Florian Philippot pense-t-il vraiment que le FN va se renforcer en s’épurant ?

A l’époque du stalinisme triomphant, et des grandes purges, Staline disait que “le parti se renforce en s’épurant”. Il est vrai qu’à l’époque, les purges, en URSS, cela signifiait ces sordides procès de Moscou, et la mort pour les principaux leaders de la Révolution d’octobre. Ceux-ci, brisés, s’accusaient des pires crimes contre l’URSS, et l’Humanité, mais aussi la Ligue des Droits de l’Homme, relayaient sans vergogne ces ignominies. Et quand ils ne voulaient pas prêter allégence à Staline, comme Léon Trotski, on les assassinait.

En France, on assista, dans la même ligne, à des procès similaires, sauf que les Marty, Tillon, Lecoeur et autres avaient la chance de vivre dans une démocratie bourgeoise, et que leurs anciens camarades ne soient pas au pouvoir.

Longtemps, le Parti communiste nous fit également le coup du centralisme démocratique pour justifier un alignement obligatoire de tous sur la ligne décidée par le secrétaire général, et imposée ensuite au Parti. On faisait croire aux militants que tout cela était démocratique, qu’ils avaient pu discuter librement dans les cellules, mais que le congrès avait décidé, à 100 % des mandataires désignés par la base, que c’était comme cela. La discipline du parti s’imposant à tous, les malheureux qui osaient s’interroger, de manière parfois contestatrice, sur, par exemple, le “bilan globalement positif” de Georges Marchais, étaient immédiatement accuser de déviance, parfois de complot trotskiste, et se mettaient, selon la formule célèbre, « eux-mêmes hors du parti ».

Pourquoi le long préambule ? Il m’arrive de m’interroger, quand je lis certaines réactions prêtées à Florian Philippot, et de me demander si ce dernier, qui, il y a deux ans, n’était même pas encarté au FN, ne serait pas nostalgique de ces grandes années, lui qui vient de chez Chevènement, qui n’a jamais brillé par une critique excessive du stalinisme, c’est le moins qu’on puisse dire.

Je ne connais pas Alain Friderich, qui fut suppléant de Florian Philippot à Forbach, lors des dernières élections législatives, qui vient de claquer la porte du FN, ne supportant pas les pratiques locales de son ancien titulaire. Mais je présume que c’est un militant de longue date, dont l’engagement politique a mis en danger son intégrité physique, sans doute ses proches, peut-être son avenir professionnel. Je l’imagine ayant passé des nuits à coller des affiches, passer des week-end à distribuer des tracts, ou à organiser des réunions. Bref, ce qu’est le militantisme, mais quand il a lieu au FN, avec la diabolisation qui était la sienne, cela avait forcément d’autres retombées. C’est pourquoi, je l’avoue, quand j’entends Philippot commenter ainsi son départ, je suis plus que mal à l’aise devant tant de froideur et d’absence de reconnaissance. « En le perdant hier, j’ai fait deux adhésions. Parce que ça débloque, ça fait sauter les verrous. C’est ça qui est intéressant », et il poursuit : « Tous ceux qui veulent pousser le parti vers je ne sais quel extrême, ils savent maintenant — le signal est très clair — qu’ils n’ont plus de place dans ce parti ». De manière ironique, un contributeur de Riposte Laïque se demandait quand donc il allait demander la tête de Jean-Marie Le Pen en personne !

http://ripostelaique.com/philippot-va-t-il-demander-a-marine-la-tete-de-lextremiste-jean-marie.html

Le problème est que cela ne parait s’arrêter au simple cas de l’ancien suppléant de celui qui s’est imposé comme le véritable conseiller politique de Marine Le Pen, et qui se prend de plus en plus pour le numéro 1 bis du FN.

Le Républicain Lorrain – qui bien sur fait des gorges chaudes de l’événement – nous dit qu’à présent, ce sont quatre autres personnes, et pas des moindres, qui, dans cette région, viennent de claquer la porte du FN. Cette fois, c’est une histoire confuse de remplacement de l’assistant du groupe FN à la Région qui met le feu aux poudres.

http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2013/03/06/le-front-national-sous-pression

Là où les choses s’enveniment, c’est quand, alors que tout indique que ce dossier est piloté de Paris directement par Philippot lui-même, ce dernier parait se défausser sur Thierry Gourlot, responsable du groupe FN à la région, ce que ce dernier, mis en cause, apprécie peu. « Il est temps que les chefs s’assument en chef, sinon ils ne sont pas dignes d’être chefs », grogne ce dernier, par ailleurs syndicaliste CFTC, qui manifestement n’a pas envie de porter le chapeau.

Manifestement, la greffe Philippot ne prend pas, dans cette région. Ce dernier est certes un brillant technocrate, un homme qui sait faire des fiches, et qui, sur un plateau de télévision, sait remarquablement défendre son parti, face à l’UMP ou au PS. Mais, au-delà de sa grave ignorance sur la réalité de l’islam – que dans un premier temps j’avais pris pour une subtilité tactique – il parait, selon de multiples témoignages, n’avoir aucun sens du contact, aucun amour des militants, voire un profond mépris pour les vieux grognards qui ont fabriqué ce parti dans lequel il milite confortablement aujourd’hui. Il n’a jamais tenu un seau de colle de sa vie, et ne connaît rien aux Français, comme tout énarque qui se respecte. Bref, il n’aime pas ses “mecs”, et ses “mecs” le ressentent. Cela ne peut donc pas marcher.

En propulsant aussi rapidement ce jeune homme aux plus hautes fonctions, Marine n’a-t-elle pas fait une grosse erreur de casting ? Les partis politiques fourmillent d’hommes de l’ombre qui, comme Philippot, savent faire des fiches, donner des conseils de communication, impulser des stratégies politiques.

Mais en général, ces derniers sont peu connus, ne cherchent pas la lumière, et surtout ne prétendent pas, au mépris des militants, renforcer le parti en l’épurant, surtout quand ils n’ont pas deux années d’ancienneté.

Bernard Bayle

image_pdfimage_print