjà le train. Aussi l’appellation En Marche est-elle d’abord l’enseigne d’une époque sans conscience qui voit s’aggraver la ruine des âmes et dans laquelle tout jugement n’est bien souvent que l’expression d’une lâche fuite en avant. Puissamment aimantés par l’intérêt particulier, nombre de nos contemporains ne savent plus « s’empêcher ».

Même l’Église a pris le train en marche. Et ce depuis longtemps. C’est ainsi que l’église Saint-Eustache à Paris ouvre à nouveau ses portes à l’art contemporain, permettant ainsi à un jeune plasticien d’y installer sa crèche. Mieux vaudrait dire de s’y vautrer. « Réinterpréter la nativité du Christ me force à penser aux plus démunis qui dorment dans des abris de fortune, qui essayent de gagner de quoi se nourrir en vendant des marrons ou des souvenirs », explique-t-il. Et le journaliste du Figaro de titrer son papier en des termes enthousiastes : « Une crèche comme “un élan d’espoir” en l’église Saint-Eustache de Paris ». De quoi se désabonner du célèbre quotidien !

Ces « artistes » débitent toujours les mêmes fadaises prêtes à l’emploi : « J’ai voulu confronter mon travail qui vient de l’extérieur, et de la récupération, avec l’intérieur et les vieilles pierres de l’église, interroger par exemple le mariage entre les néons et les vitraux. J’ai voulu imaginer la naissance du Christ comme un élan d’espoir, qui est un peu en berne en ce moment ». Inspiré par le nouveau dieu trinitaire de l’impuissance, de l’imposture et de l’impudeur, Prosper Legault – un vrai nom d’artiste Pompier ! – a accumulé des objets de récupération : une enseigne de pharmacie pour servir de croix, une autre de bottier pour confectionner une étoile, une tente de migrant qui avait peut-être été abandonnée place de la République, un âne gris aussi sommaire qu’un pictogramme et un bœuf jaune qui a tout d’un zébu. De chaque côté de cette installation spirituellement vertigineuse, deux salves de néons (qui reprennent les couleurs d’un arc-en-ciel peut-être subliminal) fusent vers l’orgue illuminé. Sont-ce des anges dont les militants LGBT discutent du sexe en leurs intarissables conciles ? Quant à Marie et Joseph, ils doivent être confinés. On ne les voit pas. À moins qu’ils ne soient sous la tente. Ou tout simplement en marche.

Les « artistes » contemporains, à qui on apprend avant tout à faire des dossiers de presse, ont en commun une même obsession : tous veulent, lorsqu’ils « investissent » une église, se confronter à l’architecture, aux colonnes, aux vitraux, à l’orgue, aux chaises, aux cierges, au silence, à la pénombre, au recueillement. Ce n’est pas tout ! Ils veulent interroger la condition humaine, la misère, la pauvreté, la souffrance, la solitude, le désespoir. Jamais la bêtise et la vulgarité ! Et notre journaliste de sauter dans le train en marche. Attendrait-il un renvoi d’ascenseur ?

Il faut lire son article jusqu’à la lie. « L’installation de Legault, même si elle manque certainement encore un peu de maturité – le temps fera son œuvre, l’avenir est à lui et à ses camarades – réchauffe le cœur et illumine l’esprit. Comme le message de Noël. » Monsieur est un fin connaisseur. Il apprécie. Son jugement est nuancé. S’il sait pointer dans l’ « œuvre » un manque de maturité, il sait également prédire une belle évolution à cet « artiste » qui avec pas grand-chose tutoie le moins que rien. Quant au prêtre de Saint-Eustache, le père Yves Trocheris, il « doit installer, nous précise-t-on, une représentation du Christ lors de la messe de minuit ». On se demande bien pourquoi.

Nos évêques nous permettront-ils une suggestion ? L’Église ne devrait-elle pas être moins frileuse et prendre exemple sur ces grandes surfaces qui installent dans leurs galeries marchandes des demi-clodos déguisés en Père Noël pour faire des photos avec les gamins ? Pourquoi n’installerait-elle pas des familles de sans-papiers (genre vrais-faux Syriens des carrefours) dans toutes les églises de France pour animer les crèches ? Il est vrai qu’en juillet dernier, l’incendie de la cathédrale de Nantes par un réfugié rwandais a refroidi tout le monde. Tant pis, la décharge lumineuse qui tient lieu de crèche à Saint-Eustache se passera, cette année encore, de la Sainte Famille… dans les siècles des siècles de la confusion et de la manipulation qui ont assigné le jugement à résidence.

Jérôme Serri