J'ai une pensée pour toutes les femmes du monde qui demandent à la France de tenir bon

Séance du mercredi 7 juillet 2010
Interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public
Discussion générale : intervention de Françoise Hostalier

Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues,
J’ai l’impression de revivre le débat qui s’est tenu ici même, il y a quelques décennies, au sujet de l’excision. Alors que nous nous battions contre cette pratique barbare, inacceptable, condamnable, d’autres, et pas des moindres, mettaient en avant le sacro-saint droit de vivre dans sa culture pour interdire de l’interdire.
Ainsi, il aurait fallu accepter que des femmes soient martyrisées et mutilées, uniquement parce que cela semblait correspondre à des coutumes culturelles.

Aujourd’hui, qui oserait encore défendre l’excision ? Qui ne reconnaîtrait pas que c’est une pratique barbare inventée par des hommes pour s’assurer la soumission des femmes à travers leurs souffrances ?
Dans un autre registre, il en va de même du voile intégral. Je suis très étonnée que d’éminentes personnalités, que des ONG pourtant en pointe dans les combats pour les droits de l’homme se mettent aujourd’hui, comme d’autres hier, du côté des bourreaux, sous prétexte de laisser la liberté aux victimes de choisir leur sort.
L’autre argument, plus subtil, serait d’arguer du fait religieux : « Ces femmes se couvrent comme le faisait la femme du Prophète ; c’est un acte de foi absolu ; nous n’avons pas à nous mêler de religion, c’est du domaine de la sphère privée. »
Je réponds : non ! Tout d’abord, ce voile intégral n’est absolument pas une prescription religieuse, comme cela a été dit à maintes reprises. Mais de toute façon, aucun espace, même privé, même religieux, ne saurait être une zone de non-droit. Les droits de l’homme, le respect de la dignité et de l’intégrité physique et mentale des personnes doivent être garantis par la loi à chaque fois qu’ils sont menacés, et ils ne se « saucissonnent » pas en lieux plus ou moins publics.
Partout en France, cette exigence est portée par notre Constitution. Et j’espère que nous voterons ce texte, qui permettra de clarifier cette question vis-à-vis de nos principes et de nos valeurs fondamentales.
Je voudrais, en cet instant, avoir une pensée pour toutes ces femmes qui attendent de nous de ne pas céder à l’obscurantisme et à la barbarie, comme l’a si bien rappelé, hier, notre collègue Nicole Ameline.
Je pense à toutes celles qui sont mortes en martyres parce qu’elles refusaient de se plier à ces rites d’un autre âge. Je pense à Neyma et à Jasmina, assassinées en Algérie par le GIA. Je pense à Shuraya et à Djimma, qui se sont immolées par le feu à Herat, en Afghanistan. Je pense à toutes les femmes qui se sont révoltées au péril de leur vie pour ne plus subir ces humiliations et ces persécutions.
Je pense à toi, Leïla, qui m’as dit à Alger, le lendemain du massacre de Bentalha, le 22 septembre 1997 : « Vous les Françaises, ne cédez pas, ne cédez jamais, car vous êtes notre digue contre l’intégrisme. Si vous cédez, nous serons noyées dans l’obscurantisme et la barbarie. » Leïla, c’est à toi que je dédie aujourd’hui mon engagement.
Comment pourrions-nous tolérer que s’affiche, dans les rues de nos villes, le symbole de la négation de toutes les valeurs que nous incarnons aux yeux de celles et ceux qui se battent, au risque de leur vie, pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme ? Notre devoir est d’être intransigeants avec cette pratique nouvelle et abusivement religieuse sur notre sol. Cette pratique est un abus de pouvoir de quelques intégristes sectaires, c’est une insulte à tous les musulmans qui ne demandent qu’à vivre en paix dans notre pays et à vivre en harmonie avec le monde d’aujourd’hui.
De plus, comme l’a rappelé hier notre rapporteur, l’une des raisons de notre présence militaire en Afghanistan est de libérer le peuple afghan du terrible régime des talibans. Dès lors, peut-on envoyer nos militaires risquer leur vie en Afghanistan pour défendre ces valeurs universelles dont nous nous réclamons tous, et laisser nos rues envahies par ce symbole de leur négation ?
La représentation nationale doit être unanime pour condamner cette pratique sur l’ensemble de notre territoire.
Marie-Françoise Hostalier

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