Journal de bord depuis un vaisseau en détresse
Passager d’un vaisseau en détresse perclus d’avaries de toute parts, voici mes notes au fil de l’eau…
Le syndrome de la grenouille
« Si l’on plonge subitement une grenouille dans de l’eau chaude, elle s’échappe d’un bond. Alors que si on la plonge dans l’eau froide et qu’on porte très progressivement l’eau à ébullition, la grenouille s’engourdit ou s’habitue à la température pour finir ébouillantée”. (1).
Cette fable a fait les beaux jours des « chaînes épistolaires », puis du faxlore, du xeroxlore (2), des rumeurs par mails, des légendes urbaines, des réseaux sociaux…
L’absence de réactions efficaces, soit démocratiques, soit policières, face aux désordres violents engendrés depuis plusieurs années par des mouvements protestataires semblent correspondre à ce narratif. La grand majorité des Français, en effet, font le gros dos, attendre de voir passer l’orage pour continuer à se faire enfler en paix. Moi y compris. Je ne suis pas John Rambo.
Ce jeu pourri, bien verrouillé, amené progressivement depuis 1968, évoque aussi, irrésistiblement, la théorie (controversée) du « capitalisme du désastre » décrit par Naomi Klein dans « La stratégie du choc » (3). Un cataclysme majeur (naturel, sociétal, économique…) laisse derrière lui des ruines à reconstruire en faisant « table rase » du passé. Avec de nouvelles règles inacceptables auparavant.
Toutes les forces en présence en France le savent. Certaines projettent déjà d’en profiter, pensant s’en faire un tremplin pour imposer des remèdes de cheval drastiques. Le problème, avec le chaos, c’est son imprévisibilité, par définition. Seuls les mieux organisé peuvent en tirer profit. Des organisations mondiales par exemple, au hasard…
Le principe des milices
Éric Zemmour, comme d’autres chroniqueurs, s’est étonné, une fois de plus, à la suite des manifestations (gilets jaunes, réforme des retraites, méga bassines de Sainte-Soline…) de l’impunité des casseurs professionnels infiltrés parmi les manifestants, en particulier s’ils sont de la partie extrême-gauche de l’échiquier politique. C’est devenu une banalité. Mai 68 avait mis la mode au pays, un demi-siècle plus tard, la pensée gauchiste nous fait une puberté tardive, dans un contexte social beaucoup plus dégradé. La France a une poussée d’acné purulente.
En 50 ans, ce courant est devenu hégémonique dans de nombreux milieux (culture, université, éducation nationale, journalisme, littérature…), dictant sa loi, imposant sa règle du jeu, pratiquant l’exclusion, l’excommunication. Sans avoir, durant cette période, rencontré de résistance de la part des différents pouvoirs en place, au mieux accommodants par lâcheté politique, au pire complices par intérêt électoraliste.
Il est trop tard pour résister, le mal est fait, les milices sont là. De nombreux groupuscules extrémistes (de gauche) se sont organisés, ont des moyens financiers, des réseaux de protection, d’infiltration, d’information, voire d’exfiltration. Comme les S.A. de Ernst Röhm dans les années 20 puis 30, fondés, interdits, finalement refondés, armés, avec un blanc-seing du pouvoir en place (grâce à eux) pour être son bras armé « privatisé ». La riposte est-elle encore possible ? Rien n’est moins sûr. Au milieu du chaos, les milices ont l’avantage d’être équipée, armées, structurées, ubérisées, elles aussi. Appuyées, peut-être, à un pouvoir occulte devenu leur commanditaire, elles peuvent être devenues son exécuteur des basses œuvres. Sans aucun risque.
Le mythe du travail
La réforme des retraites est illégitime pour beaucoup de Français. Hélas, elle a progressé à bas bruit, comme le recul des acquis sociaux, au moins depuis l’époque Mitterrand, avec la complicité des syndicats acceptant cette reculade au nom d’un « réalisme économique» à l’Allemande.
