Jean-Luc Nobleaux : Rien ne justifie l'acharnement du gouvernement contre les automobilistes

Riposte Laïque : En 2009, vous avez publié, aux Editions Tatamis, le livre “Radars, le grand mensonge”, dont j’avais fait une critique dans Riposte Laïque. (1) Dans cet ouvrage, vous n’avez pas de mots assez durs contre la politique de la sécurité routière, et vous estimez que la multiplication des radars n’a rien à voir avec la baisse du nombre de victimes de la route. Laisseriez-vous entendre que ces radars ont davantage des objectifs économiques que sécuritaires ?
Jean-Luc Nobleaux : La « baisse du nombre de victimes de la route », est effective et régulière dans toute l’Europe depuis au moins 20 ans. Mais en France – les chiffres sont clairs – elle a cessé avec l’apparition des radars ! Ceux-ci ont été implémentés à partir de 2004 par la dream team parisienne de M.Sarkozy avec deux objectifs majeurs : profiter d’une partie du magot récolté, et multiplier les mouchards électroniques sur nos routes dans un but de future surveillance globalisée. La « sécurité routière » n’est ici pas prise en compte, elle n’est qu’un prétexte pour mettre en place ce quadrillage du réseau routier. ..
Jean-Luc Nobleaux (à gauche) auteur de Radars, la grande imposture, et son éditeur, Jean Robin (à droite). 
Riposte Laïque : Pourriez-vous, pour nos lecteurs, situer la politique de la France, sur la sécurité routière, par rapport aux autres pays européens ?
Jean-Luc Nobleaux : En terme d’accidentologie, la France est un bon élève européen en regard du nombre de véhicules circulés, de son dense réseau routier, et de sa position géographique (carrefour de l’Europe). En clair, aucune « hécatombe routière » ne justifie un tel durcissement sécuritaire. Parallèlement, certains pays (comme le Portugal) obtiennent une rapide amélioration de la mortalité routière sans l’aide d’un seul radar… D’autres, comme l’Angleterre, se servent des flash (speed-cameras) pour réellement prévenir les accidents. La France, seule, se signale comme le pays des activistes en sécurité fictive, de la répression Cruchot et du « tout radar » comme réponse unique à un problème inventé. Le bureau de notre « Sécurité routière » est carrément fantoche, il est même appelé « bureau des bras cassés » par les autres fonctionnaires.
Riposte Laïque : Depuis la sortie de votre livre, de nombreux débats ont eu lieu, notamment sur les conditions de restitution du nombre de points perdus. On sent le gouvernement conscient des risques d’impopularité de sa politique, mais soumis à la pression d’associations comme la LCVR (Ligue contre la violence routière) et sa présidente, Chantal Perrichon. Pensez-vous que nos dirigeants aient une véritable stratégie, ou qu’ils naviguent à vue ?
Jean-Luc Nobleaux : Nos dirigeants ont une véritable stratégie sur le sujet (c’est d’ailleurs assez rare pour être signalé), car ils y trouvent un intérêt. Tout est dans leurs cartons depuis 2002/2003, et les mesures sortent quand la conjoncture est considérée comme favorable. Quant à la LCVR, existe-t-elle vraiment ? C’est quasiment une coquille vide financée par l’Etat, et Chantal Perrichon (sorte de lady gaga aux thèses 100% répressives) n’est qu’une marionnette agitée par le gouvernement – une fonctionnaire complice donc -, destinée à amener doucement les mesures les plus brutales envers les usagers de la route (le coup du méchant flic et du bon flic).
Riposte Laïque : Que pensez-vous des stages pédagogiques mis en place pour récupérer un certain de nombre de points perdus, moyennant finance ?
Jean-Luc Nobleaux : Très malin. C’est du pur marketing. Le verbalisé paie à tous les étages pour sauver ou récupérer son permis. Et c’est aussi un moyen pour le gouvernement de faire profiter les « acteurs de la route » du fantastique pactole généré par le mitraillage des radars. Auto-écoles, Prévention routière, Automobiles clubs, etc. tous s’engraissent grâce aux stages de récupérations de points, ce qui dissout en même temps une bonne partie de la contestation éventuelle.
Riposte Laïque : A présent, ce gouvernement commence à faire retirer les panneaux de signalisation des radars, ce qui risque d’aggraver le nombre d’automobilistes verbalisés. Manifestement, les députés UMP font remonter le mécontentement de leur base, puisque François Fillon a été chahuté, ce mardi, par le groupe parlementaire. Pourquoi une telle attitude d’un gouvernement, à un an des élections ?
Jean-Luc Nobleaux : Le pauvre Fillon a été expédié en première ligne, mais la décision vient de Nicolas Sarkozy. Celui-ci espère que la suppression des panneaux va booster le chiffre d’affaire des radars. Depuis peu 30% du pactole est redistribué au budget de l’Etat ! Et puis, justement, l’élection présidentielle revient et il va falloir remplir les caisses de campagne. Le premier dossier du « Canard enchaîné » sur le financement des partis politiques est paru au début des 80’s, relisez-le, il est toujours d’actualité. Plus les sommes sont énormes, plus il est facile pour eux d’en capter une partie, d’une façon ou d’une autre. Dans mon livre, je pointe l’opacité des flux financiers dans cette nébuleuse « radars », mais ce qui est clair aujourd’hui, c’est que l’équipe présidentielle semble prête à prendre des risques pour gonfler le magot.
Riposte Laïque : Vous ne cachez pas votre sympathie aux principes républicains, et vous estimez que cette politique ultra-répressive, notamment par l’implantation de plus en plus de radars, est la face visible d’un projet de société des plus inquiétants pour nos libertés. Pouvez-vous éclairer cette vision, pour nos lecteurs ?
Jean-Luc Nobleaux : Effectivement, le système « radars » est appelé à devenir le premier flic de France. Certains rapports confidentiels ont été publiés, notre Président semble hypnotisé par la chose policière. Les milliers de cabines grises seront bientôt polyvalentes et joueront le rôle de Very Big Brother. Les gens qui ont mis en place le système « radars » et ceux qui travaillent à l’ANTS (Agence Nationale des Titres Sécurisés / nos nouveaux papiers d’identité) sont les mêmes : Raphaël Bartold, les ingénieurs de la Sagem SD, etc. Lecture automatique des plaques d’immatriculation, reconnaissance biométrique, instauration d’un unique et giga fichier… tout est dans mon livre. Le but du projet est pour notre « administration » de bientôt pouvoir d’un seul clic, fliquer l’ensemble des citoyens actifs (97% d’entre eux possèdent un véhicule) via leurs véhicules et déplacements. Cette nouvelle société du contrôle est en marche, et c’est le plus inquiétant. D’autant que cela ne semble pas déranger grand monde, et surtout pas mes collègues journalistes (à quelques rares exceptions près).
Riposte Laïque : Certains parlent de 1 à 2 millions de Français qui conduiraient sans permis de conduire. Ce chiffre vous parait-il sérieux, et n’y voyez-vous que la conséquence de la répression routière ?
Jean-Luc Nobleaux : Cette sur-répression engendre une sur-délinquance : conduite sans permis, fausses plaques, trafic de points ou de papiers, délits de fuite, mais aussi insolences ou agressions envers les forces de l’ordre. Car le policier de base est désormais méprisé ; devenu auxiliaire fiscal, il est détourné de sa mission première, la protection du citoyen. La conséquence la plus grave de cette mobilisation des FDO sur le bord des routes (avec quotas de PV à remplir) est la flambée parallèle de l’insécurité, réelle celle-ci. Les policiers ne peuvent être partout, d’autant qu’on réduit leurs effectifs. Quant on aperçoit 4 pandores occupés à traquer les automobilistes à la jumelle à l’entrée de Corbeil-Essonnes, alors que ces mêmes pandores sont interdits de séjour par des petits caïds de 18 piges dans la fameuse cité des Tarterêts juste derrière, on ne peut qu’être estomaqué par la façon dont fonctionne notre République.
Riposte Laïque : Comment réagissez-vous au fait que, depuis des années, la seule force politique qui paraisse défendre les automobilistes soit le Front national ?
Jean-Luc Nobleaux : Je ne me l’explique pas. Je viens d’une famille fortement ancrée à gauche et je suis le premier sidéré par cette incroyable désertion du terrain, de la part du PS notamment. Pourtant, nous parlons ici liberté de déplacement (un fondement de notre Constitution) et liberté tout court ! Mais la réalité n’a plus aucune prise sur les gens du PS. Ne parlons pas de leurs grotesques alliés Les Verts, de vrais sociopathes. Sur le sujet de la route et des transports (et sur d’autres sujets dits « sensibles ») la réflexion du Front national est c’est vrai, beaucoup plus pragmatique, plus proche des gens et du terrain. J’ai envie de dire plus « normale » ! Je signale que Nicolas Dupont-Aignan (« Debout la République ») s’est lui aussi récemment inquiété de cette dérive sécuritaire qui pourrit la vie des usagers de la route…

