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J’ai connu Geneviève Lhermitte, qui a tué ses cinq enfants et vient de mourir

 

Le quintuple infanticide commis par Geneviève Lhermitte a marqué tous les Belges en 2007.

https://www.msn.com/th-th/video/other/genevi%C3%A8ve-lhermitte-euthanasi%C3%A9e-16-ans-apr%C3%A8s-la-mort-de-ses-enfants/vi-AA187qtg

Elle avait été condamnée à la perpétuité pour l’assassinat de ses 5 enfants à Nivelles. Son avocat avait plaidé l’état de démence, la jugeant non responsable de ses actes, mais les jurés n’avaient pas retenu cette thèse. En 2019, cependant, elle avait pu quitter la prison de Forest pour intégrer un centre psychiatrique. Elle y avait passé 2 ans, avant de rejoindre une structure plus souple, mais elle l’avait ensuite réintégré après une autre tentative de suicide.

Pendant 8 ans, j’ai joué à la bibliothécaire volontaire à la prison pour femmes de Bruxelles (*). Elle venait souvent et je me suis prise, sinon d’amitié, tout de même d’intérêt pour elle. Elle jouait de la flûte traversière et du violon, et travaillait ses instruments dans sa cellule. Deux autres détenues étaient également musiciennes, j’avais proposé de créer un petit ensemble, mais la direction, qui refusait systématiquement tout ce que je proposais, a décliné. Je lui ai donc recherché des partitions sur IMSLP et les lui ai apportées régulièrement.

C’est mon avis, et je ne suis pas médecin, mais elle était gravement malade et sa place n’était pas en prison. Je me contente de l’écrire.

Geneviève Lhermitte, une petite fille à qui ses parents n’ont jamais dit qu’elle était jolie. Bourrée de complexes, prête à tout pour une miette d’affection, elle rencontre Bouchaïb Moqadem. Ils se marient quelques mois plus tard. Lui, le dictateur, elle le ventre.

 

Bouchaib a “reconstruit” sa vie avec une spécialiste en droit islamique

Profondément dépressive, elle confie sa souffrance à un psychiatre. Contrainte d’abandonner son métier d’enseignante, elle vit recluse depuis son mariage. La veille du drame, elle témoigne de son mal-être à son mari qui préfère partir en voyage au Maroc avec oumma, la laissant seule avec ses 5 enfants.

Moqadem passait de longues heures loin de chez lui, habitué des bars et des spas. Il faisait plusieurs voyages chaque année, sans elle, pour rendre visite à sa famille à Marrakech.

Comme toutes celles qui n’ont pas l’habitude qu’on s’intéresse à elle, elle était heureuse de me voir, un jeudi sur deux, quand je venais frapper à sa porte pour lui demander si elle voulait de la lecture. On parlait beaucoup. Les femmes ont le droit de rester 30 minutes dans la bibliothèque et de s’entretenir avec les autres. Nos provisions de Kleenex ne faisaient jamais long-feu.

Elle a commencé à m’écrire, sans connaitre mon adresse, la prison me relayait ses lettres. Un jour, j’ai eu droit à une confession intégrale que je n’ai pu lire jusqu’au bout.  Je ne pouvais pas, je ne voulais pas. Je l’ai mise de côté dans un tiroir quelque part dans mon bureau, sans la lire.

Terriblement seule, elle a commencé à entretenir des relations avec un détenu du mitard d’en face, qui l’observait de sa fenêtre lorsqu’elle se promenait dans le préau, le bagnard, violeur récidiviste, a été libéré et pouvait donc venir la voir régulièrement. Voilà qu’un jeudi, elle me montre fièrement une bague de fiançailles. C’est par les journaux que j’apprends son mariage au sein de l’établissement, je n’ai pas été invitée, elle s’est contentée de prier trois gardiennes. J’aimerais profiter de l‘occasion pour affirmer que dans cet établissement, la plupart des agents sont remarquables, ont du cœur et s’occupent gentiment des paroissiennes. Jamais de gros mots, toujours des « madame, s’il vous plait ». J’ai assisté à des scènes attendrissantes d’agentes de sécurité donnant la becquée à des semi-monstres, les consolant, les écoutant. Que n’aurais-je à l’époque, écrit mes souvenirs !!  Admirables surveillantes.

Elle a été euthanasiée, 16 ans jour pour jour après avoir tué ses 5 enfants.

Elle a poussé son dernier soupir avant-hier, à l’âge de 56 ans, à l’hôpital Léonard de Vinco sur le site de Vésale, à Montigny-le-Tilleul (Sudinfo). Les funérailles auraient déjà eu lieu au crématorium de Gilly. Les raisons de son euthanasie pourraient être liées à une souffrance psychique insupportable, mais sans certitude encore à l’heure actuelle.

C’est par le journal que je viens de l’apprendre. Pauvre petite fille, j’ai le cœur gros, mais suis heureuse que tout soit fini pour elle.

Anne Schubert

(*) Inutile de me congratuler, j’avais vraiment besoin de côtoyer des enfermées. Ma mère avait l’habitude de me séquestrer dans les WC dès la première sottise, j’y ai passé des heures à contempler les carreaux bleus et blancs en imaginant des châteaux forts, des manèges, et même des animaux exotiques. Des années plus tard, à la radio, j’avais entendu une réalisatrice parler d’une pièce de théâtre qu’elle montait avec des détenus, j’ai pensé que ce serait un bon remède, c’était donc purement égoïste. De toutes façons, rien de glorieux, je me suis fait limoger par la directrice à cause de mon manque d’indulgence vis-à-vis des détenues musulmanes se goinfrant de gaufres liégeoises en plein rama-dent-dure.