Fabien Engelmann : Pourquoi, syndicaliste CGT, militant de LO, puis de NPA, j'ai rejoint Marine Le Pen

Riposte Laïque : Fabien, peux-tu te présenter à nos lecteurs. Il t’arrive de contribuer à Riposte Laïque. Comment as-tu connu notre journal ?
Fabien Engelmann : J’ai 31 ans, je suis ouvrier territorial dans le service public et également syndicaliste à la CGT. Je milite, depuis que je suis tout jeune, dans des associations de protection animale, car j’accorde beaucoup d’importance au respect de la vie, et j’avoue mon admiration pour Brigitte Bardot, qui a tout donné à cette juste cause. J’ai connu Riposte Laïque lors de ma démission du NPA.. J’ai quitté ce parti peu de temps après les élections régionales, avec le 3/4 du comité de Thionville. Nous étions tous littéralement sidérés de voir que le parti acceptait une candidate voilée, sans même prendre l’avis des ses adhérents lors d’un congrès national. Nous considérons que le voile est un symbole de soumission de la femme, totalement à l’opposé du principe de l’égalité des hommes et des femmes, contraire à notre modèle civilisationnel et à nos valeurs progressistes.
Riposte Laïque : Parlons de ton parcours politique. Tu as commencé à militer politiquement à Lutte ouvrière, puis tu as d’abord rejoint NPA, avant de quitter cette organisation, à cause de la candidate voilée. Tu es d’autre part militant à la CGT. Peux-tu nous expliquer ces différents engagements, et les raisons de ton engagement à gauche ?
Fabien Engelmann : J’ai commencé à m’intéresser très jeune à la politique, en prenant conscience des inégalités sociales, en voyant tous ces ouvriers et salariés licenciés comme des malpropres – alors que ce sont eux qui font tourner l’économie – par certaines entreprises, lorsque les patrons-voyous du CAC 40 délocalisent pour accroître leurs profits, grâce à une main d’œuvre bon marché. Je trouvais cela immoral et choquant. J’ai donc pris contact avec Lutte Ouvrière, car j’appréciais Arlette Laguiller pour son franc-parler et sa sincérité. J’ai milité avec eux, de 2001 à juin 2008, en étant candidat à diverses élections sous leur bannière, mais malheureusement le côté assez fermé de LO et sa tendance à refuser l’association avec d’autres forces de gauche, lors de certaines élections, m’ont amené à reconsidérer mon choix politique. En mai 2009 un peu avant les élections européennes, j’ai rejoint le NPA, car je trouvais intéressante l’idée de réunir la gauche de la gauche autour d’un programme commun. Grande a été notre déception quand, avec mes amis du comité NPA de Thionville, nous avons appris que notre parti présentait une candidate voilée aux régionales, dans le Vaucluse. Nous nous sommes aussi rendu compte que toute critique de l’islam était immédiatement taxée de racisme ou d’islamophobie, alors même que les critiques à l’encontre du catholicisme ou d’autres religions étaient les bienvenues. Quelle drôle de conception de la laïcité ! … Nous sommes tous partis.