D’aucuns considèrent l’appel à l’effort, au sauvetage du « modèle social à la Française », biaisé à la base par un pouvoir dédié aux riches. Certes, les travaux des sociologues Monique et Michèle Pinçon-Charlot (4) sur les ultra-riches, sur leur violence symbolique (pas seulement) entraînant un choc en retour très réel, ont défriché le tableau de ce monde de privilégiés très fermés.
Pourtant, l’âge de la retraite pose tout de même un problème plus profond, pas seulement économique. Celui du sens de l’existence. Perdre sa vie pour la gagner ? C’est une réalité pour le Français lambda. Cela le fut pour des générations avant nous. Est-ce pour autant une équation encore valide ?
Depuis très longtemps, le travail, pour la plupart d’entre nous, n’est pas un moyen de s’élever socialement, pas un lieu d’épanouissement personnel, pas une source d’enrichissement, pas un outil pour améliorer son niveau de vie. Salaires minables, promotions lentes, voire inexistantes, non-respects des lois, des conventions collectives, des acquis, inefficacité des Prud’hommes, stress, management à la terreur, religion de la performance, précarité, ubérisation, chômage…
Pour se faire le chantre du travail, il va falloir repasser. A moins de revoir complètement les règles du jeu pour un partage plus équitable des richesses comme du temps de travail.
Les robots arrivent, ils ne se syndiquent pas, ne font pas grève, ne cotisent à aucune caisse. La « manne » restante, pour « gagner sa vie », il faudra la répartir. Sauf à créer une société où l’assistanat se généralisera pour devenir un puissant lubrifiant social. Le « salaire universel », en la matière, est un piège mortel mettant chaque « citoyen subventionné » en dépendance totale vis-à-vis de son dealer de fric, l’Etat. A même de fermer le robinet si bon lui chante. Alors, dans un monde où la monnaie fiduciaire n’existera plus, remplacée par l’argent numérique, même être clochard sera impossible.
Certains militent pour un droit à la paresse, comme si c’était la panacée au malheur ouvrier. Les économies dites « parallèles », les pires, dans le genre capitalisme violent, sont ainsi devenues des miroirs aux alouettes, avec leurs choufs payés, pour une journée de surveillance, l’équivalent d’un smic (en liquide exonéré d’impôts). Parfois aussi récompensés d’une rafale de kalachnikov. No pain, no gain…
Cependant, d’où est venu l’exemple, au départ ? Des riches, de la bourgeoisie, des rentiers, de la jet-set, des pipoles. D’où un mimétisme stupide de la part des hordes de crétins fabriqués avec soin par l’éducation nationale. Il est plus facile de s’emparer de leur « temps de cerveau disponible » pour leur vendre de la trash-télé, des programmes débilitants, des fringues, des boissons gazeuses, des gadgets, des consoles, des téléphones, des jeux vidéo…
Pendant un temps, la casse industrielle, les délocalisations, la mondialisation, ont permis de leur fournir du rêve: les pauvres bossaient pour permettre aux enfants gâtés d’avoir des joujoux par milliers… à vil prix. Hélas pour eux, la boucle est bouclée, le tiers-monde c’est maintenant, c’est ici. Petit papa Noël est devenu Père Fouettard. Du coup, ils font un caprice. Avec un smic « ad vitam aeternam » (dans le meilleur des cas), une retraite à 70 ans (voire plus si affinités), une pension étique, pour eux, les lendemains vont chanter faux.
Le cloaque comportemental
En furetant sur internet, j’ai découvert une expérience scientifique évoquant les lignes précédentes : celle du cloaque comportemental (5). Élaborée par l’éthologue John B. Calhoun en 1962, elle dépeint, même s’il s’agit de rats, même si c’est au niveau de la métaphore, notre planète en 2023.
