3. Elaboration du concept philosophique

Après avoir abordé la construction de ce concept dans l’aspect historique, il est temps d’en venir à l’élaboration philosophique, avant de revenir aux évolutions historiques de la réalisation de ce concept en France comme ailleurs.
Il est indispensable d’avoir des idées claires pour ne pas s’égarer dans des théories alambiquées, comme nous en voyons trop fréquemment à l’heure actuelle.
Si on considère en effet que l’Humanité, pour communiquer, a commencé à exprimer des idées à partir des représentations des rapports entre des choses concrètes, les langages ont permis justement d’élaborer d’une manière abstraite, principes, concepts, préceptes, dogmes et valeurs.
Pour faire court et simple, nous dirons que l’idée de l’humanisme est apparue progressivement avec le choix de considérer la personne humaine comme une valeur intrinsèque, c’est à dire comme la référence de la valeur suprême.
Pour parvenir à la réalisation de cette valeur, à un moment historique donné, il est admis que les piliers de cette élaboration sont l’égalité en droit, la liberté individuelle, la fraternité sociale.
Et à partir de ces 3 piliers s’élaborent ensuite divers concepts et fondements philosophiques, politiques et juridiques.
Ces 3 piliers de fondation sont considérés comme des principes car ils sont admis comme des bases intangibles de l’humanisme : ces principes sont donc des postulats.
Le concept philosophique primordial qui émerge sur ces bases petit à petit à travers des luttes politiques comme nous avons commencé à le voir dans les articles précédents est le concept de laïcité. Et comme tout concept, il s’agit de la compréhension d’une représentation mentale à partir de principes et postulats; et qui débouche ensuite sur des choix, donc des décisions politiques, et juridiques.
Nous avons donc déjà admis qu’un fondement juridique indispensable pour la réalisation de ce concept était la séparation des églises et de l’Etat. Mais nous verrons ultérieurement que la réalisation de ce concept de laïcité induit aussi d’autres choix politiques comme la séparation économique entre les intérêts privés et l’intérêt général, et des lois permettant de garantir autant que faire se peut la réalisation de l’émancipation individuelle et collective.
Nous constatons donc déjà que la réalisation de la laïcité se fait progressivement à travers des luttes politiques, enclenchant des décisions juridiques nécessitant des mesures d’ordre public, mais justement qu’elle ne se fait jamais d’emblée, à la suite d’un coup de baguette magique et qu’elle peut prendre divers aspects dans sa construction, comme cela peut se faire dans divers pays à partir d’autres cultures (exemple de la construction de la laïcité dans la société des pays scandinaves par le combat féministe amenant à l’égalité juridique homme-femme en droit et dans les faits)
La Laïcité est donc bien un concept; certes universel dans ses fondements et son épanouissement, mais évoluable selon le temps et l’espace dans son application. Ce n’est donc pas un dogme, c’est à dire un point de doctrine rigide ou de système considéré comme une vérité intangible, et qui pourrait aboutir à des absurdités comme le dogme laiciste fondé sur une limite arbitraire dans la séparation de la sphère privée et de la sphère publique. Nous reviendrons dans d’autres articles sur ces notions importantes.
Nous allons clore cet article en commentant ces notions que sont la liberté absolue de conscience et la tolérance mutuelle, développées entre les 2 guerres mondiales du 20 ème siècle par le Grand Orient de France et considérées comme des bases de l’élaboration du concept de laïcité.
Ce sont à l’évidence des préceptes, c’est à dire des notions d’enseignement destinées à être appliquées, donc des notions issues des principes fondamentaux de liberté individuelle, d’égalité en droit et de fraternité sociale, destinées à être intégrées dans le concept philosophique de laïcité.
Et il est important de comprendre leurs significations.
La tolérance mutuelle veut dire justement qu’il est indispensable que chacun accepte l’autre comme il est, et que donc, si une des parties ne reconnaît pas cette tolérance mutuelle, il n’est pas question d’accepter une tolérance unilatérale. C’est souvent ce que ne comprennent pas un certain nombre d’athées que l’on rencontre essentiellement à la Ligue des Droits de l’Homme et dans des organisations qui se veulent humanistes, et qui, par complexe devant des religieux, acceptent au nom de la tolérance, mais d’une tolérance de fait unilatérale, n’importe quelle forme d’oppression et d’agression perpétrée par ces mêmes groupes religieux, comme par exemple l’oppression des femmes par les organisations islamiques (et pas seulement islamistes) au nom de commandements religieux
La liberté absolue de conscience est de même nature. Il ne s’agit pas d’admettre une simple liberté de conscience modulable en faveur d’un groupe ou d’une communauté qui aurait, elle, l’autorisation, même a minima, d’appliquer à ses membres des commandements (et tout cela avec l’indifférence, voire la complicité, des représentants de la République, au nom justement de la tolérance), mais au contraire de permettre, par tous les moyens juridiques, cette liberté de conscience de chacun contre toute pression communautaire, même venant de différents clercs : c’est ce qu’on appelle liberté absolue de conscience.
Cette définition est, ô combien développée avec brio par le professeur de philosophe émérite qu’est Jacques Martinent, président de l’UFAL de l’Ain, que nous avons pu entendre sur ce thème lors d’une réunion publique organisée par la Libre Pensée à Lons le Saunier en 2004, et qui ne se cache pas, depuis, pour exprimer son désaccord avec les conséquences néfastes que provoque l’application du système laïciste prônée par la philosophe Marie Perret, système que nous avons déjà dénoncé comme inapproprié…
Valentin Boudras-Chapon

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