Hommage aux héros d’Haubourdin

 

« Les 28, 29, 30 et 31 mai 1940, par le sacrifice de ses derniers éléments, il arrêtait, par des combats de rues, à Loos-sous-Lille, la progression allemande jusqu’à ce qu’il fut réduit à quelques officiers et une poignée de tirailleurs privés de munitions. »

(Citation à l’ordre de l’Armée du 2e régiment de tirailleurs marocains)

 

2021 n’étant plus « l’année de Gaulle », nous avons échappé aux propos dithyrambiques  autour de la fameuse bataille de Montcornet. Tant mieux car ceux de l’an dernier étaient indécents !

Certains auteurs parlent même de la « victoire de Montcornet » car on s’ingénie à nous faire croire que le « premier résistant de France » s’était battu héroïquement avant d’aller continuer le combat… derrière les micros de la BBC. Or Montcornet est indéniablement une victoire, mais une victoire… allemande (comme le dit Gudérian dans ses mémoires). Ce fait est attesté par TOUS les historiens, y compris les gaullistes, de gauche comme Jean Lacouture (1) ou de droite comme Henri Amouroux (2). Essayons donc de résumer – honnêtement –  le combat de Montcornet.

Lorsque la guerre éclate, Charles de Gaulle, le protégé de Paul Raynaud (après avoir été celui du maréchal Pétain), est toujours colonel et ambitionne un grand destin, politique ou militaire.

Le 26 janvier 1940, il envoie à 80 personnalités (dont Léon Blum, Paul Reynaud, les généraux Gamelin et Weygand), un mémorandum intitulé « L’avènement de la force mécanique ».

Ce texte, contraire au devoir de réserve d’un officier supérieur, insiste sur la nécessité de constituer de grandes unités blindées plutôt que de disperser les chars au sein d’unités tactiques.

Il ne fait que reprendre à son compte les théories du général Estienne (et du colonel Mayer).

Rappelons que le général Estienne, encouragé par le maréchal Pétain, proposait la création d’un corps motorisé dès… 1920.

Trois jours avant l’offensive allemande du 10 mai 1940, le colonel de Gaulle, qui fait des pieds et des mains pour obtenir un commandement, se voit confier la 4e Division cuirassée.

Dans mon livre « Mythes et Légendes du Maquis » (3), j’écris ceci :

« Le 10 mai 1940, le 3e Reich lance une grande offensive sur les Pays-Bas, la Belgique et la France dans ce qui sera appelée « la bataille de France ». Après la percée de Sedan le 13 mai, les troupes françaises sont en pleine débâcle… Le colonel de Gaulle, désigné, le 26 avril, pour commander, par intérim, la 4e   division cuirassée, prend son commandement le 11 mai. Cette unité est en cours de formation (environ 5 000 hommes, 85 chars), elle manque d’appuis aériens, de batteries antichars et antiaériennes, et son armement est incomplet…

Avec sa division, de Gaulle tente d’exécuter une contre-attaque vers Montcornet, dans l’Aisne, le 17 mai. La mission confiée à de Gaulle, le 15 mai, par le général Doumenc, est de « barrer la route de Paris en établissant un front défensif sur l’Aisne et l’Ailette », afin de permettre à la 6e armée du général Touchon de s’y déployer… Le 17 mai, entre 4 et 5 h du matin, les éléments de la 4e division cuirassée se lancent sur Montcornet. Après avoir investi le village, vers midi, les chars français sont pris à partie par des canons antichars et des panzers allemands.

Par manque d’essence (?), de nombreux chars français doivent être abandonnés ou battre en retraite ; d’autres s’embourbent dans les marécages (4)… Vers 16 h, de Gaulle ordonne une nouvelle offensive contre Montcornet mais sans succès : les équipages de chars, sans aucune carte détaillée du secteur, sont attaqués par les canons ennemis. Le commandant Bescond, qui a dirigé l’assaut est tué.

