Éric Zemmour est-il vraiment un polémiste ?


Puisque telle est, dans la plupart des présentations faites de Zemmour, la case dans laquelle on l’a mis, j’ai voulu étudier de plus près cette dénomination.
Voilà comment le terme « polémiste » est défini sur le cite ortolang du CNRTL :
Personne qui pratique la polémique, qui se complaît en elle. Jamais Barrès ni Péguy n’eussent admis d’être pris, même dans leurs écrits polémiques, pour de simples polémistes (Benda, Trahis. clercs, 1927, p.61). Aucune loi sur la presse n’empêchera le polémiste-né d’aboyer aux chausses des puissants qu’il hait et de tout ramasser de ce qui peut lui nuire (Mauriac,Journal, 1950, p.286).

L’Encyclopédie le jette [Diderot] dans un travail de polémiste. Il s’agit d’attaquer ceux qui le gênent et de caresser ceux qui peuvent le servir (…). La littérature est ce qui le perd (Cocteau, Poés. crit. I, 1959, p.301).
Pas facile de comprendre cet assemblage, parfois contradictoire de phrases décalées.

Si j’ai bien compris, le polémiste est un roquet sans conscience, un entêté de « la gueulante » qui cherche à nuire aux puissants. Ce qui l’anime serait principalement la haine et un besoin irrationnel de tout critiquer. Même Diderot y serait passé en attaquant ceux qui le gênaient et en caressant dans le sens du poil ceux qui pouvaient le servir.

Sur Wikipédia on trouve une définition concernant la vie contemporaine d’un polémiste :
La légitimité des polémistes contemporains est davantage médiatique qu’académique ou intellectuelle. En témoignent leurs ouvrages publiés sous forme d’essais faisant fi, parfois, des réalités scientifiques. Aujourd’hui, ils jouissent d’une grande popularité grâce à leurs arguments relativistes s’inscrivant dans une ère de post-vérité : parfois, leurs opinions démentent les faits.

Or, pour ce qui concerne Zemmour, c’est l’inverse : les faits prouvent son opinion.
Il ne remet certainement pas en cause les réalités scientifiques, bien au contraire et ne relativise rien à ma connaissance. On lui reproche plutôt de tout expliquer avant de répondre pour être sûr que le contexte soit bien pris en compte ; il ne profite donc pas de l’ignorance des gens sur un sujet pour raconter « sa vision » des choses, mais il prouve par des faits que tout le monde observe que certains autres ont tort de nier « les faits ».

Il n’avance pas dans une post-vérité, mais au contraire, répète depuis des années, par un esprit logique rationnel d’anticipation, ce que les idiots voient trop tard…
Sur ce point, tout le monde, mais depuis peu de temps, est bien d’accord pour affirmer que ce qu’il dénonce depuis tant d’années est un réel problème en France et en Europe : l’immigration des musulmans et l’islam.

Si les politiques commencent à utiliser des formules jugées encore taboues quelques jours avant le déferlement médiatique sur son éventuelle candidature, qui elle, pour le coup, provoque une vraie polémique, alors c’est un LEADER.
Zemmour est donc tout, sauf un polémiste. Mais ceux qui ne l’aiment pas s’empressent de le mettre dans cette mauvaise case, comme pour conjurer le sort !
Le traiter de polémiste est un sophisme.

Voilà grosso modo comment on en arrive là : « Oui, il est passionné, comme un polémiste. Oui, il est intellectuel comme un polémiste pourrait l’être aussi… il est obsédé par le même sujet, et on connaît un polémiste qui s’appelle Éric, donc Éric Zemmour est un polémiste ! » Et les médias adorent les sophismes !

Un exemple pour mieux comprendre où je veux en venir ?
Si je vous dis, les chats ont tous deux yeux, ce sont des mammifères, donc ils sont mortels. Socrate a aussi deux yeux, c’est un mammifère et il est mortel ; donc Socrate est un chat… Un autre ajoutera à ce sophisme, un syllogisme :cC’est vrai ! J’ai un chat qui s’appelle Socrate !

Ainsi, comme Ionesco le démontre lui aussi dans son Rhinocéros, la logique humaine a ses limites, et « Dieu sait » que celles des journalistes l’est.
Mais en dehors d’un sophisme tout à fait malhonnête que lui attribuent ces ennemis, rien n’exprime le polémiste en lui.

Un polémiste aime polémiquer, c’est un jeu pour lui. Il s’amuse à déjouer toutes sortes de raisonnements. Pour le dire plus clairement, c’est un fouteur de M…, juste pour déconstruire et observer ce qui se passe après.
Or, on ne peut pas dire que le jeu soit le fer de lance de Zemmour, qui lui, prend au contraire la chose très au sérieux.

Il est prêt à renoncer à sa vie d’écrivain et à entrer dans l’arène de toutes les bêtes sauvages, pour défendre un pays qui n’est pas son pays d’origine, mais un pays où il est né, et qu’il a adopté de cœur et d’esprit. Un pays qu’il défend avec ses tripes.
Cela ne lui donne-t-il pas de la grandeur, à ce petit homme ?

Nous dirons donc que si même Diderot, dans sa logique et son argumentation encyclopédique a lui aussi été traité de polémiste, alors, on excusera les détracteurs des intellectuels qui font preuve d’esprit critique, et on leur pardonnera peut-être de vouloir mettre tout le monde dans le même sac…

Eve Artio