En un combat douteux

A lire le Niagara d’interventions, d’interpellations et d’imprécations qui déferlent sur la Toile pour se déchirer plus ou moins férocement sur la Quatrième guerre mondiale qui oppose d’ores et déjà intégrisme et laïcité, l’on peut se demander si un certain nombre d’internautes de bonne foi ne se trompent pas d’adversaires en croyant bien faire, quand ils mettent sur le même plan Oussama Ben Laden et Benoît XVI, les salafistes et les papistes, les évangélistes de l’Amérique des profondeurs et les islamistes du Tigre et de l’Euphrate. Au point qu’ils ne peuvent plus dire un mot sur les décapitations des uns sans dénoncer tout aussi vigoureusement les écarts de langage des autres.
Dans cet univers en douce décomposition où tout paraît être l’équivalent de tout, peut-on rappeler que les vidéos de la décapitation de Daniel Pearl ou d’un civil italien qui n’avait rien demandé à personne, ne peuvent décemment être comparées à un dérapage de tel ou tel pasteur du Texas ou du Milwaukee ? Peut-on suggérer à nos bonnes âmes quotidiennement rongées par le sel des sanglots de l’homme blanc, que l’on ne peut vouer aux mêmes gémonies le partisan de la messe en latin et l’humaniste qui se fait sauter dans une école, un hôpital, ou un cortège funèbre ? Nous aimerions vraiment qu’Amnesty International défile avec la même vigueur pour protester contre les massacres du Darfour, les attentats d’Alger, de Kaboul ou d’Islamabad, les assassinats par dizaines d’intellectuels arabes qui osent, avec un immense courage, ouvrir leur gueule dans leurs capitales à la dérive, qu’elle le fait pour la fermeture de Guantanamo.
Jean-Luc Godard écrivait que l’objectivité à la télévision, c’était cinq minutes pour Hitler et cinq minutes pour les Juifs. Il ne faudrait tout de même pas qu’on en arrive à la même misère sur les territoires point encore perdus de la laïcité.
André Bercoff

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