Juppé : « les politiques ont une image détestable qu’ils ne méritent pas »

Nous ne l’avions pas revu depuis longtemps et il ne nous manquait pas… puisque le revoilà…

« En 2019, j’ai tourné la page de la vie politique, qui m’a apporté de grands bonheurs et aussi quelques tristesses et quelques souffrances durant quarante ans », insiste dès ses premiers mots Alain Juppé, 78 ans. Dans ses mémoires, Une histoire française, l’ancien Premier ministre dit “jeter un regard sur son passé”. “Comme mon statut actuel [de membre du Conseil constitutionnel] m’interdit de commenter l’actualité politique, je m’attache au passé… Mais le passé peut servir à la compréhension de l’avenir.”

“Je pense que j’ai fait ce que je tenais à faire et je crois que le message que je souhaite adresser est le respect que m’inspire l’engagement politique. Les hommes politiques ont une image détestable, en France comme ailleurs, réputés inefficaces, impuissants, menteurs, pourris. Ils ne méritent pas cette réputation, il y a des moutons noirs, mais au fond des choses, ils sont mus par la recherche du bien commun et le sens du service public.”

Ben voyons !

« Comment se joue le choix d’une vie ? Les uns croient à la prédestination, les autres au hasard. Pour moi, l’inspiration vint d’un de mes profs qui enseignait l’histoire et la géographie. Il me mit un jour dans les mains une brochure de présentation de l’École nationale d’administration. Je n’en avais jamais entendu parler. Le document ne donnait pas vraiment envie, mais les mots tournaient déjà dans ma tête, avec ceux de pouvoir, carrière, politique, prestige… 

Il ne se destinait pas à la vie politique, pourtant sa carrière sera exceptionnelle. C’est en faisant ses débuts à Matignon en 1976, aux côtés de Jacques Chirac, qu’Alain Juppé attrape un virus qui ne le lâchera plus. Dans ses Mémoires passionnants, l’homme raconte près de cinquante ans de vie publique – plusieurs fois ministre, Premier ministre et maire de Bordeaux – et la chance d’une vie si intense. Il se livre sans fard sur son enfance à Mont-de-Marsan, ses racines catholiques, son amour des livres, son attachement à sa famille, à sa terre landaise, sa timidité raide. « Si l’on me trouve parfois sec, c’est mon mimétisme avec le pin des Landes. » Il revient sur ses succès, ses blessures, ses échecs, ses convictions et son éternel optimisme. Avec sincérité et gratitude, voici Une histoire française, celle d’un engagement sans faille pour notre pays. » (Résumé éditeur)

Pour promouvoir son bouquin, il donne donc quelques interviews dont la plus longue, pour le moment, fut Le grand entretien, chez Demorand et Salamé, sur France Inter.

Il est toujours terriblement convenu, donc bien resté lui-même… pas un mot sur Macron, qui l’a fait nommé au Conseil constitutionnel en 2019, à 74 ans… pour arrondir une retraite déjà bien replète mais surtout pour la « gloire ». Il convient de se souvenir qu’il appartient à ce groupuscule de neuf très seniors, avec Fabius à sa tête, lequel ne rate jamais l’occasion de trahir la France et les Français.

S’abritant derrière le devoir de réserve, il ne sort que banalités et lieux communs centristes, façon Juppé.

Évoquant le respect que lui inspire l’engagement politique, il plaide pour sa reconnaissance : « les politiques sont mus par la recherche du bien commun et le sens du service public ».  Il tient vraiment à adorner son image d’énarque altruiste, s’étant sacrifié pour le pays…

 Vous n’en serez pas surpris, Alain déteste toujours autant l’extrême droite. Et c’est toujours un fervent défenseur de l’urgence climatique et de la mondialisation dont « nous avons bien profité »… Lui, très certainement !

Il ne se lâche que sur Poutine, « un paranoïaque » qui « mène campagne contre la décadence de l’Occident, contre la perte des valeurs familiales, contre le mouvement LGBT »… des balivernes qui à l’évidence n’existent pas. Du moins, pour lui…

Le Juppé cavaleur

C’est la seule partie un peu marrante car peu connue : ses infidélités…  Comme l’a noté Nicolas Demorand, Alain Juppé n’hésite pas à se dévoiler sur le sujet : “Vous évoquez votre première épouse, Christine, avec qui vous avez toujours des liens d’amitié aujourd’hui, votre coup de foudre pour Isabelle, la femme de votre vie, mais aussi le démon de midi qui s’est emparé de vous au torrent de la quarantaine” : « J’avais toujours été sensible à la beauté des femmes, la politique multiplie les tentations, j’eus donc des aventures, la plupart sans lendemain ». Pépé doit vouloir montrer que lui aussi fut un tombeur, comme Chirac.

Appelé à en dire davantage sur le sujet, l’ancien Premier ministre botte en touche : “Je n’en dis pas plus ! Vous remarquez que ma confidence ne va quand même pas très loin. Je ne suis pas un monstre froid. J’aime les femmes. J’aime la beauté féminine. J’en conviens parfaitement,” « C’est peut-être pour ça qu’ensuite, à quarante ans, j’ai éprouvé le besoin de batifoler ici ou là. Aujourd’hui, je vis une vie – enfin, je ne vais pas vous raconter ma vie actuelle – très heureuse. »

Dans son livre, il en dit davantage, racontant sa rencontre « romantique » avec Christine, en classe de première. Puis, les hauts et les bas traversés par leur couple.

Il revient aussi sur son coup de foudre pour la journaliste Isabelle Bodin : « Je n’ai toujours pas tiré au clair les conditions dans lesquelles je fis, pendant mes réunions de presse, une rencontre qui allait changer ma vie », écrit-il. « Je reste convaincu que la jeune et jolie journaliste qui attira mon regard portait une jupe d’une vive couleur verte. Isabelle, la journaliste en question, soutient fermement, encore aujourd’hui, que cette vision est l’œuvre de mon imagination et qu’elle n’a jamais porté de jupe verte. Je persiste et signe. Peu importe. “Je tombai en amour”, comme disent mes amis québécois. C’étaient la jeunesse, la grâce, la séduction sous la timidité apparente qui faisaient irruption dans ma vie. Mes liens avec Christine s’étaient distendus depuis quelques années. Je me sentais disponible. Je m’abandonnai donc à mon coup de foudre… qui ne fut pas réciproque. Mais je me dis que la forteresse n’était pas imprenable et j’entrepris d’en faire le siège. Il dura…»

Chauve, antipathique et homme de pouvoirs, il avait des arguments !

Résolument amoureux d’Isabelle, Alain finira par quitter sa première épouse : « Le jour de 1992 où je lui ai parlé de divorce, ce fut une blessure. Mon cœur se serre encore quand je la revois, derrière la vitre de l’appartement où elle s’était installée dans le village Saint-Paul, me regarder traverser, en la quittant, la petite place déserte qui donnait accès à son immeuble », se souvient-il. « On ne met pas, sans douleur, un point final à une vie commune de vingt-sept ans qui fut une belle histoire. »

Un bouquin pour ses fans…

Quant à Juppé, il a pour beaucoup une image détestable qu’il mérite vraiment.

Daphné Rigobert