En Italie, Bello Figo aime les chattes blanches

Les Italiens ont un phénomène qui s’appelle Bello Figo. Ce rappeur d’origine ghanéenne Bello Figo, Beau Mec en français, est arrivé avec sa famille il y a maintenant une douzaine d’années. Il écrit des chansons, tourne des vidéos mais crée la polémique en raison de ses textes provocateurs. Il est devenu à la fois l’idole d’une certaine jeunesse mais il est détesté par les Italiens, ceux qui souffrent et se sentent méprisés.

Il faut dire que ce ses chansons n’ont rien de romantique. Le zouave est plutôt porté sur le sexe. Il annonce la couleur dans cette chanson : « Sto skopando » : Je baise. Mais il a ses préférences, il baise de « la chatte blanche ». Les paroles sont très crues. Pourtant Bello Figo peut tout aussi bien écrire une chanson sur les pâtes au thon : « Pasta con Tonno ».

Ce qui a choqué tout particulièrement les Italiens, c’est la chanson (1), en version sous-titrée, « Non Pago Affitto » Je ne paie pas de loyer… Tous mes amis sont venus avec le Bateau/ Dès qu’on est arrivé en Italie/ Nous avons : maisons, voitures, chattes…

Pour les migrants, le message des responsables politiques est sans équivoque : Mattarella nous a dit que nous pouvons venir en Italie/ Donc, j’ai apporté tous mes amis, mes amis avec le bateau/ Matte aussi, Matteo Renzi, a dit que nous sommes chez nous/ Donc tous mes amis, tous mes amis, nous votons tous PDio. Petit clin d’œil adressé au parti Démocrate Progressiste.

L’animateur de l’émission Dalla Vostra Parte (2) a invité ce rappeur devenu incontournable. Et il y a de l’ambiance sur le plateau car Bello Figo fait l’unanimité contre lui. Parmi les invités : la petite fille de Mussolini (la blonde), un défenseur de la cause des femmes qui lutte contre le féminicide, des habitants de Rosarno, des représentants d’associations d’accueil des migrants ainsi que des maires de communes. Tous critiquent cette chanson et se sentent offensés et révoltés. Ils lui reprochent d’inciter au viol et au vol. Ils trouvent qu’il est provocateur et se fout carrément des Italiens.


Quant à Bello Figo, il affiche sa solidarité vis à vis des réfugiés, ses frères qu’il prétend défendre car ils n’ont rien. « On est aussi des hommes et on a aussi nos besoins ». Voilà donc pourquoi il réclame wifi, salaire et argent ce que vous pouvez lire sur les pancartes montrées dans de la vidéo (WIFI, STIPENDIO, SOLDI). S’il parle de sexe de cette manière, c’est sa façon personnelle de s’exprimer. Selon lui, les Italiens se plaignent tout le temps.

Ces habitants de la commune de Rosarno considèrent que les réfugiés vivent mieux que les Italiens car eux-mêmes sont sans eau, sans chauffage et sans électricité dans leur immeuble. Ils ne réclament même pas une connexion wifi comme Bello Figo le fait dans sa chanson et veulent seulement vivre dignement. Ils disent payer des impôts pour financer cette migration alors qu’ils rencontrent eux-mêmes d’énormes difficultés.

L’Italie est en première ligne et voit débarquer les migrants. Vintimille est le « Calais italien » mais la contestation et la grogne sont ressenties partout dans le pays. Pour les Italiens, la pression migratoire devient insupportable. La révolte gronde. Alors éclatera ? Eclatera pas ?

A la différence de la France, les Italiens ne connaissent pas la même répression. A Vintimille, Milan, Brescia, Montello, Portogruaro, Rome… les manifestations anti-migrants se multiplient. Par contre, celle prévue à Calais en février 2016 a été interdite. Le Général Piquemal a même été interpellé et convoqué au tribunal en comparution immédiate !

Les émissions télévisées comme Della Vostra Parte ou Porta a Porta débattent de tous les problèmes de société et d’immigration. Les journalistes font des reportages sur le terrain et sur les difficultés concrètes rencontrées par les habitants confrontés à cette immigration envahissante.

Pas de censure et tous les sujets sont abordés : l’insécurité qui fait que les femmes n’osent plus sortir seules le soir, les logements squattés, les viols, la montée de l’insécurité et de la criminalité, des chômeurs obligés de dormir dans leur voiture, les petites retraites qui ne permettent pas de vivre…

Les débats, les interviews sont toujours très agités ou animés, la parole se libère. En Italie, il n’existe pas de loi Gayssot qui permet de museler les mécontents et les contestataires. Peut-être cette liberté de parole et de manifestation est-elle une soupape de sécurité pour évacuer le trop-plein de colère ?

Quant à Bello Figo, il a rencontré le succès auprès d’un public séduit par son style, le réalisme et la vulgarité de ses textes où il est question de sexe mais pas d’amour. Un point positif à mettre à son actif : il ne tient pas de discours à la sauce haineuse ou victimaire. La vie est belle et il a bien l’intention d’en profiter.

Cécile De Bussches

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