Guerre d’Algérie : Macron joue les prolongations

À la veille de l’élection présidentielle de 2017, en déplacement à Alger, Emmanuel Macron déclarait à un journaliste algérien médusé : « La France a commis en Algérie des actes de barbarie, des crimes contre l’humanité. ». Crimes contre l’humanité ? N’est-ce pas ce qui a valu la pendaison aux nazis jugés à Nuremberg ?…

Un an plus tard, le 13 septembre 2018, escorté par Benjamin Stora, « historien » jadis engagé à l’OCI (organisation communiste internationale), le Président Macron se rend au domicile de la veuve de Maurice Audin, ce jeune communiste membre des réseaux de poseurs de bombes pendant la bataille d’Alger et porté disparu après avoir été arrêté par l’armée. Emmanuel Macron ne se contente pas de demander pardon pour la disparition du jeune chimiste communiste, il le fait également pour l’avocat FLN Ali Boumendjel, arrêté et défenestré le 23 mars 1957 sur ordre de Paul Aussaresses qui, général à la retraite, a relaté ces faits dans ses mémoires.

Tout ceci venant en écho de l’endoctrinement permanent des autorités algériennes qui cultivent la haine de notre nation en Algérie, comme en France auprès des jeunes binationaux franco-algériens.
Virtuose du « en même temps », Emmanuel Macron s’est exprimé le 20 septembre dernier, toujours escorté de Benjamin Stora, devant une assistance composée d’enfants de pieds-noirs et de harkis, mais également d’un correspondant du journal Le Monde qui a fait un récit de cette rencontre. Emmanuel Macron a qualifié le pouvoir algérien de “système politique fatigué… fragilisé par le Hirak”, ajoutant que “le système politico-militaire algérien s’est construit sur la rente mémorielle”.

Dix jours plus tard, le 2 octobre, le Président algérien s’est insurgé contre une “ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures”, a rappelé son ambassadeur à Paris “pour consultations” et interdit dès le 3 octobre le survol de son territoire aux avions militaires français de l’opération Barkhane.
Il est vrai que, depuis 60 ans, l’Algérie vit de trois rentes qu’elle doit à la France :
La rente pétrolière
La rente gazière
La rente mémorielle

Au sujet des questions mémorielles, Emmanuel Macron a mis en cause une “histoire officielle” selon lui “totalement réécrite qui ne s’appuie pas sur des vérités”, mais sur “un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France”.
Le Président français ne s’arrête pas là puisqu’il va jusqu’à poser la question de la nation algérienne au risque de s’attirer les foudres du pouvoir algérien. “La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question”.

La réponse est dans une déclaration de Ferhat Abbas, leader historique du FLN : « Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste, et je n’en rougirais pas comme d’un crime. Les hommes morts pour l’idéal patriotique sont journellement honorés et respectés. Ma vie ne vaut pas plus que la leur. Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne, parce que cette patrie n’existe pas. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les vivants et les morts, j’ai visité les cimetières, personne ne m’en a parlé… On ne bâtit pas sur du vent. Nous avons écarté, une fois pour toute, les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans ce pays. »

Nouveau revirement à l’occasion de la commémoration de la répression de la manifestation, organisée par le FLN et interdite, du 17 octobre 1961. Il faut se souvenir que le FLN était alors (et aujourd’hui encore sans aucun doute) l’ennemi acharné de la France et avait commis de nombreux attentats dans l’Hexagone. Les terroristes FLN ont ainsi assassiné 47 policiers et blessé 140 d’entre eux. À Paris, ce sont 23 policiers qui ont été victimes des tueurs du FLN. C’est donc une guerre police contre FLN qui s’est engagée à l’initiative de ce dernier.

Aussi, lorsque le FLN mobilise, la plupart du temps de force, des travailleurs algériens pour manifester à Paris, les policiers parisiens s’attendent à une nouvelle série d’attaques et sont particulièrement tendus, d’autant que le préfet Maurice Papon les aurait plus ou moins excités en leur assurant qu’ils seraient couverts en cas de bavures, selon l’historien Jean-Paul Brunet qui a publié plusieurs études sur cet évènement. Dans son ouvrage « Police contre FLN » (éditions Flammarion), Jean-Paul Brunet a l’honnêteté de contextualisé son étude et d’en livrer toutes ses nombreuses sources. Il y fait état de 10 000 arrestations et de 30 à 50 morts, loin des 300 morts revendiqués par le FLN et la gauche française.

Le journal Le Monde, dans ses éditions des 16 et 17 octobre dernier, n’hésite pas à parler de « massacre » et à rappeler la responsabilité de Maurice Papon dans la déportation de Juifs à Bordeaux, tandis que des Algériens se réunissent au grand Rex à paris et scandent « 17 octobre, crime d’État, on n’oublie pas ! ».
Ainsi, la boucle est bouclée. Les crimes de Vichy comparables à la guerre contre le FLN, cela aboutirait à cette équation : Papon-Pétain = Papon-de Gaulle, donc Pétain = de Gaulle. (Rappel : résoudre une équation consiste à déterminer les valeurs que peut prendre la variable pour rendre l’égalité vraie).

Quitte à s’excuser, demander pardon, se repentir, peut-on suggérer à Emmanuel Macron de demander pardon aux familles des victimes du guet-apens du 26 mars 1962 à Alger où l’armée française a tiré à l’arme automatique sur une foule pacifique de civils français, faisant 62 morts et 200 blessés (dont une vingtaine décéderont). À l’époque la gauche française ne parlait pas de « massacre », le journal du parti communiste si mal nommé avait même titré : « Répression de l’émeute fasciste ».

De même, Emmanuel Macron serait-il bien inspiré de demander pardon pour la non-assistance aux centaines de Français enlevés et assassinés par le FLN à Oran, le 5 juillet 1962, au vu et au su d’une armée française inerte à laquelle de Gaulle avait interdit d’intervenir. Ce jour-là, ce sont plus de 600 civils européens et une centaine de musulmans francophiles qui ont été abandonnés aux couteaux des égorgeurs.
Monsieur le Président, puisque vous semblez vouloir prolonger la guerre d’Algérie avec votre homologue algérien, pourquoi ne pas lui demander ce que le FLN a fait des 3 192 français qu’il a enlevés, réduits en esclavage et torturés ? Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) dispose d’une liste complète et précise de nos malheureux compatriotes.

Mais surtout, soyez sur vos gardes, Monsieur le Président. L’ambassadeur d’Algérie en France vient de lancer un appel aux Algériens installés sur notre sol à intervenir dans notre politique intérieure : « Il est inadmissible que l’Algérie, qui possède la plus grande communauté étrangère en France avec dix-huit consulats, ne puisse pas constituer un levier de commande pour intervenir non seulement dans la politique algérienne, mais (aussi) au niveau de la politique française. L’Algérie a besoin de tous ses enfants. ». Nul doute que cet appel sera entendu.

À trop vouloir jouer avec le feu… !

Jean-Yves Léandri