Et en même temps…

Cette fois, le pouvoir est impuissant à masquer la faiblesse qui le rend invalide. Finies les rodomontades adressées au petit peuple soumis et muet, terminées les fanfaronnades et la morgue du fringant candidat puis du jeune élu qui ne s’accorde aucune limite. Par orgueil, il a minimisé la profondeur d’un mouvement né de son incurie. Par incapacité politique, il s’est mis dans une situation qui lui échappe totalement et dont nul ne peut prédire l’issue.

Dès les premiers instants de son intronisation, son idéologie ultra-libérale et élitiste l’avait porté à favoriser les plus riches au détriment des classes moyennes. Le modèle économique qu’il entend imposer se déleste des anciens codes de solidarité propres à assurer l’harmonie et la cohésion sociales. Chacun connaît les mesures qu’il a prises et qui allègent la charge relative des classes les plus possédantes au détriment des autres couches de la société. Inutile d’en répéter la litanie, on la connaît bien désormais. De telles mesures ne sont certes pas inédites, mais c’est la première fois qu’elles sont assumées avec une telle portée, sans fard et avec tant d’arrogance. Dès lors, est-il intelligent de feindre de s’étonner de la réaction brutale mais légitime de ceux qui ne demandent qu’à vivre au lieu de survivre et qui refusent les nouvelles charges qui les enfoncent encore un peu plus dans la précarité.

Face à cette contestation résolue et bien ciblée, le gouvernement et ses divers porte-parole sont désorientés, démunis comme s’ils étaient pris par surprise. Chacun argumente dans l’impréparation et sans coordination… Leur réaction paraît inadaptée, elle est violente et illégitime. Leurs propos sont pauvres, désordonnés et tellement peu crédibles…

Le président, longtemps absent, mutique, presque disparu, semble entamer timidement une espèce de repli modeste mais qui s’apparente à une sorte de débandade, à moins qu’il ne s’agisse d’une pantalonnade. On peut lui faire confiance pour le jeu des arnaques sournoises. Certains parient qu’il n’en démordra pas. Attendons mardi, puisque celui qui se veut le maître des horloges a décidé de l’heure.

Ses proches lieutenants, tous un peu démunis de sens commun mais ne perdant pas de vue la ligne jaune des prochaines élections, s’emballent. Son collaborateur le plus proche, comme Fillon fut celui de Sarkozy, tel son ancien mentor, se dit “droit dans ses bottes” sans que cette position ne fasse avancer quiconque ou quoi que ce soit vers la résolution de l’équation…
Le premier “agent de police” de France (premier ripou de France selon un certain avis lyonnais) voit dans cette affaire la main de séditieux qui auraient décidé de rejouer la séquence de “la Cagoule 1930” avec une mise en scène adaptée au goût du jour. Dans le rôle d’Eugène Deloncle, Marine Le Pen… Mais voyons !…

Le petit commis comptable, celui qui confond le prix d’un simple repas (sans vin) avec celui, plus sélect, du “Siècle”, diagnostique la peste et même la peste brune. Mais ce petit bonhomme est atteint de cécité car les gilets étaient bien jaunes et ne pouvaient être confondus avec des chemises brunes.

Le monsieur “bons offices” du Modem tente de se replacer. Ses recommandations, pour une fois, semblent mâtinées d’un peu de bon sens. Il prône la “république en marche arrière” pour apaiser les tensions. Monsieur Écologie, qui pourtant avait déjà quitté le navire, en rajoute une couche par son désaveu cinglant et télévisé.

Et pourtant, monsieur le maire de Lyon l’avait bien dit après l’affaire Benalla…Toutes les couleuvres qu’il avait dû avaler lui ont permis de comprendre et de dire “il nous faut être parfois plus humbles…” Quant à l’ancien chef du parti, désormais accroché au perchoir, il évite de trop bouger pour ne pas faire entendre le bruit des casseroles accrochées à ses basques.
Et cela est à peu près tout car, en réalité, à vouloir rompre avec le vieux monde, le président se retrouve à peu près seul dans un nouveau monde où les branches sont encore bien trop vertes pour le soutenir efficacement…

Celui qui s’est voulu le nouveau Bonaparte, moins la générosité et plus la suffisance, se prend les pieds dans son ego envahissant et cherche en vain à exprimer un génie politique qui n’existe pas, comme n’existe qu’en rêve le mouvement évanescent qui l’accompagna durant sa marche vers l’Acropole élyséenne et qui se dilue encore plus vite qu’il ne s’est agrégé.

Toute cette sale affaire ne semble pas finie !

Jean-Jacques FIFRE