« Le terme cloaque (lieu destiné à recevoir les immondices) est choisi à dessein car les comportements observés sont en fait une augmentation de l’apparition des pathologies observées dans un groupe donné. Les animaux mis dans une situation anormale de surpopulation vont être plus agressifs, des perturbations de l’activité sexuelle et des perturbations dans l’organisation sociale vont apparaître. » (5).
Si vous êtes curieux, je vous conseille de vous y intéresser : elle réduit à néant la plupart des théories du complot en expliquant scientifiquement certains phénomènes…
La doctrine tactique
Pour la plupart des gens, les armes nucléaires, c’est la Troisième Guerre mondiale. Peu d’entre nous savent la différence séparant les « tactiques » (6) des « stratégiques » (7). Elle est subtile. Le Diable étant dans les détails, la définition varie… selon les pays.
En France, « Une arme nucléaire stratégique est une arme dont l’emploi ou la menace d’emploi ne peut qu’exclusivement ressortir, conceptuellement et structurellement, de la plus haute autorité de l’État. » (7). C’était le cas des chars Pluton dotés d’ogive tactiques, relevant d’une artillerie nucléaire, disparus depuis belle lurette dans notre arsenal.
Ailleurs c’est… open bar. Déjà, du temps du Pacte de Varsovie (8), les missiles autoportés (NBC) étaient censés dépendre du Kremlin. Aucune certitude n’existait, à l’époque, sur la sécurité de ce système en cas de conflagration en Europe. Par ailleurs, les situations de « conflit interne à l’URSS » (Insurrection de Budapest en 1956, Printemps de Prague en 1968), grâce à la puissance de l’Armée Rouge, a permis de régler les problèmes avec des forces conventionnelles, notamment blindées. Aujourd’hui, la donne a changé, le conflit en Ukraine peut dégénérer, contaminer les pays limitrophes, puis l’Europe. Dans ce cas, un arme nucléaire tactique serait plus facilement utilisée : elle serait censée viser des objectifs strictement militaires. Peut-être même sans déclencher une riposte de grande ampleur. Ce serait la guerre atomique « raisonnable ». Tentant, non ?
De plus, avec des ogives tactiques en liberté dans la nature, personne ne peut certifier la fiabilité de la protection militaire des porteurs de missiles Iskander (9) face à une attaque terroriste.
La stratégie de l’Observatoire
Toute période agitée, pré-insurrectionnelle, semble produire des phénomènes similaires. Ainsi, il est devenu fréquent de voir des figures politiques se dire menacées de mort. Vraie menace ? Instrumentalisation d’une ambiance délétère ? Dans le doute, le principe de précaution prime. Il faut protéger. Dans les deux cas les retombées médiatiques, à notre époque de buzz, sont énormes.
Dans toute bonne rumeur de conspiration, le vrai est indiscernable du faux, le plus souvent. Même si les événements ont réellement lieu. L’attentat de l’Observatoire de 1959 (10) est, dans le genre, une sorte de paradigme : les faits sont avérés, documentés, ils ont eu un grand retentissement dans la presse de l’époque, ils ont agité le Landernau politique, ils ont été traités par la Justice, pourtant, aujourd’hui encore, comme le souligne Wikipédia : « La responsabilité de François Mitterrand dans l’affaire est encore aujourd’hui incertaine. » (10).
L’histoire est pleine de « coups tordus » fomentés par des stratèges machiavéliques dans les fameuses « officines » de l’ombre. Conspiration réelle, événements instrumentalisés, manipulations… La liste est longue. Crier au loup peut rapporter gros en termes d’efficacité sur l’opinion publique. Comme dans le cas de « l’ Affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras » : « Hubert Védrine, conseiller de François Mitterrand et porte-parole de la présidence de la République (1988-1991), a déclaré, sur France Culture le 9 janvier 2015, à propos de ces événements : “Carpentras, c’était une manipulation, largement” » (11).
Certains complots finissent par être démasqués, d’autres ne le seront sans doute jamais, beaucoup ont alimenté la littérature policière, voire le cinéma français comme « L’attentat », en 1972, d’Yves Boisset (12), fortement inspiré par l’assassinat, le 29 octobre 1965, de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka sur le territoire français (13).
