Je tenais à vous manifester mon soutien dans la croisade que vous menez contre la montée des extrêmes islamistes qui gangrènent notre pays. Je ne souhaite pas forcément que vous publiiez mon témoignage, si cela devait être fait, je préférerais pour éviter tout problème dans mon entourage, que vous ne communiquiez pas mon nom. Je suis jeune, j’ai vingt-deux ans, étudiante en Master enseignement (d’où mon désir de préserver mon anonymat). Je suis toujours assez amusée de lire que seules les personnes avec un niveau d’études très limité sont tentées par les extrêmes et que les gens lettrés votent à gauche, car dans mon entourage proche constitué en grande partie de personnes titulaires de Master ou en cours d’études supérieures, je ne vois que des citoyens français déçus par ce pays et ses politiques, prêts à voter pour les extrêmes en 2017…
Mes parents ont toujours voté à gauche. Enfant d’ouvriers pour l’un, d’enseignants pour l’autre, ils ont voté François Mitterrand et ont toujours été de ceux qui tendent la main pour aider leur prochain. D’enfant d’ouvriers, ils sont devenus cadres, ne rechignant pas devant les heures supplémentaires, travaillant d’arrache-pied. Et ils ont aidé leur prochain. Toute leur vie. Jusqu’à prêter des sommes colossales à des membres de leur famille qui leur crachent dessus aujourd’hui. Aujourd’hui encore, retraités, ils sont devenus bénévoles au sein d’un organisme très connu de tous. Toutes les semaines, ils reçoivent des gens qui n’arrivent plus à faire vivre leur famille. Toutes les semaines, ils leur servent à manger. Participent à l’aide aux devoirs dispensée pour leurs enfants. Et toutes les semaines, on omet de leur dire “Bonjour”, “S’il vous plaît”, “Merci”. Par contre, ils entendent bien plus d’une fois : “C’est pas halal ça, j’en veux pas”, “Moi je veux ça”, “Va te faire foutre”. Une partie des bénéficiaires sont des Français qui respectent leur pays et ses valeurs, qui, si leurs racines françaises ne remontent pas à Charlemagne, ont parfaitement fait leur travail d’assimilation. L’autre partie, qui exige tel aliment comme s’ils étaient au supermarché, qui insulte et qui proteste, est composée de français, pour certains, qui n’ont aucun respect de leur pays, qui vivent ici sous un voile, sous une djellaba, en parlant arabe, et non français, en insultant…et en volant. L’autre partie est composée de personnes fraîchement immigrées. Tous ne sont pas comme cela, oh non, merci. Mais beaucoup trop.
Dois-je parler de cette jeune femme d’origine marocaine, divorcée de son cousin qui n’ose pas prendre de la viande lorsqu’elle n’est pas halal car son ancienne belle-famille la menace ? Dois-je parler de cette même jeune femme qui porte le voile ici, en France, sous la contrainte, toujours sous la menace de son ancienne belle-famille, alors que de son propre aveu, elle ne le portait pas dans son pays d’origine ? Dois-je parler toujours de cette jeune femme, qui, aussi aimable et courtoise soit-elle, a droit à 900 euros de RSA par mois, n’ayant jamais travaillé en France, alors que ma propre sœur (payant ses impôts en France, née en France…) qui croule sous les dettes depuis des années, à cause de la crise, serait sous les ponts avec mari et enfant si mes parents ne les hébergeaient pas à titre gracieux ? Dois-je parler de ce petit garçon de deux ans, habillé en djellaba qui brandit son poing à l’attention des bénévoles quand ils lui demandent de laisser des bonbons pour les autres enfants après qu’il en ait ingurgité une dizaine ? De cette bénévole qui s’est faite agresser par une bande de jeunes des cités parce qu’elle a refusé de donner des Kinder à une dame car les bénévoles doivent en faire profiter tout le monde à tour de rôle ? De cet homme qui a conseillé à ma mère d’aller se faire sodomiser parce qu’elle lui a expliqué que, comme ils n’avaient pas beaucoup de lait cette semaine, celui-ci était réservé aux familles avec enfants ? De cet homme qui a deux femmes ? De cet homme qui a dix enfants parce que “vous êtes là pour nous nourrir, vous” ? De cette femme qui a deux enfants de trente ans sur sa fiche de renseignements. Deux enfants qui ne travaillent pas et mangent parfois mieux que celui qui se lève tous les matins sans parvenir à boucler ses fins de mois.
