En Islande, une révolution anti-FMI qui n’intéresse personne

Vous vous souvenez peut-être qu’il y a quelque trois ans, c’est l’Islande qui faisait les gros titres en raison de sa crise supposément cataclysmique et de ses banques en faillite. Aujourd’hui, tout va beaucoup mieux, même le FMI le reconnaît. Mais les remèdes appliqués ne sont pas ceux que l’on préconise à Bruxelles et au FMI. Les Islandais ont froidement refusé de transférer les pertes des banques au contribuable. Ils les ont laissées faire faillite et le monde ne s’est pas écroulé. Le Parlement irlandais vient quand même d’accepter de rembourser certaines sommes à la Grande Bretagne et aux Pays-Bas, mais dans des conditions très améliorées par rapport à un précédent projet  rejeté par référendum :

http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE71F0SQ20110216

Au passage, le peuple a repris le pouvoir, s’est prononcé par référendum et est en train d’élaborer une nouvelle constitution.

Un article de Courrier International, relayant le Daily Telegraph, fait le point sur la sortie de crise de l’économie irlandaise, désormais en bonne voie. Les moyens employés par l’Islande sont radicalement opposés à ceux imposés à l’Irlande :

http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/16/islande-qui-rit-irlande-qui-pleure

Située hors de la zone euro, l’Islande est restée maîtresse de ses stratégies de sortie de crise. Pas question de transférer les pertes des banques sur les contribuables et de se laisser imposer une cure déflationiste qui aggrave la dette.

Résultat : deux ans à peine après une crise présentée comme apocalyptique, l’Islande est en train de s’en sortir. Et c’est le FMI qui le dit. Pour être précis, c’est son représentant Mark Flanigan qui déclare : “La récession s’est révélée moins profonde que prévu”. Le modèle social nordique a été préservé et l’endettement décroît progressivement, grâce à une forte dévaluation de la monnaie (qui a perdu 30 % en deux ans) et à l’inflation qui atténue les dettes. Le chômage est fortement retombé (de 9,7% à 7,3 %, pourcentage à comparer à celui de l’Irlande : 14,1 %). La reprise se traduit en chiffres (1,3 % au troisième trimestre).

Le président islandais s’en explique sans ambages à Bruxelles : “La différence est qu’en Islande nous avons laissé les banques faire faillite, a-t-il expliqué. C’étaient des institutions privées ; nous n’y avons pas injecté de l’argent pour les maintenir à flot.. L’Etat n’a pas à assumer cette responsabilité.”

Paul Krugman attribue ce redressement aux facteurs suivants : dévaluation de la monnaie, contrôle des capitaux. Il constate aussi que l’Islande est faiblement sanctionnée.

Mais ce n’est pas tout : non seulement l’Islande a su maîtriser la crise économique, mais en outre elle a approfondi sa démocratie. Déjà, c’est par référendum qu’elle a décidé de ne pas rembourser les dettes des banques :

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_islandais_sur_le_remboursement_de_la_dette

Qui plus est, elle a élu une Assemblée constituante :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Assembl%C3%A9e_constituante_islandaise_de_2011

Des banquiers ont été arrêtés pour manipulation des marchés :

http://www.7sur7.be/7s7/fr/2402/Crise-boursiere/article/detail/1208382/2011/01/14/Arrestation-d-ex-dirigeants-de-la-banque-Landsbanki.dhtml

La grande presse s’interesse peu à la sortie de crise islandaise. Les gens sérieux n’ont rien à en dire, sauf un certain Paul Krugman, qui n’est jamais que prix Nobel d’économie ; celui-ci a écrit, dans le New-York Times, un article titré “Mangeons les Irlandais” :

http://www.politique-actu.com/osons/irlandais-paul-krugman/215311/

Sur le mode de l’ironie grinçante, Krugman dénonce le poids que subit le peuple irlandais du fait du transfert des dettes des banques sur le contribuable. Il félicite l’Islande d’avoir choisi une toute autre voie et note même, avec ironie, que cette dernière, en refusant de payer des dettes indues, a paradoxalement obtenu plus de confiance de la part des marchés financiers, et donc des taux d’intérêt plus bas. En effet, ce que le prêteur attend de l’emprunteur, c’est qu’il soit solvable et non qu’il soit vertueux, ou pseudo-vertueux (car ce n’est pas de la vertu que d’accepter de payer ce qu’on ne doit pas). Krugman écrit :

“Pourtant, à ce stade, l’Islande semble faire mieux, pour le moins, que son quasi-homonyme. Sa crise économique ne fut pas pire que celle de l’Irlande, ses pertes d’emplois moins sévères, et elle semble en meilleure posture pour une reprise. En fait, les investisseurs semblent considérer aujourd’hui que la dette islandaise est plus sûre que la dette irlandaise. Comment une telle chose est-elle possible ?