Riposte Laïque : Le Figaro Magazine a publié une brève sur toi, et Vénussia Myrtil (que Roger Heurtebise avait interviewée) expliquant que comme elle, tu étais passé de NPA au Front national. Confirmes-tu cette information, et quelles en sont les raisons ?
Fabien Engelmann : Oui, je confirme. Cela tient tout d’abord à l’arrivée de Marine Le Pen. Elle a su dédiaboliser le FN, qui, je pense, a souvent été victime de caricatures par les bien-pensants. Actuellement, elle est la seule à défendre véritablement la loi de 1905, à dénoncer la banalisation du halal et les prières illégales sur la voie publique. Elle apporte des solutions contre la mondialisation, et donc contre les délocalisations, elle propose aussi de lutter contre la concurrence imposée de la main d’œuvre étrangère avec la main d’œuvre « locale » dans le but avoué de faire baisser les salaires quitte à jeter au chômage des Français. Marine Le Pen lutte aussi contre l’Europe de Bruxelles qui nous appauvrit de jour en jour et, bien sûr, elle songe aussi à un éventuel retour au franc, car si un risque d’effondrement de l’euro existe, nous avons tout intérêt à nous doter d’un plan de sortie anticipée. De plus, je pense qu’elle a raison de défendre la préférence nationale et de rappeler que nous ne devons avoir honte ni de notre culture, ni de nos couleurs. Chaque pays a sa propre histoire et certains acquis qui lui sont propres. Je suis donc plutôt favorable à une Europe des nations.
Riposte Laïque : Ne crains-tu pas de côtoyer, au Front national, des personnes qui sont aux antipodes de toi, sur la question sociale, voire sur le droit des femmes et la laïcité ? Pourquoi ne pas avoir essayé de rejoindre Front de gauche, de Jean-Luc Mélenchon, et ne pas avoir essayé de défendre tes idées ?
Fabien Engelmann : Non, le comité central du FN a été renouvelé. 60% sont dans la mouvance de Marine le Pen, qui, rappelons le, défend les valeurs républicaines et laïques, souvent mieux que les postulants actuels aux présidentielles de l’UMPS ou de l’extrême gauche. En tant qu’esprit libre, je considère que dans un groupe, on n’est pas forcément d’accord sur tout, ce qui n’empêche pas le débat et un vote à la majorité.
Le problème avec Jean Luc Mélenchon, qui soit dit en passant n’a pas encore l’investiture du PC pour se présenter en tant que candidat Front de Gauche à la présidentielle, c’est l’immigration. J’avoue qu’avec le bénéfice des ans, j’ai un peu évolué sur ce sujet : avec 5 millions de chômeurs en France, nous ne pouvons plus accepter autant d’immigrés. Bien sûr on est toujours touché par le parcours de certains clandestins issus de pays pauvres ; pour empêcher ces déracinements, les peuples de ces pays devraient s’inspirer de la révolution Tunisienne (l’Egypte est en pleine effervescence), afin d’instaurer chez eux une véritable démocratie laïque et non islamique, et veiller à ce que les richesses de leur pays, qui sont souvent immenses, ne soient pas détournées par les élites.
Aussi lorsque Jean-Luc Mélenchon dit vouloir régulariser tous les sans-papiers, je ne suis pas d’accord : nous n’avons ni l’obligation morale ni la possibilité d’accueillir toute la misère du monde, comme le disaient le socialiste Michel Rocard ou le communiste Georges Marchais, lequel, dans les années 80, réclamait l’arrêt de l’immigration. Prenons donc exemple sur la Suisse et ses votations citoyennes et demandons aux Français, lors d’un référendum, leur avis sur l’immigration. Nos chères élites seraient bien surprises du résultat. Quant aux zones de non-droit de nos quartiers et aux agressions aux personnes, elles constituent désormais un autre problème majeur et pourrissent la vie de bon nombre de nos concitoyens, surtout, mais pas seulement, dans les milieux modestes. Je ne pense pas que les solutions angéliques de Jean-Luc Mélenchon soient capables de régler le problème que pose cette violence, qui est d’abord une violence gratuite.

Riposte Laïque : Tu habites à Thionville. Crains-tu les retrouvailles avec tes anciens camarades de NPA, et as-tu peur de représailles physiques ?
Fabien Engelmann : Non, je suis serein. Nous sommes encore dans le pays de Voltaire et la liberté d’expression est toujours d’actualité. Jusqu’à présent, j’ai certes reçu quelques menaces et insultes, mais il s’agissait de quelques individus particulièrement sectaires et englués dans la pensée unique.
Riposte Laïque : Comment as-tu vécu les Assises de Charenton, le 18 décembre ?
Fabien Engelmann : Comme une formidable journée fraternelle et républicaine. J’ai vraiment senti, lors de cette journée, le cœur du peuple de France, un peuple qui souffre d’être abandonné, sali et méprisé par ses élites. Je tiens à garantir que ce colloque n’était, en aucun cas, un rassemblement de gens d’extrême droite. S’y mélangeaient des gens de tous horizons, gauche, droite, apolitiques, syndicalistes, féministes, nationalistes et un certain nombre de musulmans laïques qui se sont dits inquiets des abandons de la République dans le domaine de la laïcité. D’ailleurs pour moi, le Front National n’est pas un parti d’extrême droite : c’est un parti populaire et national.
Riposte Laïque : Te considères-tu toujours de gauche, après un tel engagement ?
Fabien Engelmann : Que veut dire être de gauche aujourd’hui, puisque que la gauche pratique quasiment la même politique que la droite ? Je me considère donc comme un citoyen républicain et laïque, au service du peuple et des Français. Voyez autour de vous le nombre de gens de gauche, comme de droite, qui déclarent ouvertement vouloir voter pour Marine le Pen. Il n’y a plus de tabou; le FN est désormais un parti politique qui fait partie du paysage, au même titre que les autres. Mon parcours peut vous paraître étonnant, mais en réalité il ne fait qu’illustrer un mouvement majeur de tectonique des plaques politiques, qui me dépasse largement.
Propos recueillis par Pierre Cassen