Je suis écœurée. Je ne sais plus si je dois être admirative de voir mes parents rester pour les gens qui les remercient avec un sourire à vous faire fondre le cœur, ou si je dois les trouver bien bêtes d’être là pour l’autre catégorie qui leur crache dessus. Je suis écœurée et j’ai peur pour l’avenir de mon pays. Oui, j’ai peur. J’ai peur quand je vois que la petite vendeuse qui travaille chez mes beaux-parents s’est faite agresser par un jeune maghrébin qui lui a hurlé “dans mon pays, on te tiendrait en laisse. Je vais revenir avec toute ma famille pour t’apprendre à respecter tes supérieurs, sale femelle”. Oui, c’est énorme. Tellement que lorsque je rapporte ces propos j’ai peur que ce soit tellement gros que l’on me juge menteuse. J’ai peur quand, lors de mon dernier stage dans une zep, j’ai vu qu’en Musique, les enfants apprenaient des chants arabes car la classe était composée à 95% d’enfants issus de populations maghrébines. J’ai eu peur en découvrant que le “Joyeux anniversaire” était chanté en arabe. J’ai été choquée quand, à la fête de l’école de mon neveu, on a demandé aux parents d’élèves d’éteindre leur cigarette car “on ne fume pas dans l’enceinte de l’école” mais que l’on a laissé les mères voilées déambuler dans toute l’école sans leur rappeler que, s’il n’y a pas de tolérance envers les fumeurs, il n’y en a pas non plus pour celles qui violent la laïcité.
J’ai bien peur que les choses aillent de pire en pire. Dans mon entourage, j’entends tous les diplômés marmonner qu’ils vont quitter le pays. Qu’ils seront mieux payés ailleurs. Qu’ils n’auront pas peur que leurs femmes et leurs enfants se fassent tuer et que le tueur soit relâché pour bonne conduite au bout d’un an. Tant de monde, écœuré par notre pays. Notre si beau pays que j’aime tant. J’ai toujours été fière de notre culture. Nos châteaux. Notre Histoire. Notre gastronomie. Nos créateurs. Notre architecture. Nos si beaux paysages. Notre si belle langue que j’ai tant étudiée lors de ma licence. Je ne suis pas une Française de “pure souche”. Non. Je l’aurais été si ma mère avait fait un enfant toute seule. Mon père a des origines siciliennes. Dans les années 50 quand ils sont arrivés, les italiens n’étaient pas bien vus. Mais ils se sont adaptés, sans perdre leur culture, sans perdre leurs racines. Ils ont adopté les traditions de leur pays d’accueil. J’aimerai que les Français d’origine maghrébine en fassent tout autant. J’aimerai que les matchs de foot ne donnent pas lieu à des émeutes. J’aimerai pouvoir remballer un garçon maghrébin trop entreprenant sans qu’il m’accuse d’emblée de racisme, même si je lui explique que ma réponse aurait été la même quand bien même il aurait été chinois, indien, britannique ou français. J’aimerai que ma sœur bénéficie de toute l’aide que l’on lui aurait donnée si elle avait porté un autre nom de famille.
Alors, je m’interroge.
Suis-je raciste ?