L’intervention de la Luftwaffe, vers 18 h 30, sonne le glas de l’offensive et force la 4e division cuirassée à se replier. Les pertes du côté français sont de 14 tués, 9 disparus et 6 blessés ; 23 chars français (sur les 85 engagés) sont mis hors de combat lors de la bataille… »

Commentant le comportement de Charles de Gaulle au feu, l’historien Henri de Wailly (5) juge que, « loin d’avoir été particulièrement brillant, il a montré dans la bataille  les mêmes faiblesses et les mêmes incompétences  que les autres dirigeants militaires. »

À la suite de Montcornet, de Gaulle écrit une longue lettre à Paul Reynaud, président du Conseil (6), dans laquelle il sollicite soit le ministère de la Guerre, soit le commandement en chef de toute la force blindée française. Rappelons que de Gaulle, simple colonel, a été nommé « général de brigade à titre temporaire ». Le 6 juin, il est convoqué par Paul Reynaud  qui lui octroie un hochet : le poste de sous-secrétaire d’État à la Guerre. Il est chargé de coordonner l’action avec le Royaume-Uni pour la poursuite du combat, ce qui explique sa présence à Londres un peu plus tard.

Si le Président  Macron tenait à honorer une victoire française durant cette époque tragique, il pouvait le faire avec la bataille de Narvik, en Norvège, du 9 mai au 8 juin 1940, puisqu’il s’agit de la seule victoire militaire des forces alliées durant l’offensive  de mai-juin 1940.

Le corps expéditionnaire franco-polonais, créé le 15 avril 1940, et commandé par le général Béthouart  comprenait  la 27e  demi-brigade de chasseurs alpins ; la 13e  demi-brigade de Légion étrangère sous les ordres du lieutenant-colonel Magrin-Vernerey (le futur général Monclar) ; et la brigade autonome de chasseurs de Podhale, formée le 9 février 1940 à Coëtquidan : une unité de l’armée polonaise de l’Ouest.  Cette victoire fut de courte durée car les Alliés durent rapidement se retirer. 250 soldats français ont été tués à Narvik.

Mais si le Président tenait absolument à célébrer une défaite plus qu’honorable, sur le sol national, pendant la « bataille de France », que n’est-il allé à Haubourdin, dans la banlieue de Lille.

L’histoire officielle ne parle jamais les soldats  d’Haubourdin, sacrifiés pour permettre le rembarquement anglais  à Dunkerque : il s’agissait de « poches de résistance » qui regroupaient 40 000 soldats (30 bataillons, 12 groupes d’artillerie, et 5 groupes de reconnaissance).

Cette histoire, je l’ai découverte presque par hasard, grâce à deux amis intimes, décédés l’un et l’autre il y a 30 ans, et qui étaient  anciens combattants d’Haubourdin. Le colonel Paul Nageotte, le patron de mon père au 35e RALP (7), était capitaine-artilleur à l’époque. Mon ami Jean Briard avait été incorporé comme simple canonnier de 2e classe. Il est parti faire la guerre avec un étui-jambon de révolver… vide, et sans brodequins car l’intendance n’en avait pas à sa taille. Au début de la bataille, on l’a doté d’un mousqueton et de… 5 cartouches, ça laisse pantois !

Mes deux amis ne se connaissaient pas.  J’ai organisé une rencontre autour d’un déjeuner chez moi en 1985, et je les ai écoutés égrener leurs souvenirs, modestement, sans gloriole et sans forfanterie, parfois même en riant comme des bossus. Ils avaient pourtant vécu l’enfer !

Le 28 mai 1940, après la capture du général allemand  Kühne, porteur des plans d’attaque, (qui prévoyaient que trois « Panzer Divisionnen » attaqueraient de front français), le général Molinié, qui commandait nos troupes, et ses officiers, organisèrent une tentative de sortie.

Elle se solda par un carnage ! Le capitaine Philippe de Hauteclocque – le futur général Leclerc – réussira à traverser les lignes allemandes à cheval et à rejoindre, le 4 juin, les positions françaises sur le canal Crozat.  Avec des centaines de morts et de blessés (civils et militaires), et leurs munitions épuisées, les « poches de résistance » françaises  cessèrent le combat, les unes après les autres, dans la journée du 31 mai. Le général Molinié et son adjoint, le colonel Aizier, négociaient alors, jusqu’à minuit, une reddition « dans l’honneur » pour les défenseurs de Lille et de ses faubourgs.