Riposte Laïque : Si la question des radars parait faire débat, il semble y avoir consensus sur l’alcool, voire de temps en temps des pressions pour accentuer encore la répression, et les limites. Pensez-vous que la situation actuelle (0,5 g) est satisfaisante, ou bien qu’il faut, comme dans certains pays scandinaves, la ramener à 0,2 g, et accentuer encore les sanctions ?
Jean-Luc Nobleaux : Je me sens concerné car je suis moi-même handicapé suite à un accident de la route. En 1990 j’ai été percuté (alors que je roulais en moto) par une ivrognasse qui accusait 2.9g d’alcool dans le sang. Plus d’un accident de la route sur trois est causé par l’alcool, c’est un fléau, surtout sur les départementales les nuits de week-end. Toutefois, nous sommes dans une spirale sécuritaire tellement démente qu’il ne me viendrait pas à l’idée de demander de nouvelles lois répressives. Il faudrait déjà que nos forces de l’ordre soient capables de faire respecter celles qui existent déjà, et faire leur boulot de prévention. Ce qui n’est pas le cas.
Riposte Laïque : Pensez-vous que la question de la sécurité routière, et de la répression, puisse peser fortement sur les prochaines élections présidentielles ? Sentez-vous vraiment un sentiment de ras’l’bol des automobilistes ?
Jean-Luc Nobleaux : Les « automobilistes » forment une catégorie d’autant plus stigmatique qu’ils ne sont pas une communauté capable de se mobiliser et se défendre. Les automobilistes c’est tout le monde, un « marché » fabuleux et sans défense. Alors nos dirigeants en profitent à bloc : division, culpabilisation, ponction et punition… Mais il ne fait pas de doute que Monsieur Toulemonde – dont la seule arme est le vote -, est aujourd’hui exaspéré dans son quotidien par ce stupide harcèlement, et par l’impéritie et les mensonges de notre toute-puissance publique entre autres choses. Et le vote de protestation ne peut que prendre de l’ampleur.
Propos recueillis par Jeanne Bourdillon
(1) http://ripostelaique.com/Radars-le-grand-mensonge-de-Jean.html

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