Halde-là ! 9. Comment faire justice soi-même ?

Vous avez sollicité un logement, un emploi, un bien et un service. Votre interlocuteur vous a répondu négativement ou ne vous a même pas répondu. Vous supputez que son refus ou son absence de réponse sont dus à une discrimination à cause de votre couleur de peau, votre hijjab ou votre patronyme. Mais hélas, vous n’en êtes pas sûr. Votre interlocuteur n’a pas craché le morceau, à l’instar de la mémé harcelée par la HALDE (1) et vous n’avez aucune preuve à produire devant un juge. Qu’à cela ne tienne, vous pouvez néanmoins obtenir de substantiels dommages et intérêts et même faire condamner la partie supposée adverse, et le tout sans faire appel à la justice, sans passer devant un juge, et en toute légalité. Il faut pour cela procéder en deux temps : 1. Provoquer le délit qui n’est pas encore constitué. 2. Demander à la HALDE de vous arranger le coup financièrement. Evidemment, il vaut mieux faire partie des gens biens vus par la HALDE pour mettre toutes les chances de votre côté. Si vous êtes étranger non européen et musulman, pas de problème ! Etre lesbienne ou si porter le foulard islamique constituent des atouts supplémentaires.

1. Provoquez la faute

Pour obtenir une preuve du délit, vous allez tout simplement inciter la partie adverse à le commettre, en organisant votre petit « testing » personnel. Evidemment, la jurisprudence française écarte généralement les preuves obtenues par un moyen frauduleux ou déloyal ou par une provocation à commettre le délit. Ces pratiques sont mêmes interdites à la police, aux douaniers ou aux magistrats. Cette notion assez floue de la « loyauté » de la preuve est largement débattue par les juristes (2), sans toutefois que sa nécessité soit formellement établie par le Code de Procédure Pénale, qui se borne à dire dans son article que « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction » (3). Et qui plus est, comme nous le verrons plus loin, vous n’aurez même pas besoin de juge pour juger votre adversaire, puisque vous n’aurez qu’à solliciter « l’intime conviction » de fonctionnaires de la HALDE. Les « testings » sont déloyaux en ce sens qu’ils se basent sur des identités totalement fictives sous lesquels le « testeur » se fera passer, et ils sont des provocations à la faute car le délit n’est constitué, faute d’aveux, que grâce à un testing et consécutivement à lui. Heureusement pour vous, les « testings » échappent désormais à tous ces débats juridiques, puisqu’ils sont légalisés par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 dite « pour l’égalité des chances » en créant l’article 225-3-1 du Code Pénal dans une tournure des plus euphémiques (4) : « Les délits prévus par la présente section sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie. » La loi ne prévoyant pas qui est autorisé ou non à procéder à des « testings », vous n’avez donc même pas besoin de faire appel au MRAP ou à SOS Racisme. Vous allez donc solliciter le même logement, emploi, bien ou service en changeant artificiellement votre patronyme, votre nationalité, etc., ou en enlevant votre hijjab. C’est un peu plus compliqué pour la couleur de peau, mais vous pouvez faire appel à des complices. Evidemment, vous aurez une forte probabilité de réussir votre « testing », puisque celui-ci est basé sur un principe simple : conserver toutes les variables (même CV, même revenu, etc.), sauf celle que vous voulez voir discriminer. La plupart des gens préférant contracter avec des personnes qui leur ressemblent, vous allez gagner à presque tous les coups !

