Enfin, des hommes se sont levés ! Enfin, de courageux libres-penseurs, farouches défenseurs de la laïcité, ont décidé de combattre l’infâme ! Depuis maintenant plusieurs décennies, une religion prosélyte, conquérante, dictatoriale tente par tous les moyens de mettre à bas notre précieux pacte républicain en imposant partout et à tout propos ses symboles, ses marqueurs propres, ses signes de reconnaissance dans un espace public qui aurait dû rester, pourtant, le lieu par excellence d’un vivre ensemble apaisé, rayonnant de tranquille harmonie…
Partout, dans des mairies et des conseils généraux, sur des marchés et sur des places prolifèrent crèches, sapins, guirlandes, étoiles et tant d’autres signes qui renvoient le badaud laïque, le flâneur athée, le rêveur agnostique à l’omniprésence de cette religion qui bafoue les lois de notre République !
Faut-il évoquer ici, au risque d’être traîné devant des tribunaux qui n’ont plus rien à envier à l’ancienne Inquisition, les clochers qui se multiplient jusque dans les villages les plus reculés, les croix qui s’affichent sans vergogne aux portes d’églises pléthoriques, les carillons qui retentissent à toute heure traumatisant ainsi les populations laborieuses venues suer sang et eau dans nos sillons abandonnés pour reconstruire notre pays ?
Faut-il rappeler la funeste alliance du sabre et du goupillon conjuguant leurs efforts pour persécuter d’innocentes citoyennes modestement voilées venues goûter à Wissous Plage aux joies paisibles du sable et du roupillon ?
De plus en plus, ce christianisme ravageur, dominateur, dévoyé (mais avais-je vraiment besoin de le nommer ?) et sa branche la plus extrémiste, le catholicisme, envahissent nos banlieues et les quartiers les plus défavorisés de nos villes. Il ne se passe plus de semaine sans que l’on voie déferler dans ces rues, d’ordinaire si tranquilles, des hordes de cléricaux fanatisés, revêtus de soutanes noires, brandissant des crucifix et vociférant sans fin d’agressifs Notre Père, parfois même, hélas, en latin !… Ils sont souvent suivis d’enfants de Marie, chantant cantiques à pleins poumons et précédés d’enfants de chœur agitant, menaçants, leur liturgique sébile sous le nez d’infortunés passants sommés d’acquitter sur le champ dîme et capitation.
Il nous faut rendre hommage aux habitants de ces quartiers, tolérants jusqu’au sublime, qui sont les principales victimes de ces provocations répétées et qui ont toujours su faire preuve, en ces tragiques circonstances, d’une admirable retenue. Ces hommes et ces femmes venus de l’autre côté de la Méditerranée, souvent au péril de leur vie, ayant quitté à regret des terres où régnaient harmonie et douceur de vivre, sont donc les spectateurs sidérés de ces manifestations obscurantistes qu’ils croyaient depuis longtemps révolues. C’est bien mal récompenser le désintéressement, l’abnégation, le sacerdoce même de cette jeunesse vigoureuse et bariolée venue spontanément repeupler notre pays rendu exsangue par des siècles de consanguinité monochrome. Notre démographie renaissante doit tout, nous le savons bien, à la semence vivace de ces hommes et aux ventres féconds de leurs femmes, à ces infatigables laboureurs et à leurs insatiables labourées. Ces dernières, épuisées par leurs innombrables grossesses au service de la France, n’ont souvent même plus le temps (ou la force) d’entretenir leur chevelure comme elles le voudraient et se trouvent réduites à en cacher le piteux état d’abandon sous un humble foulard… Quel contraste avec ces oisives autochtones qui paradent en cheveux sur des podiums de fausse gloire pour de stériles et dérisoires concours de beauté !