Le 31 mai au soir, le lieutenant-colonel Dutrey, commandant le 40e RANA (8) disait au général Dame, qui commandait sa division «  Je ne rendrai pas moi-même mes canons intacts à l’ennemi ». Le 1er juin, à 6 h 30, il se tirait une balle dans la tête. Il sera le dernier mort de la bataille.

Le samedi 1er juin, sur la Grand-Place de Lille, les troupes françaises défilaient en armes devant les Allemands. Sur les six divisions encerclées à Lille, trois étaient des unités nord-africaines.

Les Allemands leur accordèrent les honneurs de la guerre (il faut remonter à la reddition du fort de Vaux en 1916 pour trouver un précédent). Le 2 juin, Adolf Hitler, furieux, reprocha au général Waeger d’avoir marqué une pause dans sa progression vers Dunkerque et d’avoir rendu les honneurs militaires aux Français. Il fut limogé sur le champ !

Churchill, dans ses mémoires, estime que les défenseurs de Lille ont donné cinq jours de répit à « l’opération Dynamo » et ont permis, ainsi, de sauver des milliers de soldats britanniques.

Au prix de… 1800 morts  qui sont, comme tant d’autres, des oubliés de l’histoire.

Il me semble que les 1800 morts d’Haubourdin sont sans commune mesure avec les… 14 tués de Montcornet. Mais, après tout, ceci n’engage que moi !

Dans notre pays entré en repentance et qui a honte de son histoire (que d’aucuns voudraient déconstruire) – histoire qu’il connaît si mal ! – j’invite ceux qui veulent rendre hommage aux Français tombés durant l’offensive de juin 1940 (85 310 morts en six semaines) à lire l’œuvre monumentale – 5 tomes de 500 pages chacun – de l’historien Roger Bruge, publiée sous le titre : « Les combattants du 18 juin ». Ils y découvriront des combats terriblement meurtriers et souvent héroïques (9). Roger Bruge, avec lequel j’ai collaboré jadis, lorsqu’il écrivait « les hommes de Diên-Biên-Phu », a consacré 23 ans de sa vie à raconter la « campagne de France ».  En préambule de son récit, il écrit ceci :

« De l’offensive lancée le 9 juin… à la bataille de Toul le 20 juin, nous allons suivre la percée de Guderian en Champagne, les combats livrés pour lui barrer la route, puis, le front étant crevé, la retraite, la terrible retraite, pendant laquelle le soldat français, souffrant de la faim, se bat le jour et marche la nuit, ployant de plus en plus sous le poids de la fatigue et du manque de sommeil… Le lundi 17 juin, les forces blindées de Guderian atteignent la frontière suisse, enfermant du même coup la moitié de l’armée française. C’est sans doute le plus grand encerclement réalisé pendant la 2e  Guerre mondiale, les « poches » de l’armée rouge, en 1941, ne dépassant pas 400 000 hommes à Briansk…230 000 à Stalingrad… ».

C’est dans l’un des tomes de Roger Bruge que j’ai découvert, tout à fait par hasard, l’histoire d’un jeune sous-lieutenant du 20e RANA qui, le 20 juin, a évité de justesse l’encerclement. Avec les restes de sa division, il s’est réfugié sur la colline de Sion-Vaudémont, « La colline inspirée » de Maurice Barrès. La colline est encerclée par les Allemands et le 22, il est capturé avec ses hommes.

Il a eu le temps de saboter ses canons et de faire détruire les armes individuelles. À court de munitions, les troupes cantonnées sur la colline déposent les armes sans drapeau blanc.

Une estafette allemande est venue leur dire que l’armistice est signé et que la guerre est finie. Le jeune sous-lieutenant s’indigne auprès des Allemands qu’on sépare les cadres européens de leurs soldats nord-africains.  Il s’est battu avec eux, quasiment sans discontinuer, du 10 mai au 22 juin 1940. Il a gagné sa première citation comportant l’attribution de la Croix de Guerre, sa première médaille !  Diên-Biên-Phu et l’Algérie vont se charger de lui en faire glaner d’autres…

Ce sous-lieutenant s’appelait Joseph de Verdelhan ; c’était mon père.