Une partie de la réponse réside dans le fait que l’Islande a laissé les créanciers étrangers des banques qui s’étaient emballées payer le prix de leur propre manque de jugeotte plutôt que d’obliger ses propres contribuables à garantir de mauvaises dettes privées. Comme le note le Fonds monétaire international – d’un ton approbateur ! – “les faillites du secteur privé ont entraîné un déclin significatif de la dette extérieure”. Dans le même temps, l’Islande a permis d’éviter une panique financière en partie en imposant des contrôles temporaires sur les capitaux, c’est-à-dire en limitant la possibilité pour les résidents de sortir des fonds du pays.

L’Islande a également bénéficié du fait que, contrairement à l’Irlande, elle possède encore sa propre monnaie : la dévaluation du krone, qui a rendu les exportations islandaises plus compétitives, fut un facteur important dans la limitation de la crise islandaise.

Aucune de ces options hétérodoxes n’est envisageables pour l’Irlande, selon les sages. L’Irlande, disent-ils, doit continuer à infliger des souffrances à ses citoyens, parce que faire quoi que ce soit d’autre saperait fatalement la confiance.

Mais l’Irlande est maintenant dans sa troisième année de rigueur, et on dirait que la confiance ne fait que s’épuiser. Et il faut vous demander jusqu’où il faudra aller pour que les gens sérieux se rendent compte que le fait de punir la population pour les péchés des banquiers est plus qu’un crime : c’est une erreur.”

En lisant cet article, je me suis particulièrement délectée de la remarque du FMI : “les faillites du secteur privé ont entraîné un déclin significatif de la dette extérieure”. Donc, si mon banquier fait faillite, mon emprunt disparait avec lui. Sont fortiches, quand même, au FMI, d’avoir poussé la réflexion économique jusque là !

Le sujet Islande circule de blog en blog. Une analyse détaillée se trouve sur le site “Le bon dosage” :

http://lebondosage.over-blog.fr/article-l-islande-un-exemple-pour-l-europe-65344106.html

Nous en extrayons ce passage :

“La croissance économique du pays semble maintenant en voie de rétablissement, bien sûr cela dépend aussi de la dynamique mondiale, les pays voisins d’Europe étant dans une situation périlleuse le pays et sa croissance pourrait en pâtir. Cependant la récession est aujourd’hui du  passé, la dévaluation a rétabli la compétitivité du pays.  La production locale s’est substituée aux importations réduisant la dépendance de cet état aux importations. Le choc fut violent mais salutaire, car là où les Irlandais ne voit plus aucune perspective mais évite momentanément l’inflation et la dévaluation, les islandais eux ont vue une crise passagère et retrouve maintenant une économie en meilleur forme. Et cette fois la croissance islandaise ne s’accompagne pas d’une inflation de bulle immobilière avec déficit commercial, il s’agit d’une croissance plus saine et plus auto-centrée.

Le graphique suivant montre bien les effets d’une dévaluation brutale de grande ampleur, les importations ont vue leur coût exploser à cause de la perte de valeur de la monnaie locale. Ce faisant le prix des produits importés ont explosé provoquant une inflation très forte dans  un premier temps. Cependant par la suite on voit bien que l’inflation décroît, les produit locaux se substituant petit à petit aux importations, cela prend du temps évidement ce qui explique la violence des taux d’inflations. Cela montre que réguler les échanges commerciaux uniquement avec des taux de change est d’une violence extrême. Des taxes et des quotas étant plus stable ils permettraient une planification à long terme des productions et de l’équilibre de la balance commerciale en évitant les variations brutales qui sont nuisibles pour la production industrielle. Sinon avec cette dévaluation les gens ont fini par changer leur mode de consommation et il l’ont réorienté vers les produits du pays. Cela  a relancé la production d’emploi dans  l’industrie locale et la croissance réelle a fini par repartir, et c’est  une vrai croissance, celle fondée sur les revenues de la population et non sur l’endettement privé. Le taux d’inflation islandais après avoir connu deux années très fortes est revenu à la normale aux alentour de 2.5%. Ce taux d’inflation très fort momentanément a traduit un transfère des revenues vers des couches sociales différentes de celle de l’organisation économique antérieur à la crise. D’une économie d’importation, de service et de bulle immobilière, l’économie islandaise est redevenue une économie de production, de pêche et d’industrie. Et l’inflation a traduit dans les statistiques ce brutal changement dans la répartition des revenues. Bien loin d’être une catastrophe c’est au contraire un indice de l’évolution d’un pays, l’inflation fut finalement  la punition infligée aux rentiers locaux pour leur trop grande gourmandise. ”

Voici donc une révolution exemplaire, sans violence, qui oblige les vrais responsables de la crise à la payer, approfondit la démocratie, et refonde l’économie en l’asseyant sur les secteurs réellement productif.

Qui se plaindra ?

Hé bien on note les gémissements de Rue 89 et du Nouveau Parti anti-capitaliste, qui trouvent que cette révolution n’est pas assez conforme au modèle déposé léniniste :

http://www.rue89.com/2011/01/09/la-revolution-democratique-en-islande-tient-du-fantasme-184214

http://www.npa2009.org/content/l%E2%80%99introuvable-r%C3%A9volution-islandaise

Catherine Ségurane

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