Mais combien de temps nos si précieux hôtes, exemplaires d’indulgence et de bienveillance, combien de temps encore pourront-ils supporter ces incessantes atteintes à une laïcité qui leur est si chère, eux qui viennent par millions nous apporter leur gracieux concours sans même que nous ayons eu besoin de le leur demander, nous épargnant ainsi, par délicatesse, une bien humiliante requête ? Et que ferions-nous demain si ce fleuve de sang neuf, lassé d’irriguer une terre ingrate, venait à se tarir ?…
Heureusement, quelques souchiens – et les plus courageux d’entre eux – s’emploient aujourd’hui à sauver l’honneur de notre pays en traquant, partout où ils se trouvent, ces scandaleux manquements des calotins à notre loi commune. Ils sont secondés dans cette tâche ingrate par une poignée de valeureuses amazones qui prennent tous les risques pour combattre l’hydre catholiciste et ce, en dépit de l’extrême dénuement dans lequel elles se trouvent. Ainsi les pauvrettes ne peuvent-elles pas, faute de moyens financiers, s’offrir une tenue vestimentaire complète pour affronter les rigueurs de l’hiver et doivent-elles choisir entre vêtir le haut et couvrir le bas de leur anatomie, culotte ou soutien-gorge, jupe ou corsage, fesses virginales ou poitrine juvénile : cruel dilemme pour une jeune fille… Malgré cela, elles n’hésitent pas à mettre à mal leur pudeur naturelle en allant défier, jusque dans leurs enceintes fortifiées, des moines lubriques à l’œil concupiscent, au risque de subir de la part d’iceux d’odieux attouchements dans la pénombre complice de ces lieux de débauche : quel admirable oubli de soi, quel incomparable sacrifice, quel exemple pour nous tous !
Aujourd’hui, grâce aux efforts inlassables de ces nouveaux chevaliers à la triste figure et de leurs dulcinées, certains dignitaires de la secte christiano-catholique reviennent à la raison et entrent dans la voie salutaire de la repentance. Leur actuel chef de file, François Le Pape (parfois nommé Le Pape François), le plus ancien dans le grade le plus élevé, tente courageusement de donner l’exemple. Dès son entrée en fonction, il se refusa ainsi à porter son numéro d’ordre (François 1er) selon le funeste usage de ses prédécesseurs afin de marquer clairement qu’il n’entendait, lui, ni faire souche ni initier une dynastie. Plus récemment, de passage à Strasbourg pour une allocution devant le parlement européen, il se garda sagement de toute visite à la cathédrale locale qui constitue, aujourd’hui encore, un insupportable défi à la France de la diversité. Bien entendu, des jusqu’au-boutistes intégristes s’en émurent vivement, répétant à l’envi, dans une rare violence verbale, que l’argentin ne faisait pas le bonheur !
Le discours prononcé devant le brillant aréopage post-national, digne de la plus pointue des Miss France ou de la philosophe Mitterrande Pingeot, lui valut aussitôt le titre de Souverain Poncif : oui à la paix et non à la guerre (groß Malheur !), oui à l’accueil de l’Autre et non au cimetière marin (tant pis pour Brassens et Valéry), honte aux européens nantis et égoïstes et vive les réfugiés démunis venus d’Afrique ou d’ailleurs… Pas un mot, fort heureusement, de Dieu ou de sa famille proche ! Louable effort, donc, du prince-monseigneur qui se recueillit longuement, quelques jours plus tard, dans une mosquée ottomane en hommage à une vraie religion, cette fois, de paix, d’amour et de tolérance qui sut toujours respecter scrupuleusement laïcité, démocratie et droits humains…
Il reste encore, pour le juge-pénitent François, une longue route à parcourir sur ce nouveau chemin de Damas (ou de Canossa) mais ces premiers pas sont de bon augure pour un retour prochain à une vraie laïcité. Et foin des irréductibles ensoutanés qui continueront, jusqu’à l’extinction (de voix) finale, de tonitruer avec Georges Brassens en égrenant leur chapelet de nostalgies :
Tempête dans un bénitier
Le souverain pontife avecque
Les évêques, les archevêques
Nous font un satané chantier…
Vive la laïque (même voilée) ! A bas la calotte (même en civil) ! Vive la laïcité (à géométrie variable) !
Raphaël Delahaut