Je ne suis pas quelqu’un de bête, tout de même. J’ai été bien élevée. Je n’ai pas été élevée par la télévision aux programmes abrutissants. J’ai été initiée aux débats politiques très jeune, et mes parents ont toujours voté à gauche. Même si désormais, ils ne sont plus si convaincus que cela par ce parti politique qui les déçoit…J’ai énormément lu. Je lis encore énormément. J’essaye de toujours faire preuve d’empathie. Et j’ai fait des études, ce qui, à en croire certains journalistes, m’exclut d’emblée du cercle des racistes, constitués de gens peu érudits, à les lire. Alors, suis-je raciste ? Suis-je raciste de ne pas trouver cela normal que mes parents, bénévoles, se fassent agresser parce qu’ils n’ont pas assez de lait pour tout le monde ? Parce qu’ils n’ont pas QUE de la viande halal ? Suis-je raciste, si j’ai envie de pleurer en voyant une femme voilée, alors que tant d’autres se battent pour l’ôter ? Suis-je raciste, moi, l’enseignante stagiaire qui avais envie d’arracher ces enfants à leurs familles qui les privaient d’aller en cours pour qu’ils gardent l’énième bambin qui vient de naître. Ces familles qui n’étaient pas à jour dans les vaccins, qui ne venaient jamais à notre rencontre. Je ne voulais pas renvoyer ces enfants dans le pays d’origine de leurs parents ou grands-parents. Non. Je voulais leur montrer combien un sapin de noël peut être rigolo à décorer, combien il peut apporter de la féerie au quotidien. Sans pour autant leur demander de rejeter leurs fêtes traditionnelles. Je voulais leur montrer combien lire des contes peut être enrichissant, combien l’art de parler peut remporter bien des batailles et humilie parfois bien plus qu’un coup de poing. Même si le grand-frère se moque de leur façon de se comporter comme des “jambon-beurre”. Je voulais leur montrer qu’ils pouvaient être médecin, avocat, maîtresse d’école ou même hôtesse de l’air. Alors, suis-je raciste ?
Soit, alors. Je suis raciste. Même si je ne colle pas à la définition du mot “raciste”, appelez-moi ainsi. J’aimerai juste qu’il y ait plus de racistes comme moi. Des racistes qui aideraient les enfants à s’intégrer à notre si belle culture, qui condamneraient les écoles qui, au lieu de les tirer vers notre culture, les fait stagner dans la leur. Des racistes qui feraient du bénévolat et rentreraient avec l’estomac noué après s’être fait insulter par une maman dont le petit garçon leur aurait brandi le poing comme pour les frapper. Des racistes qui n’acceptent pas la prière dans les rues. Mais qui reçoivent Aïcha à dîner. Et bizarrement, Aïcha leur dirait “J’ai honte de ces gens. Vous avez hérité de la racaille ici, crois-moi que dans notre pays, ils n’oseraient pas faire le quart de ce qu’ils font ici. J’ai honte. Moi-même ils me rendent raciste alors que nous venons du même endroit. C’est à cause d’eux que les gens comme moi qui s’intègrent sont tout de même pointés du doigt”.
Merci, Aïcha. Merci de laisser ta fille de dix-sept ans se maquiller et porter un short quand les beaux jours arrivent, au lieu de l’obliger à porter un vieux jogging quand il fait quarante degrés. Merci de dire à ton fils aîné que sa sœur a le droit d’aller boire un verre avec ses amies le samedi après-midi, même si un garçon qui s’appelle Pierre Dupont se joint à eux et qu’elle lui sourie. Merci, Aïcha de t’intéresser à Noël et d’amener des loukoums après l’Aïd parce que tu te disais que ce serait bien qu’on les goûte. Merci, Aïcha et je suis tellement désolée pour toi que certains te dévisagent d’un air peu amène parce qu’une autre Aïcha porte le voile intégral et que son mari a frappé un policier lors d’un contrôle d’identité. Je suis tellement désolée qu’ils agissent ainsi et je ne sais pas quoi faire pour que les choses s’améliorent.
Alors, désolée.
Pour toi. Pour moi. Pour leurs enfants. Et nos enfants. Pour le pays de demain.
Natacha Lemoine