2. Sollicitez une « transaction » auprès de la HALDE

Une fois cette « preuve » fabriquée, il suffit de dénoncer votre adversaire à la HALDE. Comme c’est un organisme moderne, vous pouvez même le faire par Internet (5). Cochez bien la case « Obtenir des dommages et intérêts », et demandez une « transaction » pour éviter la justice ordinaire française. Car la loi, aussi bizarre que cela paraisse, permet à la HALDE de marchander directement une amende et des dommages et intérêts, et le tout sans en référer à un quelconque magistrat du siège. On appelle cela une « transaction » (sic !), autorisée à la HALDE par la loi du 31 mars 2006 déjà cité, qui modifie la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 « portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » (6) en ajoutant les articles 11-1 et suivants : « Lorsqu’elle constate des faits constitutifs d’une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail, la haute autorité peut, si ces faits n’ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique, proposer à l’auteur des faits une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 s’il s’agit d’une personne physique et 15 000 s’il s’agit d’une personne morale et, s’il y a lieu, dans l’indemnisation de la victime. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. » Qui fixe les montants de l’amende et des dommages et intérêts (ici rebaptisés « indemnisation ») ? La HALDE bien sûr, puisque le même article dit : « La transaction proposée par la haute autorité et acceptée par l’auteur des faits ainsi que, s’il y a lieu, par la victime doit être homologuée par le procureur de la République. » Donc la HALDE « juge » sans aucune intervention d’un quelconque juge professionnel du siège. (Un procureur est partie dans un procès et non juge !) Elle décide toute seule s’il y a « discrimination » et, si oui, elle peut décider d’une « transaction », autrement dit elle peut dire à l’accusé : nous vous proposons de payer tant à l’Etat et tant à la victime, et vous évitez un procès normal et tout le tralala juridique, aléatoire et coûteux. Plus d’un quidam acceptera une telle proposition pour ne pas avoir d’embêtements supplémentaires, avec frais d’avocats, publicité, inscription au casier judiciaire, etc.

Exemple pratique

Tout cela paraît surréaliste dans un Etat de droit : on provoque un délit à coup de fausses identités, et on fait appel à une officine para-judiciaire pour réclamer des dommages et intérêts en dehors de toute procédure judiciaire normale. Et pourtant ça marche, comme le montre par exemple la délibération de la HALDE n° 2007-149 du 4 juin 2007 (7), dont le résumé dit : « Eu égard à la comparaison des curriculum vitae réels et fictifs, aux contradictions révélées lors des auditions et à l’absence de justification du recruteur, le Collège de la haute autorité donne mandat au Président pour engager une transaction en application de l’article D.1-1 du code de procédure pénale. » Hé oui, les CV peuvent être « fictifs » et fabriqués par la partie plaignante qui devient ipso facto enquêtrice avec des méthodes de provocation à la faute. Hé oui, on reproche au « recruteur » de ne pas fournir de « justification » de motifs de refus ou d’acceptation que le droit contractuel lui permet pourtant de ne pas donner. Mais tout cela ne gêne nullement la HALDE puisqu’elle agit à la fois comme juge et partie, et en fin de compte marchand de tapis en proposant sa « transaction » financière au supposé coupable. Quant à la notion de « contradictions révélées lors des auditions », je vous invite à lire le corps de la délibération pour voir comment la HALDE interprète très arbitrairement les arguments du recruteur, avec des expressions du genre « la sélection fondée sur la stabilité du candidat semble (
sic !) fluctuante » ou « la réticence manifeste du Cabinet Y à communiquer les pièces réclamées, et ce malgré des demandes réitérées, fait naître un doute (sic !) quant à sa bonne foi. » D’ailleurs peu importe l’habillage rhétorique de la décision de la HALDE, puisqu’elle n’a à rendre compte de ses pseudo-jugements et de ses pseudo-condamnations à personne, et qu’elle peut donc agir selon son bon vouloir idéologique.
Roger Heurtebise
– (1) http://www.ripostelaique.com/Halde-la-2-Apres-la-defense-des.html
– (2) http://www.courdecassation.fr/article6401.html
– (3) ttp://www.lexinter.net/PROCPEN/administration_de_la_preuve.htm
– (4) http://www.legifrance.gouv.fr/html/actualite/actualite_legislative/decrets_application/2006-396.htm
– (5) http://www.halde.fr/saisir-16/comment-saisir-30/comment-saisir-33.html
– (6) http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005992820&dateTexte=20080124
– (7) http://www.halde.fr/IMG/alexandrie/2917.PDF

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