En allant à Canossa, Copé montre qu’il n’a pas l’envergure d’un président

Ainsi, il a suffi que le CFCM montre les crocs pour que Copé nous fasse un numéro de danse : un pas en avant, deux pas en arrière.

Un pas en avant, lorsqu’il avait pris l’initiative de dénoncer des pressions exercées sur des personnes qui refusent de pratiquer le ramadan en se nourrissant en public. Certes, il avait eu la maladresse de choisir une illustration, prêtant à sourire, puisqu’à connotation de querelle de cour de récré, avec le pain au chocolat arraché. Mais  tout de même, cela avait eu le mérite de lancer une amorce de débat, vite désamorcée par les dénégations scandalisées des dames patronesses de l’islamiquement correct, Fillon, Ayraut & cie.

Cela en était trop visiblement aux yeux des responsables musulmans. Toujours à l’affût du blasphème, le CFCM avait jugé cette anecdote diffamatoire et islamophobe. Aussi avaient-ils muezziné* qu’ils voyaient dans cette histoire qu’ils estimaient diffamante « une atteinte aux valeurs républicaines » (sic). Leur communiqué poursuivait dans la même veine comique en justifiant la plainte pour diffamation qu’ils décidaient alors de poser contre Jean-François Copé, au nom de l’honneur de la communauté musulmane, célèbre valeur médiévale si prisée en ce XXI° siècle !

Recherchant son équilibre après ce premier pas audacieux, tanguant sur place, Copé, soudain moins entreprenant, avait tenté de reprendre son souffle par une lettre dans laquelle il flagornait les responsables du CFCM. Cet arrachage de pain au chocolat n’avait, selon lui, rien à voir avec l’islam. Ritournelle si classique.

Sauf qu’à défaut de chiper des pains au chocolat, lorsque l’Arabie saoudite menace d’expulser les expatriés qui ne respectent pas le ramadan, lorsque l’article 222 du Code pénal marocain condamne d’un à six mois d’emprisonnement tout musulman qui rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, lorsqu’en Algérie, un procès met en cause huit personnes accusées « de non-respect des préceptes de l’islam » pour n’avoir pas observé assidûment le jeûne lors du ramadan, cela n’aurait aucun rapport avec l’islam ? Tartufferie !

Las ! Pauvre petit Jean-François, le CFCM percevant aussitôt la piteuse supplique, décidait d’autant plus de maintenir sa plainte.

Deux pas en arrière ! Sur le point de chanceler, le maladroit Copé n’évitait la chute que par une manœuvre de retraite. A l’image de l’empereur du Saint-Empire-Romain-Germanique, Henri IV, qui en 1077, se rendit à Canossa pour implorer le pardon du pape, en chemise de bure et les pieds dans la neige, durant trois jours selon la légende, Jean-François Copé s’est rendu au siège du CFCM en ce début de semaine pour faire acte de contrition.

Miséricordieux, tel le prophète**, le CFCM a retiré sa plainte ce mardi puisque « M. Copé a exprimé des regrets ». Quelle aubaine pour cette organisation de montrer qu’elle est capable de faire plier un leader politique national dans cette France qui risque bientôt de n’avoir plus de laïque que le nom, si ses représentants ne sont pas plus pugnaces que Copé.

En allant à Canossa, l’incompétence et l’impuissance de Copé ont ridiculisé la classe politique. Cette retraite de Copé est un signal peu encourageant pour les autres personnages politiques qui auraient l’intention de s’opposer prochainement aux désirs d’expansion de l’islam. Cela augure donc mal de la suite.

En allant à Canossa, Copé montre aussi qu’il n’a pas l’envergure pour être un président de la République. Car, soit son histoire est authentique, et n’ayant donc pas effectué d’affirmation diffamatoire, il n’a alors rien à craindre d’un procès. Son recul est alors inexplicable à moins d’un choix de dernière minute en direction d’un vote communautaire musulman. Ou il exprime une lâcheté, guère seyante à un futur président.

Soit son histoire est inventée de toute pièce ou lui a été rapportée, sans qu’il ait pris garde de s’en attacher le témoignage des acteurs. Et alors son intervention respire l’improvisation, l’amateurisme. Là encore, elle n’est pas digne des compétences que tout citoyen est en droit d’attendre d’un président de la République.

Pourtant, il n’est pas difficile, pour qui se donne les moyens de trouver, d’évoquer des exemples, bien plus significatifs et ne prêtant aucunement à sourire, illustrant les menaces exercées sur des citoyens qui ne respectent pas le ramadan, chantages affectifs ou brutalités physiques. Pour les plus spectaculairement tragiques, rappelons que rien que pour cet été, lors du dernier ramadan, un restaurateur marseillais a été frappé parce qu’il avait refusé de fermer son établissement ; près de Decazeville, une femme a été rouée de coups par 7 hommes, après avoir été traitée de mauvaise musulmane pour avoir fait la fête pendant le ramadan. Sans compter tous les faits non rapportés par les médias, comme le témoignage retranscrit par un lecteur de RL à Annonay, en Ardèche.

Alors qu’il n’aurait eu donc que l’embarras du choix si l’UMP était resté proche de la population française et s’enquérait des tracasseries auxquels sont soumis des Français, au lieu de cela, Copé nous a sorti la pantalonnade d’un chapardage d’un pain au chocolat. Quel manque d’inspiration politique !

En 1872, lors du Kulturkampf, Bismarck avait souhaité diminuer l’influence politique qu’exerçait la papauté sur les catholiques allemands, à travers le parti politique Zentrum. Plusieurs mesures avaient été prises dont l’expulsion des jésuites. Le pape Pie IX avait menacé alors de rompre les relations diplomatiques en refusant l’ambassadeur nommé par Berlin. Bismarck s’entêtant, avait formulé « Nous n’irons pas à Canossa », pour signifier que ce ne sont pas aux religions de dicter leurs lois.

Ce Kulturkampf, « combat pour la civilisation », ou les combats culturels menés par ailleurs, tels ceux ayant abouti en France à la loi de 1905, institutionnalisant la laïcité, bien peu d’acteurs politiques semblent aujourd’hui en mesure de les mener.

N’est pas Bismarck ou Clemenceau qui veut. En tout cas pas Copé qui préfère s’agenouiller à Canossa devant la nouvelle calotte.

Jean Pavée

 

* claironné

** on ne rit pas s’il vous plaît

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