Ils osent faire passer Soleimani pour un martyr, et Trump pour un assassin !


Lorsque le 4 Juin 1942 un commando de résistants tchécoslovaques tua le général SS Reinhard Heydrich, criminel de guerre, chef de la Sécurité du Reich et « Protecteur » de Bohême-Moravie, on ne le pleura pas dans l’Europe occupée. Bref rappel : les SS constituaient une véritable armée privée du régime nazi en dehors de l’armée régulière. Sélectionnés selon des critères physiques et idéologiques, dotés des meilleurs armements, ils étaient organisés en différents services :  omniprésence active (SS générale) combat (Waffen-SS) sécurité (SD) assassinat de civils (Einsatzcommandos). Chargés d’appliquer la politique nazie et de surveiller tout le monde, leur brève existence de vingt ans (1925-1945) a laissé une empreinte durable dans l’Histoire, le vocabulaire, les sites historiques, particulièrement douloureuse dans la mémoire collective.
Les résistants qui l’ont éliminé n’ont pas survécu à l’opération, chacun ayant gardé pour lui sa dernière munition, et les nazis se vengèrent en faisant disparaître le village tchécoslovaque de Lidice avec la majorité de son innocente population, comme ils le firent plus tard à Oradour.
Le corps des Gardiens de la révolution iraniens, les Pasdarans, fondé en 1979, fonctionne selon les mêmes critères : il est une armée privée du régime politique en dehors de l’armée régulière, il surveille tous les Iraniens et protège le système de la République islamique. Ses membres sont recrutés selon des critères politico-religieux. Leur organisation va encore plus loin que celle des SS car elle dispose de toutes les sortes d’unités composant une armée classique : renseignement, forces spéciales, combattants des trois armes, et contrôle aussi les missiles et de nombreuses infrastructures normalement civiles telles que des ports, aéroports, etc. Dans un avion de combat à un équipage de deux membres, le pilote peut être un militaire ordinaire, mais l’opérateur d’armement (placé derrière et au-dessus du pilote) est un Pasdaran ; le pilote ne peut donc qu’exécuter les ordres de celui-ci.
L’évolution des technologie a permis de ne pas risquer la vie de commandos en utilisant un drone pour éliminer le général Soleimani. Qui était-il ?  Combattant lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988) il intègre les Pasdarans et y monte rapidement en grade. Il combat les indépendantistes kurdes à la même période. Il dirige les forces spéciales (1997) et intervient dans l’organisation de la milice du Hezbollah qui déstabilise l’État libanais et entretient la guerre avec Israël.(1998). Il menace d’un coup d’État le Président iranien qui hésite à réprimer des manifestations étudiantes (1999). Il revient au Liban pendant le conflit avec Israël (2006) et intervient aussi dans la guerre civile syrienne en y créant des milices islamiques chiites avec des volontaires venus de plusieurs pays (2012). Il revient encore en Irak pour y réprimer des manifestations où il y a des centaines de morts (2019). Pas vraiment un enfant de chœur ce Soleimani, on ne doit guère le pleurer en Irak, au Liban, en Syrie et chez les Kurdes. Ajoutons que les Pasdarans sont déclarés organisation terroriste par plusieurs pays musulmans, dont l’Arabie saoudite, des connaisseurs sans doute…
La télévision nous a montré sa fille demandant au chef d’État iranien de venger son père. On ne parle pas là de combattre mais de venger. On imagine facilement que cette vengeance sera de la même sorte que celle ayant suivi la mort de Heydrich, avec le même aveuglement, la même rage, la même absurdité, le même ciblage facile de victimes innocentes. Rappelons aussi qu’à chaque fois qu’elle évoque l’affaire, la télévision nous parle d’assassinat de Soleimani. L’aurait-on dit de Heydrich ? Et toutes les victimes de Soleimani, on ne qualifie pas leur mort et on ne parle pas de les venger ? Nous sommes invités à partager la peine de la fille de Soleimani. Nous sommes incités à désapprouver Trump, prétendument auteur d’un assassinat. Nous ne sommes pas conduits à nous intéresser au sort tragique de toutes les victimes de ce général sans scrupules dont les actions n’étaient motivées que par un fanatisme similaire à celui de l’Ordre Noir de Heydrich.


Voilà la qualité de l’information télévisée actuelle en France. Pour ma part, je ne vais pas pleurer la mort d’un assassin professionnel dont les exactions ont largement dépassé les frontières de son pays.
Daniel Pollett