Eric de Verdelhan

1)- « De Gaulle », de Jean Lacouture ; Le Seuil ; 1965 ; nouvelle édition en 1971.

2)- « Le 18 juin 1940 », d’Henri Amouroux ; Fayard ; 1964.

3)- « Mythes et Légendes du Maquis » Editions Muller ; 2019.

4)- Le responsable de cette offensive avait oublié l’approvisionnement en essence des chars et la topographie marécageuse du terrain.

5)- « De Gaulle sous le casque (Abbeville 1940) » d’Henri de Wailly ; Edition Perrin ; 1990.

6)- Max Gallo a décrit un De Gaulle ne reculant devant aucune flagornerie pour arriver à ses fins. Il a écrit des lettres sirupeuses à Pétain. Et, de 1936 à 1940, il écrira plus de 60 lettres  à Paul Reynaud  à qui il propose ses services. Il y manie la flatterie avec un certain talent.

7)- 35° Régiment d’Artillerie Légère Parachutiste, en garnison à Tarbes, où mon père a servi comme capitaine puis commandant. Le régiment s’appelle aujourd’hui 35° RAP.

8)- 40° Régiment d’Artillerie Nord-Africaine.

9)- « Les Combattants du 18 juin » de Roger Bruge. Tome 1 « Le Sang versé » ; Fayard ; 1982. Tome 2 « Les derniers feux » ; Fayard ; 1985. Tome 3  « L’armée broyée » ; Fayard ; 1987. Tome 4 « Le cessez-le-feu » ; Fayard ; 1988. Tome 5 « La fin des généraux » ; Fayard ; 1989.

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8 Commentaires

  1. C’est pas des stèles musulmanes à droite sur la photo illustrant l’article ???

  2. N’oublions pas non plus la bataille de Stonne, 15 kilomètres environ au sud de Sedan, où la 3ème division cuirassée et la 3 ème division d’infanterie motorisée tinrent tête et malmenèrent, du 14 mai au 24 ou 25 mai 1940, avec l’aide très efficace de l’artillerie, aux 1ère, 2 ème et 10 ème divisions de panzers ( 900 blindés environ ) puis ensuite à des divisions d’infanterie et au régiment d’élite Grossdeutschland. Ce dernier, régiment d’élite baptisé par Hitler lui-même, subit tellement de pertes qu’il demanda à être relevé un temps.

    Lire à ce sujet l’excellent livre de Jean Paul AUTANT ” La bataille de Stonne, un choc frontal”.

  3. LA DECLARATION DE GUERRE de la France à l’Allemagne en 1939 .. On ne veut surtout pas parler de cette Affaire !!! Pourtant tout s’explique à partir de cette affaire . La Défaite et le reste : les 50 ou 60 millions d’Aryens Européens morts pour que l’Europe soit la poubelle du monde actuel .. C’est le Grand Tabou de l’histoire de France usurpée par les thèses tribales , cosmopolites et anti-francaises de BHL et du PS et UMPS imposées aux enfants de France …. ON ne veut surtout pas laisser dire que le Defaite ce n’était ni Pétain ni sa politique de Sauvetage mais que les responsables sont les Reynaud , les Mandel , les Blum et toute la racaille dreyfusarde qui poussait à la guerre contre Hitler …ON A RUINE L’EUROPE pour que les marquis juifs et les Hordes arabes se vautrent

  4. Je recommande la lecture d’un livre très éclairant et complètement tombé dans l’oubli :
    “Fantassins sur l’Aisne” de Lucien Carron.

  5. mon papa, artilleur avec un canon tiré par des chevaux a du se rendre près de limoges, après avoir mangé des champignons des bois par manque de rations
    quand ils ont du rendre leurs armes, l’officier allemand a félicité le soldat qui avait saboté son fusil pour ne pas le rendre à l’ennemi ; sourire narquois des gars de la section, son fusil lui avait été fourni tel quel !
    vive l’armée!

  6. Merci à eux ainsi qu’a tous ceux de 1940
    Il est important que l’on se souvienne
    Merci pour votre travail et les mises au point
    Yves

    • “Merci à eux ainsi qu’a tous ceux de 1940” sans qui nous ne serions pas dans la situation actuelle….

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