« La France, c’est Cuba sans le soleil. » Avant d’être ministre de l’Économie et de se rendre célèbre pour avoir traité de « fainéants » ceux qui avaient l’outrecuidance de se dresser contre sa réforme du Code du travail, Macron s’était fait connaître par ce bon mot. Il visait à l’époque la proposition de Hollande, effectivement digne d’un régime communiste, de créer une tranche d’impôt à 75 %. Si la taxe démagogique de son ex-mentor ne fit pas long feu, la comparaison entre notre pays et le berceau de la révolution castriste est malheureusement redevenue d’actualité. Elle ne concerne plus sa politique fiscale, mais son indépendance énergétique, fort mal en point. Nous sommes en effet plusieurs millions à avoir reçu le week-end dernier, de la part d’EDF, l’email suivant : « Une vague de froid tardive traverse la France ces prochains jours. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, vient d’émettre une alerte : les conditions météo peuvent entraîner une tension sur le réseau électrique. Tout est mis en œuvre pour assurer la fourniture d’électricité, mais vous pouvez aussi contribuer en réduisant votre consommation. Nous vous proposons de limiter votre consommation électrique lundi 4 avril, en particulier dans la matinée. C’est le moment où le réseau électrique sera le plus sollicité. »
Cet avertissement avait été précédé de beaucoup d’autres. Au début de l’hiver, et pour la deuxième année consécutive, EDF avait prévenu que des coupures d’électricité prolongées étaient à craindre sur l’ensemble du territoire en cas de surchauffe du réseau. Une situation fréquente à Cuba, ainsi qu’au Venezuela, autre bastion communiste sud-américain, cher à Mélenchon. Une épée de Damoclès désormais suspendue au-dessus de l’Hexagone. Les médias mainstream et Jadot, avec l’objectivité qu’on leur connaît, se sont empressés d’en rendre le nucléaire responsable. Des problèmes de corrosion sur plusieurs réacteurs nucléaires ayant nécessité leur mise à l’arrêt pour réparation. Conclusion imparable : se débarrasser aussi vite que possible de cette énergie peu fiable et dangereuse. Et couvrir illico l’ensemble du territoire d’éoliennes, quand bien même les Français n’en veulent pas. Tout en passant sous silence le fait que l’absence de vent avait considérablement réduit la possibilité de recourir à l’énergie éolienne cet hiver. Et augmenté, par contrecoup, la consommation de gaz russe, ce combustible étant indispensable pour faire tourner les centrales thermiques qui prennent alors le relais. Fort heureusement, l’hiver n’a pas été jusque-là particulièrement rigoureux et les usines énergivores ont été débranchées en priorité afin que les particuliers soient épargnés. Une initiative bienvenue en période électorale.
Mais, chez EDF, on sait que c’est reculer pour mieux sauter. La situation actuelle n’a en effet rien de conjoncturel, mais tout de structurel. L’indépendance énergétique de la France est durablement menacée. La probabilité d’un black-out ou de coupures d’électricité à répétition est plus forte que jamais ; elle est la conséquence d’un abandon programmé de la filière nucléaire. Cette faute politique et écologique, doublée d’un désastre économique, on la doit à Hollande. Pour s’assurer le soutien des écologistes à la présidentielle de 2012, il n’a pas hésité à sacrifier l’indépendance énergétique de la France sur l’autel d’un accord PS-Verts, bricolé en catimini par Aubry et Duflot. Un accord scélérat qui comprenait la fermeture de Fessenheim et de 24 réacteurs nucléaires, de manière à ramener d’ici 2025 à 50 %, contre 75 % auparavant, la part du nucléaire dans la production d’électricité nationale. Un accord que s’est empressé, avec la fermeture de Fessenheim, de satisfaire Macron, pour complaire à feu son ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, qui, en grand visionnaire, déclarait au Figaro en 2018 qu’elle s’inscrivait dans « un mouvement irréversible ». Même si ce dernier avait dû, avant de démissionner la larme à l’œil, manger son chapeau en renonçant à l’objectif des 50 % d’électricité nucléaire à l’horizon 2025. La réalité rattrape toujours les idéologues qui se piquent de gouverner.
Dans son ouvrage Une affaire d’État – La tentative du sabordage du nucléaire français, Bernard Accoyer, ex-président de l’Assemblée nationale, confirme la gravité de la situation : « Une panne généralisée d’électricité, un black-out, pourrait arriver si la situation continue de s’aggraver et qu’une demande importante ou un imprévu surviennent. » Et déplore qu’EDF « a perdu cinq ans depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron qui venait après les cinq ans de perdu du quinquennat de François Hollande ».
Mais Accoyer, en bon maastrichtien, oublie toutefois de rappeler le rôle délétère de l’Europe en la matière. En effet, comme je le rappelle dans L’élection de la dernière chance, l’origine de tous les maux dont souffre la France en matière énergétique est à trouver dans l’idéologie chimérique de la concurrence pure et parfaite de la Commission européenne. C’est en effet en son nom que l’État français, qui, il est vrai, s’y est plié de bonne grâce, a dangereusement affaibli sa filière nucléaire. En matière de capacité de production et de fiabilité, mais aussi en matière de compétitivité : « Loin de se contenter d’affaiblir la position d’EDF dans son pays, la Commission a ordonné à la France de supprimer définitivement son système de réglementation tarifaire. Avec la bénédiction du Conseil d’État, qui a estimé que le maintien des tarifs réglementés était “contraire au droit de l’Union européenne”, car il constituait “une entrave à la réalisation de marchés de l’électricité et du gaz naturel libres et concurrentiels”. Ainsi, a-t-on vu des juges français prêter leur concours à des bureaucrates parasites pour torpiller notre joyau national, fruit du génie de nos ingénieurs et de feu l’État-stratège français. Résultat : la facture d’électricité des Français ne va cesser de s’alourdir dans les prochaines années. Sur ce dossier, comme sur tant d’autres, la Commission a montré son vrai visage : son objectif n’est pas la défense du consommateur ; c’est la privatisation, y compris de manière déloyale et insensée, des secteurs publics nationaux. »
Voici, très concrètement, l’une des conséquences désastreuses de la souveraineté européenne qu’appelle Macron de ses vœux. À l’heure où l’on entend des abstentionnistes accuser la politique de n’avoir aucun effet sur leurs vies, ces enfants gâtés de la démocratie seraient bien inspirés de comprendre qu’en votant contre les démagogues irresponsables qui veulent sortir du nucléaire, ils conserveront au moins l’espoir de pouvoir encore se chauffer et s’éclairer l’hiver prochain. Des besoins vitaux qui, s’ils ne sont plus satisfaits demain, changeront à coup sûr leurs vies.
Etienne Bosquet
comment expliquer que tant de réacteurs nucléaires aient été arrêté pour maintenance en plein hiver ? et non quelques mois plus tard, en été, deviens-je complotiste?