Entretien avec un partisan de Bolsonaro : Lula dehors !
L. est restaurateur dans le Nordeste. Sympa (comme beaucoup de Brésiliens), travailleur (comme un peu moins de Brésiliens), et bolsonariste de fraîche date. Homme de cœur, il a toujours une gamelle pour les plus démunis. À maintenant 50 ans, il a longtemps voté pour le Parti des Travailleurs (PT) jusqu’à la précédente élection présidentielle non incluse. Puis le niveau de corruption atteint par le système l’a écœuré.
Bien qu’informé, il ne s’est pas rendu à la manifestation de dimanche dernier. La distance – le Brésil, c’est grand ! – et ses obligations professionnelles, surtout en plein été… Les participants ont dû se contenter de son soutien moral.
– Comment savais-tu qu’une manifestation devait avoir lieu ?
– Les réseaux sociaux en parlaient beaucoup, proposant même l’acheminement par covoiturage ou autocar, et possibilité de dormir sur place, à la dure.
– Quel était le mot d’ordre ?
– Manifester contre l’élection de Lula, qui, pour nous, est parfaitement illégitime.
– Était il question de prendre le pouvoir ?
– Bien sûr que non !!! Il faudrait être fou.
– Certains manifestants réclamaient le recours à l’armée…
– À ma connaissance, juste pour participer au recomptage des voix. Pas pour fomenter un coup d’État. Bien que, contrairement aux US avec Biden, nous n’ayons aucune preuve formelle de fraude, nous sommes persuadés que l’élection a été trafiquée. Beaucoup de Brésiliens n’aiment pas Bolsonaro, notamment à cause de ses saillies à l’emporte-pièce, mais le rejet pour Lula est encore plus fort.
– Alors, comment expliques tu que la situation ait pu déraper ainsi ?
-Beaucoup de gars n’avaient jamais mis les pieds à Brasília, encore moins dans le saint des saints.
Ils ont pu se sentir éblouis, subjugués. Et invincibles, comme cela peut arriver dans les mouvements de foule. Les flics ont encadré et même dirigé les manifestants jusqu’à la Place des Trois Pouvoirs où, pour barrer l’accès aux bâtiments, il y avait juste trois gardes et deux barrières. C’était plus qu’une provocation à entrer quand même, mais carrément une invitation.
On peut aussi envisager la présence d’éléments provocateurs pour que tout parte en vrille.
(Là, pensant à l’extrême-gauche et aux casseurs ayant infiltré les ronds-points des Gilets jaunes, j’avoue in petto que nous avons les mêmes à la maison !)
– Comment envisages-tu la suite ?
– Les casseurs seront probablement punis très lourdement, et je ne les plains pas. Sinon, nous continuerons à clamer que Lula, repris de justice, n’a pas sa place à la Présidence. Le « Supreme Tribunal Federal » l’a sorti de prison pour vice de forme (incompétence territoriale des juges qui l’ont condamné, NDLR) mais en aucun cas ne l’a blanchi des accusations portées contre lui. Et le STF, c’est qui ? Des magistrats nommés pour l’essentiel par… Lula, puis Dilma.
(Tiens tiens, un gouvernement des juges, aussi au Brésil ? Ici encore, je fais le parallèle avec notre Douce France, remémorant entre autres que Richard Ferrand, ex-président LREM de la chambre des députés, a nommé au Conseil constitutionnel la magistrate qui l’avait élargi sur l’essentiel de l’affaire des mutuelles).
– OK. Un mot, pour conclure ?
– Lula Fora !
– Obrigado.
Jacques Vinent