La fable de « La chèvre de Monsieur Seguin » d’Alphonse Daudet, elle, se termine mal…
Le concept de la meute
Les loups, justement, ont la réputation de vivre en meutes, de chasser des proies faciles, de choisir des victimes éloignées de leur groupe social, isolées, affaiblies, malades. Cet ennemi immémorial de l’homme, dans l’inconscient populaire, est passé du rang de prédateur à celui d’espèce protégée : « A l’échelle de l’Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne de 1979. Il figure également dans les annexes II et IV de la Directive “Habitat, Faune et Flore” mise en place par l’Union Européenne. » (14). Ainsi, réintroduit sur certains territoires pour ces mêmes motifs, il peut continuer à attaquer des troupeaux sans craindre de représailles : « Sur le territoire métropolitain français, il est protégé par l’arrêté ministériel du 22 juillet 1993 (modifié le 23 avril 2007). Toute destruction est passible de 36 mois d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. » (14). Même si des dérogations existent.
Dans la société française d’aujourd’hui, certains prédateurs humains aussi agissent en meute, ciblant, en particulier, les personnes âgées : chauffards amateurs de rodéos, voleurs à la tire visant un butin facile, vendeurs indélicats prompts à faire signer des bons de commandes juteux… L’émission de Julien Courbet, « ça peut vous arriver », est, dans cette dernière catégorie, une vraie mine pour de futur sociologues (15). Tout cela se déroulant, avec des conséquences parfois mortelles, dans une ambiance de de quasi-impunité.
Les paroles d’une vieille chanson de 1967, écrite par Albert Vidalie pour Serge Reggiani, « Les loups sont entrés dans Paris » (16), semblent faire écho à notre époque pourrie : « Les hommes avaient perdu le goût de vivre, et se foutaient de tout, leurs mères, leurs frangins, leurs nanas, pour eux, c’était qu’du cinéma, le ciel redevenait sauvage, le béton bouffait l’paysage… » (17). Elle décrit avec une acuité certaine notre chaos actuel. Avec, toutefois, une note d’espoir : « Attirés par l´odeur du sang, il en vint des mille et des cents, faire carouss´, liesse et bombance, dans ce foutu pays de France, jusqu´à c´que les hommes aient retrouvé l´amour et la fraternité…. alors… Les loups sont sortis de Paris ».
Augustin Meaulnes
Sources :
– 1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Fable_de_la_grenouille
– 2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Faxlore
– 3 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Strat%C3%A9gie_du_choc
– 4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Monique_Pin%C3%A7on-Charlot
– 5 https://fr.wikipedia.org/wiki/Cloaque_comportemental
– 6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Arme_nucl%C3%A9aire_tactique
– 7 https://www.nato.int/docu/glossary/fr-nuclear/fr-app3.pdf
– 8 https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_de_Varsovie
– 9 https://fr.wikipedia.org/wiki/Iskander
– 10 https://fr.wikipedia.org/wiki/Attentat_de_l%27Observatoire
– 11 https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_la_profanation_du_cimeti%C3%A8re_juif_de_Carpentras
– 12 https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Attentat_(film,_1972)
– 13 https://fr.wikipedia.org/wiki/Mehdi_Ben_Barka
– 14 https://www.vendee.gouv.fr/mieux-connaitre-le-loup-une-espece-protegee-a3741.html#:~:text=A%20l’%C3%A9chelle%20de%20l,les%20esp%C3%A8ces%20prioritaires%20en%20Europe.
– 15 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%87a_peut_vous_arriver
– 16 https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_loups_sont_entr%C3%A9s_dans_Paris#:~:text=De%20l’aveu%20de%20Serge,une%20ode%20%C3%A0%20la%20R%C3%A9sistance.
– 17 https://www.paroles.net/serge-reggiani/paroles-les-loups-sont-entres-dans-paris